Intervention de Laurent Fabius

Réunion du 25 novembre 2014 à 18h00
Commission des affaires étrangères

Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international :

Les Iraniens se disent prêts à le ratifier.

En tout cas, j'ai trouvé l'atmosphère générale à Vienne beaucoup plus positive que lors des discussions précédentes. Néanmoins, il convient de rester très prudent, car c'est au moment de l'éventuelle signature d'un accord que l'on pourra en mesurer les avantages et les inconvénients.

Afin de préciser la position de la France, j'ai défini des lignes rouges, qui me paraissent incontestables et ne sont nullement négatives. En outre, j'ai fait inscrire une phrase prononcée par M. Rohani dans le préambule de l'accord préliminaire et dans le projet d'accord définitif : « Under no circumstances will Iran ever seek nor develop any nuclear weapons. » – « En aucune circonstance, l'Iran ne cherchera à acquérir ni ne développera d'arme nucléaire. » Chaque fois que nous abordons un sujet dans la négociation, je rappelle cette affirmation, et souligne la nécessité d'en tirer les conséquences techniques. Si elle peut être vérifiée, je serai favorable à l'accord trouvé. En revanche, si tel n'est pas le cas, je ne donnerai pas mon agrément. Nous avons prolongé les discussions d'un premier délai de trois mois, puis de quatre mois supplémentaires pour les annexes. Je ne serais guère étonné que l'ensemble de la négociation se poursuive jusqu'au 30 juin 2015. Il s'agit d'un problème de sécurité général. Nous devons donc faire preuve non seulement de bonne volonté, mais aussi d'un grand sérieux, la recherche de la paix et de la sécurité restant la première exigence qui s'impose à nous.

Quant aux relations économiques avec l'Iran, si nous ne parvenons pas à un accord, il n'y aura d'accord pour personne. En revanche, si nous parvenons à un accord, les Français n'ont pas de raison d'être moins habiles que les autres. Gardons-nous de raisonner de la sorte : l'affaire est trop sérieuse pour que nous la subordonnions à d'autres considérations.

S'agissant de l'Irak, je n'ai pas d'éléments nouveaux à vous communiquer.

Concernant la Syrie, j'ai publié une tribune dans plusieurs journaux français et étrangers il y a trois semaines, afin de signaler qu'Alep devait être notre prochain objectif. À Kobané, la résistance s'est organisée et l'avancée de Daech semble désormais contenue. En revanche, à Alep, toutes les forces sont présentes : Daech, les troupes de Bachar Al-Assad, Al-Qaïda et l'opposition modérée. D'une part, il convient de sauver des dizaines de milliers d'Aleppins du massacre. D'autre part, si nous parvenions à créer, au nord de la Syrie, voire ailleurs dans le pays, des zones de sécurité que personne ne pourrait bombarder, la population civile pourrait s'y réfugier et n'aurait pas à fuir vers la Turquie, la Jordanie ou le Liban. Cette démarche est également préconisée par l'envoyé spécial du Secrétaire général des Nations unies pour la Syrie, M. Staffan de Mistura, ainsi que par la Turquie.

Choisir Alep comme notre prochain objectif nous obligerait à sortir de l'ambiguïté vis-à-vis de Bachar Al-Assad. Les frappes contre Daech lui profitent. Et il continue, pour sa part, à faire larguer des barils d'explosifs. Selon nous, la solution consistera à associer des éléments du régime et de l'opposition, ce qui suppose que nous ne fassions pas le lit de Bachar. Or, si nous réussissons à instaurer des zones de sécurité où les Syriens peuvent être libres et échapper aux bombardements, cela signifiera qu'il n'est pas maître de tout le territoire syrien.

Nous discutons de cette question avec les États-Unis. À cet égard, monsieur Loncle, loin de définir ma position par rapport à celle du Parti républicain ou à celle du Parti démocrate, je cherche surtout à adopter une position juste. À ce stade, les Américains hésitent. D'un côté, ils aimeraient bien agir dans ce sens. De l'autre, ils considèrent que leur ennemi est avant tout Daech. En créant des zones de sécurité, nous toucherions Daech et Al-Qaïda, tout en réduisant les ambitions de Bachar Al-Assad. Or, si nous voulons trouver une solution avec le concours de la Russie – avec laquelle nous discutons –, voire avec celui de l'Iran, il faut que nous affaiblissions Bachar. Les Russes répètent qu'ils ne sont pas mariés avec lui, mais ils pensent toujours, à ce stade, qu'il va finir par l'emporter. Leur point de vue pourrait évoluer, s'il n'était plus, demain, en position de force.

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