Intervention de Danielle Nouy

Réunion du 16 décembre 2014 à 17h15
Commission des affaires européennes

Danielle Nouy, présidente de l'Autorité européenne de supervision bancaire :

Nous devons effectivement relever le défi consistant à expliquer ce que nous faisons. Les textes qui régissent notre institution et l'agrément signé entre le Parlement européen et le MSU nous font d'ailleurs obligation de rendre des comptes aux citoyens européens qui souffrent d'une crise économique largement déclenchée par la crise financière. Je suis auditionnée par le Parlement européen tous les trimestres environ, et nous répondons à un grand nombre de questions posées par les parlementaires, principalement européens, mais je parle aussi, comme je le fais aujourd'hui à votre commission, avec les parlementaires nationaux – et vous constaterez qu'il est encore tout à fait possible de parler français. La France occupe des positions importantes dans les mécanismes européens de supervision et de résolution bancaire ; ce matin encore, le Parlement européen a approuvé les candidats pressentis au conseil de résolution unique et j'ai noté qu'un collègue français nous rejoindrait vraisemblablement. Pendant que nous mettions le MSU sur pied, le Parlement européen nous a demandé des rapports trimestriels sur l'avancement des travaux, que nous avons fournis avec plaisir ; la prochaine étape sera notre rapport annuel. Nous nous efforçons donc, avec les instruments qui sont les nôtres, de communiquer avec le Parlement européen et avec les parlements nationaux, nous participons à des conférences, et nous répondons à des interviews pour expliquer ce que nous faisons dans les termes les plus simples possible.

Plusieurs questions ont porté sur la distinction faite entre les 120 groupes bancaires les plus importants, qui rassemblent 1 200 établissements, et les quelques 3 500 banques de moindre taille. L'organisation mise en place traite bien de ces deux catégories. Pour les plus grandes banques, nous pensons avoir le meilleur des deux mondes. Nous disposons d'une part de l'expérience et de l'expertise de l'ACPR pour ce qui est des banques françaises. Les personnes qui travaillaient sur la BNP Paribas, le Crédit agricole, la Société générale ou la BPCE continuent de travailler sur ces dossiers ; comme l'a indiqué Edouard Fernandez-Bollo, elles sont une trentaine pour chacun de ces dossiers, et neuf seulement à la BCE. C'est pourquoi l'essentiel de la supervision est faite à la BCE par des équipes conjointes qui comptent un très fort pourcentage de superviseurs nationaux, et c'est aussi pourquoi les effectifs des superviseurs nationaux ne diminueront pas : précisément parce qu'ils participent à cet effort, tout en préparant les dossiers de M. Robert Ophèle, qui devra voter au conseil de supervision bancaire sur le cas, par exemple, du Banco Santander ou de la Deutsche Bank. Et si j'ai parlé du meilleur des deux mondes, c'est aussi que lorsque le Conseil de supervision bancaire – dont la France est membre mais l'un des membres seulement – prend des décisions, il le fait avec une distance de bon aloi pour des sujets difficiles.

Pour les banques de taille moindre, nous avons, à la BCE, quatre directions générales, 800 superviseurs et 200 personnes dans les équipes support. Un quart des 800 superviseurs travaillent précisément au suivi et au contrôle de qualité de la surveillance faite par les autorités nationales des établissements moins importants. Je confirme qu'ils peuvent bien sûr présenter un risque systémique, soit que leur taille les place immédiatement au-dessous du seuil qui les aurait définis comme entrant dans la catégorie des grands établissements – un bilan de 30 milliards d'euros par exemple – soit qu'ils appartiennent à un groupe de banques qui présentent les mêmes caractéristiques et qui, si elles sont en mauvaise santé, font que le groupe dans son entier présente un risque d'importance systémique.

La diversité des banques est effectivement grande selon les pays considérés. Vous avez évoqué l'Allemagne. On y trouve de très grandes banques, telle la Deutsche Bank, de très petites, et aussi des caisses d'épargne, des banques coopératives et mutualistes, le plus souvent regroupées comme le sont les mutuelles françaises, mais qui ont des profils différents. Il nous appartient d'abord de fixer les règles de la supervision, qui valent pour toutes les banques et qui sont appliquées en respectant le principe de proportionnalité. Nous surveillons l'évolution des secteurs bancaires nationaux et des établissements bancaires moins importants, et nous contrôlons que les règles que nous avons définies sont, par tous, bien appliquées.

Certaines banques européennes ont des engagements en Russie, mais le faible montant de leur engagement n'est un facteur de risque important ni pour les systèmes bancaires concernés ni pour les établissements considérés.

Il est exact que les caractéristiques des crédits immobiliers aux particuliers sont très différentes selon les pays : taux fixes ou taux variables, durée moyenne des prêts, règles relatives au rapport entre le prêt et la valeur du bien ou le prêt et le revenu de l'emprunteur… Aussi étudions-nous en ce moment en détail ces dix-huit – bientôt dix-neuf avec la Lituanie – marchés pour cerner leurs forces et leurs faiblesses respectives et leurs vulnérabilités potentielles afin d'exercer une supervision de bonne qualité ; ainsi, il est évident qu'une hausse rapide des taux d'intérêt sera un facteur de vulnérabilité pour une banque qui offre des crédits immobiliers à taux variables. Les collectivités territoriales, dont les forces et les faiblesses diffèrent pareillement selon les États, requièrent la même analyse. Mais nous ne partons pas de rien : nous nous appuyons sur l'expérience et l'expertise de nos collègues nationaux, et c'est elle qui nous permet de bâtir un diagnostic au niveau européen.

Plusieurs orateurs ont dit que la matière dont nous traitons est compliquée ; elle ne l'est peut-être pas autant qu'il y paraît, et nous devons effectivement faire des efforts pour nous faire comprendre en évitant de jargonner. Cela étant, à cause de la crise, tout le monde, contraint et forcé, a beaucoup lu à ce sujet et je pense que le niveau de compréhension de ces questions a augmenté. Je continuerai, comme je le fais aujourd'hui avec plaisir, d'expliquer ce que nous faisons pour permettre aux citoyens européens d'appréhender cette matière. Les parlements nationaux sont le canal privilégié pour faire comprendre ce que nous faisons, et c'est à eux que nous pouvons rendre compte.

Vous avez mentionné la décision prise à Brisbane au sujet du TLAC ou « total loss absorbing capacity », c'est-à-dire l'obligation pour les grands groupes bancaires d'avoir un matelas de fonds propres et de dettes subordonnées suffisant pour absorber leurs pertes en cas de faillite – en d'autres termes, pour payer leur enterrement. Cette mesure s'applique uniquement aux groupes présentant un risque systémique ; dans la zone euro, elles ne sont que neuf dans cette catégorie. Pour sa part, l'Union européenne a mis au point le MREL, acronyme anglais pour « exigence minimale de fonds propres et passifs exigibles » qui met l'accent sur l'exigence de fonds propres de la meilleure qualité – actions, capital contingent ou dette subordonnée – également utilisables soit en cas de poursuite de l'activité après une mauvaise passe soit en cas de résolution ordonnée. Le mécanisme du MREL concerne toutes les banques européennes. Il n'est pas certain que TLAC et MREL se superposent parfaitement ; des frottements peuvent se produire qui appelleront des corrections. D'ailleurs, l'accord conclu en Australie n'est pas définitif : une étude d'impact est prévue, dont les conclusions conduiront, si nécessaire, à des rectifications.

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