Sur la question des moyens, je tiens à souligner que le retard pris dans les opérations de récolement n'est pas seulement dû à un manque de moyens humains ou financiers. Il fait suite à des décisions incompatibles avec le calendrier fixé par la loi de 2002. Du fait d'un démarrage tardif, le récolement n'a commencé, dans les deux tiers des musées, qu'en 2007, voire, pour un quart d'entre eux, après 2010, alors même que les inventaires disponibles n'étaient pas toujours de bonne qualité, ce qui explique l'impossibilité de terminer le récolement à la date prévue de juin 2014.
Mais il y a aussi d'autres raisons à ce retard : les textes d'application de la loi de 2002 ont tardé à être publiés. Le décret fixant les normes techniques relatives à la tenue de l'inventaire, du registre des biens déposés dans un musée de France et au récolement n'a été publié qu'en mai 2004, tandis que l'ensemble des procédures applicables n'a été défini par circulaire qu'en 2006, conduisant à un retard dans l'élaboration des plans de récolement. Des causes multiples se sont ensuite conjuguées : inventaires lacunaires, absence d'informatisation de la gestion des collections de nombreux musées, sous-estimation de l'ampleur du travail à accomplir, mais aussi, parfois, réticences des conservateurs à entreprendre une tâche moins gratifiante que la préparation d'une exposition temporaire. Le retard pris dans le récolement n'est donc pas seulement dû à un manque de moyens, mais aussi à une mauvaise définition des priorités. En proposant de repousser la date limite pour mener à bien le récolement, notre Mission part du principe qu'il est difficile de conduire quelque politique muséale que ce soit sans connaître l'état exact des réserves, voire celui des oeuvres en place sur les cimaises. Le récolement constitue un préalable nécessaire.
La création de forums dématérialisés d'échange des bonnes pratiques devrait également permettre de rompre l'isolement du personnel scientifique et des attachés de conservation. Certains musées ont un taux de récolement de 100 %, ce qui prouve bien que l'entreprise n'est pas utopique. Le service des musées de France pourrait s'appuyer sur ces exemples de réussite pour offrir un meilleur pilotage des opérations.
Selon la nature des collections, le recours à des étudiants ne pose pas les mêmes problèmes d'expertise. Nous nous sommes entretenus avec des conservateurs qui ont estimé possible de faire appel à eux, pourvu qu'ils travaillent sous la houlette de spécialistes.
Monsieur Féron, je ne crois pas que le numérique tuera les musées. La photographie d'une oeuvre ne procure pas la même émotion que l'oeuvre elle-même. J'en veux pour preuve les témoignages des visiteurs de tous âges du Louvre-Lens, dont certains entraient pour la première fois dans un musée : quelques-uns avaient déjà vu sur internet les tableaux qui y étaient exposés, mais ils étaient surpris de constater que cela n'avait rien à voir.
Quant à l'inaliénabilité, il est vrai que nous n'avons pas tranché la question parce qu'il y a un vrai débat sur ce sujet. Elle peut se poser pour des collections dormantes, qui n'ont pas été exposées depuis des lustres, mais il est difficile de savoir ce que l'avenir nous réserve en matière de goût esthétique. Des oeuvres aujourd'hui au purgatoire pourront recueillir de nouveau demain la faveur du public.