Certes, mais les réserves du MOMA sont très éloignées du centre-ville : on a ici affaire à un problème psychologique. Faut-il des réserves qui ne soient que des hangars de haute technologie, avec un taux d'hygrométrie maîtrisé, des modalités particulières d'accès et une distribution fonctionnelle ? Seul compte alors le prix du mètre carré. Tel est l'état d'esprit qui prévaut souvent à l'étranger. Ou bien les réserves externalisées doivent-elles être des centres de recherche et d'analyse, où puissent être par exemple menés des travaux de numérisation ou de restauration ? En ce cas, elles n'accueillent plus seulement des agents de surveillance et des régisseurs, mais aussi du personnel scientifique. Il importe alors qu'elles ne soient pas situées dans un quartier où personne n'a envie d'aller.
À Munich, où la réflexion sur la gestion des réserves en est au même stade qu'en France – car, en la matière, nous ne sommes nullement en retard –, un projet prévoit de mutualiser les réserves des musées de la ville. Mais elles seraient regroupées dans un quartier attrayant, quoique le prix du mètre carré n'y soit pas aussi élevé que dans le centre-ville ; le personnel n'y est pas opposé. Il faut donc prendre en compte la dimension humaine. Les musées ne sont-ils pas destinés à devenir un lieu de présentation des oeuvres où travaille un personnel de médiation ? Il ne serait pas illogique que les réserves, qui peuvent abriter 80 % des oeuvres d'un musée, deviennent le lieu principal de travail et d'études des chercheurs, où ils pourraient recevoir des collègues étrangers, des étudiants, mais aussi le public. Au MuCEM, les réserves incluent un « appartement-témoin », partie visitable des réserves qui permet de sensibiliser les élus et, plus largement, le public à la cause muséale. Les musées ont d'abord pour but de mettre en valeur des collections pour qu'elles circulent, mais aussi d'assurer la promotion d'oeuvres retrouvées, notamment grâce aux opérations de récolement. Si cette diffusion et cette circulation sont réelles, l'inaliénabilité ne fera plus débat. Une oeuvre oubliée à un endroit pourra susciter l'intérêt à un autre.
Monsieur Féron, je me suis émue auprès de Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication, de ce que la numérisation de nos collections soit menée par un mastodonte américain, alors que la France dispose de services de numérisation compétents. L'entreprise Google pourra désormais faire ce qu'elle veut des images qu'elle s'est procurées parce que nous n'avons pas fait le travail. Il est bon que 40 000 oeuvres soient ainsi mises à la disposition de tous, mais fallait-il vraiment que ce soit Google qui mène l'opération ? Ne disposons-nous pas, en France, de musées, d'experts, de visiteurs ? Qui songerait à dire : « Je n'irai pas au Louvre, j'ai déjà vu une photo de La Joconde » ? Il s'agit peut-être du tableau le plus reproduit au monde, mais tout le monde veut voir l'original. Le Rijksmuseum d'Amsterdam vient de numériser et de mettre en ligne toutes ses collections : sa fréquentation n'a jamais été aussi élevée. Il faut désormais promouvoir une numérisation en haute définition, afin de mettre les oeuvres à disposition du monde entier.
Ancienne directrice d'un musée qui ouvrait sept jours sur sept, je peux témoigner que cela n'est pas sans causer de difficultés. Le musée n'est pas seulement un lieu d'exposition. Le nettoyage, l'étude des oeuvres ou le transfert des objets sont autant d'opérations nécessaires à la vie quotidienne du lieu. Si le musée est ouvert tous les jours, les missions d'entretien et de restauration, qui peuvent représenter jusqu'à 80 % des activités d'un musée, ne pourront être effectuées que la nuit.
Concernant la question sur les guides-conférencier, je suis personnellement opposée à ce que cette profession devienne libre d'accès à tous.
Parfois titulaires d'une formation bac + 5, les guides-conférenciers ont passé des examens exigeant plusieurs années de préparation. La détention de la carte professionnelle atteste leur connaissance des langues étrangères et leurs compétences auprès des visiteurs et des touristes. Si leur profession était ouverte à des personnes ne disposant pas des diplômes requis, ils seraient le dindon de la farce. La justice élémentaire réclame la reconnaissance du travail accompli.
Enfin, je vous encourage à venir assister à Bayeux, le 5 janvier, à l'avant-première du film L'Antiquaire. Vous pourrez visiter une belle ville, épargnée par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale, et un musée où est exposée, comme unique objet, une fameuse tapisserie. Ce musée ne fait cependant pas partie des 1 200 musées de France auxquels la mission d'information avait circonscrit son champ d'investigation.