Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Réunion du 26 novembre 2014 à 17h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • OPECST
  • drone
  • stratégique
  • technologie
  • université

La réunion

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Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Mercredi 26 novembre 2014

Présidence de M. Jean-Yves Le Déaut, député, président

La séance est ouverte à 17 h 05

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Notre ordre du jour comporte quatre points :

- en premier lieu, nous devons procéder à des nominations, et notamment une nomination en urgence au Haut Conseil des biotechnologies ; c'est une demande pressante du cabinet du Premier ministre pour permettre à cet organisme de se mettre en route rapidement, notamment pour traiter des dossiers en attente de thérapie génique ;

- notre deuxième point concerne l'audition de l'Association nationale de recherche et de technologie (ANRT), dans le cadre de l'évaluation de la stratégie nationale de recherche ;

- le troisième point concerne la finalisation, sur les bases évoquées lors de notre dernière réunion, de nos recommandations relatives à la mise en place d'un « principe d'innovation », suite à l'audition du 5 juin dernier ;

- le quatrième point, que j'ajoute à l'ordre du jour, consiste en une information sur la double audition de lundi dernier relative aux drones et à la sécurité nucléaire.

– Nominations de parlementaires dans des instances scientifiques

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L'OPECST a été saisi de deux demandes de nominations :

- celle d'un membre invité au Conseil d'orientation stratégique de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité. Notre collègue sénatrice, Marie-Christine Blandin, a représenté l'OPECST dans cette instance avant de quitter l'Office pour la présidence de la commission des affaires culturelles du Sénat. Maintenant qu'elle est de retour parmi nous, peut-être pourrait-elle reprendre ce mandat laissé vacant pendant trois ans ?

Mme Marie-Christine Blandin est désignée par assentiment pour représenter l'OPECST au Conseil d'orientation stratégique de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité.

- celle de quatre membres au Comité économique, éthique et social du Haut Conseil des biotechnologies. En étaient membres, pour l'Assemblée nationale, Mme Anne-Yvonne Le Dain en tant que titulaire et moi-même en tant que suppléant et, pour le Sénat, M. Marcel Deneux en tant que titulaire et M. Jean-Marc Pastor en tant que suppléant.

Mme Anne-Yvonne Le Dain étant d'accord pour poursuivre son mandat, il faudrait juste nommer un suppléant et je propose le nom de Mme Dominique Orliac, qui s'est excusée pour la réunion de ce jour en manifestant néanmoins son intérêt pour cette nomination.

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Mme Dominique Orliac a le bénéfice de l'antériorité, mais nous allons néanmoins lui demander confirmation de son engagement avant de vous donner une réponse définitive.

Nos collègues Gilbert Barbier et Pierre Médevielle sont candidats pour le Sénat, en remplacement de MM. Marcel Deneux et Jean-Marc Pastor, dont le mandat s'est achevé à l'occasion du dernier renouvellement sénatorial de septembre 2014.

Mme Anne-Yvonne Le Dain et M. Pierre Médevieille sont désignés membres titulaires et Mme Dominique Orliac et M. Gilbert Barbier membres suppléants pour représenter l'OPECST au Comité économique, éthique et social du Haut Conseil des biotechnologies, sous réserve d'une confirmation pour Mme Dominique Orliac.

– Audition de l'Association nationale pour la recherche et la technologie (ANRT), M. Denis Randet, délégué général et M. Paul Lucchese, directeur de la plate-forme de prospective FutuRIS

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Nous allons maintenant passer à l'audition de l'Association nationale de la recherche et de la technologie (ANRT), représentée aujourd'hui par M. Denis Randet, son délégué général, et M. Paul Lucchese, directeur de la plate-forme de prospective FutuRIS.

Je ne puis m'empêcher d'avoir une pensée amicale pour le président de l'ANRT, M. Luc Oursel, qui a interrompu son mandat à la tête d'Areva, comme il l'a indiqué pour cause médicale. Je voudrais que vous lui transmettiez nos amitiés.

Cette audition intervient dans le cadre de l'évaluation de la stratégie nationale de recherche dont l'OPECST a la responsabilité en application de l'article 15 de la loi du 22 juillet 2013 pour l'enseignement supérieur et la recherche.

Je rappelle que cette loi a prévu, tous les cinq ans, l'élaboration d'une stratégie nationale de recherche (SNR), qui doit répondre aux défis scientifiques, technologiques, environnementaux et sociétaux des décennies à venir en définissant un nombre limité de très grandes priorités scientifiques et technologiques. Débuté à l'automne 2013, le travail d'élaboration de la SNR est parvenu dans sa phase de validation politique finale. Je crois que le Conseil stratégique de la recherche (CSR) va se réunir le 19 janvier. Le Gouvernement élaborera ensuite sa stratégie. Celle-ci sera donc prête approximativement deux ans après le vote de la loi.

Ce travail est guidé par le CSR, dont M. Michel Berson, pour le Sénat, et moi-même sommes membres, aux côtés de vingt-quatre personnalités scientifiques de haut rang, parmi lesquelles nos plus récents lauréats Nobel ou médaillés Fields. L'élaboration de la SNR s'est également appuyée sur une vaste consultation publique, en avril et mai 2014.

Le travail préparatoire s'appuie sur un Comité opérationnel (CoMop) qui associe l'ensemble des ministères concernés par les politiques de recherche, les Alliances de recherche et des représentants du monde économique, sous la présidence de Roger Genet, directeur général pour la recherche et l'innovation du ministère de l'Éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Dans ce cadre, l'ANRT a reçu mission de réaliser un état de l'art des méthodes d'élaboration des stratégies de recherche, y compris en effectuant ce qu'il est convenu d'appeler un benchmarking. Cette mission va jusqu'à la conduite d'une réflexion sur la manière de formuler des recommandations stratégiques.

Pouvez-vous nous faire profiter de cet état de l'art en matière d'élaboration des stratégies de recherche ? Pouvez-vous aussi nous indiquer quelle est votre analyse de l'ANRT, en tant que représentant des acteurs de la recherche et de l'innovation, quant aux grandes priorités stratégiques à retenir pour les prochaines années ?

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Denis Randet, délégué général de l'Association nationale de la recherche et de la technologie

Je vous remercie de votre accueil.

Il est possible de tirer plusieurs enseignements utiles de l'analyse des processus d'élaboration des stratégies nationales de recherche dans plusieurs autres pays (Allemagne, Chine, Corée, États-Unis, Japon, Royaume-Uni) et de leur comparaison avec celui en cours dans notre pays.

À cet égard, le document qui sera publié en janvier 2015 ne devrait constituer qu'une première étape, l'Office parlementaire étant probablement le meilleur garant de la poursuite de ce processus. En effet, l'élaboration d'une stratégie nationale n'est pas l'affaire de quelques mois. Dans tous les pays étudiés, il s'agit d'un processus continu, en général initié depuis dix à vingt ans.

La nécessité d'une stratégie de recherche s'impose désormais à tous, en raison de la complexité du sujet, du nombre d'acteurs impliqués ainsi que de l'obligation de s'assurer de l'adéquation de l'emploi des financements publics. Les stratégies de recherche que nous allons vous présenter s'inscrivent dans un dispositif plus vaste, appréhendé par les parlements nationaux au travers du vote du budget.

