Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Réunion du 17 décembre 2014 à 9h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L'ÉDUCATION

Mercredi 17 décembre 2014

La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.

La commission examine le rapport d'information de Mme Isabelle Attard, rapporteure, et de MM. Michel Herbillon, Michel Piron et Marcel Rogemont, corapporteurs en conclusion des travaux de la mission d'information sur la gestion des réserves et des dépôts des musées.

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La dernière réunion de notre commission, pour l'année 2014, est consacrée à la présentation d'un rapport que nous attendons depuis un an. La mission d'information sur la gestion des réserves et des dépôts des musées, dont les travaux ont commencé le 5 novembre 2013, nous a présenté, le 9 juillet dernier, un rapport d'étape. Hier, elle a adopté son rapport définitif. Je donne la parole successivement aux quatre corapporteurs pour vous présenter les quatre parties de leur rapport.

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Pour mener à bien cette mission commencée il y a treize mois, nous avons entendu, en auditions et lors de déplacements, une centaine de personnes. Nous nous sommes déplacés en France, ainsi qu'aux États-Unis, en Grande-Bretagne et en Allemagne. Ce matin, nous concentrerons nos interventions sur les préconisations de la mission, le constat vous ayant très largement été présenté le 9 juillet dernier comme le président vient de le rappeler.

Aux termes de loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de France, dite « loi musées », sur laquelle avaient travaillé nos collègues Marcel Rogemont et Michel Herbillon, tous les musées de France sont tenus de procéder au récolement décennal de leurs collections, c'est-à-dire de confronter l'inventaire et les oeuvres effectivement présentes dans les établissements.

Si la commission des affaires culturelles et de l'éducation réfléchit souvent au budget d'acquisition des musées, qui permet d'enrichir les collections, voire au tarif d'entrée ou aux jours ou heures d'ouverture des établissements, notre mission a choisi de se pencher sur cette partie immergée de l'iceberg, que constituent les oeuvres des collections publiques conservées dans les réserves. Nous nous sommes intéressés à l'étude, au récolement, à l'inventaire, à la restauration, à la recherche de provenance et à la circulation de ces oeuvres, tâches qui échappent au public, mais constituent l'essentiel du travail des personnels scientifiques des musées. Notre étude porte sur l'ensemble des musées de France, placés, via le service des musées de France, sous le contrôle du ministère de la culture.

Michel Herbillon fera le point sur le récolement décennal, objet de la première partie du rapport. Michel Piron évoquera la gestion des réserves, abordée dans la deuxième partie. Marcel Rogemont s'intéressera à la circulation des oeuvres, aux conditions de leur mise en dépôt ou de leur prêt, dont il est question dans la quatrième partie. Enfin, j'interviendrai sur le sujet qui occupe la troisième partie du rapport : la recherche de provenance des oeuvres spoliées qui, depuis la Seconde Guerre mondiale, n'ont toujours pas été rendues à leurs propriétaires ou aux ayants droit de ceux-ci.

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La connaissance des collections est la base de toute politique muséale, mais elle demeure encore bien imparfaite. C'est pourquoi le récolement, loin de se limiter à un simple décompte des oeuvres, est un outil important au service d'une gestion dynamique des collections, de leur mise en valeur et de leur présentation au public. La loi du 4 janvier 2002 a mis en place les instruments d'une meilleure gestion, en définissant l'appellation « musée de France » et en imposant aux musées une double obligation : constituer ou mettre à jour l'inventaire de leurs collections et effectuer un récolement décennal systématique.

Douze ans après le vote de la loi, assez peu de musées ont pu s'acquitter de cette obligation, même si certains ont consenti de louables efforts à l'approche de la date butoir du 12 juin 2014. Le bilan chiffré est médiocre : notre rapport, qui cite les chiffres annoncés en octobre par la direction des musées de France, présente les résultats en fonction des catégories de musées et de la taille des collections.

Bien que certains musées aient mené à bien la totalité de leur mission, et l'on peut saluer leurs efforts, le taux global de récolement des collections publiques atteint seulement 40 %. Il est de 35 % dans les musées territoriaux et de 54 % dans les musées nationaux, qui relèvent du ministère de la culture. Au vu de ces résultats, Mme Marie-Christine Labourdette, directrice des musées de France, a annoncé le report au 31 décembre 2015 de la date limite d'achèvement du premier récolement général des collections.

Si l'on comprend aisément que ces opérations ambitieuses aient rencontré des difficultés de mise en oeuvre, la mission recommande qu'elles aboutissent au plus vite. À cet effet, elle formule des recommandations concrètes et opérationnelles pour un achèvement effectif des opérations de récolement, en évitant voeux pieux et bonnes intentions, et en prenant en compte la situation difficile de nos finances publiques.

Les responsables administratifs doivent considérer ce récolement non comme une contrainte bureaucratique, mais comme une chance pour les musées, puisqu'il permettra une gestion moderne et dynamique des collections, ainsi qu'une meilleure diffusion des oeuvres auprès du public. Vingt des quarante-sept recommandations que nous avons formulées dans notre rapport ont trait à la connaissance des collections.

La première orientation du rapport concerne l'aboutissement effectif des opérations de récolement. Notre première proposition consiste à reporter la date butoir au 31 décembre 2016. La deuxième vise à apporter, sous conditions, une aide financière ciblée aux musées territoriaux dont le récolement accuse un retard important. La sixième tend à conditionner, au-delà du 31 décembre 2016, les crédits d'acquisition alloués par l'État aux musées à l'achèvement effectif de leurs opérations de récolement.

