Je remercie nos collègues pour ce travail passionnant. Le déménagement des 250 000 oeuvres contenues dans les réserves du Louvre, soit la totalité des réserves à l'exception des dessins, plus fragiles, continue de faire débat. Certes, tout le monde en convient, le musée doit se doter d'espaces aménagés propres à protéger ses oeuvres du risque de crue centennale. Le Président François Mitterrand avait déjà relevé la disproportion qui existe au Louvre entre l'espace alors réservé à l'exposition des oeuvres, soit 80 %, et celui qui restait pour les réserves, et c'est fort de ce constat qu'il avait lancé les travaux du grand Louvre.
Après dix ans de débats et après qu'a été abandonnée l'idée d'installer ces réserves à Cergy-Pontoise, c'est le site de Liévin qui est désormais retenu. Or, quarante conservateurs viennent d'adresser à la ministre de tutelle une lettre en urgence sur la nécessité de concilier la protection des oeuvres avec le souci de les rendre accessibles au public, aux chercheurs et aux conservateurs. Comment ceux-ci pourront-ils étudier ce qui se trouvera si loin d'eux ? Les oeuvres seront toujours sur les routes. La coupure géographique ne peut que perturber l'exigence scientifique. Avez-vous évoqué la question avec les conservateurs que vous avez entendus ? En avez-vous auditionnés qui soient hostiles à ce déplacement ?
Par ailleurs, l'État ne finance que 51 % de l'opération, grâce aux ressources tirées du Louvre Abu Dhabi, et la région Nord-Pas de Calais apporte les 49 % restants. Une telle répartition rappelle plutôt la constitution du capital d'une entreprise privée. Les mauvaises langues prétendent même qu'on assiste là à une OPA de la Région sur le Louvre ! Il n'est pas douteux que, en finançant quasiment la moitié de l'équipement, cette dernière aura des exigences à faire valoir. Qui, en définitive, gardera la main sur les réserves ?
Sur la question de l'inaliénabilité, votre rapport fait preuve de beaucoup de prudence. Toute autre position reviendrait en effet à un saut dans l'inconnu. La vérité artistique d'aujourd'hui n'est pas nécessairement celle de demain. Méprisé durant des décennies, l'art pompier fait aujourd'hui certaines belles salles du musée d'Orsay. Sans l'inaliénabilité, ces oeuvres n'auraient pas été protégées.