Intervention de Rudy Salles

Séance en hémicycle du 17 décembre 2014 à 21h30
Modernisation du secteur de la presse — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRudy Salles :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la liberté de la presse, son indépendance et son pluralisme sont intrinsèquement liés à la démocratie. La presse est en effet aussi essentielle pour l’équilibre des pouvoirs qu’elle est indispensable à la vitalité du débat citoyen.

La presse est également un produit économique confronté à une crise profonde : pénalisées par la faiblesse du réseau de distribution, par des coûts d’impression et de diffusion élevés, par l’absence de stabilité et de visibilité financières, les entreprises de presse sont aujourd’hui également fragilisées par la concurrence du numérique et par l’émergence de nouveaux formats plus compétitifs.

Notre groupe estime qu’il est par conséquent essentiel de veiller à ce que la presse puisse continuer d’exercer ses missions fondamentales, tout en s’adaptant à un environnement économique, social et culturel bouleversé par de profondes mutations. Tel est l’objectif auquel concourt la présente proposition de loi qui, à défaut de révolutionner le monde de la presse, permettra néanmoins d’accompagner ses nécessaires évolutions. Il va sans dire que nous aurions souhaité que la majorité privilégie une réflexion globale sur un modèle de développement économiquement viable et pérenne pour la presse et qu’elle adopte une approche globale cohérente qui permette à la presse de réussir son adaptation aux défis du XXIe siècle.

Si elle ne constitue pas la grande réforme attendue, cette proposition de loi nous semble équilibrée et les mesures qu’elle prévoit pragmatiques. Les objectifs en sont clairs : accélérer la régulation du système de distribution de la presse papier ; adapter la gouvernance de l’Agence France Presse afin qu’elle puisse valoriser son savoir-faire à l’échelle mondiale ; soutenir les acteurs de la nouvelle économie pour favoriser le pluralisme de la presse.

Le texte vise en premier lieu à renforcer la régulation du système coopératif de distribution de la presse vendue au numéro pour garantir sa pérennité à court terme. Le maintien du système actuel, caractérisé par des barèmes opaques et des iniquités fortes, était incompatible avec l’équilibre économique de la filière.

Il sera institué une procédure d’homologation du barème des tarifs des deux sociétés coopératives de messageries de presse par le Conseil supérieur des messageries de presse, rendue exécutoire par l’Autorité de régulation de la distribution de la presse, dont les champs de compétences sont définis. À cet égard, si nous nous félicitons que l’indépendance des réseaux extérieurs, notamment ceux de la presse quotidienne régionale, ait été confortée, nous proposerons qu’il soit précisé sans ambiguïté que le champ de compétences du Conseil supérieur des messageries de presse et de l’Autorité de régulation de la distribution de la presse vise bien le seul système coopératif. Le rôle singulier de la presse quotidienne régionale, qui constitue le principal vecteur d’information du pays, doit être absolument renforcé.

Le deuxième objectif de cette proposition de loi est de faire entrer de plain-pied l’Agence France-presse dans le XXIe siècle, en faisant prendre à sa gouvernance le virage de la modernité. Cette modernisation s’articule autour de deux axes forts : d’une part, ouvrir le conseil d’administration pour conforter sa dimension stratégique ; d’autre part, solidifier le Conseil supérieur, garant de l’exigence éditoriale de l’Agence. Notre groupe tient à saluer les avancées permises par nos travaux en commission : celle relative à la parité, qui sera la règle pour la constitution du conseil d’administration et du Conseil supérieur, et celle garantissant la participation de la rédaction à la prise de décision du Conseil supérieur.

Nous tenons également à saluer l’amendement adopté à l’initiative de notre collègue Marie-George Buffet, qui prévoit que le conseil d’administration pourra valider les priorités stratégiques du président-directeur général avant de lui accorder sa confiance. Ce processus, analogue à celui qui régit la nomination du président-directeur général de l’audiovisuel public, sera un gage d’indépendance pour l’Agence France-presse, qui est, nous le savons toutes et tous, incontournable dans le traitement et la diffusion de l’information.

Enfin, cette proposition de loi envisage la création d’un statut d’entreprise solidaire de presse d’information. Il s’agit ici de créer les conditions de l’émergence de nouvelles entreprises de presse, inspirées du modèle des entreprises de l’économie sociale et solidaire, cher à notre collègue Francis Vercamer et qui participe de la vitalité de notre économie. Nous nous réjouissons que l’appellation initiale d’entreprise citoyenne de presse d’information, impropre, inadaptée et inopportune, ait été modifiée. Une telle appellation aurait créé une confusion regrettable : la presse est citoyenne par essence, quel que soit le mode de gestion des entreprises. Je salue par conséquent le consensus qui s’est dessiné autour de cette question, lors de nos travaux en commission, et je souhaite, au nom du groupe UDI, que cet équilibre soit préservé en séance publique.

J’appelle néanmoins l’attention de la représentation nationale sur un sujet qui me semble de toute première importance. La création de ce statut d’entreprise solidaire de presse d’information s’accompagnera nécessairement de mesures fiscales incitatives, afin de rendre plus attractif le choix de ce statut. Ce levier fiscal permettrait en effet de rendre possibles la prise de participation du lectorat dans des projets innovants ou la reprise d’entreprises en difficulté grâce au financement participatif. Il me semble par conséquent utile que ce nouveau statut puisse bénéficier d’un avantage fiscal. Cela ne signifie pas pour autant que l’inscription dans la loi d’août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse de la notion d’information politique générale, au sens de l’article 39 bis A du code général des impôts, nous paraisse adaptée. En effet, la définition de la notion d’information politique générale relève à la fois du code général des impôts et du code des postes et télécommunications, justifiant par là le bénéfice de dispositifs dédiés.

La création d’une nouvelle catégorie, en concurrence avec les deux périmètres existants, serait selon nous de nature à engendrer de la confusion. Nous proposerons par conséquent de supprimer cette référence, dans l’attente d’une refonte globale des aides à la presse, qui permette de soutenir davantage la presse quotidienne régionale, laquelle a perdu 800 000 lecteurs en cinq ans, comme je l’avais relevé l’an dernier dans mon rapport, et de mieux cibler les aides, afin de favoriser la modernisation du secteur de la presse.

Nous espérons que notre assemblée fera preuve d’une attention bienveillante à l’égard de nos propositions. Pour notre part, nous sommes prêts à soutenir cette proposition de loi, sous réserve que son équilibre ne soit pas bouleversé.

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