Notre présentation comprend quatre volets : l'utilité d'une stratégie de recherche – je viens de l'évoquer brièvement, son mode d'élaboration – un aspect pour lequel la comparaison internationale s'avère particulièrement instructive, ses modalités de mise en oeuvre – son impact restant limité si elle ne se concrétise que par un document, comme cela avait été un peu le cas pour la stratégie nationale de recherche et d'innovation de 2008-2009 qui s'était interdit d'aborder les sujets financiers, or il s'avère difficile de parler de priorités sans évaluer les moyens – et, enfin, les conditions de son suivi et son évaluation – un point crucial confié à l'OPECST, sur lequel nous disposons de peu d'éléments de comparaison à l'étranger.

Avant d'entrer dans le détail du sujet, je note que nous sommes les seuls à afficher une ambition restreinte à une « stratégie nationale de recherche ». Dans les autres pays, une ambition plus large ou une finalité économique sont mis en avant, par exemple la « high tech au service de l'économie » pour l'Allemagne. Il s'agit là d'une première différence significative.

L'élaboration d'une telle stratégie nécessite de réunir tous les acteurs impliqués (la recherche publique, les entreprises, les pouvoirs publics, etc.), ce qui suppose de mettre en place une organisation adéquate, pour traiter des actions publiques prioritaires dans le cadre d'une vision globale.

L'élaboration d'un programme, parfois appelé feuille de route, nécessite une approche multidimensionnelle, prenant en compte défis sociétaux, technologies clefs, différentes filières et projets intégrateurs.

En Allemagne, les domaines stratégiques identifiés portent sur de grands thèmes que l'on retrouve en France ou dans d'autres pays : « climat et énergie », « santé et alimentation », « mobilité », « sécurité » et « communications ». Ces derniers sont traversés par des technologies clefs, des questions transverses et des conditions cadres, comme la propriété intellectuelle. Sur ces cinq grands thèmes sont greffés dix projets d'avenir ayant un caractère beaucoup plus concret. Par exemple, « médecine personnalisée », « prévention et nutrition » ainsi que « vieillesse et autonomie » constituent trois projets d'avenir importants dans le domaine « santé et alimentation ». Dans le domaine « communications », le projet d'avenir « Industrie 4.0 » ne se limite pas à la mise en oeuvre de l'informatique.

S'agissant du Japon, nous avons notamment utilisé les informations fournies par la présidente du Conseil de la politique scientifique et technique (Council for Science and Technology Policy ou CSTP) japonais lors de son passage à Paris fin avril ou début mai. La présentation de la stratégie de recherche commence par une déclaration de principe : une nation fondée sur la science, la technologie et l'innovation. Ces points ne sont pas secondaires. L'intitulé initial d'une stratégie indique la nature de l'ambition. De fait, au Japon, en Corée comme en Allemagne, la science, la technologie et l'innovation sont considérés comme des carburants primaires de la prospérité nationale. Si une telle déclaration de principe peut sembler superficielle, elle exprime une intention commune qui n'est pas remise en cause. Celle-ci est déclinée en trois orientations : « agir intelligemment », « penser système » -– les japonais de reprochant à eux-mêmes un mode de pensée trop fragmentaire, « penser au niveau mondial » – s'ils savent le faire depuis longtemps en matière de commerce, les universités japonaise n'attirent pas beaucoup d'étudiants étrangers.

Par ailleurs, quatre grands défis doivent être relevés : concilier vieillissement avec santé et activité, développer les nouvelles génération d'infrastructures, promouvoir la revitalisation régionale en tirant parti des ressources régionales et assurer le rétablissement rapide et la revitalisation du Japon après le grand tremblement de terre de 2011. Bien que, à l'heure actuelle, ils ne soient pas les mieux placés sur ce plan, les Japonais ambitionnent aussi de faire de leur pays le plus ouvert à l'innovation au niveau mondial. Enfin, le CSTP devrait voir son rôle renforcé, en termes budgétaire et de coordination. Ce conseil, qui pourrait être considéré comme l'homologue d'un office parlementaire, élabore des stratégies et formule des propositions.

En Corée, cinq domaines stratégiques : « convergence des technologies de l'information - nouvelle industrie », « domaines potentiels de croissance future », « environnement sain », « atteindre une ère de vie longue et de santé » et « parvenir à une société sûre » sont déclinés en trente-huit technologies.

Les Américains sont beaucoup moins globaux. Il n'y a pas aux États-Unis de ministère de la recherche, mais un président entouré d'un certain nombre de conseillers, fixant des orientations dont la traduction financière dépend du Congrès. Les qualificatifs attachés à chacun des sujets sont très significatifs. Ainsi, alors que tout le monde parle d'énergie propre, les Américains mentionnent une « révolution de l'énergie propre ». Ils ne considèrent donc pas suffisante une simple amélioration de l'existant. Quant aux biotechnologies et nanotechnologies où ils se situent pourtant en pointe, ils proposent d'accélérer. De même pour l'espace ou les technologies médicales, ils évoquent des ruptures, d'ores et déjà concrétisées pour le premier domaine avec les lanceurs de la société SpaceX (Space Exploration Technologies Corporation). Enfin, ils évoquent un saut quantique en matière de technologies de l'éducation, alors qu'ils sont aux avant-postes de la révolution de l'éducation par les nouvelles technologies.

Enfin, au Royaume-Uni, le gouvernement britannique est clairement celui consentant le moins d'efforts financiers pour la recherche et l'innovation. Il a pris le parti de miser sur l'excellence des universités britanniques, considérant qu'elles sont les meilleures au monde, donc aptes à attirer les meilleurs étudiants, tout en apportant revenus financiers et rayonnement mondial. Si le Royaume-Uni dispose effectivement de plusieurs excellentes universités, ce schéma se heurte à une difficulté : convertir les résultats des recherches en activité socio-économique. Les Britanniques commencent à s'en préoccuper, en s'inspirant du modèle allemand des instituts Fraunhofer. Mais ils ne proposent que quatre « projets catapultes », là où l'Allemagne dispose de près d'une soixantaine de ces instituts.

En France, nous avons proposé une structuration de l'effort de recherche en dix défis.

Dans tous les pays, l'élaboration d'une stratégie de recherche impose d'analyser la situation de départ, de formuler des propositions, de faire des choix, puis d'assurer le suivi. En général, gouvernement et parlement n'interviennent que dans les deux dernières phases, à l'exception des États-Unis où, en apparence, le gouvernement agit seul. Mais en réalité, derrière le gouvernement américain se trouvent toutes les agences. Ainsi, pour connaître les priorités en matière de santé, il faut consulter le site du NIH (National Institute of Health), plutôt que celui du conseiller du président. Si, en France, le rôle des industriels est marginal, ceux-ci sont assez fortement représentés dans ce processus.

En Allemagne, au Japon, en Corée et aux États-Unis, sans doute un peu moins au Royaume-Uni, le chef du gouvernement s'implique toujours personnellement, suivant différentes modalités, dans la mesure où ce problème est fondamentalement interministériel. Sur ce plan, la loi française prévoit que le ministre de la recherche assure, par délégation du Premier ministre, la présidence du conseil stratégique. On peut s'interroger sur la pertinence d'une telle disposition, en tout cas un cran en dessous des exemples étrangers.

