Et il n’y en a aura jamais là comme en Normandie. Je veux redire encore que les trois sénateurs axonais, qui siègent sur des bancs différents, reconnaissent que notre département est tourné vers la Marne et Reims, vers l’est et non pas vers le nord.
Comment ne pas être déçu du résultat obtenu alors que tout le monde ou presque souscrivait au principe même de cette réforme ? Qu’on se souvienne de toutes les étapes par lesquelles ce projet de loi est passé pour se convaincre que les choix qu’il porte maintenant ne peuvent globalement être frappés au coin du bon sens. Ils sont plutôt frappés au sceau de l’arbitraire.
Au-delà du fond et de l’autosatisfaction ambiante, rappelons-nous quand même la démarche et la méthode législative, qui ne manquent pas de nous interpeller. C’est le 18 juin dernier, jour de son adoption en conseil des ministres, que le projet de loi a été déposé sur le bureau du Sénat et c’est donc le 17 décembre prochain qu’il devra être définitivement adopté par notre assemblée. Il aura fallu, passez-moi l’expression, sept mois de gestation législative pour que ce texte voie le jour alors que vous aviez engagé la procédure accélérée dès son dépôt. Un nouveau record est établi en la matière. Vous me permettrez de signaler au passage que, lors de l’examen de la résolution modifiant le règlement, le groupe RRDP a demandé par la voix de son président Roger-Gérard Schwartzenberg que le Gouvernement fasse savoir s’il engage la procédure accélérée au moment du dépôt des projets de loi et non pas plus tard ; cela nous semble plus convenable et vertueux. Cette réforme et la nouvelle carte des régions auront au moins prouvé votre sens de l’innovation. Non seulement elle aboutit dans certains cas au mariage de la carpe et du lapin, une fable que même Jean de la Fontaine n’a pas osé écrire, mais elle a entraîné deux lectures devant chaque chambre dans le cadre d’une procédure accélérée.
Le Gouvernement s’est enferré dans des contradictions qu’il n’avait pas anticipées. Comme souvent, le principe édicté à l’alinéa 3 de l’article 42 de la Constitution, qui prévoit qu’un délai de six semaines soit respecté entre le dépôt d’un projet de loi et son examen en séance n’est pas respecté. On le contourne délibérément en recourant à la procédure accélérée, édictée à l’alinéa 4 du même article, mais celui-ci suppose l’urgence à légiférer et une lecture par chambre. Force est donc de constater que la distance qu’il y a entre la règle et le respect qu’on lui porte n’est rien d’autre qu’une nouvelle preuve de précipitation. Aussi, quand des doutes surviennent, notamment à propos de la constitutionnalité du report des élections cantonales de mars 2015, avec un délai supplémentaire et une marge de manoeuvre que l’on veut se ménager avec un Sénat appelé à basculer, on manifeste un besoin de temporiser. C’est donc, pour le moins, aller à hue et à dia !
Ces contradictions nous amènent donc aujourd’hui, 8 décembre, à débattre de nouveau d’un texte quasiment identique à celui que nous avions adopté le 25 novembre dernier. Comme le groupe RRDP le proposait, il est tout de même heureux que l’article 12 bis A introduit par le rapporteur de ce projet de loi ait été supprimé à l’initiative du Gouvernement. Là encore, le passage devant le Conseil constitutionnel s’annonçait périlleux.
Pardonnez-moi de le rappeler, au-delà de vos déclarations monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, cette réforme manque de préparation et souffre de précipitation, d’hésitation, d’approximation. Ajoutons encore à cela l’absence réelle de concertation et de dialogue avec les acteurs locaux. Même s’il y a eu aussi des avancées – Alain Tourret le rappelait tout à l’heure en ce qui concerne la Normandie –, il faut considérer ce qui aurait pu être amélioré, considérer aussi la frustration qui naît, dans certains territoires, le mécontentement en Alsace, en Bretagne et aussi dans quatre ou cinq départements qui ne se retrouvent pas du tout dans cette carte. L’absence de perspective, en raison du non-assouplissement du droit de choisir pour les départements, aggrave encore davantage les frustrations. Vous comprendrez, monsieur le ministre, que la façon dont le Gouvernement a conduit cette réforme a eu raison de l’enthousiasme que j’avais manifesté à son annonce.
Pourtant, si l’on s’en tient au principe initial qui motivait cette réforme, tout annonçait une grande avancée pour notre pays. Même si cette carte est partie d’un coin de table, elle aurait dû faire l’objet d’une analyse et d’une concertation territoriale. Pourquoi être passé à côté de ce rendez-vous démocratique ? Comme ce fut le cas pour la transition écologique, cette réforme méritait un débat démocratique, de fond, ne serait-ce que parce qu’il était indispensable qu’elle nous rassemble tous et qu’elle fasse l’objet du plus large consensus.
C’est tout le contraire qui s’est passé ! On s’est prévalu des principes les plus nobles dans les discours et la manière dont on a décidé n’aurait pas pu interpeller davantage. Comme d’habitude, quand les grandes idées sont passées par le tamis des arrangements entre amis et des petits intérêts de partis, il ne reste rien d’autre que ce qui apporte la preuve d’une stagnation ou d’une régression.