La commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations est la représentante du Parlement : y siègent avec moi les députés Marc Goua et Arlette Grosskost, les sénateurs Jean Arthuis et François Marc. Après qu'elle a été renouvelée au début du mois de juillet, j'ai été désigné président, deux jours avant la prestation de serment de M. Jean-Pierre Jouyet. Les échéances électorales nous ont contraints à repousser à la fin novembre la publication des résultats traditionnellement communiqués au mois de juin. L'année 2011 pouvant paraître un peu lointaine, M. Jouyet évoquera donc également les résultats du premier semestre 2012.
L'année 2011 a été difficile. Certes, les résultats du groupe Caisse des dépôts ont démontré sa robustesse, mais la réalité est moins enthousiasmante. Ainsi, la Section générale, qui retrace les comptes consolidés de l'établissement public et des filiales, est restée bénéficiaire de 206 millions d'euros, dont la moitié a été versée au budget de l'État. Mais, compte tenu de la situation des marchés, il a fallu passer d'importantes provisions à caractère durable, notamment une provision pour dépréciation complémentaire de plus de 900 millions d'euros sur Dexia et de près de 300 millions d'euros sur Veolia Transdev – VTD. En 2010, le résultat était de 2,1 milliards d'euros : la différence est considérable.
Le fonds d'épargne a également subi le choc des marchés. Après avoir provisionné 1,6 milliard d'euros de son portefeuille d'actifs financiers, son résultat d'exploitation a été négatif de 608 millions d'euros. Mais, grâce à des dotations au fonds pour risques bancaires généraux – FRBG –, nettes des reprises de 950 millions d'euros, le fonds d'épargne a dégagé un résultat positif de 340 millions d'euros. A contrario, plus de 22 milliards de nouveaux prêts ont été signés en 2011, année de forte mobilisation. À la fin de l'année, le fonds d'épargne présente une insuffisance de fonds propres de 865 millions d'euros. L'État n'a donc pas opéré de prélèvement au titre de 2011 en rémunération de sa garantie.
Trois faits ont marqué l'année 2011. C'est tout d'abord l'ajustement des règles de décentralisation des fonds d'épargne. Grâce au dialogue constructif mené avec les membres de la commission des Finances de l'Assemblée, les ressources centralisées du livret A et du livret de développement durable – LDD – n'ont jamais être inférieures à 125 % de l'encours des prêts au logement social et à la politique de la ville. Le seuil de centralisation a été fixé à 65 %, ce qui a permis un volume de ressources dont l'utilité s'est fait jour avec l'ouverture d'une enveloppe de 5 milliards d'euros pour le financement des collectivités locales.
La liquidité de l'épargne réglementée est primordiale pour satisfaire les urgences du pays. Lorsque la distribution du livret A a été étendue à toutes les banques, celles-ci se sont engagées à financer les PME et à fournir un rapport sur l'utilisation des fonds collectés. Malgré des demandes répétées du président et du rapporteur général de la commission des Finances, nous n'avons jamais reçu ce document que nous attendons depuis près de deux ans. La semaine dernière encore, j'écrivais à ce propos à M. le gouverneur de la Banque de France. D'autre part, toujours en matière de centralisation, il faudra ouvrir la discussion sur le taux de la commission.
L'année 2011 a vu la montée en puissance du Club des investisseurs de long terme, fondé en 2008 par le prédécesseur de M. Jouyet. Croiser les intérêts de ceux qui manquent de ressources et de ceux qui en disposent abondamment et souhaitent anticiper leurs besoins à venir est désormais un objectif partagé par de nombreux acteurs, aussi bien dans l'Hexagone qu'à l'étranger, comme le prouve la création des fonds franco-chinois ou franco-qatari. Certains financeurs à la recherche d'investissements de moyen et long terme sont intéressés par des infrastructures qui présentent l'avantage d'être sécurisées, localisées, et d'offrir un bon retour sur investissement. Il ne faut pas laisser passer ces occasions.
Le 5 octobre 2011, la commission a arrêté les principes généraux du modèle prudentiel. Au-delà des seules activités bancaires et financières directement concernées par l'Autorité de contrôle prudentiel, la commission de surveillance doit veiller à ce que les marges financières du groupe lui permettent d'assurer dans la durée sa mission d'intérêt général, d'assumer les investissements de croissance de ses filiales, qui rapportent aujourd'hui à peu près les deux tiers de son résultat récurrent, et de saisir les opportunités pour valoriser les intérêts patrimoniaux du groupe.
L'année 2011 a donc permis d'achever l'édifice qu'avait souhaité bâtir le législateur dans la loi de modernisation de l'économie – LME – de 2008. La commission de surveillance dispose ainsi de quatre leviers : les investissements stratégiques, le prélèvement de l'État, les émissions d'emprunts et le niveau de fonds propres. Par ailleurs, le président de la commission de surveillance préside le comité des investissements, devant lequel sont évoqués les dossiers supérieurs à 150 millions d'euros.
Il faut un certain temps pour appréhender les diverses entités qui gravitent autour d'un établissement qu'un rapporteur de la Cour des comptes a qualifié de « conglomérat » et sur lequel l'État n'hésite pas à s'appuyer quand il en a besoin. Je voudrais cependant attirer votre attention sur trois dossiers délicats.
Après avis du comité des investissements et de la commission de surveillance, le directeur général vient de décider que la Caisse des dépôts allait monter au capital de Veolia Transdev, passant de 50 % à 60 %. Ce groupe, qui compte plus de 100 000 salariés et a souffert depuis deux ans d'un mariage non consommé, va donc redevenir un groupe public. Ce n'est pas un choix du coeur, c'est un choix de la raison renforcé par la nécessité.
Nous attendons toujours les décisions de Bruxelles concernant Dexia et l'analyse des garanties réellement apportées à la Caisse des dépôts pour concrétiser le schéma qui nous a été présenté ici même en octobre 2011. Cependant, la situation évolue rapidement à Bruxelles et il semble que, une fois encore, la Caisse va être sollicitée. Les commissaires-surveillants sont hostiles à une telle éventualité. Dexia a coûté 2,9 milliards d'euros à la Caisse des dépôts et consignations, qui ne peut pas s'offrir trop souvent un tel luxe… M. le directeur général est actuellement en discussion avec Bercy. Si ce dossier redevenait brûlant, je demanderais, monsieur le président, à revenir vous communiquer notre point de vue et prendre connaissance du vôtre, car je me souviens que, il n'y a pas très longtemps, alors que vous étiez rapporteur général, vous aviez formulé des réserves très nettes à ce sujet.
On parle beaucoup de la création de la Banque publique d'investissement. Cette opération est assurément importante. Dès septembre, j'ai fait valoir à M. le Premier ministre que la commission de surveillance devait être informée en amont des conditions de création de la BPI. Elle sera particulièrement attentive à la valorisation des apports de la Caisse des dépôts et à sa gouvernance. La commission de surveillance est garante de la protection de la Caisse des dépôts devant le Parlement pour l'ensemble des activités du groupe. Or c'est près de la moitié de nos fonds propres que nous apportons à la BPI. Que devient le modèle prudentiel avec le transfert à la BPI du FSI, de CDC Entreprises et d'Oséo ? Nous serons également vigilants quant à l'organisation régionale et aux modalités d'intervention des collectivités territoriales.