Au Japon, le CSTP est un organe tout à fait central, présidé par le Premier ministre, au sein duquel siègent six ministres et huit membres exécutifs, issus majoritairement du monde académique, mais aussi de l'industrie (Mitsubishi, Hitachi et Toyota).

Au Royaume-Uni, la gouvernance est plus diffuse, même si un rôle central est joué par le Government Chief Scientific Adviser (GCSA), choisi pour ses capacités scientifiques et stratégiques. Cet État se caractérise, tout comme l'Allemagne, par une très grande transparence en termes d'informations fournies.

J'en viens à la concrétisation de la stratégie de recherche. À cet égard, il est évident que l'aspect financier est primordial. En l'absence de financement, la stratégie reste cantonnée au niveau du discours.

En Allemagne, le financement par le Gouvernement fédéral – hors länder – de la High-Tech Strategy 2020, à hauteur de 8,4 milliards d'euros en 2013 et 11 milliards d'euros en 2014, est destiné aux seuls projets, en sus des subventions attribuées en propre aux organisations, par exemple aux instituts Fraunhofer. Mais ces derniers abondent aussi leur budget en remportant des appels à projets publics, dont certains financés au travers de la High-Tech Strategy 2020. Ce schéma est assez classique. Dans le budget fédéral, le financement par projet représente 44 % du budget fédéral. Les personnes se plaignant, en France, de la place excessive prise par l'ANR feraient bien d'en prendre conscience. Mais la stratégie de recherche ne représente qu'un élément de l'action nationale. Aussi, le gouvernement allemand dépense-t-il plus de 8 milliards pour la recherche et l'innovation.

Au Japon, le financement associé à la stratégie de recherche ne représente que 8 % de l'effort du gouvernement en matière de sciences et de technologies, à hauteur d'un total de 2,28 milliards d'euros, inférieur à l'effort consenti par le gouvernement allemand pour la High-Tech Strategy 2020.

Aux États-Unis, une grande partie du financement est assuré par les agences gouvernementales (Department of Defense ou DOD, Department of Energy ou DOE, National Aeronautics and Space Administration ou NASA, Department of Agriculture ou USDA, NIH, etc.), avec des fluctuations qui peuvent être très importantes d'une année sur l'autre. Le NIH est, de loin, l'agence dotée des budgets les plus importants mais elle s'intéresse, au travers de la santé, à presque tous les sujets. Par ailleurs, les Américains ont décidé la création de quinze Industrial Innovation Institutes - équivalents des instituts Fraunhofer, destinés à pallier la disparition des industries traditionnelles. En effet, s'ils sont bien placés dans les technologies de pointe, les Américains reconnaissent qu'ils manquent d'ingénieurs. Ils se fixent l'objectif, pour les dix prochaines années, de former 500 000 ingénieurs supplémentaires et de rénover leurs infrastructures de transport obsolètes. C'est un exemple de l'ampleur du champ que peut couvrir une telle stratégie.

Quant au Royaume-Uni, comme je l'indiquais, il prévoit un financement réduit pour la stratégie de recherche. Peut-être avez-vous entendu un commissaire européen se plaindre de ce que certains États réduisent leur budget de recherche en incitant leurs chercheurs à trouver des financements auprès de l'Union européenne. Les Britannique pratiquent cela depuis longtemps et les Espagnols y ont été contraints, mais il n'était pas dans l'intention de la Commission de se substituer aux efforts nationaux.

En France, la stratégie nationale de recherche est souvent évoquée, mais l'essentiel des financements sont liés au programme des Investissements d'avenir (PIA). Ainsi, nous avons reconstitué avec difficulté les sommes en jeu pour l'année 2012 : les investissements d'avenir s'élèvent à 947 millions d'euros, la défense à 707 millions d'euros et les financements de l'ANR à seulement 610 millions d'euros. L'année 2015 sera cruciale, d'une part, pour l'évaluation et le suivi des premiers investissements d'avenir, notamment des laboratoires d'excellence (LABEX) et des premières sociétés d'accélération de transfert de technologie (SATT), d'autre part, pour la définition des instituts « Carnot 3 ».

Je vais arrêter ici mon exposé afin que nous puissions avoir le temps de répondre à vos questions.

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Je vous remercie pour cet exposé clair qui montre comment les choses se passent dans d'autres pays. Vous avez indiqué que certains pays prennent en compte, mieux que nous, les problématiques relatives à l'innovation et au transfert de technologie. Nous n'aurions, en effet, en France, qu'une stratégie nationale portant sur la recherche. Néanmoins, dans le cadre de l'évaluation de cette stratégie, à laquelle procède le conseil stratégique de la recherche, dont je suis membre avec notre collègue sénateur Michel Berson, il apparaît que ses objectifs comprennent la valorisation des résultats de la recherche au service de la société. À cet effet, il est énoncé que la stratégie « veille au développement de l'innovation, du transfert de technologie, de la capacité d'expertise et d'appui aux politiques publiques et aux associations et fondations reconnues d'utilité publique ».

Le conseil stratégique de la recherche a été le lieu d'une opposition entre science fondamentale et innovation transfert de technologie. Un certain nombre de représentants des sciences humaines et sociales, ainsi que des personnalités ayant obtenu le prix Nobel, ont jugé que l'ancien conseil supérieur de la recherche et de la technologie n'avait pas suffisamment traité des questions de recherche fondamentale. C'est pourquoi un débat sur l'équilibre entre ces deux composantes s'est instauré au sein du conseil, ce qui signifie qu'elles sont toutes deux prises en compte. La question n'est peut-être plus qu'affaire de sémantique.

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Marie-Christine Blandin, sénatrice

Vous avez évoqué, dans des diagrammes comparatifs, le poids significatif et visible de l'industrie dans d'autres pays que la France. Mais tenez-vous compte du poids de l'industrie dans le crédit d'impôt recherche (CIR) ? Ce mécanisme permet aux entreprises de drainer de l'argent public au service de leur stratégie.

Par ailleurs, dans l'ensemble des pays évoqués, qui veille à la survie des domaines de production de savoir sans valorisation immédiate ? Je prendrai l'exemple de l'ethnopharmacologie ou de l'ethnobotanique : qui veille à ce que ces disciplines ne meurent pas ?

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Denis Randet, délégué général de l'Association nationale de la recherche et de la technologie

Il nous a été dit, dans les cercles où nous avons travaillé, que la recherche fondamentale n'était pas en cause dans la mesure où il n'était pas question de lui imposer des priorités. La recherche fondamentale ne saurait se programmer. La détermination de la part du budget qui lui est allouée est néanmoins stratégique.

La composition du conseil stratégique de la recherche, qui inclut des récipiendaires du prix Nobel, explique probablement l'intérêt porté à la recherche fondamentale. Même si des questions très légitimes se posent à ce sujet, le conseil n'a toutefois pas vocation à y répondre.

Le CIR est un outil neutre, par définition non stratégique. Le gouvernement a, en effet, choisi qu'un certain nombre d'outils soient neutres, dont le CIR.

