Intervention de Thierry Benoit

Séance en hémicycle du 22 novembre 2012 à 21h30
Aménagement numérique du territoire — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaThierry Benoit, rapporteur de la commission des affaires économiques :

Il faut néanmoins saluer l'initiative qui permet désormais aux parlementaires de pouvoir déposer des propositions de loi dans le cadre des journées consacrées aux niches des groupes.

Je voudrais, en préambule, expliquer ce qui a guidé le groupe UDI dans le choix des propositions de loi que nous vous avons présentées aujourd'hui. Cinq propositions de loi : un texte, ce matin, rapporté par François Sauvadet, qui avait trait à la démocratie et à la reconnaissance du vote blanc et qui a d'ailleurs été adopté à l'unanimité ; deux textes ensuite concernant les personnes fragiles, l'un portant sur la déconnexion du prix du gaz par rapport au pétrole, l'autre sur le surendettement ; en fin de journée, nous examinons deux textes concernant l'aménagement du territoire – l'égal accès aux soins sur l'ensemble du territoire et le numérique.

Madame la ministre, vous avez cru bon d'indiquer que rien ne s'était passé sous le précédent gouvernement. C'est une erreur, et c'est un centriste du groupe UDI qui vous le dit. Dans mon territoire de Bretagne, je partage avec des élus qui ne sont pas forcément de ma sensibilité politique une expérience qui me permet de vous affirmer que des actions ont été menées par le gouvernement qui vous a précédée. Vous vous êtes d'ailleurs contredite vous-même en évoquant la dynamique qui persistait jusqu'aujourd'hui.

Je déplore donc vos propos, car le travail que nous avons réalisé en commission et que nous poursuivons ce soir, nourri par l'apport de tous les groupes parlementaires, a été constructif. Il faut saluer aussi les sénateurs Maurey et Leroy, qui sont les auteurs historiques de cette proposition de loi adoptée par le Sénat dans un très large consensus : la majorité présidentielle d'aujourd'hui, qui était la minorité d'hier, a, au Sénat, approuvé ce texte aux côtés des élus centristes et de quelques élus de l'UMP.

La proposition de loi relative à l'aménagement numérique des territoires est pour nous un texte novateur et ambitieux qui vise à assurer à l'ensemble de nos concitoyens un accès satisfaisant aux technologies de l'information et à permettre à la puissance publique d'améliorer le cadre législatif existant pour atteindre cet objectif.

Adoptée au Sénat en février 2012, cette proposition de loi entend répondre à plusieurs enjeux, que je me permettrai d'énoncer brièvement.

Tout d'abord le déploiement du très haut débit est un enjeu majeur pour nos territoires, notamment les territoires ruraux. Le déploiement de la fibre optique a vraiment commencé. Cependant, il n'est pas toujours homogène sur l'ensemble du territoire, et notamment dans les zones rurales. Une partie non négligeable de la population ne peut techniquement avoir accès à l'ADSL, et 25% restent cantonnés à des débits inférieurs à 5 mégabits par seconde. Si rien n'est fait pour ces territoires, alors que la fibre optique se déploie dans les grandes villes, la fracture numérique pourrait s'accroître davantage, ce qui est pour nous inacceptable.

Le cadre de déploiement mis en place, qui donne la priorité à l'initiative privée, n'est pas totalement satisfaisant. D'après la loi Pintat, il revient aux opérateurs privés de couvrir chacun avec son réseau les zones très denses, et avec un réseau mutualisé les zones moyennement denses. Les collectivités territoriales ne sont censées intervenir qu'à titre subsidiaire en l'absence d'initiative privée.

Le programme national « très haut débit » lancé en 2010 a accentué les contraintes qui pèsent sur les collectivités territoriales, puisque seuls les réseaux d'initiative publique se cantonnant aux zones dans lesquelles les opérateurs privés n'ont pas l'intention d'investir dans les trois à cinq ans qui viennent sont aujourd'hui éligibles aux aides de l'État.

Cette situation pose deux problèmes.

D'abord, rien ne garantit que les opérateurs privés tiendront leurs engagements. Ils risquent ainsi de préempter des zones sans se donner obligatoirement les moyens de les couvrir, et surtout rapidement.

