Intervention de Patrice Martin-Lalande

Séance en hémicycle du 22 novembre 2012 à 21h30
Aménagement numérique du territoire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrice Martin-Lalande :

Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, cette proposition de loi a le mérite d'offrir l'occasion d'un débat sur une problématique qui évolue en permanence, avec un contexte économique peu porteur pour les opérateurs privés et l'annonce d'une nouvelle politique gouvernementale.

Je partage la préoccupation des sénateurs Hervé Maurey et Philippe Leroy de mieux assurer l'aménagement numérique de notre territoire en très haut débit en renforçant le rôle que jouent dans cet aménagement les collectivités territoriales. Toutefois, dans le contexte actuel de crise économique et de fragilité des opérateurs français, je m'interroge sur la possibilité de mettre en oeuvre les remèdes proposés en édictant une série de nouvelles obligations qui s'imposeront aux collectivités territoriales et aux opérateurs de communications électroniques.

Depuis deux ans, les pouvoirs publics ont élaboré, avec l'ARCEP, un cadre juridique qui me semble clair, favorisant l'engagement des opérateurs dans un plan ambitieux de déploiement de la fibre optique sur le territoire national. En renforçant les contraintes et les sanctions à l'encontre des opérateurs privés, en mettant en concurrence les déploiements privés et publics, en remettant en cause des pratiques de contractualisation et les programmes d'investissement déclarés, je crains que la présente proposition de loi ne déstabilise, au moins en partie, le cadre juridique qui est le garant du modèle économique nécessaire pour l'investissement dans la fibre optique.

Il faut veiller à ce que cette proposition de loi n'aille pas à l'encontre d'objectifs que nous partageons tous. Dissuader l'initiative privée serait rendre un mauvais service au pays. Remettre en cause ce que nous avons fait pour éviter les doublons de réseaux serait également dommage. Il ne faut pas non plus créer de nids à contentieux, d'insécurité juridique : Dieu sait si nous n'en avons pas besoin dans le domaine du très haut débit ! Pour s'engager, les investisseurs, privés et publics, ont besoin d'une visibilité et d'une stabilité du cadre juridique et fiscal ; n'envoyons pas de signaux négatifs pour l'investissement.

L'élaboration des schémas directeurs, à laquelle nous procédons dans nos départements ou nos régions, est une tentative bien délicate de réduire les incertitudes de tous ordres, technologiques, économiques, incertitudes d'usage... Rendre obligatoire l'application de ces schémas me semble assez risqué, car nous aurons à revoir leur contenu en permanence, année après année, quelques fois plus souvent encore, parce que tout évolue trop vite et que certains points d'interrogation sont loin d'être levés et ne le seront que progressivement. Je suis donc tout à fait réservé vis-à-vis d'une telle obligation : nous devrions en permanence les remettre en cause, et ce serait un frein à l'engagement des investisseurs.

Par exemple, nous avons besoin de réduire l'incertitude sur les réseaux de collecte, dont il nous faut assumer la construction. Ce que je constate en Loir-et-Cher, c'est que, sur le tracé exact des fourreaux à installer, la fibre qui se trouve à l'intérieur, la capacité utilisée et celle qui peut être libérée, la place disponible pour de nouvelles fibres, nous sommes en attente d'informations suffisantes. Selon la réponse que nous obtiendrons des opérateurs, le coût de l'investissement pour le département variera entre 1 ou 2 millions et 22 millions d'euros ! Inutile de vous dire que s'engager sur un schéma avec une telle incertitude sur le montant des investissements est trop risqué ; ce n'est pas réaliste.

Sur la 4G aussi, nous avons d'y voir plus clair, madame la ministre. Il faut mieux connaître les intentions de déploiement : celui-ci aura lieu en beaucoup d'endroits, dans les zones les moins peuplées, les zones de déploiement prioritaire. C'est la meilleure solution pour permettre d'avoir accès à une échéance assez rapprochée au très haut débit. Malheureusement, les engagements sont pris par les opérateurs au niveau national jusqu'en 2023, et c'est seulement à cette date que les engagements commenceront à être départementalisés.

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