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L'article L. 111-6 du code de la recherche, tel que modifié par la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014, dispose que « la stratégie nationale de recherche et les conditions de sa mise en oeuvre font l'objet d'un rapport biennal de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, (…), qui inclut l'analyse de l'efficacité des aides publiques à la recherche privée. ». Cet aspect est prévu par la loi.

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Denis Randet, délégué général de l'Association nationale de la recherche et de la technologie

Se pose, par exemple, la question de savoir si le doublement du taux du CIR a favorisé les sous-traitances de travaux d'entreprises à la recherche publique.

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J'approuve vos propos concernant la recherche fondamentale. La question se pose, néanmoins, non pas de déterminer dans quel secteur la recherche fondamentale doit se déployer, mais de la situer parmi les priorités de la stratégie nationale de recherche (SNR). L'importance de la recherche fondamentale sera soulignée dans un préambule à la stratégie.

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Michel Berson, sénateur

La réflexion du conseil stratégique de la recherche, qui se réunit depuis presque un an, à un rythme assez soutenu, est en cours d'évolution. Il y a eu une offensive assez forte des défenseurs de la recherche fondamentale, au point que celle-ci a, à un moment, été considérée comme la priorité de la SNR, ce qui est, selon moi, une ineptie. Le fait que plusieurs personnalités ayant obtenu un prix Nobel soient présents au sein de ce conseil, ainsi que des professeurs émérites, des professeurs au collège de France, expliquait cette évolution.

À l'heure actuelle, un autre axe est en train d'émerger, qui rééquilibre le premier. Il s'agit de la défense de la recherche technologique. Nous envisageons un préambule à la SNR, qui montrerait l'intérêt et l'importance de la recherche fondamentale et de son prolongement vers la recherche technologique. La frontière entre ces deux types de recherche est difficile à déterminer. C'est là tout l'intérêt de la réflexion en cours.

Cela pourrait avoir une première conséquence. J'évoquerai le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) qui, à l'inverse de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), est spécialisé dans la recherche technologique. Lorsque l'INSERM dépose des projets devant l'Agence nationale de la recherche (ANR), son taux de succès est très élevé, contrairement à celui du CEA, en dépit de la qualité des projets présentés par celui-ci. Cela est dû à la composition des jurys. La réflexion du conseil stratégique de la recherche devrait conduire à un rééquilibrage, à l'intérieur des jurys, de manière à donner davantage de moyens à la recherche technologique. La France possède des capacités très importantes dans ce domaine, qui sont trop peu valorisées.

Le conseil stratégique de la recherche devrait achever ses travaux de détermination des orientations prioritaires de la recherche scientifique le 19 janvier 2015. Le Gouvernement arrêtera ensuite définitivement la SNR. Fort du travail très important qui a été réalisé, le conseil émettra des avis proposant des orientations, aussi bien au niveau interministériel qu'en collaboration avec toute la communauté scientifique. Nous disposerons ainsi d'un outil original par rapport à tout ce qui a été produit jusqu'à ce jour.

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Denis Randet, délégué général de l'Association nationale de la recherche et de la technologie

Nous sommes très sensibles à vos propos. La France dispose de nombreux moyens de recherche technologique. De nouveaux moyens ont été créés, avec les Instituts de recherche technologique (IRT). Les instituts Carnot ont cette vocation, de même que le CEA, l'Institut français du pétrole et des énergies nouvelles (IFPEN), l'Office national d'études et de recherches aérospatiales (ONERA)… Ce qui manque à la France, et nous distingue d'autres pays, c'est le contact entre la recherche technologique et l'université. À titre personnel, je pense qu'il aurait fallu installer les IRT, autant que possible, dans des campus d'universités. Ce qui compte, in fine, c'est que la jonction avec les universités se fasse. Le problème tient moins à la quantité de moyens que la France consacre à la recherche technologique qu'à la répartition de ces moyens et au couplage avec les universités. Aujourd'hui, un étudiant français sur deux n'accède à aucune entreprise pendant la durée de ses études.

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Paul Lucchese

En Allemagne, les instituts Fraunhofer, qui sont très axés sur les contrats avec les entreprises, sont désormais évalués en fonction de leur capacité à se coupler avec la recherche fondamentale. Par conséquent, ces instituts ont absorbé des laboratoires de recherche fondamentale. Dans plusieurs pays, la recherche fondamentale est ainsi considérée comme un facteur d'attractivité, y compris pour des finalités économiques.

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Je serai un peu iconoclaste. En effet, en France, nous opposons continuellement des institutions, des activités, des systèmes les uns aux autres. Or nous ne pouvons pas construire de cohérence en nous interrogeant continuellement sur la légitimité de ce que font les autres. Nous sommes sujets à une dissonance intellectuelle et morale, qui est apparue à force d'opposer recherche fondamentale et recherche appliquée. Ce raisonnement présente un vice de forme.

Je vous incite à aller voir le film extraordinaire qui est sorti récemment, sur l'histoire du boson de Higgs. La communauté des physiciens se divise clairement entre des théoriciens et des chercheurs ayant davantage d'affinités avec les machines. Mais on ne distingue pas, en physique, les scientifiques et les technologues. Tous sont des scientifiques. Leur collaboration fonctionne car elle est motivée par une ambition commune. En l'occurrence, le boson de Higgs est une invention dont on a prouvé le concept quarante ans plus tard.

Nous n'arriverons pas à faire en sorte que le monde économique et celui de la recherche travaillent ensemble si nous n'admettons pas qu'il n'y a pas, d'un côté, des génies déconnectés du réel, et, de l'autre, des gens sérieux qui font de l'économie.

Si l'on ne parvient pas à déconstruire cette anxiété d'une science qui serve à quelque-chose, nous ne réussirons jamais à produire non pas du savoir et des connaissances, mais des applications. Ce qui nous intéresse, en notre qualité de parlementaires, c'est de savoir comment cette recherche produira une valeur ajoutée économique. Cela peut passer par des étudiants qui iront dans des entreprises, ou créeront des entreprises. Cela peut passer par des liens directs entre chercheurs en entreprise et à l'université. Peu importe : ce qui importe est que leur travail soit fructueux et reconnu au plan international.

Si nous nous intéressons, par exemple, au vieillissement, c'est que des concepts et des outils ont déjà été créés par les scientifiques à ce sujet. N'inversons pas la logique.

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Denis Randet, délégué général de l'Association nationale de la recherche et de la technologie

Je suis entièrement d'accord avec vous. Ce vocabulaire est employé partout dans le monde mais il prend souvent, en France, une signification défensive. Il faudrait se demander pourquoi les chercheurs éprouvent le besoin de se défendre. Ce que je mentionnais précédemment à propos des universités est ici illustré. Il faut rendre possible les rencontres très tôt. L'ANRT fait fonctionner les conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE). Dans ce cadre, il n'existe pas de frontière entre recherches fondamentale et appliquée. Une thèse relevant de ce dispositif est une thèse, sans distinctions.