La deuxième orientation consiste à tirer tous les enseignements du premier récolement des collections, afin de faciliter les suivants. Ayant constaté que les opérations sont plus aisées dans les musées dont le programme de numérisation est avancé, nous proposons, dans notre neuvième recommandation, de numériser à terme toutes les oeuvres des collections publiques, afin de les mettre à la disposition de la communauté des musées et du public. La dixième proposition tend à consacrer le principe d'une libre utilisation des photographies d'oeuvres entrées dans le domaine public, prises par les musées ou l'agence photographique de la Réunion des musées nationaux (RMN). La douzième et la treizième recommandations concernent le renforcement de la formation initiale et continue des conservateurs et des attachés de conservation, en matière de tenue d'inventaire et de récolement. Ces formations s'effectueront tant à l'Institut national du patrimoine (INP) qu'au Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT).

La troisième orientation insiste sur le nécessaire renforcement du pilotage national des politiques muséales. Les propositions quatorze à dix-neuf tendent à donner au service des musées de France un rôle d'animation d'un véritable réseau des musées. La dix-neuvième proposition vise à créer, sur le site intranet du ministère de la culture, un forum d'échanges permettant aux conservateurs, attachés de conservation et personnels scientifiques des musées, qui souffrent actuellement d'une certaine solitude, de mutualiser leurs expériences. Au titre de la seizième proposition, l'établissement par les musées d'un projet scientifique et culturel (PSC) pourrait devenir, à terme, une condition sine qua non à l'octroi ou au maintien de l'appellation « musée de France ». Je rappelle que la moitié des musées de France n'ont pas encore établi de PSC, alors que la loi leur en fait pourtant obligation.

La quatrième orientation consiste à apporter tout le soin nécessaire aux opérations dites de « post-récolement », au moins aussi importantes que le récolement lui-même : marquage des oeuvres, mise à jour des inventaires, couverture photographique des collections, recherche des oeuvres manquantes, mise en place des outils de gestion numérisés des collections. La vingtième proposition prescrit de publier rapidement une circulaire fournissant la base méthodologique de ces opérations, lesquelles peuvent débuter dans les musées qui ont achevé leur premier récolement, et prévoyant les modalités de leur mise en oeuvre.

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Je présenterai pour ma part l'état des réserves, les voies de modernisation à explorer et les préconisations de la mission en la matière.

Les réserves rassemblent des objets qui ne peuvent être durablement exposés au public, même si, compte tenu de la fluctuation des modes, ils ne sont pas tous condamnés à rester éternellement dans les réserves. L'exiguïté des locaux est un problème récurrent qu'accentue l'accroissement tendanciel du volume des collections publiques. Ainsi, par exemple, avant les récents travaux dont il a fait l'objet, le musée Gustave-Moreau ne disposait que de vingt-cinq mètres carrés pour entreposer quelque 15 000 oeuvres, dont 12 000 dessins. La sécurité constitue un autre problème. Le risque de crue centennale de la Seine pèse sur de grands musées parisiens – musées du Louvre, d'Orsay, de l'Orangerie, des arts décoratifs mais aussi sur l'École supérieure des Beaux-Arts. Les plans de prévention mis en place ne permettraient pas de mettre toutes les oeuvres à l'abri en soixante-douze heures. Au Louvre, en cas de sinistre, la statuaire antique risquerait de subir des dommages considérables. Certaines réserves souffrent également d'une précarité juridique, car les locaux sont soumis à des baux locatifs, sujets à échéances. Enfin, du fait de degrés d'hygrométrie ou de températures inadaptés, les conditions de conservation laissent parfois à désirer. Ce bilan n'est ni pleinement satisfaisant ni catastrophique, mais il appelle un diagnostic et des mesures de correction.

Les voies d'amélioration explorées depuis quelques années sont diverses. Sans doute n'y a-t-il pas lieu de chercher des réponses standardisées pour tous les musées. L'externalisation des réserves est un sujet très controversé au sein des musées nationaux. Les tenants du continuum soulignent qu'un lieu unique facilite les relations aux oeuvres pour les conservateurs et les chercheurs. Les autres mettent en avant le prix du foncier, qui incite à opter pour des solutions moins coûteuses. C'est pour cette raison qu'à Tours, Bordeaux, Valence ou Marseille, les réserves ont quitté le centre-ville pour un horizon parfois plus lointain.

L'ouverture des réserves au public est un autre sujet de controverse. Quand des compromis ont été trouvés, c'est généralement qu'une partie des réserves avait été rendue visitable en amont. Quoi qu'il en soit, la réponse, qui ne peut pas être la même pour tous les lieux, doit être encadrée, par respect pour le travail des personnels des musées, qui ne peut s'accommoder des perturbations induites par des visites trop fréquentes. Les constructions récentes contiennent des réserves adaptées aux différents types de collections et permettent de voir en partie les coulisses du musée. C'est le cas au MuCEM à Marseille. Nous préconisons que chaque musée de France inscrive au moins la question de ses réserves dans son programme scientifique et culturel. On ne peut pas toutes les rendre visitables, mais cette éventualité ne peut pas être éliminée a priori.

Il a été envisagé de doter tous les musées nationaux parisiens menacés par la crue centennale d'un centre de conservation commun, mais le projet de Cergy-Pontoise, qui a connu plus de malheurs que d'heurs, a finalement été abandonné. La solution du Louvre à Lens, certes intéressante, ne concerne qu'un seul musée. Si la création d'antennes en région permet une gestion plus dynamique des réserves, elle reste néanmoins coûteuse et difficile à mettre en oeuvre.

Le fonctionnement des musées américains nous a par ailleurs amenés à nous interroger sur notre principe d'inaliénabilité des collections publiques. La mode, c'est ce qui se démode. Si l'inaliénabilité a permis de redécouvrir des oeuvres dont on avait fait peu de cas pendant un siècle, on ne peut nier que la cession d'oeuvres redondantes telle que pratiquée par le musées aux États-Unis permettrait de dégager des moyens financiers bienvenus. La question reste ouverte et nous ne nous sommes pas permis de la trancher définitivement.

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Je tiens à remercier mes collègues pour la qualité du travail collectif qu'ils ont réalisé, même si certains, – je pense à Isabelle Attard – ont fourni un travail plus collectif que d'autres.

