Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, la réforme de l’asile que nous examinons aujourd’hui traduit des engagements de François Hollande et de son gouvernement, tout en s’inscrivant dans le cadre des directives européennes du paquet « Asile ». En préambule, je tiens à saluer le rapport sans complaisance de nos collègues Létard et Touraine et celui du comité d’évaluation et de contrôle. Ils ont tiré le signal d’alarme face à un système d’asile en crise et à bout de souffle. Le constat est implacable et devrait inciter la droite à plus de modestie.
Le Gouvernement propose aujourd’hui une réforme globale du système à partir d’une large concertation avec les parties prenantes à la suite des rapports que je viens d’évoquer. Monsieur le ministre, ce texte, chacun en convient, est devenu une impérieuse nécessité. Ce projet de loi a été travaillé par les députés, notamment les membres de la commission des lois, et je tiens à remercier Sandrine Mazetier, notre rapporteure, pour son travail et son esprit de concertation, qui ont permis d’améliorer le projet initial, dans la meilleure tradition parlementaire.
Rapporteur spécial du budget sur l’asile, je souhaite limiter le champ de mon intervention aux deux points suivants : la réduction des délais de traitement des demandes d’asile et l’amélioration des conditions d’accueil.
En ce qui concerne le premier point, la réduction des délais, le Gouvernement, dans une période de budget contraint, a augmenté considérablement les moyens de l’OFPRA : création de 55 équivalents temps plein – il faut le souligner. Ainsi, l’objectif du projet de loi pourra être atteint et le délai de traitement des demandes réduit à neuf mois. Faut-il rappeler qu’aujourd’hui ce délai moyen est de dix-neuf mois pour l’ensemble de la procédure ? Et comme, avec la multiplication des crises, la demande d’asile est en augmentation constante – 35 520 demandeurs en 2007 et 66 251 en 2013 –, le délai devenait insupportable et le stock des dossiers à traiter de plus en plus élevé. Quelle incurie ! Il faut aujourd’hui rattraper le retard accumulé depuis une dizaine d’années. Ce n’est pas le moindre mérite du projet de loi que de s’être attaché à remplir cette mission.
Derrière ces dossiers se trouvent des hommes, des femmes, des enfants, persécutés, qui cherchent la sécurité et la protection à laquelle tout être humain a droit. Considérons-les comme tels. C’est pourquoi, aux termes du projet de loi, les procédures sont améliorées. La procédure dite « prioritaire » est abrogée. Elle privait en effet le demandeur concerné d’un recours suspensif devant la CNDA s’il était débouté par l’OFPRA. Enfin, le demandeur pourra être accompagné par un tiers à l’entretien de l’OFPRA, un amendement ayant précisé et élargi cette notion de tiers à plusieurs associations qui n’étaient pas mentionnées – je n’oublie pas, bien sûr, les avocats ou d’autres tiers.
J’en viens au deuxième point, l’amélioration des conditions d’accueil. Il s’agit encore d’un élément essentiel du droit d’asile. Depuis de longues années, l’offre d’hébergement en CADA ou en HUDA n’est pas à la hauteur des besoins. C’est pourquoi, là encore, le Gouvernement fait un effort important : 4 000 places en CADA en 2014 et 5 000 prévues en 2015. Cet effort doit être poursuivi. Atteignons rapidement l’objectif de 50 % au moins de placement en CADA, alors qu’aujourd’hui le taux est de 37 %. L’innovation introduite dans le projet de loi consiste à mettre fin à l’extrême concentration des demandeurs en région parisienne, lyonnaise ou frontalière pour mieux la répartir sur le territoire national. C’est une bonne chose qui va permettre un accueil plus équitable, en concertation avec les collectivités territoriales. Ainsi, le projet de loi institue un schéma national d’hébergement qui sera décliné dans chaque région en schéma régional. Il appartiendra à l’Office français de l’immigration et de l’intégration de piloter le schéma et de proposer des solutions d’hébergement – CADA ou HUDA. La mission de l’OFII est élargie et cet organisme doté de moyens supplémentaires.
Voilà qui pose la question de l’hébergement directif que dénoncent plusieurs associations au motif qu’il ne respecte pas le libre choix du demandeur. M. le ministre de l’intérieur a justement rétorqué, qu’un demandeur demande l’asile à la France, pas à la Corrèze ou la Manche ou la Lozère – il aurait pu ajouter les Landes. Cela dit, à titre personnel, je ne suis pas totalement opposé à ce que des exceptions puissent être envisagées pour des motifs impérieux et dûment établis, mais, par définition, une exception n’est pas un droit, encore moins une règle.
Au total, ce projet de loi est une véritable réforme du droit d’asile comme l’avait annoncé le Gouvernement il y a un an maintenant. Ce projet a été amendé par l’Assemblée nationale et constitue une avancée considérable en matière de droit et de moyens, sur la voie d’un droit d’asile plus juste, plus humain et mieux adapté aux besoins. C’est pourquoi nous pouvons être satisfaits du travail accompli et voter ce texte, même s’il n’est pas parfait – mais la perfection est-elle de ce monde ? Il redonne à la France les moyens et l’éthique de sa tradition d’accueil des réfugiés, qui remonte à la Révolution française, comme cela a été maintes fois rappelé.