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Je souhaiterais illustrer mon propos par un exemple : la résolution de questions relatives à la circulation des fluides dans les oléoducs de mer du Nord, est due à la rencontre entre deux chercheurs, dont un mathématicien. On ne décide pas des problèmes que l'on va résoudre. On décide des sujets sur lesquels on travaille. La différence est énorme. Il convient de ne pas enjoindre aux scientifiques de trouver, mais il faut, en revanche, leur faciliter la tâche et les aider à rejoindre le monde économique, s'ils le souhaitent. On ne peut pas leur demander de faire un métier pour lequel ils ne sont pas faits. Ne leur demandez pas de fonctionner comme nous.

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Je souhaiterais reprendre deux suggestions de M. Denis Randet.

En premier lieu, il me semble que nous devrions suggérer au Premier ministre d'assister lui-même, avec la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, à la réunion de conclusion de la stratégie nationale de recherche, comme cela se fait au Japon.

En second lieu, le lien entre université et technologie est essentiel. Dans presque tous les pays existent des universités technologiques. Nous possédons trois universités technologiques, des écoles d'ingénieur, dont certaines sont liées aux universités, mais nous ne possédons pas réellement d'universités spécialisées dans le domaine de la technologie. L'université de Toulouse l'est un peu, de même que les trois universités technologiques (Troyes, Belfort-Montbéliard et Compiègne) et les trois instituts nationaux polytechniques (Grenoble, Toulouse et Lorraine). Mais il serait souhaitable que le lien entre université et technologie soit plus apparent.

Enfin, je souhaiterais vous demander votre avis, M. Denis Randet, sur la formulation des priorités de la SNR. La première de ces priorités est relative aux « grandes masses de données ». Ce thème correspond, en partie, à une étude, actuellement en cours pour l'Office parlementaire, de nos collègues Bruno Sido et Anne-Yvonne Le Dain. Les autres priorités sont ainsi intitulées : « Terre, transition énergétique, ressources et environnement », « Vie et santé ». Ce dernier thème comprend une rubrique sur la « recherche hospitalo-universitaire en santé ». Cette formulation me paraît insuffisante et sera critiquée par le Parlement dans son évaluation, si elle demeure en l'état. Enfin, la quatrième priorité est intitulée « sciences, industrie et société ».

Que pensez-vous de l'intitulé des priorités de la stratégie nationale de recherche ? Les formulations retenues correspondent-elles à vos attentes ? Il me semble que l'accent n'est pas suffisamment mis sur les questions médicales, notamment sur la problématique de l'autonomie et du vieillissement, qui apparaît de manière beaucoup plus nette dans la stratégie allemande, et sur la question de la médecine personnalisée, examinée dans un récent rapport de l'Office parlementaire. La partie consacrée à l'environnement ne comprend pas le mot « biodiversité ». La physique des bâtiments n'est pas mentionnée. Les technologies spatiales le sont, ce qui est positif, mais d'autres types de technologies ne figurent pas dans le projet actuel. Nous avons formulé des remarques, avec le sénateur Michel Berson, puisque nous appartenons au conseil stratégique de la recherche, mais nous n'avons, pour le moment, pas été très écoutés. Or le Parlement examinera, par la suite, la stratégie nationale de la recherche.

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Denis Randet, délégué général de l'Association nationale de la recherche et de la technologie

Les priorités sont de granulométries variées. Qu'entend-on par priorité ? Le problème de leur traduction en actions demeure. Cela nécessite de quantifier les moyens qui leur seront affectés. Nous avions suggéré de distinguer priorités-orientations et priorités-actions. Les priorités actuelles demeurent de l'ordre des orientations. Je ne pense pas que les quatorze priorités seront retenues. Une sélection sera opérée. Tout un travail d'instruction devra alors être réalisé pour préciser les modalités d'application de ces priorités. La question du positionnement de la France par rapport à l'étranger n'est pas non plus abordée. Certains sujets sont internationaux : sur ces sujets, quelle est la part de la recherche que nous souhaitons accomplir au niveau national, et pour quelle raison ? Les réponses à ces questions sont restées trop floues.

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Paul Lucchese

La question de l'articulation avec d'autres initiatives du Gouvernement dans le domaine de la recherche se pose également, notamment les trente-quatre plans de la « Nouvelle France industrielle », ou encore la stratégie nationale de recherche sur l'énergie prévue par le projet de loi relatif à la transition énergétique. Il manque une articulation globale de l'ensemble des initiatives du Gouvernement dans le domaine de la recherche.

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Denis Randet, délégué général de l'Association nationale de la recherche et de la technologie

Le programme d'investissements d'avenir (PIA) est essentiel. Les évaluations du PIA en 2015 fourniront des éléments très importants.

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Je remercie l'ANRT pour cette présentation des stratégies mises en oeuvre à l'étranger. Bien que le rôle de l'Office porte sur l'évaluation de la mise en oeuvre de la stratégie nationale de recherche, plutôt que sur sa conception, je propose néanmoins que nous adressions un courrier au Premier ministre, afin de lui faire part, en amont, de quelques-unes des remarques formulées aujourd'hui.

– Communication de M. Jean-Yves Le Déaut relative à l'audition publique de l'Office sur « Le principe d'innovation »

Puis l'OPECST a entendu une communication de M. Jean-Yves Le Déaut relative à l'audition publique sur « le principe d'innovation » et examiné les conclusions des actes de l'audition publique organisée par l'OPECST du 5 juin 2014.

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Le 4 novembre 2014, il a été décidé de reporter l'adoption de ces conclusions, suite à la demande de M. Denis Baupin et de Mme Marie-Christine Blandin, membres de l'OPECST, que j'ai volontiers acceptée.

Depuis lors, j'ai reçu des projets de modifications des conclusions qui avaient été présentées le 4 novembre. J'en ai tenu compte, ce qui me conduit aujourd'hui à présenter des amendements plus précis et à gommer certains termes – j'enlève notamment la référence à des effets dommageables immédiats pour qualifier les risques auxquels le principe de précaution ne doit pas s'opposer.

M. Denis Baupin et Mme Marie-Christine Blandin m'ont fait savoir qu'ils ne souhaitaient pas être associés à ce texte. Leur contribution sera annexée à ce rapport. J'ai moi-même préparé une contribution de réponse, et vous incite tous, si vous le souhaitez, à m'envoyer votre contribution.

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Marie-Christine Blandin, sénatrice

Je vous remercie d'avoir différé la validation de ces conclusions. Nous partageons avec vous l'appel à l'innovation, essentielle pour l'efficience énergétique qui sera un élément déterminant pour l'avenir des générations futures. Je pense que vous acceptez l'idée qu'on ne parle pas de n'importe quelle innovation et que toute innovation n'est pas bonne à prendre, comme l'ont relevé Mme Claudie Haigneré et Jean-Hervé Lorenzi. Il y a aussi unanimité pour dire qu'il est interdit de conduire dans un laboratoire P2 les expériences qu'on fait dans un laboratoire P4. Il existe donc des restrictions au principe d'innovation.

Mais nous sommes globalement en désaccord sur le fond, car les textes existants sont équilibrés : le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a valorisé l'application du principe de précaution, et la loi sur l'enseignement supérieur et la recherche appelle fort bien à une recherche tournée vers l'innovation. En revanche, votre texte souffre d'une erreur : il confond, à un endroit, risque et danger. Le risque n'a pas des effets et repose sur un ensemble de probabilités d'effets ; le danger est avéré et l'on s'en garde par des mesures de prévention. Il faut modifier votre formulation. Par ailleurs, le principe d'innovation que vous proposez est trop péremptoire. Il est vrai que cette proposition résulte d'auditions minutieuses, mais certaines personnes que vous avez entendues appartiennent trop au monde de la finance et sont trop proches de fonds d'investissement.