Cette mission nous aura permis d'ausculter en toile de fond – et même sur le devant de la scène – la loi du 4 janvier 2002, dite « loi musées », dont l'ambition était de participer à la renaissance des musées en recherchant une meilleure organisation, une meilleure reconnaissance et une meilleure valorisation des collections.

Qu'en est-il aujourd'hui ? Si la compétence et le dévouement des professionnels sont restés intacts, la conception muséale tend moins à enrichir les collections qu'à les mettre en valeur. Dans cet esprit, la mission s'est intéressée à la circulation des oeuvres. Elle s'est demandé quelles initiatives proposer pour développer encore leur mobilité, notamment par des dépôts et des prêts.

Nous avons été encouragés dans cette voie par le rapport d'activité pour 2012 de la Commission de récolement des dépôts d'oeuvres d'art, qui signale, en page 10, l'existence « d'importantes marges pour de nouveaux dépôts des musées nationaux au profit des musées de France ». Dès lors, nous sommes favorables à ce que l'on donne plus de pouvoirs à cette commission, comme le préconise d'ailleurs M. Alain Seban dans un récent rapport sur le sujet. Nous proposons qu'elle se transforme en un « Haut Conseil des dépôts d'oeuvres d'art », chargé de la coordination et du pilotage d'une politique cohérente des dépôts sur l'ensemble du territoire.

Nous pouvons en attendre une rationalisation de la politique de dépôt, qui mettra davantage en adéquation le dépôt d'une oeuvre avec le projet scientifique et culturel du musée d'accueil. Nous pourrions demander des engagements précis au musée dépositaire, notamment en matière de médiation culturelle autour de l'oeuvre déposée.

La loi du 4 janvier 2002 proposait un transfert automatique de propriété aux musées présentant des oeuvres déposées avant le 7 octobre 1910. Nous proposons d'étendre ce dispositif aux oeuvres déposées avant 1945, à condition notamment que l'origine de la possession par l'État de ladite oeuvre soit connue.

En matière de prêt, nous avons salué le travail du Haut Conseil des musées de France, qui veille à ménager un équilibre territorial. Dans cet esprit, il nous paraît important d'encourager les prêts de longue durée d'oeuvres significatives à des musées territoriaux, ce qui permet de nouer des partenariats fructueux entre musées.

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La recherche de la provenance des oeuvres s'inscrit dans la logique d'une meilleure connaissance des collections publiques, tant dans les réserves que dans les salles d'exposition. Le sigle « MNR » – musées nationaux récupération –, que peu de gens comprennent, estampille quelque 2 000 oeuvres – tableaux, sculptures ou tapisseries – volées à des musées ou à des familles pour créer le musée d'Hitler à Linz, et jamais restituées à leurs propriétaires ou à leurs ayants droit.

Entre 1945 et 1951, des dizaines d'oeuvres ont été rendues à leurs propriétaires, comme l'illustre le récent film de George Clooney Monuments men. On y voit quelques-uns des trois cent cinquante hommes, pour la plupart américains, qui ont débarqué en Normandie et sont allés récupérer jusqu'en Allemagne ou en Autriche des oeuvres qui avaient parfois été entreposées dans des carrières ou dans des mines pour constituer un musée qui n'a jamais vu le jour.

En France, sur les 2 143 oeuvres spoliées, que l'État ne possède pas mais détient à titre provisoire – même si ce délai provisoire est fort long –, seules 200 ont été restituées. Notre rapport préconise, dans un but pédagogique, de chercher un sigle plus clair qui, placé à côté du cartel des oeuvres, attirerait le regard du visiteur : « Œuvre récupérée en 1945 – Origine incertaine ». On accélérerait ainsi sans doute le traitement des requêtes. Nous préconisons aussi l'organisation d'une exposition itinérante, sur le modèle de celle de 1990, qui permettrait aux ayants droit de retrouver leurs biens.

Le film L'Antiquaire de François Margolin, projeté en avant-première à l'Assemblée nationale, illustre bien la difficulté que rencontrent les familles, comme les musées, dans leurs recherches. On entend parfois dire qu'il n'y a plus lieu de procéder à des recherches, quand les oeuvres n'ont pas été réclamées pendant soixante-dix ans. C'est faux. Après la guerre, les familles qui ont souffert de spoliations se sont imposé le silence. Les langues ne se sont déliées qu'à la troisième génération. À présent que les familles ont fait leur deuil et que le sentiment de culpabilité a disparu de part et d'autre, la Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations (CIVS) peut enfin rouvrir certains dossiers. Nous préconisons de faciliter l'accès des archives à tous ceux qui ont besoin d'effectuer des recherches. Il faut aussi regrouper et numériser des archives aujourd'hui dispersées entre ministères.

Dans un premier temps, les familles peuvent se rendre sur le site internet Rose-Valland – du nom de l'attachée de conservation au musée du Jeu de Paume qui a décrit dans ses carnets les oeuvres qui passaient entre ses mains et dont le travail a facilité, après la guerre, la restitution des oeuvres à leurs propriétaires. Certes, le site n'est pas mis à jour régulièrement, il contient des photographies souvent de piètre qualité et sa consultation n'est pas agréable. Néanmoins, les musées ont cherché à améliorer les fiches transmises, et fourni des photos de l'endroit, mais aussi du revers des tableaux, où se trouve parfois une indication de provenance, comme l'adresse ou le nom d'un propriétaire. Il faut à présent traduire ce site en anglais pour faciliter les recherches des nombreux descendants de victimes de la Shoah, qui vivent à l'étranger.

Si la direction des musées a longtemps préféré ignorer le sujet, c'est parce que la France éprouvait un fort sentiment de culpabilité. Pourtant, dans une position encore bien moins confortable que la nôtre, les Allemands ont su agir, dès la fin des années 1990, conformément aux principes adoptés lors de la conférence de Washington applicables aux oeuvres d'art confisquées par les nazis. Leur site lostart.de fait interagir cent dix spécialistes de la recherche de provenance travaillant dans les musées ou les bibliothèques des différents Länder.

