Intervention de Corso Bavagnoli

Réunion du 27 novembre 2014 à 10h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Corso Bavagnoli, sous-directeur « banques et financement d'intérêt général » à la direction générale du Trésor :

En tant que sous-directeur chargé du secteur bancaire et du financement d'intérêt général à la direction générale du Trésor, je m'occupe des problématiques bancaires, des pratiques de financement et de celles, plus spécifiques, liées à la mise en place d'outils publics tels que le fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), lequel est notamment au service du financement des entreprises et des collectivités.

Diverses instances, comme la Cour des comptes ou l'Inspection générale des finances, se penchent sur la dette des établissements publics de santé. Notre administration n'ayant pas la tutelle des hôpitaux, son premier souci n'est pas la gestion des hôpitaux ni leur logique budgétaire. Elle possède en revanche une connaissance précise des marchés de crédits et de la mobilisation des financements publics et privés en faveur du secteur hospitalier.

J'évoquerai l'accès des établissements de santé au financement à moyen et long terme, puis les problèmes de trésorerie, enfin les émissions obligataires, qui forment un compartiment du financement à moyen et long terme, et se développent tant pour les collectivités territoriales que pour les hôpitaux. Si vous le souhaitez, je répondrai à vos questions sur la pratique spécifique des emprunts structurés.

À l'automne 2008, puis en 2011, lors du second épisode de la crise, qui a été très sévère pour le secteur bancaire français, les pouvoirs publics, craignant un assèchement du financement à moyen et long terme des collectivités territoriales et des établissements publics de santé, ont décidé d'intervenir en urgence. Ils ont mobilisé le fonds d'épargne de la CDC, au sein duquel ils ont ouvert, en 2011 et 2012, des enveloppes exceptionnelles en faveur du secteur hospitalier. Grâce à ce fonds consacré aux financements de moyen et long terme, les hôpitaux ont continué à bénéficier d'un flux de financement, dans une période où le risque qu'ils représentaient, au même titre que les collectivités territoriales, était perçu de manière plus négative que par le passé.

Par la suite, les financements ont été pérennisés, puisque le Gouvernement a mis en place sur le long terme – au-delà de vingt ans – une enveloppe de 20 milliards d'euros, dont les hôpitaux bénéficient également. On considère que 10 % à 12 % des montants distribués par le fonds d'épargne ont été octroyés à des hôpitaux, pour que ceux-ci restent financés dans un contexte de tension de l'offre bancaire.

Le Gouvernement a souhaité créer un dispositif destiné à prendre le relais de Dexia, dont les parts de marché se composaient pour 30 % du marché des collectivités locales et pour 40 % de celui des hôpitaux. La faillite de cette banque, qui s'est jouée en deux temps, en 2008 puis en 2011, a provoqué un trou dans le financement des hôpitaux tant à court terme qu'à moyen et long terme, puisque l'offre s'est asséchée dans un contexte de crise où les hôpitaux inspiraient une défiance particulière aux établissements de crédit. Le Gouvernement a recréé, grâce à La Banque postale et au lancement de la Société de financement local (SFIL), une offre bancaire dont le volume a été calibré pour se substituer globalement au financement de Dexia. Ces outils sont désormais opérationnels. Toutefois, il n'est pas certain que La Banque postale SFIL finance exactement les mêmes hôpitaux que Dexia. Les situations particulières doivent être étudiées au cas par cas.

En 2012 et 2013, nous avons connu des épisodes difficiles, notamment sur les crédits de court terme. Je me souviens que, le 1er juillet 2012, les crédits de court terme de Dexia, dont le nombre avait déjà diminué, ont tous été interrompus. Par anticipation, nous avions alors mobilisé La Banque postale également sur le court terme. La SFIL couvre tous les segments de maturité, du court terme au moyen et au long terme.

L'offre proposée étant commensurable à celle que Dexia déployait avant la crise, le ministère considère qu'il n'existe pas d'insuffisance globale de financement, ce que confirment plusieurs indicateurs.