Je vous remercie d'accepter que notre contribution soit publiée. C'est tout à fait l'esprit de l'Office. Cela permettra à nos collègues de se faire une opinion.

Quant à vos amendements sur les marchés publics, il faudrait qu'ils soient plus explicites que leur première version.

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Votre contribution est très utile. Nous avons modifié l'exposé des motifs des conclusions présentées le 4 novembre. Notre texte final maintient le principe de précaution. S'il n'est pas souhaitable de modifier ce principe, il faut, en revanche, définir son champ d'application car l'article 5 de la Charte de l'environnement ne vise que l'environnement.

Même si une jurisprudence l'a élargi aux problèmes de santé quand les problèmes d'environnement ont des conséquences dans le domaine de la santé, tous les problèmes de santé ne sont pas pris en compte. Au sujet des ondes électromagnétiques, le Conseil d'État a été obligé de faire un condensé de divers jugements. La situation n'est donc pas bonne. À propos du jugement de Colmar, je rappellerai que la loi de 2008 avait trouvé un équilibre. Le juge a ensuite dit que les précautions n'avaient pas été respectées, dans la mesure où il s'agissait d'une expérimentation en plein champ. Mais celle-ci avait toutefois été autorisée par le Conseil du génie biomoléculaire préexistant au Haut conseil des biotechnologies. Le juge n'a pas tenu compte de la loi. Il n'est donc pas étonnant que le procureur se soit pourvu en cassation.

On voit bien que des problèmes se sont posés car la problématique traitée a été élargie. On est tous d'accord pour remarquer que la société française est bloquée et que l'innovation est freinée dans notre pays.

Nous sommes d'accord avec vos préoccupations. J'ai déjà modifié le texte des conclusions. Je suis, par ailleurs, d'accord pour considérer qu'il y a une différence entre risques et dangers. Nous allons reformuler cette partie des conclusions.

Sur l'organisation de l'audition publique, je remarque que nous avions tous été d'avis d'inviter le président du Forum des politiques d'innovation.

Par ailleurs, je propose des amendements modifiant le cadre juridique de la recherche. Le premier vise à préciser le principe d'innovation dans lequel on inclut les pratiques sociales et pas seulement le marché.

Dans un deuxième amendement, nous souhaitons une évaluation de référence des bénéfices et des risques.

Je propose un autre amendement sur le rôle du Conseil d'État qui serait saisi en premier et dernier ressort des litiges se référant à l'article 5 de la Charte de l'environnement mettant en jeu une innovation. C'est ce qu'il aurait fallu faire dans le cas des ondes électromagnétiques.

Un dernier amendement a pour objet de permettre aux PME d'avoir accès aux commandes publiques, comme dans le Small Business Act. Nous devrions être d'accord sur ce point. L'Observatoire économique de l'achat public pourra examiner comment sont utilisées les subventions publiques dans le cas d'entreprises développant des activités innovantes.

Ces amendements sont pour l'instant ainsi rédigés :

Amendement n° 1

Insérer à la fin du titre III du code de la recherche un titre additionnel intitulé « Le principe d'innovation ».

Le premier chapitre de ce titre serait intitulé « Définition du principe d'innovation » et disposerait que « Le principe d'innovation garantit le droit pour tout organisme de recherche et tout opérateur économique de mettre en place et de conduire des activités consistant à développer des produits, services, procédés, modes d'organisation, pratiques sociales ou usages nouveaux ou sensiblement améliorés par rapport à ce qui est disponible sur le marché. »

Amendement n° 2

Insérer après le premier chapitre (nouveau) du Titre III (nouveau) du code de la recherche, un second chapitre intitulé « Conditions d'application » et disposant que « Ce principe est facteur de développement des connaissances scientifiques et de progrès technique, social et humain, au service de la société. Il est garanti par les autorités publiques dans l'exercice de leurs compétences et sert notamment de référence dans l'évaluation des bénéfices et des risques conduite par ces autorités. Les autorités publiques promeuvent ce principe dans le cadre de la détermination et de la mise en oeuvre des politiques nationales ».

Amendement n° 3

Insérer dans le code administratif, après l'article L311-2, un article additionnel ainsi rédigé :

« Le Conseil d'État est compétent pour connaître, en premier et dernier ressort, des litiges fondés sur l'article 5 de la Charte de l'environnement mettant en jeu une innovation, à savoir une activité visant à développer des produits, des procédés, des modes d'organisation, des usages ou des services nouveaux ».

Amendement n° 4

Insérer dans le futur projet de loi pour la croissance et l'activité, l'article additionnel suivant :

« Un décret en Conseil d'État détermine les conditions dans lesquelles un avantage est accordé aux entreprises innovantes lorsqu'une collectivité publique choisit un prestataire, ainsi que les conditions dans lesquelles un suivi de cet avantage est assuré, notamment en lien avec l'attribution de subventions. »

L'exposé sommaire de cet amendement préciserait que le décret pris en conséquence devrait modifier le code des marchés publics sur deux points :

À l'article 48 :

« Il est inséré au II de l'article 48 du code des marchés publics, après les mots « notamment à des petites et moyennes entreprises telles que définies par l'article 8 de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, ou à des artisans », les mots « ou, sans préjudice de la mise en oeuvre d'un partenariat d'innovation au sens des articles 70-1 et suivants du présent code, à des entreprises développant des activités innovantes. Les pouvoirs adjudicateurs prévoient une telle disposition dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation pour des marchés publics correspondant, pour chaque année civile, à un montant total qui ne peut être inférieur à 3 % du montant annuel total desdits marchés.

Lorsque le pouvoir adjudicateur demande aux candidats d'indiquer dans leur offre la part du marché qu'ils ont l'intention de sous-traiter à des entreprises développant des activités innovantes, l'avis d'appel public à la concurrence ou les documents de la consultation précise les critères qui seront utilisés par le pouvoir adjudicateur pour évaluer le caractère innovant des solutions proposées par les entreprises. Ces critères doivent être conformes aux principes fondamentaux de la commande publique garantis à l'article premier du code. »

A l'article 131 :

« Il est inséré au second alinéa de l'article 131 du code des marchés publics, après les mots, « L'observatoire produit des données sur la part des marchés publics obtenus par des petites et moyennes entreprises », les mots « et par des entreprises développant des activités innovantes ».

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Nous reconnaissons l'utilité de l'innovation. L'idée d'un principe d'innovation est intéressante. La Charte de l'environnement prévoit un tel principe. Mais nous nous insurgeons contre l'idée que le principe de précaution serait un obstacle à l'innovation.

À propos des ondes électromagnétiques, la carence vient non de l'existence du principe de précaution, mais de l'absence de régime juridique applicable à ces ondes. Le droit actuel est insécurisant pour les riverains, les villes, les opérateurs, ce qui génère des conflits du fait des niveaux admissibles allant bien au-delà de principes raisonnables connus par les scientifiques. On tâtonne de ce fait.