Certes, toutes les oeuvres n'ont pas nécessairement d'origine suspecte, mais, dès lors qu'on ne peut fournir d'historique précis d'une oeuvre, il faut effectuer des recherches pour lever le doute, après quoi, toute hésitation étant écartée, l'oeuvre pourra intégrer les collections publiques. Quand son historique n'est pas connu, il faut pousser les recherches plus loin. Si la preuve d'une spoliation est apportée, on octroiera à l'oeuvre un statut particulier. On recherchera ses ayants droit de manière diligente. Si, malgré les recherches, ils ne sont pas retrouvés, la mission préconise que l'oeuvre en question soit intégrée aux collections publiques, tout en maintenant la possibilité d'un déclassement aux fins de restitution, au cas où des preuves apparaîtraient ultérieurement.

Je terminerai en revenant sur un point qu'a évoqué Michel Herbillon. À mes yeux, même si certains établissements ont peu d'oeuvres, emploient peu de personnel ou reçoivent peu de visiteurs, il n'existe pas de « petit » musée. J'ai d'ailleurs banni cette expression du rapport. En revanche, je suis sensible à la solitude du personnel scientifique. À la différence des archives, les musées ne possèdent pas de réseau, où il serait possible d'échanger des bonnes pratiques ou de valoriser l'élaboration d'outils pédagogiques, qui pourraient servir de modèles aux autres musées.

L'absence d'une telle circulation « horizontale » de l'information explique aussi le retard en matière de récolement. Certains musées se sont organisés tout seuls pour trouver des solutions adaptées à leurs collections. D'eux-mêmes, les muséums d'histoire naturelle se sont organisés en réseau S'il est vrai que les musées des Beaux-Arts doivent comptabiliser chaque oeuvre, les muséums d'histoire naturelle, compte tenu du gigantisme de leurs collections, ne peuvent inventorier que des séries.

Le rapport propose l'ouverture des musées à une communauté de chercheurs bénévoles, ces « récoleurs anonymes », pour citer le terme employé en audition par Mme Ariane James-Sarazin, directrice des musées d'Angers. Tout expert doit pouvoir apporter son aide pour faire avancer le récolement. Un travail merveilleux a ainsi été effectué sur l'herbier du Muséum national d'histoire naturelle par une vaste communauté d'internautes, qui a aidé à constituer des fiches sur les différentes plantes. Ce type d'action exige, à défaut d'argent, un changement d'état d'esprit, afin de mettre en évidence l'excellence des musées de France.

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Je vous remercie d'avoir présenté vos utiles conclusions à ce travail au long cours sur ces sujets que je connais bien pour avoir représenté l'Assemblée nationale au Haut Conseil des musées de France, créé par la loi de 2002. Je parage vos analyses sur la politique muséale qui est très vivante. Si le Haut Conseil n'attribue plus guère l'appellation « musée de France », il peut en revanche la retirer. Il s'intéresse au problème du récolement. Il y a une dizaine de jours, lors d'une de ses réunions, j'ai également appris qu'environ cent cinquante musées avaient été fermés sur le territoire. Un tel chiffre fait réfléchir.

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L'évolution des dépôts, et surtout des prêts consentis, dépend essentiellement de la conjoncture, plus ou moins favorable à l'organisation d'expositions temporaires. Tous les musées ne font pas circuler leurs oeuvres avec la même intensité. Certains adoptent une politique plus volontariste que d'autres en matière de dépôts ou de circulation des oeuvres. Vous vous êtes intéressés, avec raison, aux initiatives visant à nouer des partenariats privilégiés en régions. Vu les contraintes organisationnelles, comment améliorer par ce biais la circulation des oeuvres ? La constitution de réseaux et de forums d'échange me semble également un bon moyen de rompre la solitude des personnels.

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Je constate avec vous que, en matière de récolement – opération qui constitue pourtant la base de toute politique muséale –, les résultats sont très médiocres, voire mauvais. Il faut maintenant aboutir. Le retard accumulé n'est-il pas dû à un manque de moyens et à de trop faibles budgets ? Pour ce qui est de la délégation et de la mutualisation de la gestion des réserves, comment apprécier jusqu'à quel point l'externalisation est performante ou pertinente ? Quant à la politique dynamique et cohérente des dépôts et des prêts évoquée par votre proposition n° 43, qui fait rêver, elle devrait, à mon sens, aller jusqu'à permettre de faire sortir du château d'Écouen les oeuvres qui sont postérieures à la Renaissance ou de montrer hors du Panthéon – qui n'est certes pas un musée, mais tout de même abrite des collections publiques – les plâtres actuellement entreposés dans ses combles.

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Sans doute la loi à venir sur la protection du patrimoine pourra-t-elle inclure des dispositions relatives au récolement. Il me semble cependant paradoxal de plaider à la fois pour l'élargissement de la communauté des récoleurs, auxquels pourraient par exemple se joindre des étudiants de l'École du Louvre, et pour l'exigence de spécialisation, d'expertise et de formation, indispensables pour mener à bien des opérations parfois fastidieuses. En raison de l'évolution constante des méthodes et des logiciels de numérisation, celles-ci s'apparentent d'ailleurs souvent à un travail de Sisyphe, ce qui explique aussi le faible taux de récolement. De manière plus générale, il paraît parfois difficile de trouver le juste équilibre entre les objectifs de l'éducation populaire et artistique, et les contraintes inhérentes à la spécialisation des chercheurs et à leurs travaux de recherches.

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Je remercie nos collègues pour ce travail passionnant. Le déménagement des 250 000 oeuvres contenues dans les réserves du Louvre, soit la totalité des réserves à l'exception des dessins, plus fragiles, continue de faire débat. Certes, tout le monde en convient, le musée doit se doter d'espaces aménagés propres à protéger ses oeuvres du risque de crue centennale. Le Président François Mitterrand avait déjà relevé la disproportion qui existe au Louvre entre l'espace alors réservé à l'exposition des oeuvres, soit 80 %, et celui qui restait pour les réserves, et c'est fort de ce constat qu'il avait lancé les travaux du grand Louvre.