Ensuite, les collectivités territoriales ne peuvent pas déployer des réseaux couvrant à la fois des zones rentables et des zones non rentables, alors que cela permettrait d'assurer une péréquation entre les villes et les campagnes, celles-ci étant par nature plus onéreuses à couvrir puisqu'il s'agit de territoires moins denses.

Au-delà du premier intérêt de cette proposition de loi, qui est d'apporter des solutions à des problèmes urgents liés au très haut débit, ce texte vise avant tout à redonner la main aux collectivités territoriales en matière d'aménagement numérique.

Cela se traduit de trois manières.

Premièrement, il s'agit de trouver une meilleure articulation de l'action des collectivités territoriales et des opérateurs privés grâce à un mécanisme d'engagement des opérateurs privés qui pourront être sanctionnés par l'ARCEP en cas de constatation de carence.

Deuxièmement, il s'agit d'améliorer la cohérence de l'intervention des collectivités territoriales entre elles. Les schémas directeurs territoriaux d'aménagement numérique deviennent, du fait de la proposition de loi, obligatoires. Ils ne sont plus indicatifs et ils pourront être pris en compte dans les documents d'urbanisme tels que les SCOT et les PLU.

Troisièmement, il s'agit de donner aux collectivités territoriales les moyens de réaliser des actions de montée en débit dans les territoires qui ne pourront pas avoir la fibre optique à court terme. Les SDTAN – les schémas directeurs territoriaux d'aménagement numérique –, qui ne concernent aujourd'hui que le très haut débit, sont élargis au haut débit.

La proposition de loi contient par ailleurs des dispositions utiles pour améliorer d'autres dimensions de l'aménagement numérique du territoire. Pour n'en citer que quelques-unes, la reconnaissance de l'aménagement numérique du territoire comme objectif des politiques d'aménagement du territoire est d'intérêt général.

Deuxième intérêt, l'obligation de prééquiper les pavillons neufs en fibre au même titre que les immeubles.

Autre intérêt, rendre l'ARCEP destinataire des SDTAN achevés. Vous avez évoqué tout à l'heure, madame la ministre, la question du basculement : le texte propose d'organiser le basculement du cuivre à la fibre optique, sous la houlette de l'ARCEP.

La proposition de loi prévoit aussi l'amélioration des mesures de couverture mobile.

Certes, quelques améliorations peuvent encore être apportées au texte. Des propositions ont été faites en commission et je ne doute pas que nous recherchions ce soir le consensus et la convergence, avec votre appui, madame la ministre, pour amender ce texte et le faire voter à l'unanimité. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

Ce matin, nous avons commencé par un premier texte qui portait sur le vote blanc. Je ne doute pas qu'à cette heure tardive, nous puissions terminer en boulet de canon, en tenant un rythme de haut débit, voire de très haut débit pour faire approuver cette proposition de loi ! (Sourires.)

Le texte s'intéresse aussi aux financements.

Aujourd'hui, le fonds d'aménagement numérique du territoire n'est pas nourri financièrement. Le texte propose une participation financière sur les abonnements afin de créer un fonds qui puisse être ensuite mobilisé par l'ensemble des acteurs, et notamment par les territoires qui ont tout lieu d'en être les bénéficiaires puisque les territoires ruraux sont à l'heure actuelle dans l'incertitude.

Il y a aussi des propositions qui concernent les objectifs atteignables en matière de haut débit, à l'horizon de 2014 et de 2015. Je proposerai un amendement de paramétrage des objectifs pour tenir compte du temps qui s'écoule. Il s'agit en effet d'un sujet très sensible et très technique, où la technologie veut que les choses évoluent très vite, d'où la nécessité de paramétrer certains objectifs en matière de desserte de haut et de très haut débit.

L'adoption de la proposition de loi ainsi modifiée assurera un véritable haut débit pour tous et rendra efficient le déploiement choisi pour la couverture de notre territoire en très haut débit.

Ce texte résulte d'un travail approfondi puisqu'il a été précédé par un rapport d'information publié à l'été 2011. Le rapport, comme la proposition de loi, je le disais tout à l'heure, ont fait l'objet d'un large consensus, le rapport ayant été adopté à l'unanimité.

Pour conclure, je voudrais saluer le président de la commission des affaires économiques, qui a conduit les débats avec la plus grande sérénité et qui a su donner confiance aux orateurs des différents groupes, ce qui leur a permis d'avoir une démarche constructive.

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