Intervention de Michel Piron

Réunion du 17 décembre 2014 à 9h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Piron, corapporteur :

Je présenterai pour ma part l'état des réserves, les voies de modernisation à explorer et les préconisations de la mission en la matière.

Les réserves rassemblent des objets qui ne peuvent être durablement exposés au public, même si, compte tenu de la fluctuation des modes, ils ne sont pas tous condamnés à rester éternellement dans les réserves. L'exiguïté des locaux est un problème récurrent qu'accentue l'accroissement tendanciel du volume des collections publiques. Ainsi, par exemple, avant les récents travaux dont il a fait l'objet, le musée Gustave-Moreau ne disposait que de vingt-cinq mètres carrés pour entreposer quelque 15 000 oeuvres, dont 12 000 dessins. La sécurité constitue un autre problème. Le risque de crue centennale de la Seine pèse sur de grands musées parisiens – musées du Louvre, d'Orsay, de l'Orangerie, des arts décoratifs mais aussi sur l'École supérieure des Beaux-Arts. Les plans de prévention mis en place ne permettraient pas de mettre toutes les oeuvres à l'abri en soixante-douze heures. Au Louvre, en cas de sinistre, la statuaire antique risquerait de subir des dommages considérables. Certaines réserves souffrent également d'une précarité juridique, car les locaux sont soumis à des baux locatifs, sujets à échéances. Enfin, du fait de degrés d'hygrométrie ou de températures inadaptés, les conditions de conservation laissent parfois à désirer. Ce bilan n'est ni pleinement satisfaisant ni catastrophique, mais il appelle un diagnostic et des mesures de correction.

Les voies d'amélioration explorées depuis quelques années sont diverses. Sans doute n'y a-t-il pas lieu de chercher des réponses standardisées pour tous les musées. L'externalisation des réserves est un sujet très controversé au sein des musées nationaux. Les tenants du continuum soulignent qu'un lieu unique facilite les relations aux oeuvres pour les conservateurs et les chercheurs. Les autres mettent en avant le prix du foncier, qui incite à opter pour des solutions moins coûteuses. C'est pour cette raison qu'à Tours, Bordeaux, Valence ou Marseille, les réserves ont quitté le centre-ville pour un horizon parfois plus lointain.

L'ouverture des réserves au public est un autre sujet de controverse. Quand des compromis ont été trouvés, c'est généralement qu'une partie des réserves avait été rendue visitable en amont. Quoi qu'il en soit, la réponse, qui ne peut pas être la même pour tous les lieux, doit être encadrée, par respect pour le travail des personnels des musées, qui ne peut s'accommoder des perturbations induites par des visites trop fréquentes. Les constructions récentes contiennent des réserves adaptées aux différents types de collections et permettent de voir en partie les coulisses du musée. C'est le cas au MuCEM à Marseille. Nous préconisons que chaque musée de France inscrive au moins la question de ses réserves dans son programme scientifique et culturel. On ne peut pas toutes les rendre visitables, mais cette éventualité ne peut pas être éliminée a priori.

Il a été envisagé de doter tous les musées nationaux parisiens menacés par la crue centennale d'un centre de conservation commun, mais le projet de Cergy-Pontoise, qui a connu plus de malheurs que d'heurs, a finalement été abandonné. La solution du Louvre à Lens, certes intéressante, ne concerne qu'un seul musée. Si la création d'antennes en région permet une gestion plus dynamique des réserves, elle reste néanmoins coûteuse et difficile à mettre en oeuvre.

Le fonctionnement des musées américains nous a par ailleurs amenés à nous interroger sur notre principe d'inaliénabilité des collections publiques. La mode, c'est ce qui se démode. Si l'inaliénabilité a permis de redécouvrir des oeuvres dont on avait fait peu de cas pendant un siècle, on ne peut nier que la cession d'oeuvres redondantes telle que pratiquée par le musées aux États-Unis permettrait de dégager des moyens financiers bienvenus. La question reste ouverte et nous ne nous sommes pas permis de la trancher définitivement.

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