Après dix ans de débats et après qu'a été abandonnée l'idée d'installer ces réserves à Cergy-Pontoise, c'est le site de Liévin qui est désormais retenu. Or, quarante conservateurs viennent d'adresser à la ministre de tutelle une lettre en urgence sur la nécessité de concilier la protection des oeuvres avec le souci de les rendre accessibles au public, aux chercheurs et aux conservateurs. Comment ceux-ci pourront-ils étudier ce qui se trouvera si loin d'eux ? Les oeuvres seront toujours sur les routes. La coupure géographique ne peut que perturber l'exigence scientifique. Avez-vous évoqué la question avec les conservateurs que vous avez entendus ? En avez-vous auditionnés qui soient hostiles à ce déplacement ?

Par ailleurs, l'État ne finance que 51 % de l'opération, grâce aux ressources tirées du Louvre Abu Dhabi, et la région Nord-Pas de Calais apporte les 49 % restants. Une telle répartition rappelle plutôt la constitution du capital d'une entreprise privée. Les mauvaises langues prétendent même qu'on assiste là à une OPA de la Région sur le Louvre ! Il n'est pas douteux que, en finançant quasiment la moitié de l'équipement, cette dernière aura des exigences à faire valoir. Qui, en définitive, gardera la main sur les réserves ?

Sur la question de l'inaliénabilité, votre rapport fait preuve de beaucoup de prudence. Toute autre position reviendrait en effet à un saut dans l'inconnu. La vérité artistique d'aujourd'hui n'est pas nécessairement celle de demain. Méprisé durant des décennies, l'art pompier fait aujourd'hui certaines belles salles du musée d'Orsay. Sans l'inaliénabilité, ces oeuvres n'auraient pas été protégées.

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Je félicite le travail excellent des rapporteurs. Le Président de la République a annoncé que le musée du Louvre, le musée d'Orsay et le château de Versailles pourraient bientôt être ouverts sept jours sur sept. Ces mesures présentent un intérêt touristique et économique évident, comment évaluez-vous son impact sur la démocratisation culturelle, objectif que nous avons tous en partage ? Comment lever les freins à la circulation des oeuvres ? Nous ne voulons pas de désert culturel, mais au contraire une meilleure égalité entre les territoires.

Les collections publiques sont susceptibles d'abriter des oeuvres à l'origine spoliatrice. Il est, par conséquent, impératif de travailler méthodiquement sur la provenance des oeuvres passées sur le marché de l'art entre 1933 et 1945. La ministre de la culture s'est engagée, d'une part, à adresser une circulaire à l'ensemble des propriétaires des musées de France précisant les critères déterminant le champ d'investigation de la provenance des oeuvres et, d'autre part, à fournir chaque année aux commissions chargées des affaires culturelles de l'Assemblée nationale et du Sénat un rapport sur l'activité de son ministère dans le champ des MNR. Comment ces annonces s'articulent-elles avec les propositions de votre rapport en ce domaine ?

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Je voudrais saluer ce rapport riche et remercier les quatre rapporteurs pour ce travail remarquable. Votre proposition n° 3, relative à la sensibilisation des élus locaux, paraît anodine. En cette période de restrictions budgétaires, la culture devient malheureusement une variable d'ajustement alors qu'il serait nécessaire de disposer de moyens en personnel et en informatique supplémentaires. Dans ces circonstances, le délai supplémentaire d'une année que vous préconisez pour mener à bonne fin le récolement ne sera pas de trop.

Dans ma circonscription, de petites structures muséales sont fermées au public, alors que les collections dans les réserves sont très importantes. Ne faut-il pas aller plus loin dans la mutualisation ? Madame Attard, vous évoquiez des « réseaux thématiques » ; Monsieur Herbillon, vous parliez « d'échanges d'expérimentation » : la mutualisation à l'échelle d'un territoire ou d'un parc ne devrait-elle pas être, elle aussi, envisagée ?

À l'heure où les professions réglementées sont chahutées par un projet de loi récemment déposé, votre proposition n° 35 ne sera-t-elle pas perçue comme une provocation, puisqu'elle prévoit une procédure faisant intervenir notaires et généalogistes pour déterminer la liste des ayants droit auxquels restituer les oeuvres spoliées ?

Enfin, la proposition n° 16 suggère de faire de l'établissement d'un projet scientifique et culturel une condition sine qua non à l'octroi ou au maintien de l'appellation « musée de France ». Ce document donnerait une identité propre au musée et lui conférerait une meilleure visibilité. N'est-il pas tout aussi important, dans le même temps, de constituer une cellule pédagogique à destination des jeunes publics ?

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Je salue, à mon tour, le superbe travail de nos rapporteurs. On ne peut qu'être désolé lorsqu'on apprend que 80 % des collections du musée des Monuments français sont dans les réserves. Votre proposition n° 18, visant à donner au service des musées de France un rôle d'animation d'un véritable réseau de musées sur l'ensemble du territoire, pourrait permettre de faire circuler des oeuvres, jusqu'ici conservées en réserves, de musée en musée, dans de bonnes conditions d'exposition et de conservation. Elles pourraient ainsi toucher un public qui ne se rend pas dans les musées parisiens : or nous avons tous l'ambition de diffuser l'art auprès de tous les publics. Cela pourrait même empêcher certains musées de fermer et rapprocher le public des oeuvres.

Tout à l'heure, alors que je visitais le musée du Quai Branly, des guides-conférencières m'ont interpellée au sujet de l'avenir de leur profession, que le projet de loi dit « Macron » envisagerait d'ouvrir à des personnes ne disposant pas des mêmes qualifications qu'elles. Leurs compétences et leur savoir-faire me semblent pourtant mériter d'être préservés, et nous devrions travailler à les rassurer.

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Nous sommes conscients de ce problème, à propos duquel nous avons été alertés. Mais aucune disposition de ce genre ne serait, a priori, incluse dans le projet de loi sur la croissance et l'activité.

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Merci aux corapporteurs pour leur travail. À propos de la circulation des réserves, vous avez évoqué les prêts et les partenariats fructueux entre musées en France. Quid des partenariats avec l'étranger ? Combien d'oeuvres circulent à présent à l'étranger et quel en est le type ? Les musées ont-ils pris toutes les garanties pour que leurs oeuvres ne puissent y être retenues ?

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Je voudrais pour ma part revenir sur la question des collections nationales qui ne sont pas exposées. Le musée de Saint-Étienne possède des peintures anciennes qui ne sont pas exposées, dont des oeuvres de Charles Le Brun, de Gustave Courbet ou de Claude Monet. Dans des cas semblables – peut-être est-ce un peu radical comme proposition –, l'État ne pourrait-il récupérer ces dépôts pour les affecter à d'autres musées qui complèteraient ainsi leurs collections et s'engageraient à les présenter au public ?

Dans votre rapport vous évoquez la nécessaire numérisation des collections. Lancé en 2011, le projet de numérisation Google Art Project propose aux internautes la visualisation de 45 000 oeuvres conservées dans quarante pays différents, au travers de photos de très haute définition montrant des détails qui ne sont pas visibles à l'oeil nu. Faut-il, à vos yeux, encourager les projets de ce type, sortes de musés virtuels pour les amateurs d'art ? Coupent-ils ou attisent-ils l'envie de découvrir physiquement les musées ? Une coopération de Google avec les musées de France est-elle souhaitable ? Ou pensez-vous au contraire que le tout numérique puisse à terme tuer l'art dans les musées ?

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Je m'associe aux louanges pour féliciter nos rapporteurs pour leur travail. De toute évidence, ce rapport ne restera pas sur une étagère. Vous formulez de nombreuses propositions, mais le propos prend un tour subtil et contrasté au sujet de l'inaliénabilité des collections publiques, pour lequel vous ne faites pas de propositions. Quand des oeuvres ne sont pas exposées depuis des décennies, doivent-elles rester dans le patrimoine national ? C'est une vraie question et vous n'y répondez pas. Vous regrettez de n'avoir pu prendre connaissance des recommandations de la Commission scientifique nationale des collections « en matière de déclassement relatif à l'absence ou à la perte d'intérêt public du point de vue de l'histoire, de l'art, de l'archéologie, de la science ou de la technique ». Cette formulation elle-même m'inquiète. Si l'on en vient à considérer qu'une oeuvre ne mérite plus de faire partie du patrimoine national, ne risque-t-on pas d'en dégrader la valeur au moment même où on envisage de la vendre ? Il est urgent de développer un regard économique sur la question, en se gardant d'apposer toute estampille dévalorisante sur notre patrimoine.

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Je m'associe également aux félicitations de mes collègues. Quand je présidais la Cité de l'architecture et du patrimoine, j'ai dû faire face au mauvais état de ses réserves. En raison de la crise, nombre de locaux, équipés de la climatisation, étaient pourtant disponibles autour de Paris. Une location serait revenue à 500 000 euros par an. Aussi ai-je proposé à la tutelle de souscrire un emprunt qui aurait permis de trouver rapidement des locaux sur le marché. Je ne l'ai pas obtenu, au motif qu'un établissement public culturel ne peut emprunter. L'investissement aurait pourtant été rapidement rentabilisé et les économies sur le budget de fonctionnement auraient été substantielles. Sans doute faut-il réfléchir à faire évoluer notre législation sur cette question.

Quant à la mutualisation, elle trouve ses limites dans la forte spécificité des collections : les conditions de conservation ne sont pas les mêmes pour des peintures ou pour des moulages. Mais ces limites sont également humaines : les conservateurs ne s'occupent pas que des objets exposés, ils travaillent aussi sur ceux figurant dans les réserves. Pour les conservateurs du musée du Louvre, c'est une hérésie d'imaginer qu'on puisse installer les réserves si loin du musée. La Cité de l'architecture et du patrimoine ayant un temps été associée au projet, j'ai assisté aux innombrables réunions où il fut discuté, et je sais que les palinodies en ce domaine ont déjà coûté une fortune. Votre proposition n° 19 me semble plus prometteuse. Mais l'open data – une autre forme de mutualisation – permettrait non seulement aux spécialistes, mais aussi au grand public, de mieux connaître l'ensemble des oeuvres qui sont déposées dans les musées.

Enfin, dans la suite logique de votre proposition n° 25, je pense qu'il faut intégrer le coût des réserves non seulement dans l'investissement, mais aussi dans le budget de fonctionnement des musées. Les superbes réserves du musée du Quai Branly ont coûté une fortune et font, avec celles du Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MuCEM), figure d'exception dans le paysage des réserves françaises, jusqu'à susciter quelques jalousies. Alors que la tutelle formule tant de demandes, elle devrait aussi exiger l'intégration du coût des réserves dans le budget de fonctionnement des établissements.

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Je me réjouis de ce débat extrêmement riche. En ce qui concerne les suites à donner au rapport d'information, gardons présent à l'esprit que notre assemblée pourrait voir inscrit à son ordre du jour d'avril prochain l'examen d'un projet de loi relatif à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine. Les propositions de la mission qui sont de nature législative pourront être relayées à cette occasion.

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En réponse aux questions posées sur la démocratisation culturelle, je vous indique que la gratuité du musée du Louvre pour les jeunes coûte 11 millions d'euros par an, alors qu'elle bénéficie surtout à de jeunes touristes étrangers. Lorsqu'il était président de l'établissement public du musée du Louvre, M. Henri Loyrette avait indiqué qu'il aurait quant à lui préféré porter de 700 000 euros à 2 millions d'euros les crédits affectés à l'accueil des scolaires dans un parcours artistique et de découverte du musée. Quant à l'ouverture du Louvre ou du château de Versailles sept jours sur sept, elle répond davantage à des attentes touristiques qu'à un souci de démocratisation culturelle.

