Intervention de Bérengère Poletti

Réunion du 9 décembre 2014 à 17h00
Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBérengère Poletti, rapporteure :

La politique de développement des services à la personne concerne aujourd'hui un vaste champ composé de 23 activités diversement soutenues par des mesures de trois types : des exonérations de charges sociales pour un montant total de 1,8 milliard d'euros ; des avantages fiscaux pour un montant total de 4,2 milliards d'euros ; des réglementations spécifiques destinées à garantir la qualité des services destinés aux publics fragiles, ainsi que des mesures de simplification comme le chèque emploi-service universel ou le site Pajemploi, mises en oeuvre par les caisses de sécurité sociale.

Les 23 activités du champ des services à la personne sont encadrées et soutenues à des degrés divers, les activités soumises à agrément n'étant pas forcément assimilables aux activités destinées aux publics fragiles.

La Cour des comptes porte un regard sévère sur la cohérence des variations qui déterminent le degré de soutien aux activités du secteur. On observe en effet de nombreuses distinctions. Les exonérations de cotisations sociales et le taux de TVA varient en fonction du public visé : personnes dépendantes, jeunes enfants, enfants de plus de six ans etc. Le crédit d'impôt et la réduction d'impôt dépendent, pour leur part, de la situation fiscale ou professionnelle du particulier bénéficiaire. Enfin, certaines aides sont liées à la modalité de recours au service : particulier employeur, prestataire, entreprise, association, structure publique... Tout cela est naturellement source de complexité et mériterait une clarification, ne serait-ce que pour uniformiser dans nos différents codes les notions de « public fragile », de « personne dépendante » ou de « personne en perte d'autonomie ».

L'ensemble du plan de soutien aux services à la personne représente aujourd'hui une dépense de 6,5 milliards d'euros. Toute tentative pour mieux orienter ou mieux cibler cette dépense se heurte à des difficultés, que notre rapport met en lumière.

Premièrement, le soutien des services à la personne répond à une double logique, car il relève en réalité de deux politiques publiques : une politique de solvabilisation des besoins des publics fragiles, dans un contexte de forte tension entre l'offre et la demande ; une politique de création d'emplois par la lutte contre le travail dissimulé. Cette logique duale est au coeur des difficultés de l'évaluation, au point qu'elle a inspiré le titre de notre rapport.

Bien que le soutien des services à la personne contribue à deux politiques publiques, les interactions entre les mesures bénéficiant à ce secteur et les mesures plus générales relevant des politiques de l'emploi et des politiques sociales sont très insuffisamment évaluées. Aucune étude ne permet de dire s'il est plus efficace de revaloriser les exonérations de charges sociales ou les prestations sociales. Le résultat du cumul des exonérations propres au secteur des services à la personne avec d'autres allégements, tels que les allégements « Fillon » ou le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), n'a pas été évalué non plus. Il existe probablement des redondances coûteuses pour nos finances publiques, ainsi que des distorsions de concurrence entre organismes de services à la personne du fait des possibilités de cumul, mais aucune étude ne permet de l'affirmer.

Deuxièmement, nous souhaitons insister sur la question du coût net. À l'instar de nombreuses fédérations de services à la personne et du ministère de l'économie, nous sommes persuadées que le soutien aux services à la personne, pour coûteux qu'il soit, est la source de grands bénéfices. C'est à l'aune de ces bénéfices qu'il conviendrait de redéfinir le contour de nos aides publiques. Je citerai deux exemples qui figurent dans le rapport.

Cas numéro 1 : un salarié de particulier employeur paye des cotisations sociales, mais donne également lieu à des cotisations patronales, d'autant que les exonérations de « Fillon » sur les bas salaires ne lui sont pas applicables. En retenant l'hypothèse d'une rémunération horaire de 10 euros, chaque heure travaillée coûte 5 euros à l'État, engendre 2,30 euros de cotisations salariales et 4,20 euros de cotisations patronales. Ce salarié fait donc rentrer dans les comptes de la sécurité sociale plus d'argent qu'il n'en sort des comptes de l'État.

Cas numéro 2 : celui d'un salarié au service d'un public fragile, employé par un prestataire qui, lui, a droit aux allégements « Fillon ». Les cotisations salariales sont toujours de 2,30 euros, mais les cotisations patronales ne sont plus que de 1,20 euro. Dans cet exemple, le salarié fait donc rentrer dans les caisses de la sécurité sociale moins d'argent qu'il n'en sort de celles de l'État.

La Cour des comptes nous invite à réduire les dépenses en faveur du secteur, mais avec quelles conséquences sur l'emploi déclaré ? Cette question est au coeur de nos divergences.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion