Intervention de Danielle Auroi

Réunion du 19 novembre 2014 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Auroi, présidente :

Je veux d'abord vous remercier tous les deux chaleureusement de votre présence pour débattre des priorités pour l'Union et la zone euro, dans le contexte de la mise en place des nouvelles institutions européennes – Parlement, Commission et présidence du Conseil européen.

Comme vous le savez, notre Commission s'est attachée à un travail continu et régulier sur l'approfondissement démocratique de l'Union et, plus généralement, sur les voies possibles pour l'avenir d'une construction européenne soumise aujourd'hui à tant de vents hostiles.

Notre conviction est en effet que, face aux progrès menaçants de l'indifférence, de l'incompréhension ou même du rejet de l'Europe, que révèle l'abstention et que cristallisent les extrêmes, nous devons plus que jamais avoir le courage de regarder l'Union telle qu'elle est et avoir la force de dégager des propositions concrètes et audacieuses pour la rapprocher de ses peuples. Il nous faut avant tout, me semble-t-il, être capables à nouveau, collectivement, de penser l'avenir européen – ce que nous voulons faire ensemble dans la durée.

Dans cette entreprise, vos expériences de ministre, de député européen et d'universitaires nous sont précieuses. Nous apprécions plus particulièrement la profondeur, la nuance, mais aussi les divergences de vos approches, qui nous permettront sans doute de confronter des visions qui ont le grand mérite de proposer des directions pour l'Union de demain.

S'impose d'abord la question des compétences. Car l'essentiel me semble bien, pour mettre les choses à l'endroit, de commencer par une interrogation simple : quelle Europe voulons-nous ?

Il me semble ici que vos prises de position, à partir de postulats différents, se rejoignent à de nombreux égards.

M. Bourlanges, devant nous ici deux ans plus tôt, avait eu une formule frappante, en nous décrivant combien l'Europe dispose de peu de moyens concrets pour faire face aux énormes attentes que les citoyens placent en elle. Il avait ainsi dit que l'Union n'avait jamais osé « franchir la porte sacrée du politique », en refusant de se doter des vrais pouvoirs que constitueraient par exemple une politique économique commune, une capacité d'arbitrage et non, seulement, de contrainte sur les budgets, ou une politique migratoire cohérente et concertée.

Cela me paraît rejoindre en partie votre dénonciation, monsieur Védrine, des excès d'une législation européenne trop intrusive et trop prompte à s'étendre sans cesse à de nouveaux domaines. De même que votre demande d'un recentrage de l'Union sur la valeur ajoutée la plus évidente : préparer les investissements et les innovations de l'avenir, peser dans le monde et harmoniser une zone euro que la monnaie unique a rendue inéluctablement solidaire.

La question des compétences a bien sûr des conséquences sur le périmètre géographique souhaitable de l'Union. Vous avez demandé, monsieur Védrine, que l'Europe affirme nettement une pause pour dix ans de l'élargissement, et vous insistez tous deux sur le rôle nécessairement pionnier de la zone euro. Il sera donc pour nous très intéressant que vous puissiez nous éclairer sur ce point et sur l'articulation Unionzone euro.

Dans un même esprit, il est évident qu'un éloignement brutal du Royaume-Uni vis-à-vis de l'Europe aurait de redoutables implications, en particulier sur la crédibilité de la perspective d'une politique étrangère et de défense commune et puissante. Il nous semble à cet égard que de plus en plus commencent à dire à ce pays que s'il veut sortir de l'Union, la porte est grande ouverte. Nous serons dès lors très attentifs à vos avis sur ce sujet.

De nouvelles compétences, ou des compétences recentrées, impliquent nécessairement des moyens pour agir et des institutions légitimes pour décider.

Or notre Commission est très attachée à lutter contre le fossé démocratique qui s'est creusé entre l'Europe et ses peuples.

Je connais, monsieur Védrine, votre scepticisme sur l'idée même d'un « peuple » européen et votre conviction que l'Union demeure avant tout une confédération d'États nations souverains, avec une zone euro s'approchant d'une « fédération d'États nations » en devenir.

Je sais aussi, monsieur Bourlanges, combien votre fine connaissance du fonctionnement des institutions communes, particulièrement du Parlement européen, vous conduit à défendre avec conviction une méthode communautaire aujourd'hui plutôt mise en cause.

Mais il est intéressant de remarquer qu'en dépit de ces nuances d'approche, vos positions se recouvrent sur le poids nécessairement incontournable des États dans la construction européenne.

Je pense que nous nous retrouverons pour constater une évidence : il manque cruellement un ancrage démocratique à la place décisive qu'a prise l'Europe au cours des dernières années dans nos politiques économiques et budgétaires ; la dimension sociale se fait attendre, avec des conséquences néfastes.

Notre Assemblée a proposé la création d'une « Conférence budgétaire », qui a été portée par mon prédécesseur Pierre Lequiller et que notre Commission continue à soutenir. L'article 13 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire (TSCG) la créée et les propositions de mise en oeuvre ont beaucoup avancé pendant la présidence italienne. Quel est votre avis sur ce point ?

Vous avez tous deux pris position pour un projet plus ambitieux, grâce auquel parlements nationaux et Parlement européen exerceraient un contrôle régulier et effectif sur la coordination économique et budgétaire et sur l'harmonisation de la zone euro.

Nous pourrons aussi, si nous avons le temps, évoquer d'autres aspects de l'actualité européenne, notamment ceux de politique étrangère et de défense. Si la question ukrainienne était au centre des débats que nous avions la semaine dernière avec le Bundestag et la Diète polonaise, se pose aussi la question pour l'Union européenne de la protection collective qu'assure la France, en Afrique notamment.

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