Quant au jugement de Colmar, la Cour de cassation ne s'est pas encore prononcée. Mais la Constitution est supérieure à la loi. La justice dira s'il y a, ou non, respect de la Constitution.

Le principe de précaution fait avancer les choses en matière d'innovation. Ce qui pose problème, c'est le contexte dans lequel arrive le présent avis : les offensives contre le principe de précaution sont nombreuses, notamment lors des débats des commissions des affaires économiques et du développement durable de l'Assemblée nationale, à l'occasion du récent examen d'une proposition de loi visant à remplacer le principe de précaution par un principe d'innovation responsable. Or le principe de précaution est reconnu par plusieurs textes internationaux. En outre, cela aurait pour conséquence d'exiger par la Constitution que l'innovation soit responsable, ce qui entraînerait une complexification du droit de l'innovation et nombre de recours potentiels. Il existe aussi un autre projet tendant à supprimer le principe de précaution.

La question de l'encadrement juridique des ondes électromagnétiques se pose dans un système caractérisé par la création d'un réseau. Il faut le faire mais être certain que ça se passe bien en matière de santé et d'environnement. Ce n'est pas une question de recherche, mais d'activité commerciale. Dans ce contexte, nous ne sommes pas d'accord avec votre proposition de texte car l'avis de l'OPECST sera utilisé pour dire que le principe de précaution est un frein à l'innovation.

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Je rappelle que le principe de précaution ne s'applique qu'en matière d'environnement. Je note aussi que tous les organismes de recherche ont protesté contre l'arrêt de Colmar.

Je propose qu'on laisse un délai de huit jours pour que d'autres contributions puissent être élaborées et insérées dans le rapport. Je rappelle que le texte de ce rapport est le reflet d'une réunion à laquelle ont participé beaucoup de personnes. Je souhaite qu'il y ait des évolutions. Je note que M. Denis Baupin et Mme Marie-Christine Blandin sont contre.

L'OPECST a alors adopté à la majorité les conclusions des actes de l'audition publique du 5 juin 2014.

– Drones et sécurité nucléaire

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L'audition du 21 novembre 2014 sur le survol des installations nucléaires par des drones a été organisée par l'Office en urgence un lundi après-midi, ce qui n'était pas très pratique pour nos collègues, mais l'objectif de rester en phase avec l'actualité commandait de faire au plus vite avec la disponibilité au Parlement d'une salle équipée pour une audition publique. Je tiens d'ailleurs à remercier le secrétariat de l'Office qui a réussi à organiser cette réunion en une quinzaine de jours, tout en lui assurant un excellent niveau. Les suggestions des participants ont été prises en compte autant que possible, notamment celles de M. Denis Baupin.

Une partie des échanges impliquant les plus hautes autorités en charge de la sécurité nationale se sont tenus dans le cadre d'une réunion préalable, organisée à huis clos comme le permet la loi qui a instituée l'Office en 1983 ; ils feront l'objet d'un compte-rendu restreint sous le contrôle des participants pour éviter une diffusion d'informations critiques.

L'exercice était à la fois indispensable et délicat : indispensable, car il s'agissait de répondre à un besoin d'information du public en général, et des populations vivant à proximité des installations nucléaires en particulier, dont le président de l'Association nationale des comités et commissions locales d'information (ANCCLI), M. Jean-Claude Delalonde, s'est fait le porte-parole au cours de l'audition ; délicat, car les autorités publiques devaient être mises en mesure de fournir toutes les explications nécessaires sans dévoiler des informations dont la publicité pouvait gêner les procédures d'investigation en cours, sur des agissements pouvant relever éventuellement du terrorisme.

À cet égard, je tiens à faire une mise au point sur le statut du texte distribué en cours de réunion par Greenpeace en appui à l'intervention de son prestataire d'étude, M. John Large, car certains de nos collègues qui l'ont découvert a posteriori se sont inquiétés de constater que ce document mentionnait le nom de l'OPECST. Il était convenu que Greenpeace prenait en charge le support de traduction simultanée de l'intervention de M. Large, et le document en question était uniquement le moyen de suivre, phrase par phrase, l'exposé liminaire tenu en anglais par M. Large ; c'était un support pratique de traduction simultanée, permettant de faire l'économie de temps d'une traduction consécutive. L'en-tête rappelait les circonstances de la présentation, mais les propos de M. Large n'engageaient évidemment que lui-même et son cabinet d'études.

La ligne générale de cette présentation était d'ailleurs en rupture avec l'enseignement principal qui est ressorti des échanges de l'après-midi, à savoir que ces survols ne sont pas constitutifs par eux-mêmes d'une menace supplémentaire. Le directeur général de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), M. Jacques Repussart, confirmant en cela les analyses formulées au cours de l‘audition confidentielle, a expliqué clairement que les types de risques associés aux drones étaient déjà identifiés dans les scénarii de sécurité en vigueur. En revanche, il se confirme qu'il existe aujourd'hui une difficulté de détection des drones civils, en raison de ce qu'ils sont petits, lents, qu'ils volent bas et comportent peu de pièces métalliques. Cette circonstance rend d'autant plus étonnant l'échec du soutien public à un projet de recherche de détection, dénommé AVALON et soutenu par l'Institut franco-allemand de recherches Saint-Louis, à cause du rejet de ce projet par la partie allemande alors que, du côté français, il bénéficiait de l'appui très favorable de l'Agence nationale de la recherche (ANR).

De mon point de vue, les échanges ont clairement invalidé la thèse d'une action terroriste, puisque, avec des appareils restant manifestement dans la gamme des drones civils, tout a été fait néanmoins pour que les survols attirent l'attention, notamment grâce aux lumières intentionnellement diffusées par les drones, éteintes seulement au moment de fuir les hélicoptères de l'armée de l'air. Il semble ainsi très probable que l'opération a été montée par des militants anti-nucléaires voulant provoquer l'émotion publique à propos de la sécurité des installations nucléaires.

C'est en ce sens, en tout cas, qu'ont convergé les analyses du cabinet Large, dont la contribution pose le problème des conditions requises pour une expertise réellement indépendante. En effet, comment ne pas exprimer des doutes sur la profondeur d'une étude commandée par Greenpeace début novembre, et donc réalisée au mieux en trois semaines, ce qui a tout juste laissé le temps d'une compilation de travaux déjà publiés, notamment par l'Autorité de sûreté nucléaire et l'IRSN ? En réalité, la présentation du rapport Large semble faire partie d'une opération de communication sciemment organisée, dont un autre aspect serait cette entretien donné par John Large au journal Le Figaro la veille de l'audition publique, de manière qu'elle puisse capter l'attention publique le jour même de l'audition.

Ainsi, l'OPECST, en contribuant à la transparence par l'invitation à l'audition publique des représentants de Greenpeace, a offert, à son corps défendant, un relais médiatique démultiplié aux analyses orientées de John Large au détriment de celles des experts des autorités publiques, notamment celles de l'Autorité de sûreté nucléaire et de l'IRSN, dont la valeur n'est contestée par personne, et qui auraient mérité une publicité au moins équivalente. On ne peut que le regretter pour la bonne information du public.

