Je n’ai donc pas peur de dire aujourd’hui que de l’adoption ce texte dépendent l’image et la crédibilité de la France sur la scène sportive internationale.
Certes, dans le domaine du dopage, on est toujours tenté de vouloir apporter sa pierre à l’édifice. Mais ne nous trompons pas de combat : depuis la naissance du code en 2003, la lutte a beaucoup progressé, dans sa pratique et sur le terrain. L’AMA a accumulé de l’expérience, ses partenaires aussi : les agences nationales, les laboratoires, les gouvernements, le mouvement sportif. Ne serait-ce que ces derniers mois, avec la publication du passeport biologique et du module stéroïdien qui est un élément essentiel pour la lutte contre le dopage et le suivi des sportifs.
Il était temps que notre outil juridique commun reflète cette expérience accumulée. Car le dopage évolue constamment et très rapidement, hélas. Le succès de la lutte passe aussi par la capacité de nos outils collectifs à s’adapter à cet environnement.
Ce nouveau code était donc nécessaire pour ne pas céder de terrain, compte tenu des évolutions technologiques et médicamenteuses, dont on connaît les ravages, du point de vue de l’éthique sportive comme de la santé des sportifs. Dans quelques semaines, au mois de janvier, à Tokyo, nous aurons un rendez-vous important entre l’AMA et toute l’industrie pharmaceutique. Car il faut savoir que des produits pharmaceutiques qui ne sont pas encore mis sur le marché, qui sont parfois attendus depuis des années, par exemple pour lutter contre les myopathies des enfants, peuvent être détournés de leur utilisation avant même d’être commercialisés. Il est donc indispensable de conduire à son terme ce travail avec l’industrie pharmaceutique.
Nous sommes là dans un domaine extrêmement technique, qui exige un degré d’expertise poussé, à cheval entre le scientifique et le juridique. C’est cette complexité qui justifie le recours à une ordonnance pour transposer le code.
Le nouveau code, je veux le rappeler, est une arme. Et cette arme est le fruit d’un travail titanesque de l’AMA que je salue ici. Ce nouveau code a fait l’objet d’un travail consultatif d’une ampleur sans précédent, pendant près de deux ans.
Pendant deux ans, tous les partenaires de l’AMA, y compris des sportifs de haut niveau comme Tony Estanguet, triple champion olympique, des gouvernements, des agences nationales, l’Agence française de lutte contre le dopage, ont été encouragés à prendre part aux trois phases de consultation. Moi-même, en tant que représentante de l’Europe, j’y ai participé.
Ce processus préparatoire, ambitieux, minutieux, rigoureux, est le gage de la réussite de ce nouveau code et du large consensus qui l’entoure.
Je ne vais pas revenir sur les avancées qu’il contient. Le rapport les décrit très bien, qu’il s’agisse des preuves indirectes, du pouvoir d’enquête, de la proportionnalité des sanctions, de l’extension du délai de prescription, de la prise en compte de l’environnement ou de l’indépendance accrue des agences.
Plus intransigeant, plus juste, il garantit que tous les sportifs seront assujettis – et c’est là l’essentiel – aux mêmes procédures, aux mêmes protections, quels que soient leur sport, leur nationalité, le pays où ils subissent les contrôles. Nous voyons bien, avec les graves allégations qui viennent de s’exprimer à la télévision allemande, combien il était nécessaire – comme l’a rappelé le président de l’AMA, Craig Reedie, que vous avez reçu, monsieur le président Bloche – que tous les athlètes propres à travers le monde soient rassurés quant au fait que la lutte antidopage est menée dans leur intérêt.
Je reviens simplement sur un point, qui a été soulevé dans presque toutes les interventions ce soir et lors des auditions : le débat sur l’élargissement des contrôles en tout temps et en tout lieu. Le droit au respect de la vie privée et le droit constitutionnel à l’inviolabilité du domicile de 21 heures à 6 heures du matin ont été évoqués pour remettre en question, sur ce point, le code.
Il appartiendra à l’ordonnance de trouver le bon équilibre pour préserver l’efficacité de la lutte contre le dopage, tout en garantissant le respect des libertés individuelles et des droits constitutionnels de chacun. Mais il est évident que si les tricheurs savent qu’ils ne peuvent pas être testés de 21 heures à 6 heures, c’est une énorme faiblesse dans le dispositif, car on sait la sophistication des nouvelles techniques de dopage et les durées d’élimination extrêmement courtes, compte tenu des nouvelles modalités d’application de ces produits. Je dis bien « d’application », car il ne s’agit plus d’injections.
Je ne doute pas que le Gouvernement sera, comme vous l’avez dit, très attentif à cet aspect.
Il faut également savoir que le juge Jean-Paul Costa, ancien président de la Cour européenne des Droits de l’homme, a été étroitement associé à la rédaction du nouveau code et a émis un avis juridique sur sa force exécutoire. S’agissant des contrôles en tout temps et en tout lieu, il a estimé que c’était un principe acceptable s’il était exercé avec retenue. Nous y serons attentifs.
Je conclus en disant que l’adoption, aujourd’hui, de ce petit article unique permettra à la France de franchir un pas important dans la lutte contre le dopage, pour ainsi dire : de mettre à jour notre logiciel en un seul clic.
Cela ne nous exonère pas de regarder vers le futur et d’envisager, en complément, un travail plus approfondi, avec le Gouvernement, pour toujours améliorer notre dispositif. Je pense notamment à une évolution de notre agence nationale ou à une meilleure coopération en matière d’enquêtes. Pour citer Martin Luther King : « Celui qui accepte le mal sans lutter contre lui coopère avec lui. »