Intervention de Pascale Crozon

Séance en hémicycle du 9 décembre 2014 à 21h30
Réforme de l'asile — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascale Crozon :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames les rapporteures, chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui vise à apporter des réponses durables à la crise du système d’asile, une crise que tous ses acteurs institutionnels et associatifs reconnaissent. Mais il vise d’abord à rendre au droit d’asile un sens qui s’était délité au cours des dernières années.

Plutôt que de crier au laxisme, la droite devrait avoir l’humilité de reconnaître que la situation qui nous conduit à ce texte est son oeuvre ; c’est le résultat de quatre lois qui confondaient asile et gestion des flux migratoires. Tout en privant un demandeur d’asile sur trois du droit fondamental à un recours suspensif, la procédure prioritaire n’a pas permis de rendre effectif l’éloignement des déboutés, comme M. Ciotti le reconnait lui-même – j’invite M. Geoffroy à être plus attentif au constat que dresse M. Ciotti sur ce point ! Pire, la discrimination qu’elle introduit en matière d’accès à l’hébergement a contribué au regroupement communautaire, lequel pèse lourdement sur un petit nombre de collectivités et favorise le développement de réseaux qui exploitent la misère.

Au cours de nos débats, monsieur le ministre, l’opposition vous invitera à réduire toujours davantage les garanties procédurales en expliquant qu’au fond, le seul moyen de garantir le droit d’asile est de le dissuader. À l’heure où le monde traverse de graves crises régionales et alors que notre pays accueille vingt fois moins de réfugiés syriens que nos voisins allemands, ces discours n’ont pas simplement montré leur inefficacité : ils ne font honneur, ni à une tradition républicaine héritée de la révolution, ni à la convention de Genève.

Cependant, gardons-nous des faux débats : l’enjeu n’est pas de savoir si l’on accueille trop ou pas assez de réfugiés, mais d’apporter à chaque demandeur une réponse juste, rapide et effective.

Rendre son sens au droit d’asile, c’est réduire les délais de traitement tout en améliorant la qualité de décision, objectifs qui ne sont pas contradictoires, bien au contraire. Trop longtemps, la France est restée le seul pays d’Europe où l’on accordait plus de titres de réfugiés en appel qu’en première instance. Avec un taux proche de 90 %, le recours devant la Cour nationale du droit d’asile était devenu un goulot d’étranglement dans lequel s’enlisaient les procédures, ce qui empêchait de préparer l’insertion des réfugiés et le retour des déboutés.

Tel est le sens de la réforme engagée depuis dix-huit mois au sein de l’OFPRA, que le budget 2015 dotera de moyens supplémentaires et que ce projet de loi vient conforter dans son indépendance et sa seule mission : évaluer les besoins de protection. C’est sur cette seule considération que l’OFPRA décidera ou non d’engager la procédure accélérée ou de traiter en priorité les demandes des personnes les plus vulnérables. Et c’est pour favoriser l’expression des faits que les demandeurs y seront désormais assistés par un tiers.

Rendre son sens au droit d’asile, c’est adapter nos procédures à l’évolution de la demande d’asile et des persécutions qui touchent de plus en plus à l’intime, au sexe et à l’orientation sexuelle. Notre groupe est fier d’y avoir contribué en commission, qu’il s’agisse de la clarification des règles de l’entretien devant l’OFPRA, comme du huis clos devant la CNDA, ou encore de l’encadrement de la liste des pays d’origine sûrs qui ne peut plus être le simple reflet des histoires nationales mais doit reposer sur des faits objectifs qui permettent, à terme, de faire converger les politiques européennes.

Rendre son sens à l’asile, c’est enfin assurer à chacun des conditions d’hébergement dignes. Notre groupe soutient pleinement votre ambition de développer les capacités d’accueil en CADA, qui doivent devenir la norme.

Le schéma directif en est un corollaire qui ne doit pas, à nos yeux, être vécu comme une contrainte mais comme une garantie d’accès au droit et d’égalité de traitement. Là encore, l’examen du texte en commission a permis de clarifier la prise en compte des besoins tout en écartant les inquiétudes liées à l’autorisation administrative d’absence ou à la clôture du dossier qui nous semblaient, sinon disproportionnées, du moins de nature à troubler notre objectif. L’orientation des demandeurs d’asile sur le territoire est en effet la condition sine qua non pour désengorger le système. Elle repose sur le partenariat bien compris entre l’Office français de l’immigration et de l’intégration et les associations gestionnaires, sur l’association des collectivités locales, et sur son acceptation par les demandeurs eux-mêmes.

Voilà, monsieur le ministre, les quelques mots que je voulais prononcer avant d’entrer dans le débat des amendements. Je veux vous remercier, vous et madame la rapporteure, de la qualité de votre écoute et je ne doute pas que nos débats nous permettent de continuer à éclairer une réforme nécessaire et attendue.

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