Intervention de Gaby Charroux

Séance en hémicycle du 9 décembre 2014 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2014 — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGaby Charroux :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi de finances rectificative, sur lequel nous avons à nous prononcer aujourd’hui, présente une série d’ajustements destinés à répondre aux exigences de Bruxelles, dans un jeu de rôle désormais parfaitement rodé entre les deux acteurs principaux que sont, d’un côté, l’exécutif européen et, de l’autre, notre gouvernement. Selon le sens de l’actualité, chacun se renvoie la balle, critique, félicite, dénonce ou écoute l’autre à tour de rôle. Ce jeu de rôle, qui dure maintenant depuis plusieurs mois, ne trompe plus personne.

Le sentiment général laissé par l’examen de ce texte est celui d’un gouvernement qui fait aujourd’hui les fonds de tiroir, opérant des prélèvements ici ou là, pour des montants dérisoires au regard du budget général, montants qui font néanmoins peser des incertitudes sur le bon fonctionnement des agences et opérateurs de l’État ciblés par ces ponctions. La suppression du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE – permettrait pourtant de trouver très facilement les moyens dont le pays a besoin pour prendre un autre chemin que celui du dogme de la réduction de la dépense publique et de la politique de l’offre.

La suppression de la prime pour l’emploi constitue l’une des mesures phares de ce projet de loi de finances rectificative. Il est aujourd’hui difficile de se prononcer sur celle-ci puisque les contours précis du futur dispositif qui se substituera à la PPE ne sont pas encore connus, même si, monsieur le secrétaire d’État, vous avez indiqué quelques pistes lors du débat, ce dont je tiens à vous remercier.

Instaurée en 2001, la PPE n’a pas fonctionné correctement : avec les nombreuses exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires, elle a contribué, à l’inverse de son objectif initial, au développement d’une trappe à bas salaires, l’employeur n’ayant aucun intérêt à augmenter le salaire puisque celui-ci est pris en charge par la collectivité. Le résultat est que le nombre de travailleurs pauvres a fortement augmenté dans notre pays.

Aujourd’hui, nous sommes inquiets des contours que la majorité donne au futur dispositif. Monsieur le secrétaire d’État, vous nous indiquez vouloir élargir le champ des bénéficiaires, ce à quoi nous sommes, évidemment, particulièrement favorables, notamment s’agissant des jeunes. Mais cette extension ne peut se faire à moyens constants, sauf à faire des perdants, ce que nous ne souhaitons pas.

Rares ces temps-ci, notons la présence dans ce projet de loi de finances rectificative de quelques mesures symboliques dites de gauche, notamment sur la taxation des banques. Toutefois, le chantier visant à mettre au pas « l’ennemi » financier désigné autrefois, qui n’a que peu évolué, reste considérable.

L’augmentation de la taxe sur les surfaces commerciales témoigne d’une prise de conscience des limites du CICE. Cette avancée nous conforte dans la conviction que ce dernier dispositif, mal calibré, est devenu votre bouclier fiscal, le morceau de sparadrap qui colle aux doigts de l’exécutif, quand il faudrait privilégier un crédit d’investissement et les dépenses d’intervention.

Autre mesure phare de ce projet de loi de finances rectificative : celle qui fait de la France un paradis fiscal de l’organisation des événements sportifs. Les fédérations sportives internationales ne paieront donc pas d’impôt. Conforme aux desiderata de l’Union des associations européennes de football – l’UEFA – mais aussi du Comité international olympique, le CIO, avec la possible candidature de Paris aux Jeux olympiques de 2024, cette mesure nous paraît tout bonnement scandaleuse. La limitation dans le temps de cette exonération, adoptée au cours de nos débats, apparaît tout de même bien limitée.

Parlons d’Europe. En plus d’être nécessaire, sa réorientation devient une urgence : les mouvements d’extrême droite xénophobes n’ont jamais été aussi forts ; le désaveu, terrible. L’arrivée à la tête de la Commission européenne, déjà peu démocratique, du magicien de l’évasion fiscale ne peut arranger les choses.

La réorientation de l’Europe passe pour nous par la définition d’un cadre réglementaire contraignant le secteur financier à servir l’économie réelle. C’est le sens des propositions que nous formulons, que ce soit sur l’évasion fiscale ou la taxation effective des transactions financières.

C’est aussi le sens de la proposition de résolution que nous déposerons dans quelques semaines au Parlement européen, conjointement avec nos homologues du groupe Die Linke, qui vise à réorienter l’action de la Banque centrale européenne – BCE. Comme le soulignait récemment l’économiste Steve Keen, les décideurs en Europe devraient a minima redevenir keynésiens au sens monétaire, en engageant un « assouplissement quantitatif pour le peuple », c’est-à-dire en utilisant la BCE pour injecter de la monnaie dans l’économie.

Si vous avez adopté notre amendement sur les pigeonniers, qui permettra aux « coulonneux » de ne pas être injustement taxés,…

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