La connaissance des collections est la base de toute politique muséale, mais elle demeure encore bien imparfaite. C'est pourquoi le récolement, loin de se limiter à un simple décompte des oeuvres, est un outil important au service d'une gestion dynamique des collections, de leur mise en valeur et de leur présentation au public. La loi du 4 janvier 2002 a mis en place les instruments d'une meilleure gestion, en définissant l'appellation « musée de France » et en imposant aux musées une double obligation : constituer ou mettre à jour l'inventaire de leurs collections et effectuer un récolement décennal systématique.
Douze ans après le vote de la loi, assez peu de musées ont pu s'acquitter de cette obligation, même si certains ont consenti de louables efforts à l'approche de la date butoir du 12 juin 2014. Le bilan chiffré est médiocre : notre rapport, qui cite les chiffres annoncés en octobre par la direction des musées de France, présente les résultats en fonction des catégories de musées et de la taille des collections.
Bien que certains musées aient mené à bien la totalité de leur mission, et l'on peut saluer leurs efforts, le taux global de récolement des collections publiques atteint seulement 40 %. Il est de 35 % dans les musées territoriaux et de 54 % dans les musées nationaux, qui relèvent du ministère de la culture. Au vu de ces résultats, Mme Marie-Christine Labourdette, directrice des musées de France, a annoncé le report au 31 décembre 2015 de la date limite d'achèvement du premier récolement général des collections.
Si l'on comprend aisément que ces opérations ambitieuses aient rencontré des difficultés de mise en oeuvre, la mission recommande qu'elles aboutissent au plus vite. À cet effet, elle formule des recommandations concrètes et opérationnelles pour un achèvement effectif des opérations de récolement, en évitant voeux pieux et bonnes intentions, et en prenant en compte la situation difficile de nos finances publiques.
Les responsables administratifs doivent considérer ce récolement non comme une contrainte bureaucratique, mais comme une chance pour les musées, puisqu'il permettra une gestion moderne et dynamique des collections, ainsi qu'une meilleure diffusion des oeuvres auprès du public. Vingt des quarante-sept recommandations que nous avons formulées dans notre rapport ont trait à la connaissance des collections.
La première orientation du rapport concerne l'aboutissement effectif des opérations de récolement. Notre première proposition consiste à reporter la date butoir au 31 décembre 2016. La deuxième vise à apporter, sous conditions, une aide financière ciblée aux musées territoriaux dont le récolement accuse un retard important. La sixième tend à conditionner, au-delà du 31 décembre 2016, les crédits d'acquisition alloués par l'État aux musées à l'achèvement effectif de leurs opérations de récolement.
La deuxième orientation consiste à tirer tous les enseignements du premier récolement des collections, afin de faciliter les suivants. Ayant constaté que les opérations sont plus aisées dans les musées dont le programme de numérisation est avancé, nous proposons, dans notre neuvième recommandation, de numériser à terme toutes les oeuvres des collections publiques, afin de les mettre à la disposition de la communauté des musées et du public. La dixième proposition tend à consacrer le principe d'une libre utilisation des photographies d'oeuvres entrées dans le domaine public, prises par les musées ou l'agence photographique de la Réunion des musées nationaux (RMN). La douzième et la treizième recommandations concernent le renforcement de la formation initiale et continue des conservateurs et des attachés de conservation, en matière de tenue d'inventaire et de récolement. Ces formations s'effectueront tant à l'Institut national du patrimoine (INP) qu'au Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT).
La troisième orientation insiste sur le nécessaire renforcement du pilotage national des politiques muséales. Les propositions quatorze à dix-neuf tendent à donner au service des musées de France un rôle d'animation d'un véritable réseau des musées. La dix-neuvième proposition vise à créer, sur le site intranet du ministère de la culture, un forum d'échanges permettant aux conservateurs, attachés de conservation et personnels scientifiques des musées, qui souffrent actuellement d'une certaine solitude, de mutualiser leurs expériences. Au titre de la seizième proposition, l'établissement par les musées d'un projet scientifique et culturel (PSC) pourrait devenir, à terme, une condition sine qua non à l'octroi ou au maintien de l'appellation « musée de France ». Je rappelle que la moitié des musées de France n'ont pas encore établi de PSC, alors que la loi leur en fait pourtant obligation.
La quatrième orientation consiste à apporter tout le soin nécessaire aux opérations dites de « post-récolement », au moins aussi importantes que le récolement lui-même : marquage des oeuvres, mise à jour des inventaires, couverture photographique des collections, recherche des oeuvres manquantes, mise en place des outils de gestion numérisés des collections. La vingtième proposition prescrit de publier rapidement une circulaire fournissant la base méthodologique de ces opérations, lesquelles peuvent débuter dans les musées qui ont achevé leur premier récolement, et prévoyant les modalités de leur mise en oeuvre.