Intervention de Marie-Christine Dalloz

Séance en hémicycle du 16 décembre 2014 à 21h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2014 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Christine Dalloz :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ce projet de loi le 16 juillet 2014. L’Assemblée nationale en a débattu en séance publique le 18 septembre 2014, le Sénat le 16 octobre 2014 et une CMP a finalement adopté le texte le 11 décembre 2014.

Ce texte est une succession d’habilitations à transposer par voie d’ordonnance de nombreuses dispositions relevant de directives européennes adoptées ces derniers mois et qui doivent s’appliquer d’ici à 2016. Ces dispositions ont pour point commun de concerner, plus ou moins, le système financier européen et le fonctionnement du marché intérieur. Certaines en effet concernent les entreprises, d’autres les consommateurs. On trouve également des dispositions relevant à la fois du secteur bancaire et du secteur financier.

Il s’agit d’un texte fourre-tout, particulièrement dense, qui ne nous permettra probablement pas de débattre suffisamment de sujets dont certains mériteraient pourtant de faire l’objet d’un texte spécifique.

Il contient des dispositions relevant du droit bancaire, du droit boursier, du droit des assurances, du droit de la consommation, du droit comptable et de la problématique de l’open data.

Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi d’émettre une critique, non sur le fond de chacune des mesures, mais sur la forme. Le Parlement se retrouve dépossédé d’une partie du débat sur des sujets pourtant majeurs, sans que l’action du Gouvernement ne soit strictement encadrée. Je pense que ce constat est partagé par une grande partie de mes collègues. Le Parlement doit encadrer le pouvoir qu’il délègue. C’est sa mission.

En commission des finances, le rapporteur nous a assurés que nous pourrions participer à un groupe de travail chargé d’élaborer certaines ordonnances. Vous avez vous-même évoqué, monsieur le secrétaire d’État, la création d’un comité pour la mise en place d’une autorité de régulation de la médiation. Vous nous avez en outre rappelé que nous pourrions toujours intervenir lors de la ratification. Je crains que tout cela ne soit pas suffisant. Le Parlement doit exercer sa mission de contrôle.

Monsieur le rapporteur, le fait que des débats aient déjà eu lieu au niveau européen ne justifie pas que le Parlement se trouve privé de son pouvoir d’amender : on ne voit pas pourquoi les débats au sein des instances communautaires rendraient inutiles les débats nationaux.

Qu’il s’agisse de la directive du 15 mai 2014 établissant un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, qui s’inspire des enseignements de la crise financière et vise à doter les États membres d’outils nouveaux permettant de faire face à la faillite désordonnée des établissements de crédits, de la directive relative aux systèmes de garantie des dépôts ou encore de la directive Solvabilité II relative aux assurances, ce sont autant de sujets qui ne peuvent en aucun cas être balayés d’un revers de la main.

Le fait que ces dispositions soient transposées en même temps que la directive du 22 octobre 2013 dite « Transparence », relative aux entreprises, la directive du 26 juin 2013 dite « Comptable », ou celle concernant le crédit immobilier, et plus particulièrement les consommateurs, nous empêche de débattre de manière exhaustive de ces sujets.

Il ne s’agit pas en effet d’examiner l’opportunité d’une transposition globale de directives européennes ayant trait aux mêmes sujets : il s’agit d’une multitude de débats sur une multitude de sujets qui méritent pour la plupart d’être approfondis et examinés complètement et sereinement.

S’agissant du financement du Fonds de résolution unique, la situation est délicate, le maintien de la taxe de risque systémique revenant à appliquer aux banques françaises une double peine. D’ailleurs, le montant de la part française et la durée de contribution au Fonds de résolution unique sont toujours en cours de discussion au sein de la BCE. Vous avez rappelé, monsieur le rapporteur, que s’il était légitime que les banques françaises contribuent à ce dispositif – nous sommes tous d’accord –, le niveau de leur contribution ne pouvait pas être celui qui avait été annoncé. Il conviendrait d’encadrer une si large délégation de notre compétence au Gouvernement sur un sujet hautement important, voire stratégique.

J’en veux pour exemple la problématique de l’open data qui n’est pas un sujet mineur. Par l’article 21, le Gouvernement nous demande l’autorisation de transposer par voie d’ordonnance la directive européenne du 26 juin 2013 relative à la réutilisation des données du secteur public. Cette habilitation n’encadre que très peu l’action future du Gouvernement et je le déplore.

L’article 3 bis, pour sa part, remet en cause la protection des souscripteurs de contrats d’assurance vie. En effet, les compagnies d’assurances devaient, jusqu’à présent, délivrer une information précontractuelle conforme, faute de quoi elles s’exposaient de plein droit à une sanction, à savoir la restitution des primes versées. Or, ce texte modifie les termes de l’application de la sanction de plein droit pour les souscripteurs de bonne foi. C’est un recul du droit des souscripteurs. J’ai tenté en commission mixte paritaire de faire entendre cet argument. Je n’y suis pas parvenue, ce que je regrette, car nous risquons d’affaiblir le droit des souscripteurs.

Pour toutes ces raisons, à titre personnel, je m’abstiendrai.

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