Intervention de Chantal Guittet

Séance en hémicycle du 9 décembre 2014 à 15h00
Réforme de l'asile — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChantal Guittet, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères s’est saisie pour avis du projet de loi, comme elle l’a fait lors des précédentes réformes en 2003 et 2007. La garantie du droit d’asile en France est doublement ancrée dans la convention de Genève de 1951, relative au statut des réfugiés, et dans une série de directives européennes. Le projet de loi vise à assurer la transposition d’un nouveau « paquet Asile » finalisé en 2013. Sur ce point, certains éléments essentiels font encore défaut, en particulier des règles qui permettraient d’établir une véritable solidarité au plan européen. Malgré la création d’un Bureau européen d’appui, certains États membres supportent des charges démesurées par comparaison avec celles pesant sur les autres.

La refonte des directives « Qualification », « Accueil » et « Procédures » a le mérite de favoriser une harmonisation accrue des conditions d’octroi de la protection internationale, des modalités d’examen des demandes et du contenu de la protection accordée. Nous transposons une sorte de moyenne européenne et non plus des normes a minima comme autrefois.

Le projet de loi se saisit très largement des possibilités offertes par la nécessaire transposition des directives européennes afin d’engager une rénovation en profondeur de notre système d’asile. Le diagnostic a déjà été dressé : des délais excessivement longs en dépit du travail remarquable de l’OFPRA et de la CNDA, un dispositif d’accueil sous-dimensionné et mal adapté aux besoins malgré l’augmentation du nombre de places depuis 2012 et de nombreux déboutés du droit d’asile plongés dans des situations inextricables.

Les dysfonctionnements sont indiscutablement causés par l’augmentation du nombre de demandes d’asile en France, mais il faut manier cette explication quantitative avec une précaution qui fait parfois défaut sur certains bancs.

Tout d’abord, une telle augmentation des demandes n’est pas sans précédent en France. La demande d’asile est un phénomène cyclique dépendant des crises internationales et de l’évolution interne de certains régimes.

Ensuite, l’augmentation des demandes d’asile est une réalité qui dépasse largement nos frontières. La France n’est qu’au neuvième rang des pays européens accueillant des demandeurs d’asile après Malte, Chypre ou la Bulgarie, ce qu’ignorent manifestement ceux qui dénoncent le prétendu laxisme de notre système d’asile.

Enfin, il importe de rappeler que les dysfonctionnements actuels ne doivent jamais être imputés aux demandeurs d’asile. C’est notre système qui est inadapté et qu’il faut rénover sans renoncer à notre tradition d’accueil des étrangers ayant des motifs légitimes de demander la protection de la République française. Tel est l’objet du texte qui nous est soumis.

Un système d’asile plus efficace ne doit pas être un système au rabais. Le projet de loi laisse donc intacts les principaux éléments constitutifs de notre droit d’asile, qui sont désormais stabilisés.

Les articles 2 à 4 ne font ainsi que préciser et compléter les conditions d’octroi de la protection internationale.

En revanche, vous l’avez rappelé, madame la rapporteure, les modalités d’examen des demandes sont appelées à évoluer en profondeur. Une nouvelle procédure dite « accélérée », plus efficace et plus équitable, de nouvelles procédures d’irrecevabilité et de clôture d’examen seront mises en place.

Si le fonctionnement de notre système d’asile doit être rendu plus efficace, ce que personne, ici, ne conteste, il ne doit pas devenir expéditif pour autant. Est ainsi prévue, notamment, la possibilité, pour les demandeurs d’asile, d’être accompagnés par un tiers lors de leur entretien avec un officier de protection de l’OFPRA.

Alors que ce projet de loi comprend de nombreuses mesures de modernisation du fonctionnement de l’OFPRA, la question de la professionnalisation de la CNDA est toujours posée. En matière d’asile, les décisions sont souvent prises par des juges vacataires peu présents dans la juridiction et quelquefois peu au fait des problèmes d’asile.

Nous devons par ailleurs réfléchir à la question de l’équilibre entre juge unique et collégialité, ce second principe devant à mon sens rester la norme dans le traitement de la demande d’asile. Le risque existe de voir une minorité de recours examinés en formation collégiale, alors que celle-ci constitue une garantie pour le demandeur.

La commission des affaires étrangères a émis un avis favorable à l’adoption des dispositions dont elle s’est saisie pour avis.

Elle a prêté une attention particulière à l’article 19, qui améliore les droits des personnes auxquelles une protection internationale a été reconnue. Nous avons notamment adopté plusieurs amendements visant à étendre aux apatrides l’application de certaines dispositions. Le texte proposé par le Gouvernement concernait déjà les apatrides sur quelques points, notamment aux articles 5 et 19 pour la délivrance de documents de voyage. Je vous proposerai, par voie d’amendement, de saisir l’occasion pour consolider les dispositions applicables aux apatrides.

Le droit d’asile est l’honneur de la République. J’espère que nous montrerons, par la qualité de nos débats, que nous sommes fiers de notre héritage révolutionnaire, inscrit dans notre Constitution, laquelle déclare : « Tout homme persécuté en raison de son action en faveur de la liberté a droit d’asile sur les territoires de la République ».

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