Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je me réjouis, en cette fin d’année, que nous puissions débattre de la proposition de loi sur la modernisation du secteur de la presse défendue par le groupe socialiste et dont l’initiative revient à notre excellent collègue Michel Françaix.
Permettez-moi de saluer ici, pour en avoir été le témoin, le travail au long cours accompli par notre rapporteur pour arriver à ce résultat. En effet, cette proposition de loi fait suite, en ce qui concerne celles de ses dispositions relatives à l’AFP, au rapport que Michel Françaix a remis au Premier ministre en avril dernier, après avoir passé plusieurs mois à se pencher sur l’avenir de l’Agence, alors même que son mode de financement faisait l’objet d’une remise en cause à Bruxelles.
La singularité de l’Agence et notre attachement collectif à cette « pépite », pour reprendre le terme de notre rapporteur, et à ceux qui font l’AFP, c’est-à-dire d’abord ses journalistes, nécessitaient que nous nous mobilisions et que nous légiférions afin de donner les moyens à l’AFP d’assurer son développement et donc son avenir.
Ainsi, alors même que l’AFP, première agence internationale de presse francophone, va fêter ses soixante-dix ans au mois de janvier prochain, nous nous penchons aujourd’hui, non seulement sur son avenir économique et financier, mais aussi sur l’avenir de sa gouvernance. Je ne reviens pas ici sur les dispositions précises du texte que notre rapporteur vient de présenter, si ce n’est pour me réjouir du travail fin et précis mené en commission – vous l’avez souligné, madame la ministre – concernant notamment la composition et les missions des organes de gouvernance, ainsi que la durée du mandat de leurs membres.
Au-delà, je souhaite rappeler combien nous sommes attachés à la spécificité de cette agence, dont l’indépendance nous est particulièrement chère, et à quel point nous sommes vigilants et concernés par son avenir, y compris celui de sa future filiale « AFP Blue », dont le conseil d’administration de l’AFP vient d’autoriser la création, même si elle ne figure pas dans le texte dont nous sommes saisis aujourd’hui.
Notre ambition est de permettre à l’AFP de financer ses investissements sans qu’il soit porté atteinte à son indépendance. Nous pouvons résumer notre action en une formule : « ni étatisation, ni privatisation ». La progression de la dotation de l’État pour 2015 est également le signe de cette attention particulière portée aux missions d’intérêt général de l’Agence.
Vous l’avez indiqué, monsieur le rapporteur : la proposition de loi comporte aussi des dispositions destinées à moderniser l’organisation du système de distribution de la presse papier, définie en 1947 par la fameuse loi Bichet, et qui connaît aujourd’hui des difficultés, qui ne sont pas nouvelles mais qui demeurent.
Accompagner la modernisation de la presse est aujourd’hui un devoir. Il ne s’agit pas de promettre un « grand soir », mais de faire émerger un modèle plus solidaire et plus efficace en termes industriels, et de renforcer la régulation du système coopératif de distribution de la presse papier, ce qui est en soi, dans le contexte de mutations que nous connaissons, une réforme indispensable dont dépend sans doute la survie du secteur.
Étant, depuis peu, président de la commission professionnelle des kiosquiers, je souhaite que l’on n’oublie pas ces professionnels qui sont au bout de la chaîne, qui vivent souvent dans une grande précarité et dont les conditions de travail se sont dégradées ces dernières années.
Enfin, et ce n’est pas négligeable, la proposition de loi crée un nouveau statut d’entreprise de presse, que je ne saurais qualifier à cet instant puisque nous réfléchirons ensemble, lors de l’examen des amendements, à la meilleure dénomination possible. Qu’on l’appelle « entreprise citoyenne de presse », « entreprise solidaire de presse », « entreprise participative de presse » ou autrement, ce qui nous importe avant tout, c’est que ce statut permettre l’ouverture de nouveaux horizons, l’éclosion de nouveaux modèles, en donnant une chance supplémentaire à des entreprises de presse qui font le choix d’investir leurs bénéfices dans leurs activités. Je salue à cet égard, madame la ministre, votre volonté affirmée de créer rapidement des incitations fiscales au développement de cette nouvelle forme d’entreprise de presse.
Je voudrais enfin évoquer une disposition ajoutée en commission, accueillie au sein de ce texte comme elle l’avait été précédemment dans le projet de loi renforçant la protection du secret des sources des journalistes, sans y être réellement rattachée. Je suis heureux que ce texte permette aux journalistes d’accompagner les parlementaires qui se rendent dans des lieux de détention.
Parce que le pluralisme, l’indépendance et l’existence même de la presse reposent sur les journalistes, je saisis l’occasion de la discussion de ce texte pour vous rappeler, madame la ministre, notre ferme volonté que le projet de loi renforçant la protection du secret des sources des journalistes puisse être au plus tôt débattu par notre assemblée. Nous avons récemment, avec Michel Pouzol, rapporteur pour avis de notre commission, réaffirmé ce souhait dans un courrier adressé au Premier ministre.
Vous m’avez cependant répondu par avance, madame la ministre, et vous avez raison de dire qu’avant d’établir un calendrier, il faut définir le contenu de ce futur projet de loi. Ici même, en 2010, nous avons voté une loi améliorant la protection des sources des journalistes, mais nous étions alors nombreux à estimer qu’elle n’allait pas assez loin, surtout au regard du droit belge, qui est pour nous une référence en cette matière. Il est temps de définir le contenu de ce futur projet de loi et de s’attacher à renforcer la protection des sources des journalistes si on veut que la France puisse enfin progresser en matière de liberté de la presse : on ne saurait tolérer plus longtemps que la patrie des droits de l’homme et du citoyen ne soit qu’au trente-neuvième rang dans ce domaine !