Les oeuvres circulent principalement à l'occasion des expositions temporaires. Leur diffusion à l'étranger, au travers de prêts, devrait sans doute être accélérée. Mais le récolement complet constitue une condition préalable ; il est impératif de le mener à bien pour pouvoir connaître et faire vivre les collections.

Quant à l'inaliénabilité, la loi du 4 janvier 2002 avait ouvert des perspectives qui n'ont guère été explorées. Aux États-Unis, ce sont des oeuvres majeures qui sont parfois vendues, soit pour financer des travaux, soit pour acquérir d'autres oeuvres. On peut se demander s'il est conforme à l'intérêt collectif de vendre des oeuvres majeures qui risquent de quitter le territoire national ?

C'est pourquoi notre rapport propose d'encourager plutôt la circulation des oeuvres entre musées de France.

La mutualisation doit s'appuyer sur l'identité des musées existants. Le musée des Beaux-Arts de Rennes, qui compte tant de peintures du XVIIe siècle, devrait ainsi être le principal destinataire de dépôts d'oeuvres de cette période. Les dépôts doivent correspondre à un projet scientifique et culturel et aller de pair avec une obligation de présentation des oeuvres. Si elles ne sont pas exposées, il faut les récupérer.

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Sur la question des moyens, je tiens à souligner que le retard pris dans les opérations de récolement n'est pas seulement dû à un manque de moyens humains ou financiers. Il fait suite à des décisions incompatibles avec le calendrier fixé par la loi de 2002. Du fait d'un démarrage tardif, le récolement n'a commencé, dans les deux tiers des musées, qu'en 2007, voire, pour un quart d'entre eux, après 2010, alors même que les inventaires disponibles n'étaient pas toujours de bonne qualité, ce qui explique l'impossibilité de terminer le récolement à la date prévue de juin 2014.

Mais il y a aussi d'autres raisons à ce retard : les textes d'application de la loi de 2002 ont tardé à être publiés. Le décret fixant les normes techniques relatives à la tenue de l'inventaire, du registre des biens déposés dans un musée de France et au récolement n'a été publié qu'en mai 2004, tandis que l'ensemble des procédures applicables n'a été défini par circulaire qu'en 2006, conduisant à un retard dans l'élaboration des plans de récolement. Des causes multiples se sont ensuite conjuguées : inventaires lacunaires, absence d'informatisation de la gestion des collections de nombreux musées, sous-estimation de l'ampleur du travail à accomplir, mais aussi, parfois, réticences des conservateurs à entreprendre une tâche moins gratifiante que la préparation d'une exposition temporaire. Le retard pris dans le récolement n'est donc pas seulement dû à un manque de moyens, mais aussi à une mauvaise définition des priorités. En proposant de repousser la date limite pour mener à bien le récolement, notre Mission part du principe qu'il est difficile de conduire quelque politique muséale que ce soit sans connaître l'état exact des réserves, voire celui des oeuvres en place sur les cimaises. Le récolement constitue un préalable nécessaire.

La création de forums dématérialisés d'échange des bonnes pratiques devrait également permettre de rompre l'isolement du personnel scientifique et des attachés de conservation. Certains musées ont un taux de récolement de 100 %, ce qui prouve bien que l'entreprise n'est pas utopique. Le service des musées de France pourrait s'appuyer sur ces exemples de réussite pour offrir un meilleur pilotage des opérations.

Selon la nature des collections, le recours à des étudiants ne pose pas les mêmes problèmes d'expertise. Nous nous sommes entretenus avec des conservateurs qui ont estimé possible de faire appel à eux, pourvu qu'ils travaillent sous la houlette de spécialistes.

Monsieur Féron, je ne crois pas que le numérique tuera les musées. La photographie d'une oeuvre ne procure pas la même émotion que l'oeuvre elle-même. J'en veux pour preuve les témoignages des visiteurs de tous âges du Louvre-Lens, dont certains entraient pour la première fois dans un musée : quelques-uns avaient déjà vu sur internet les tableaux qui y étaient exposés, mais ils étaient surpris de constater que cela n'avait rien à voir.

Quant à l'inaliénabilité, il est vrai que nous n'avons pas tranché la question parce qu'il y a un vrai débat sur ce sujet. Elle peut se poser pour des collections dormantes, qui n'ont pas été exposées depuis des lustres, mais il est difficile de savoir ce que l'avenir nous réserve en matière de goût esthétique. Des oeuvres aujourd'hui au purgatoire pourront recueillir de nouveau demain la faveur du public.

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La récente redécouverte de Charlotte Salomon en est la preuve.

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Je souscris à la proposition de notre collègue François de Mazières, qui veut que les réserves soient intégrées, dès l'origine, dans une logique d'investissement et de fonctionnement d'un musée, comme au musée du Quai Branly ou au MuCEM.

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On peut d'ailleurs considérer que la proposition n° 21 prend cette préoccupation en compte.

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Enfin, il serait en effet judicieux d'expérimenter des partenariats au niveau territorial, comme l'a souligné M. Reiss, afin de mutualiser davantage les réserves des musées territoriaux.

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Certes, l'éloignement des réserves pose un problème aux conservateurs, et nous avons entendu leurs récriminations, mais où doit-on mettre ce qu'il est plus possible de stocker en place ? On ne peut éliminer complètement la possibilité de séparer les réserves des lieux d'exposition. Mieux vaut réfléchir à une organisation du travail tenant compte des modalités pratiques et des temps de déplacement de personnels.

La mutualisation des réserves n'est pas toujours possible, les conditions de conservation n'étant pas les mêmes pour tous les objets. Mais les solutions retenues à Marseille doivent attirer notre attention. Les objets sont regroupés, non selon le musée d'origine, mais selon les conditions de conservation nécessaires pour chaque type d'objets. La transversalité l'emporte alors sur le cloisonnement entre les structures : des contacts se nouent, allant même jusqu'à susciter des idées d'exposition. Les exemples de Tours et de Toulouse mériteraient également un examen plus approfondi.

