Monsieur le président, madame la ministre de la culture et de la communication, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, la presse est aujourd’hui confrontée à une mutation économique et technologique sans précédent. La transition en cours de l’imprimé vers le numérique ne fera sans doute pas disparaître complètement le papier, mais le modèle économique de la presse papier est frappé de plein fouet par une crise structurelle, dont les effets s’amplifient depuis 2012 : érosion et vieillissement continus du lectorat, effondrement des ventes et des recettes liées à la diffusion, en particulier des ressources publicitaires, déstabilisation de la principale messagerie de presse, réduction régulière du nombre de points de vente. Parallèlement, la presse numérique, bien qu’en pleine croissance, demeure une source de revenus mineure pour la plupart des éditeurs de presse.
Dans ce contexte, les rapports qui se succèdent ne cessent d’interroger l’efficacité et la cohérence de la politique de soutien de l’État, mais aussi le comportement des acteurs du secteur face au changement. Depuis deux siècles, le secteur de la presse est marqué par une ambivalence fondamentale : l’information est pensée comme un bien public justifiant un fort interventionnisme de l’État, mais elle demeure produite comme une marchandise. Or le marché, à travers la course à l’audience, voire le racolage, tire la qualité vers le bas. Quant à l’État, il régule avec un zèle mollissant, et depuis trop longtemps subventionne sans faire preuve d’un discernement suffisant. On n’a pas su sanctuariser les moyens de l’ambition de l’après-guerre, le double caractère de la presse, idéalement collectif et concrètement marchand ; tout s’est sédimenté sous la forme d’une tension entre le marché et l’État.
Ce constat est particulièrement vrai s’agissant de la distribution de la presse, ses modes de distribution – portage, postage, réseaux de distribution de la presse régionale, système coopératif de distribution où coexistent deux coopératives –se concurrençant au lieu de se compléter. Dans un contexte d’effondrement de la diffusion papier, il est urgent de rationaliser l’ensemble de ces réseaux, mais aussi les aides qui les accompagnent. Un régulateur puissant doit permettre aux éditeurs de surmonter leurs divisions et leurs conflits d’intérêts.
La loi a donc élargi les compétences de l’instance professionnelle d’autorégulation, le Conseil supérieur des messageries de presse, CSMP, et créé à ses côtés une autorité administrative indépendante, l’Autorité de régulation de la distribution de la presse, l’ARDP, qui intervient a posteriori pour rendre ses décisions exécutoires. Cette architecture bicéphale est sans doute un peu complexe, mais elle semble concilier l’impératif d’efficacité avec la tradition d’autorégulation de la filière. Il est donc proposé de renforcer les pouvoirs de régulation, et principalement ceux de l’ARDP.
Il reste beaucoup à faire, notamment en ce qui concerne les barèmes, dont la structure particulièrement opaque présente des anomalies majeures et n’apparaît pas compatible avec le maintien de l’équilibre économique d’ensemble de la filière.
Faut-il, ou non, conserver deux messageries ?