Intervention de Denis Baupin

Réunion du 26 novembre 2014 à 17h00
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenis Baupin, député :

Greenpeace a préféré renoncer à la présentation de ce rapport au public pour éviter d'en dévoiler intégralement le contenu, ce qui a été salué comme un geste de responsabilité aussi bien par le Haut fonctionnaire de défense du ministère du développement durable que par les représentants de l'Autorité de sûreté nucléaire et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. Ce texte n'a été transmis qu'à un certain nombre de personnalités, dont le président de l'OPECST, pour que les hautes autorités en aient connaissance sans qu'il soit mis sur la place publique. Selon moi, l'audition publique a bénéficié d'une attention médiatique plus intense du fait de la révélation de ce rapport.

Sur le fond, je pense que l'on se rassure à bon compte en imaginant que les survols de drones sont le fait de groupements écologistes radicaux ayant seulement pour but de décrédibiliser l'exploitation de l'énergie nucléaire. L'opération est montée par des personnes qui disposent manifestement de moyens conséquents, qui font preuve d'une compétence technique certaine, et qui sont parvenus à tromper la vigilance de l'ensemble des services de sécurité du pays pendant plusieurs semaines ; cette opération a commencé bien avant de venir à la connaissance de la presse, ce qui invalide la thèse d'une campagne de communication. Sans avoir de certitude, il me semble hâtif d'écarter d'emblée l'hypothèse d'une démarche terroriste, option que vous avez pourtant soutenue au cours de l'audition publique, Monsieur le président, mais sans recevoir l'appui d'aucun des participants. L'absence d'acte belliqueux ne constitue en rien une signature, puisque l'effet recherché pourrait être, par exemple, de créer un sentiment de panique.

Lorsque le directeur général de l'IRSN a indiqué que ces survols de drones ne créaient pas de menaces supplémentaires, j'ai compris que cela signifiait que les menaces correspondantes étaient déjà identifiées, mais cela n'assurait en rien qu'elles étaient déjà traitées. Du reste, les auditions confidentielles que j'ai conduites sur la sécurité dans le cadre de la commission d'enquête sur les coûts de la filière nucléaire, ont montré qu'il existait des marges de progression. Par exemple, un des scénarios mentionnés par M. John Large dans le document public résumant son rapport évoque l'utilisation d'un drone pour apporter une arme à une personne ayant franchi par ailleurs les limites de sécurité externes ; cela montre à tout le moins que la protection par grillage doit être réactualisée, et pas seulement pour entraver les tentatives d'intrusion de Greenpeace.

J'indique d'ailleurs, comme je l'ai déjà déclaré publiquement au cours de la commission d'enquête, que ces actions de Greenpeace risquent de nuire à la sécurité car elles pourraient un jour ouvrir la voie à de réels terroristes se faisant passer pour des membres de l'ONG.

Pour revenir sur la motivation des survols, l'absence d'armes n'empêche pas des attentats destructeurs comme l'a prouvé l'attaque du World Trade Center en 2001, qui a reposé sur l'utilisation détournée d'appareils civils. C'est la raison pour laquelle il faut prendre au sérieux toutes les menaces à la sécurité, et que je trouve tout à fait opportune cette audition publique de l'OPECST.

Quels que soient les avis des uns et des autres sur l'énergie nucléaire, comme les installations qui l'exploitent sont là pour longtemps, y compris lorsqu'elles passent in fine en phase de démantèlement, nous sommes tous unanimement d'accord pour leur garantir le maximum de sûreté et de sécurité.

Je retiens deux choses au terme de ces auditions : d'abord, derrière les discours convenus des services de l'État, qui se défendent chacun de remplir correctement leur mission, il apparaît manifestement qu'il manque un chef de file pour traiter la question ; deuxièmement, la dissociation institutionnelle entre la gestion de la sûreté d'un côté, et de la sécurité de l'autre, a montré pour l'occasion ses limites, et l'ASN comme l'IRSN plaident en faveur d'un nouveau dispositif plus intégré, comme cela se pratique à l'étranger, sans qu'il soit bien sûr question de remettre en cause les prérogatives régaliennes de l'État. Il s'agirait notamment de prendre en compte la sécurité dans la définition des référentiels de sûreté et de l'inclure dans le champ du contrôle.

L'audition publique a donc constitué un apport réel, puisqu'elle a permis de progresser dans la réflexion sur des améliorations du dispositif.

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