La dette des hôpitaux a augmenté de 15 % entre 2011 et 2013, ce qui pose au demeurant plusieurs questions, comme celle de la tutelle des hôpitaux et des raisons de cette augmentation. Le montant du compte du Trésor sur lequel les hôpitaux doivent centraliser leur trésorerie a augmenté de 40 % pendant la période. En somme, aucun indicateur ne révèle l'existence d'un stress de financement pour les hôpitaux, ce qui n'exclut pas l'existence de difficultés ponctuelles.

La question de la tarification nous a vivement préoccupés, les taux d'intérêt payés par les collectivités et les hôpitaux ayant beaucoup augmenté en 2009 et plus encore en 2011. Notons d'ailleurs qu'avant cette période, les taux d'endettement étaient trop bas, ce qui explique en partie la faillite de Dexia. Pour offrir des taux faciaux très bas, cette banque a développé une structuration qui lui permettait de gagner, grâce aux commissions, l'argent qu'elle ne gagnait pas sur les taux d'intérêt, et à rechercher des ressources moins chères. L'établissement s'est ainsi retrouvé en situation de financer des prêts de moyen et long terme avec un bilan reposant sur des ressources courtes, ce qui créait un écart important entre un actif long et un passif court avec un risque de taux structurel. Ce modèle, fondamentalement déséquilibré et malsain, a conduit à la faillite la plus lourde et la plus coûteuse pour les finances publiques que la France ait connue depuis celle du Crédit lyonnais.

De ce fait, nous n'avons jamais pensé qu'il fallait revenir à la situation d'avant 2008. Des études ont d'ailleurs été menées pour établir les responsabilités et comprendre les causes d'une situation qui a perduré sans que des alertes se déclenchent. Le ministère accepte le principe d'un rehaussement des taux de crédit, qui accompagne un assainissement du marché du prêt aux collectivités locales et aux établissements de santé. Le rééquilibrage de l'offre et des tarifs ne doit cependant pas aller trop loin, notre but n'étant pas que la tarification devienne prohibitive. En 2011, nous avions d'ailleurs remarqué que les tarifs avaient beaucoup augmenté, ce qui nous a préoccupés, dès lors qu'ils dépassaient le rééquilibrage nécessaire.

Pour détendre le marché, nous avons fait intervenir la CDC, qui propose une tarification plus adaptée, sans marge, correspondant à celle du Livret A plus cent points de base. Nous avons également incité à la création d'un nouvel acteur. Des banques sont revenues à des degrés divers sur le marché des collectivités locales et des hôpitaux, où certaines, comme la Caisse d'épargne, sont allées plus loin qu'auparavant.

Autant de facteurs qui ont induit une baisse sensible des taux depuis deux ans. Pour les collectivités locales, le spread, soit le différentiel de taux, est de cinquante points de base sur l'Euribor, taux de référence du marché monétaire interbancaire européen. Compte tenu du niveau très faible des taux de référence – Euribor, taux de la BCE (Banque centrale européenne) –, les taux d'endettement sont historiquement faibles, avec des spreads de crédit qui semblent raisonnables, signe que le marché s'est assaini.

Le superviseur bancaire n'observe plus d'offres comparables à celles de 2008, non seulement parce qu'elles ne tentent plus les établissements de crédit, mais parce que l'encadrement réglementaire les interdit, depuis la loi de séparation de juillet 2013. La situation actuelle se caractérise par une baisse du coût du crédit. Si le montant de celui-ci est plus élevé qu'avant 2008, c'est en raison d'un rééquilibrage nécessaire ; il est sensiblement plus faible qu'en 2011 et 2012.

On constate enfin une progression des émissions obligataires. Celles des collectivités locales atteignent 2 à 3 milliards d'euros par an. Les hôpitaux suivent la même évolution. Collectivités locales et hôpitaux s'unissent de plus en plus souvent pour lever des émissions obligataires groupées, évolution que nous encourageons, car elle leur permet de diversifier leurs sources de financement et de mieux négocier avec les banques. Le développement de ce marché se heurte toutefois à des limites intrinsèques, car ces émissions obligataires prévoient un remboursement in fine, et non au fil de l'eau, ce qui n'intéresse pas tous les investisseurs.

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