Je souhaite apporter une réponse courte, la plus claire et la plus précise possible à Mme Erhel, M. Favennec et M. Chassaigne, notamment, qui, bien légitimement, ont insisté sur la nécessité d’une transformation digitale de l’organisation de l’État et de ses services, même s’il s’agit, évidemment, d’un chantier immense. Nous l’avons d’ailleurs placé au coeur de la stratégie de réforme de l’État et il devrait être débattu prochainement, lors du séminaire intergouvernemental convoqué à cet effet au mois d’avril.
Nous avons fait de la transformation numérique de l’État l’une des trois priorités de la stratégie générale de réforme de l’État, tant il est évident que le bouleversement induit par le développement des pratiques et usages digitaux dans la société française doit absolument et de manière urgente être intégré pleinement par les différentes administrations de l’État, avec tout ce qu’il comporte de potentialités transformatrices.
Très concrètement, dans le projet de loi numérique, cela concerne principalement le volet relatif au renforcement de l’open data ou ouverture des données et son statut juridique ; Mme la secrétaire d’État l’ayant évoqué voilà quelques instants, je ne développerai pas davantage. Le texte comportera donc un paquet open data, dans lequel figurera le principe d’ouverture des données par défaut ; l’open data sera ainsi la règle générale. Le principe de gratuité de la réutilisation de ces données sera également inscrit dans le texte.
En outre, il sera prévu un encadrement, conforme aux règles européennes, des conditions dans lesquelles une redevance peut éventuellement être perçue par des opérateurs quand ils ouvrent ces données. Cet encadrement visera précisément à ce que ces cas ne soient pas trop nombreux.
Enfin, l’administrateur général des données, dont je salue la présence dans le public aujourd’hui, se verra conférer des pouvoirs nouveaux. Il pourra notamment intervenir en cas de conflits entre deux administrations – par exemple si l’une fait preuve d’un enthousiasme modéré pour répondre à la demande de l’autre d’ouvrir ses données – et saisir, si cela s’avère nécessaire, la Commission d’accès aux documents administratifs, dont les pouvoirs seront également élargis.
La transformation numérique de l’État est cependant un projet essentiel qui comprend beaucoup d’autres axes en dehors de ce texte de loi. J’en donnerai très brièvement les têtes de chapitres, puisque vous m’avez interpellé sur ce sujet et qu’il me paraît important que vous disposiez de ces éléments, mais je serai bref, car ce n’est ni le lieu ni le moment pour le faire.
Tout d’abord, l’État fournit aujourd’hui un effort important pour réorganiser ses infrastructures. Le décret du 1er août 2014 a ainsi créé la DISIC, la direction interministérielle des systèmes d’information et de communication, qui reprend la capacité des administrations de développer un certain nombre de plates-formes.
Ensuite, de nouveaux services et de nouvelles démarches numériques sont développés de façon massive dans le cadre de nouvelles politiques publiques. L’année 2015 sera ainsi marquée par des progrès extrêmement importants : nombreuses améliorations attendues dans le cadre du projet « Dites-le nous une fois », refonte du site service-public.fr, développement des expérimentations et, éventuellement, premières réalisations et fabriques de solutions des start-up d’État autour d’Étalab. L’État s’est donc résolument engagé pour offrir de nouveaux services aux usagers.
Par ailleurs, et je serai moins prudent sur ce point que Mme la secrétaire d’État, qui l’a évoqué tout à l’heure, il est nécessaire d’accomplir une petite révolution interne en matière de management du changement sur les questions numériques au sein de l’État. La culture digitale est absolument insuffisamment partagée et comprise par ceux qui ont la responsabilité des administrations ; la critique doit être formulée car chacun peut observer cette réalité.
Nous mettrons donc en oeuvre un programme de diffusion massive de la culture digitale. Nous organiserons en réseau l’ensemble des innovateurs numériques présents dans les administrations. Ces personnes brillantes, qui ne sont pas toujours placées très haut dans la hiérarchie, font en effet un travail fantastique et doivent se sentir soutenues, reconnues, doivent être stimulées pour utiliser pleinement les capacités dont elles font déjà montre. Nous nous inspirerons également de l’organisation mise en place en Angleterre : de vrais correspondants digitaux agiront tant au niveau des directions des ministères que des services à la population, et définiront la mise en oeuvre de politiques nouvelles au sein des différents services publics ou prendront en charge l’interface avec les usagers afin que ceux-ci puissent profiter de ces changements.
Je conclurai mon propos en insistant sur ce qui me paraît le plus important, et cela vaut non seulement pour l’État mais aussi, d’une certaine manière, pour les grandes entreprises privées.
La révolution numérique oblige à opérer un changement culturel qui n’est pas le plus facile pour les grandes entreprises ou les grandes administrations. Alors que ces dernières sont structurées sur un mode hiérarchique, autoritaire, le numérique leur impose une vraie révolution démocratique, l’application de politiques publiques beaucoup plus collaboratives et participatives, horizontales et non hiérarchisées. On voit bien les difficultés que les grandes organisations, tant publiques que privées, ont et auront à piloter cette transformation, qui sera longue.
En outre, ces grandes entités fonctionnent sur le mode de la longue durée, leur modèle décisionnel s’appuie sur la réflexion préalable à la mise en oeuvre et à l’exécution. Ces rythmes sont aujourd’hui désynchronisés de l’urgence et de la vitesse qu’exige et qu’implique le choc numérique.