Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, au moment où nous abordons la nouvelle lecture de ce texte, je voudrais d’abord déplorer la manière dont le débat a tourné court en commission des lois la semaine dernière, nous interdisant de développer nos arguments. J’espère que nous pourrons le faire ici.
Le Gouvernement, monsieur le ministre, a commis au moins trois fautes.
La première est une faute d’analyse. Dans un premier temps, Le Président de la République avait exprimé le souhait de doter la France de grandes régions de taille européenne. Le seul souci, c’est que les régions françaises sont d’ores et déjà les plus vastes de toute l’Union européenne : la Bourgogne est plus grande que la Belgique, pour ne prendre que cet exemple.
Il est intéressant de voir comment, devant l’évidence, l’argumentation du Gouvernement a évolué, et vous avez fini par nous expliquer que les régions françaises n’étaient pas assez peuplées et qu’il fallait donc aller vers des régions de plus en plus obèses. C’est certes un peu moins faux mais cela n’a aucune importance puisque, comme nous vous l’avons indiqué à plusieurs reprises sans jamais recevoir la moindre réponse, il n’existe aucune corrélation entre la population d’un territoire et sa performance économique.
L’Alsace pourrait vous apprendre que certains cantons de sa voisine la Suisse sont extrêmement performants d’un point de vue économique alors qu’ils ne comptent pas plus de 300 000 habitants. L’Alsace elle-même, au dernier rang par sa superficie et au treizième par sa population, affiche le troisième PIB régional par habitant. Cela montre bien que ce n’est pas une question de taille.
Votre deuxième erreur est méthodologique. Pour modifier la carte des régions, il fallait avoir un dessein clair. Si vous vouliez uniformiser, pourquoi, comme l’a demandé Benoist Apparu à plusieurs reprises, n’avez-vous pas cherché à construire ces nouvelles collectivités autour des métropoles ? On voit bien que vous n’êtes pas allés dans cette direction. L’erreur est donc aussi géographique, et on ne comprend pas très bien quel dessein vous poursuivez.
Vous auriez pu aussi fonder votre projet sur l’identité des régions, en partant du principe que des habitants partageant un sentiment d’appartenance définiraient plus facilement des objectifs communs que lorsque manque l’affectio regionalis évoquée par Alain Tourret.
Ce qui est assez surprenant – et c’est là qu’est l’erreur méthodologique –, c’est que vous avez oublié d’observer la France telle qu’elle est et dessiné une France telle qu’elle n’est pas. Même les constituants, il y a plus de deux siècles, avaient consulté pendant plus d’un an avant de proposer un nouveau découpage du territoire français.
On comprend bien que le Gouvernement a voulu aller vite et a travaillé dans la précipitation, alors qu’un tel sujet ne devrait pas se traiter dans l’urgence.
La troisième erreur est opérationnelle. On aurait pu introduire un peu de souplesse dans le dispositif via le droit d’option. Le paradoxe, que François de Rugy vient à l’instant de relever, c’est que votre réforme n’aurait aucune chance d’être votée s’il fallait pour cela la majorité des trois cinquième qui sera exigée pour qu’un département puisse passer d’une région à une autre. Une telle différence de traitement selon qu’il s’agit d’élus nationaux, pour lesquels une majorité simple suffit, ou d’élus locaux, qui ne peuvent exprimer leur souhait qu’à travers une majorité qualifiée, qu’est-ce d’autre qu’une forme de mépris de ces derniers ?
Je terminerai par quelques mots sur l’Alsace.
Nous avions proposé un projet de régionalisation original pour le territoire alsacien, en vain manifestement, puisque jusqu’à présent la seule réponse a été : « circulez, il n’y a rien à voir ». Pourtant, loin de défendre les intérêts égoïstes de l’Alsace, nous voulions que cette région, où l’on réfléchit collectivement au devenir des institutions depuis plus de trente ans, s’engage dans une expérience que j’ose qualifier d’avant-garde, que de très nombreux experts souhaitent voir étendue à tout le pays et qui pourrait profiter à de très nombreuses autres régions. Ce serait une profonde réforme de structure, autrement plus fructueuse que ces fameuses méga-régions impotentes que vous voulez nous imposer.
À mon sens, l’échec du projet alsacien, outre qu’il vous aliénera pour longtemps la grande majorité des citoyens de cette région, est aussi un très mauvais coup porté à la réforme des institutions territoriales en France…
Le 11/12/2014 à 12:00, laïc a dit :
"L’Alsace pourrait vous apprendre que certains cantons de sa voisine la Suisse sont extrêmement performants d’un point de vue économique alors qu’ils ne comptent pas plus de 300 000 habitants"
Cette information prouve que la vitalité économique n'est pas liée à la taille de la région, et qu'au contraire plus de participation démocratique sur un territoire moindre développe davantage l'économie que les grands ensembles.
A méditer pour notre gouvernement.
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