Intervention de Maud Olivier

Séance en hémicycle du 9 décembre 2014 à 15h00
Réforme de l'asile — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMaud Olivier, rapporteure de la délégation de l’Assemblée nationale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes :

Le droit d’asile est au coeur de notre pacte républicain, parce qu’il marque l’attachement de la France aux valeurs fondamentales de liberté, de solidarité, de respect de la dignité humaine et donc aussi, nécessairement, d’égalité entre les femmes et les hommes. C’est un droit qui nous oblige, mais un droit aujourd’hui fragilisé par de nombreux dysfonctionnements. Le projet de loi soumis à notre examen porte une réforme ambitieuse de l’asile, selon deux axes indissociables : renforcer les garanties des personnes ayant besoin d’une protection internationale et statuer plus rapidement sur les demandes d’asile.

La délégation aux droits des femmes, animée par la volonté constante de promouvoir une prise en compte transversale de l’égalité dans toutes les politiques publiques, a souhaité se saisir de ce texte. Ainsi, il nous est apparu nécessaire d’interroger les pratiques et procédures actuelles sous ce prisme, parce qu’en effet, comme vous l’avez souligné avec force, monsieur le ministre, lorsque l’on parle du droit d’asile, on parle des droits des femmes.

On ne saurait réformer en profondeur le dispositif actuel sans prendre en compte, d’une part, la féminisation croissante de la demande d’asile et, d’autre part, les besoins de protection liés à des persécutions et violences subies par les femmes parce qu’elles sont femmes : mutilations sexuelles, mariages forcés, traite des êtres humains, menaces liées au militantisme en faveur des droits des femmes ou bien encore persécutions liées à l’orientation sexuelle, par exemple.

Or, si la spécificité des demandes d’asile liées au sexe a été reconnue au niveau international, on a pu observer, dans le même temps, une certaine frilosité sur le plan législatif et dans nos pratiques nationales. L’avis rendu à ce sujet par le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes va dans ce sens. De fait, il existe des écarts entre les femmes et les hommes en termes de type de protection accordée, avec des interprétations parfois restrictives. Et les femmes peuvent être victimes de plusieurs formes et motifs de persécution qui se cumulent. Il serait donc souhaitable que l’interprétation de chaque motif de persécution prévu par la convention de Genève prenne en compte la dimension du genre, dans le prolongement des préconisations du HCR et de la convention d’Istanbul.

Nous avons pu relever aussi que les femmes rencontraient des difficultés particulières dans le cadre de la procédure d’examen des demandes d’asile, et ce malgré les progrès réalisés à l’OFPRA, que je tiens à saluer.

Quant aux conditions d’accueil, il est important de considérer les besoins particuliers des femmes et des personnes vulnérables en matière d’hébergement. Je voudrais saluer plusieurs avancées que comporte ce projet de loi. Elles bénéficieront plus particulièrement aux demandeuses d’asile, conformément à la directive Qualification. Et, bien sûr, je salue la réduction des délais d’examen des demandes, qui constitue un axe majeur de cette réforme.

Pour compléter ces avancées, la délégation aux droits des femmes a formulé une série de recommandations, dont plusieurs ont été suivies. Ainsi, le texte adopté par la commission des lois dispose que les demandeurs d’asile pourront être accompagnés à l’entretien par une association de défense des droits des femmes ou de lutte contre les persécutions fondées sur le sexe ou l’orientation sexuelle. Il dispose aussi qu’une information préventive relative aux conséquences médicales et judiciaires des mutilations sexuelles féminines devra être fournie aux parents de la mineure protégée. En revanche, les dispositions prévoyant un délai minimal de trois ans entre deux examens m’inspirent quelques réserves : il me semble que des contrôles plus fréquents seraient de nature à mieux garantir l’effectivité de la protection accordée.

Le texte prévoit désormais également que le huis clos soit de droit à la CNDA, notamment pour des faits de viols. Je vous proposerai de préciser que cela s’applique aussi aux cas de traite des êtres humains. Les ministères chargés des affaires sociales et des droits des femmes seront représentés au conseil d’administration de l’OFPRA et les associations pourront saisir ce conseil en vue d’inscrire ou de radier un État sur la liste des pays considérés comme « sûrs ». Au cours de nos débats, nous aurons l’occasion d’améliorer encore le projet de loi sur quelques points, notamment sur les persécutions liées au sexe dans les procédures d’octroi de l’asile, l’amélioration de la définition de la liste des pays d’origine sûrs, par la prise en considération de la situation des femmes dans ces pays, et les conditions d’accueil et d’hébergement des demandeuses.

Au-delà du texte qui nous est soumis, cette réforme majeure pourrait s’accompagner de mesures concrètes, telles que l’élaboration d’une brochure spécifique à l’attention des demandeuses d’asile ou une réponse à la problématique des gardes d’enfants à l’OFPRA et à la CNDA. Il faudra aussi que la France établisse ses principes directeurs concernant la prise en compte du genre dans la demande d’asile, comme le recommande le HCR et comme l’ont déjà fait, par exemple, le Canada, les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la Suède.

Mes chers collègues, la délégation a souhaité ainsi apporter sa contribution à cette réforme majeure pour favoriser une égalité réelle dans l’accès à la protection internationale et défendre, encore et toujours, sans relâche, pas à pas, les droits des femmes en France et dans le monde

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