Intervention de Barbara Pompili

Séance en hémicycle du 17 décembre 2014 à 21h30
Modernisation du secteur de la presse — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBarbara Pompili :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, la liberté de la presse demeure un enjeu de démocratie, et pas uniquement là où les libertés d’opinion et d’expression ne sont pas garanties. Même dans les pays où cette liberté semble acquise, un devoir de vigilance s’impose. En France, nous devons ainsi veiller perpétuellement à ce que ces principes fondateurs de notre démocratie ne souffrent d’aucune remise en question. On pense à la censure, bien évidemment, mais n’oublions pas que, pour permettre à ces libertés d’être effectives, nous avons besoin d’une presse diverse et plurielle, qui vive et se déploie sur l’ensemble de notre territoire.

C’est pourquoi je ne peux m’empêcher d’être inquiète face aux difficultés que traverse la presse : garantir la pluralité de l’offre en matière d’information relève d’une nécessité démocratique. Or, pour pérenniser un tel pluralisme, les mutations économiques et technologiques auxquelles la presse papier est confrontée exigent un changement d’approche radical, notamment dans la façon dont nous aidons ce secteur. On ne peut en effet continuer à se satisfaire de quelques pansements qui permettent temporairement de maintenir le système. Les pansements n’ont de sens que si, parallèlement, tous les acteurs concernés s’attaquent à la racine des problèmes et envisagent ensemble les évolutions à mener. J’entends par là les éditeurs de presse, les diffuseurs, les points de vente, mais aussi les pouvoirs publics qui doivent, dans la concertation, décider sereinement des changements à opérer, afin de faire face aux mutations inéluctables et à celles qui sont déjà en cours. Personne ici ne contredira les chiffres, malheureusement bien connus et qui ont été rappelés au cours des débats : ceux qui mesurent la baisse des ventes de la presse papier, en lien direct avec la diminution du nombre des lecteurs, mais aussi les disparitions de kiosquiers ou la mauvaise santé des messageries.

Lors des discussions en commission sur l’avenir de la presse, nous étions unanimes à reconnaître que l’ère du numérique pose la question de la pertinence du modèle de soutien à la presse, d’autant plus légitimement que les rapports concluant à la nécessité de remettre à plat le système actuel sont nombreux.

Michel Françaix avait pointé cette nécessité dès l’examen du projet de loi de finances pour 2013. Certes il y a eu des évolutions depuis, mais je continue de regretter le manque de lisibilité et de pertinence du système actuel. Est-il nécessaire de rappeler que 80 % des aides à la presse prévues dans le PLF vont aux canaux de distribution, ou encore que la presse numérique bénéficie de moins de 10 % des aides budgétaires ?

C’est pourquoi je regrette que cette proposition de loi n’aille pas plus loin dans la voie d’une réforme structurelle des aides à la presse. Cette remise à plat devra être menée en prenant en compte les médias dans leur globalité : on ne peut plus se cantonner à un système d’aide prenant pour critère le type de support. C’était le sens de notre soutien à l’harmonisation des taux de TVA applicables à la presse papier et à la presse électronique, afin d’assurer l’égalité de traitement entre média papier et numérique. Avec l’arrivée du numérique, les frontières entre média papier et audiovisuels tendent à s’effacer. Il ne s’agit pas de nier le fait que les besoins et les problèmes de la presse papier et ceux de la presse numérique ne sont pas les mêmes, mais au regard de l’essor du numérique et au vu du retard de la France dans ce secteur, il me semble absolument nécessaire d’interroger les principes qui régissent notre politique de soutien. Le numérique offre d’ailleurs de nouvelles possibilités, notamment en matière d’interaction avec les citoyens, qu’il serait intéressant de soutenir.

Si cette proposition de loi ne répond pas à notre demande de remise à plat, elle comporte néanmoins plusieurs avancées.

Celles-ci concernent d’abord les messageries. Ces dernières connaissent des difficultés qu’on ne doit pas sous-estimer, la liberté de la presse supposant la garantie de son acheminement vers le lecteur. C’est l’objet de la loi Bichet du 2 avril 1947, déjà évoquée, qui organise la distribution de la presse et donne ainsi toute sa force au principe constitutionnel de la liberté de la presse en empêchant toute discrimination dans la distribution des titres publiés. Les modifications apportées ici respectent bien entendu l’esprit de cette loi ; elles le renforcent même, puisqu’elles visent à accompagner les deux coopératives dans leur mutation pour les amener à se compléter davantage et à moins se concurrencer, de façon à assurer la pérennité du système de distribution. Il s’agit de renforcer la mutualisation et la solidarité entre ces entreprises, tout en responsabilisant davantage l’ensemble des parties prenantes.

Mais cette mutualisation ne doit pas se faire au détriment des citoyens. Ces évolutions ne doivent pas avoir d’impact sur le coût de la presse. Je pense à l’épineuse question des barèmes, mais aussi aux conséquences possibles des efforts de rationalisation, y compris sur le dernier kilomètre. C’est pourquoi nous avions proposé en commission d’assurer la représentation des consommateurs au sein de l’ARDP. Cette proposition n’a pas été retenue, mais j’espère que cet enjeu sera pris en compte.

La création du statut d’entreprise solidaire de presse d’information est une autre avancée de cette proposition de loi. J’ai indiqué en commission qu’un tel statut aurait probablement permis d’éviter, chez moi, à Amiens, la regrettable fermeture du Télescope, site d’information régional en ligne qui contribuait activement au pluralisme local.

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