Quant à l'inaliénabilité, je suis à titre personnel très réticent à sa suppression, mais nous avons vu que, dans les musées américains, les oeuvres vendues sont souvent redondantes dans les collections. Le produit de la vente peut conduire à enrichir ces dernières dans des domaines où elles sont plus faibles. La vente n'est donc pas effectuée dans une logique purement mercantile mais inscrite dans un véritable projet pour les collections. Cinquante ans de désintérêt peuvent-ils justifier l'aliénation ? À l'heure où le court-termisme prévaut en tous domaines, cette durée me semble cependant trop courte. Elle n'aurait pas suffi à préserver la possibilité d'un retour des peintres pompiers dans les salles d'exposition. Il faut donc être très prudent, et continuer de « questionner le questionnement » comme une invitation à réfléchir.

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À tous les directeurs de musées, nous avons posé des questions sur la mutualisation ou sur l'externalisation des réserves. À la Tate Modern de Londres, au Museum of Modern Art (MoMA) de New York, les réserves sont externalisées, sans que cela soulève trop de difficultés chez les conservateurs.

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Mais les objets restent dans la même ville !

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Certes, mais les réserves du MOMA sont très éloignées du centre-ville : on a ici affaire à un problème psychologique. Faut-il des réserves qui ne soient que des hangars de haute technologie, avec un taux d'hygrométrie maîtrisé, des modalités particulières d'accès et une distribution fonctionnelle ? Seul compte alors le prix du mètre carré. Tel est l'état d'esprit qui prévaut souvent à l'étranger. Ou bien les réserves externalisées doivent-elles être des centres de recherche et d'analyse, où puissent être par exemple menés des travaux de numérisation ou de restauration ? En ce cas, elles n'accueillent plus seulement des agents de surveillance et des régisseurs, mais aussi du personnel scientifique. Il importe alors qu'elles ne soient pas situées dans un quartier où personne n'a envie d'aller.

À Munich, où la réflexion sur la gestion des réserves en est au même stade qu'en France – car, en la matière, nous ne sommes nullement en retard –, un projet prévoit de mutualiser les réserves des musées de la ville. Mais elles seraient regroupées dans un quartier attrayant, quoique le prix du mètre carré n'y soit pas aussi élevé que dans le centre-ville ; le personnel n'y est pas opposé. Il faut donc prendre en compte la dimension humaine. Les musées ne sont-ils pas destinés à devenir un lieu de présentation des oeuvres où travaille un personnel de médiation ? Il ne serait pas illogique que les réserves, qui peuvent abriter 80 % des oeuvres d'un musée, deviennent le lieu principal de travail et d'études des chercheurs, où ils pourraient recevoir des collègues étrangers, des étudiants, mais aussi le public. Au MuCEM, les réserves incluent un « appartement-témoin », partie visitable des réserves qui permet de sensibiliser les élus et, plus largement, le public à la cause muséale. Les musées ont d'abord pour but de mettre en valeur des collections pour qu'elles circulent, mais aussi d'assurer la promotion d'oeuvres retrouvées, notamment grâce aux opérations de récolement. Si cette diffusion et cette circulation sont réelles, l'inaliénabilité ne fera plus débat. Une oeuvre oubliée à un endroit pourra susciter l'intérêt à un autre.

Monsieur Féron, je me suis émue auprès de Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication, de ce que la numérisation de nos collections soit menée par un mastodonte américain, alors que la France dispose de services de numérisation compétents. L'entreprise Google pourra désormais faire ce qu'elle veut des images qu'elle s'est procurées parce que nous n'avons pas fait le travail. Il est bon que 40 000 oeuvres soient ainsi mises à la disposition de tous, mais fallait-il vraiment que ce soit Google qui mène l'opération ? Ne disposons-nous pas, en France, de musées, d'experts, de visiteurs ? Qui songerait à dire : « Je n'irai pas au Louvre, j'ai déjà vu une photo de La Joconde » ? Il s'agit peut-être du tableau le plus reproduit au monde, mais tout le monde veut voir l'original. Le Rijksmuseum d'Amsterdam vient de numériser et de mettre en ligne toutes ses collections : sa fréquentation n'a jamais été aussi élevée. Il faut désormais promouvoir une numérisation en haute définition, afin de mettre les oeuvres à disposition du monde entier.

Ancienne directrice d'un musée qui ouvrait sept jours sur sept, je peux témoigner que cela n'est pas sans causer de difficultés. Le musée n'est pas seulement un lieu d'exposition. Le nettoyage, l'étude des oeuvres ou le transfert des objets sont autant d'opérations nécessaires à la vie quotidienne du lieu. Si le musée est ouvert tous les jours, les missions d'entretien et de restauration, qui peuvent représenter jusqu'à 80 % des activités d'un musée, ne pourront être effectuées que la nuit.

Concernant la question sur les guides-conférencier, je suis personnellement opposée à ce que cette profession devienne libre d'accès à tous.

Parfois titulaires d'une formation bac + 5, les guides-conférenciers ont passé des examens exigeant plusieurs années de préparation. La détention de la carte professionnelle atteste leur connaissance des langues étrangères et leurs compétences auprès des visiteurs et des touristes. Si leur profession était ouverte à des personnes ne disposant pas des diplômes requis, ils seraient le dindon de la farce. La justice élémentaire réclame la reconnaissance du travail accompli.

Enfin, je vous encourage à venir assister à Bayeux, le 5 janvier, à l'avant-première du film L'Antiquaire. Vous pourrez visiter une belle ville, épargnée par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale, et un musée où est exposée, comme unique objet, une fameuse tapisserie. Ce musée ne fait cependant pas partie des 1 200 musées de France auxquels la mission d'information avait circonscrit son champ d'investigation.

La Commission autorise à l'unanimité la publication du rapport d'information.

La séance est levée à midi.