Intervention de Axelle Lemaire

Séance en hémicycle du 14 janvier 2015 à 15h00
Débat d'orientation pour la stratégie numérique de la france

Axelle Lemaire, secrétaire d’état chargée du numérique :

Ce débat d’orientation, vous l’avez voulu, et je remercie le groupe SRC de l’avoir inscrit cette semaine et de me donner ainsi la possibilité de m’exprimer et d’aborder la question globale de la stratégie numérique du Gouvernement.

Mais c’était avant que de terribles attentats ne viennent blesser notre pays, avant que le monde entier ne tourne les yeux vers la France pour découvrir une forme de barbarie, en même temps qu’une volonté de résistance exemplaire. Après le choc et son absorption, la réflexion, avant la décision. Or cette actualité concerne tous les services de l’État et tous les pans de la société : justice, sécurité, médias, éducation, transports, santé.

Le numérique et internet n’y échappent pas et vous avez hier, comme moi, entendu le Premier ministre demander au ministre de l’intérieur de lui faire des propositions d’ici une semaine quant aux moyens de lutter contre les possibilités d’embrigadement par le biais d’internet, notamment auprès des jeunes, contre la prise de contact et la mise en réseau d’individus, et contre l’acquisition de techniques qui peuvent encourager le passage à l’acte terroriste.

Nous travaillerons avec le ministre de l’intérieur et la garde des sceaux à la formulation de ces propositions pour qu’à droit constant – j’insiste sur ce point – et sans recourir à une loi d’exception, nous puissions renforcer plus encore l’efficacité des dispositifs réglementaires et techniques existants. Vous serez pleinement consultés dans ces travaux, mesdames et messieurs les députés.

Mais aujourd’hui l’heure n’est pas aux annonces et je concentrerai mon propos sur la vision globale, très ambitieuse, que défend le Gouvernement pour que le potentiel du numérique soit pleinement exploité comme un outil mis au service du développement économique, de la création d’emplois, de l’égalité, de la démocratie, du service public, bref de nos fondamentaux, dont le logiciel doit néanmoins être actualisé pour construire ensemble la République à l’heure du numérique, la République numérique.

Le numérique génère souvent des appréhensions – vous le constatez dans vos circonscriptions –, mais il permet beaucoup en termes de partage, de mobilisation citoyenne, d’échanges. Regardez ainsi ces centaines de dessins qui ont circulé dans le monde entier, exprimant, à travers tant de cultures et dans tant de langues, une valeur universelle, la liberté d’expression. La solidarité de la planète, nous l’avons un peu mesurée avec les 6,6 millions de tweets « Je suis Charlie ». Cette puissance du numérique peut servir le meilleur comme le pire, mais elle est et doit rester un outil. Ce n’est pas grâce à internet que nous avons la liberté d’expression mais grâce aux 4 millions de Français qui ont manifesté pour la défendre. Ils ont brandi des stylos – peut-être parce que Cabu n’aimait pas les ordinateurs et n’avait pas de téléphone portable –, mais s’ils avaient brandi des smartphones ou des tablettes, le symbole aurait été le même.

Le numérique est aussi une formidable opportunité de développement et de croissance pour notre pays et une véritable chance – à condition de la saisir et de ne pas verser dans une sorte de « technophilie » qui s’imposerait au détriment du progrès humain.

Cette année 2015 est une année essentielle aux plans international, européen et national. En décembre se tiendra un rendez-vous important à l’ONU sur la gouvernance de l’internet, pour célébrer les dix ans du Sommet mondial sur la société de l’information. À Bruxelles seront certainement adoptés plusieurs textes très attendus, concernant notamment les données personnelles, la neutralité des réseaux, la cybersécurité, l’itinérance mobile. C’est en mai 2015 que la Commission européenne dévoilera son plan d’action pour le numérique. Cela tombe bien, et il faut croire que le calendrier n’est pas toujours hasardeux, puisque la France publiera sa propre stratégie en mars, sous trois formes : un projet de loi numérique, un plan de mesures concrètes à caractère national, et un plan stratégique à déployer au niveau européen avec nos partenaires.

Le Premier ministre a lancé le 4 octobre dernier une concertation sur le numérique, organisée par le Conseil national du numérique – CNN –, qui mobilise citoyens, entreprises, administrations, collectivités locales et société civile pour définir ensemble notre projet numérique. La plate-forme en ligne dédiée, ouverte jusqu’au 4 février 2015, a reçu à ce jour plus de 3 000 contributions. Leur analyse alimente en continu les travaux du Gouvernement. C’est la première fois que nous menons un tel exercice. Pour la première fois, en effet, les ministères – une dizaine au total – ainsi que les différentes administrations de l’État participent, très en amont, à des échanges en vue de la rédaction d’un projet de loi et contribuent directement sur une plate-forme publique.

Ce projet de loi est une occasion d’innover en démocratisant l’élaboration de la loi et nous la saisissons. Dans le même esprit, je m’assurerai que l’étude d’impact qui lui sera associée soit la plus complète possible.

Voici donc l’agenda qui nous attend : le 4 février, fin de la concertation numérique en ligne ; fin février, rapport du Conseil national du numérique ; en avril, présentation en Conseil des ministres de la stratégie numérique de la France ; en mai, présentation de la stratégie de la Commission européenne. Enfin, si possible durant le premier semestre, présentation au Parlement d’un projet de loi relatif au numérique.

Dans le secteur numérique, je combats la thèse du « déclinisme ». Nous n’avons pas de retard, nous avons même de l’avance.

Trois exemples le confirment. Tout d’abord, nos écosystèmes d’innovation, ancrés dans les territoires, animés par des entreprises et en particulier des start up très investies et performantes, désormais fédérées autour de la bannière de la French Tech, largement remarquée la semaine dernière lors du Consumer Electronics Show aux États-Unis. Autre exemple, notre « e-gouvernement » et en particulier nos services publics en ligne, nous classent au quatrième rang mondial – cela donnerait presque envie à certains de payer leurs impôts…

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