Quant aux enseignements tirés de ces échanges pour d'éventuels besoins d'évolutions législatives, outre une discussion sur la manière d'améliorer encore la coopération entre l'Autorité de sûreté nucléaire et les autorités responsables de la gestion de la sécurité nucléaire, – sans qu'il soit évidemment question de remettre en cause les prérogatives régaliennes de l'État, il est apparu nécessaire, d'une part, de définir un délit spécifique pour les tentatives d'intrusion sur les sites nucléaires, et, plus généralement, sur les sites industriels présentant un enjeu de sûreté, et, d'autre part, de mettre en place une formation pour les pilotes des drones civils. Par ailleurs, les échanges ont souligné le besoin de reconstituer sans nouveau délai le Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire (HCTISN), instance de dialogue qui aurait eu pleinement vocation, si elle avait été en mesure d'être saisie, de définir les conditions de la communication publique relativement à cette affaire ; le président de l'ANCCLI a particulièrement regretté la disparition de facto du Haut comité depuis presque huit mois. Pour ma part, je considère ce délai de reconstitution comme un déni de la volonté du Parlement, qui a fortement soutenu la création de cette instance de dialogue dans le cadre de la loi du 13 juin 2006.

Sur le fond, ces survols doivent être considérés comme un acte grave, d'abord parce qu'ils révèlent une capacité de mobiliser des moyens importants, c'est à dire des drones d'assez grande taille, et une logistique rendant possible plusieurs survols simultanés, ensuite parce qu'ils visent manifestement à décrédibiliser la sécurité et la sûreté des installations nucléaires telles qu'elles ont été organisées par le Parlement, suite aux travaux de l'OPECST, notamment dans le cadre de la loi du 13 juin 2006. Ce n'est pas la gravité du risque qui est en jeu, car il existe évidemment d'autres techniques de mise à l'épreuve de la sécurité nucléaire, utilisant de véritables armes, qui seraient beaucoup plus dangereuses, mais cette opération est particulièrement répréhensible par sa dimension de harcèlement, et aussi par l'absence de revendication.

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D'abord je voudrais me féliciter de cette initiative de l'OPECST d'avoir permis ce débat et cette expression publique des acteurs ; elle a permis d'associer les parlementaires à la réflexion sur cette affaire, ce qui n'était pas le cas jusque-là, et la population a pu suivre la partie publique de nos échanges avec les acteurs concernés. Je remercie d'avoir associé les intervenants que j'avais suggérés.

Quant à la communication de M. John Large, elle était prévue pour le jeudi précédent, et j'avais suggéré que sa présentation à la presse soit décalée de quatre jours pour intervenir au cours de l'audition publique de l'OPECST.

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Cette première date aurait été sans doute plus favorable à la publicité des travaux de l'OPECST

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Greenpeace a préféré renoncer à la présentation de ce rapport au public pour éviter d'en dévoiler intégralement le contenu, ce qui a été salué comme un geste de responsabilité aussi bien par le Haut fonctionnaire de défense du ministère du développement durable que par les représentants de l'Autorité de sûreté nucléaire et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. Ce texte n'a été transmis qu'à un certain nombre de personnalités, dont le président de l'OPECST, pour que les hautes autorités en aient connaissance sans qu'il soit mis sur la place publique. Selon moi, l'audition publique a bénéficié d'une attention médiatique plus intense du fait de la révélation de ce rapport.

Sur le fond, je pense que l'on se rassure à bon compte en imaginant que les survols de drones sont le fait de groupements écologistes radicaux ayant seulement pour but de décrédibiliser l'exploitation de l'énergie nucléaire. L'opération est montée par des personnes qui disposent manifestement de moyens conséquents, qui font preuve d'une compétence technique certaine, et qui sont parvenus à tromper la vigilance de l'ensemble des services de sécurité du pays pendant plusieurs semaines ; cette opération a commencé bien avant de venir à la connaissance de la presse, ce qui invalide la thèse d'une campagne de communication. Sans avoir de certitude, il me semble hâtif d'écarter d'emblée l'hypothèse d'une démarche terroriste, option que vous avez pourtant soutenue au cours de l'audition publique, Monsieur le président, mais sans recevoir l'appui d'aucun des participants. L'absence d'acte belliqueux ne constitue en rien une signature, puisque l'effet recherché pourrait être, par exemple, de créer un sentiment de panique.

Lorsque le directeur général de l'IRSN a indiqué que ces survols de drones ne créaient pas de menaces supplémentaires, j'ai compris que cela signifiait que les menaces correspondantes étaient déjà identifiées, mais cela n'assurait en rien qu'elles étaient déjà traitées. Du reste, les auditions confidentielles que j'ai conduites sur la sécurité dans le cadre de la commission d'enquête sur les coûts de la filière nucléaire, ont montré qu'il existait des marges de progression. Par exemple, un des scénarios mentionnés par M. John Large dans le document public résumant son rapport évoque l'utilisation d'un drone pour apporter une arme à une personne ayant franchi par ailleurs les limites de sécurité externes ; cela montre à tout le moins que la protection par grillage doit être réactualisée, et pas seulement pour entraver les tentatives d'intrusion de Greenpeace.

J'indique d'ailleurs, comme je l'ai déjà déclaré publiquement au cours de la commission d'enquête, que ces actions de Greenpeace risquent de nuire à la sécurité car elles pourraient un jour ouvrir la voie à de réels terroristes se faisant passer pour des membres de l'ONG.

Pour revenir sur la motivation des survols, l'absence d'armes n'empêche pas des attentats destructeurs comme l'a prouvé l'attaque du World Trade Center en 2001, qui a reposé sur l'utilisation détournée d'appareils civils. C'est la raison pour laquelle il faut prendre au sérieux toutes les menaces à la sécurité, et que je trouve tout à fait opportune cette audition publique de l'OPECST.

Quels que soient les avis des uns et des autres sur l'énergie nucléaire, comme les installations qui l'exploitent sont là pour longtemps, y compris lorsqu'elles passent in fine en phase de démantèlement, nous sommes tous unanimement d'accord pour leur garantir le maximum de sûreté et de sécurité.

Je retiens deux choses au terme de ces auditions : d'abord, derrière les discours convenus des services de l'État, qui se défendent chacun de remplir correctement leur mission, il apparaît manifestement qu'il manque un chef de file pour traiter la question ; deuxièmement, la dissociation institutionnelle entre la gestion de la sûreté d'un côté, et de la sécurité de l'autre, a montré pour l'occasion ses limites, et l'ASN comme l'IRSN plaident en faveur d'un nouveau dispositif plus intégré, comme cela se pratique à l'étranger, sans qu'il soit bien sûr question de remettre en cause les prérogatives régaliennes de l'État. Il s'agirait notamment de prendre en compte la sécurité dans la définition des référentiels de sûreté et de l'inclure dans le champ du contrôle.

L'audition publique a donc constitué un apport réel, puisqu'elle a permis de progresser dans la réflexion sur des améliorations du dispositif.

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Bruno Sido, sénateur, premier vice-président de l'OPECST

Je n'ai pas pu assister à ces deux auditions qui devaient être passionnantes, mais il est évident que c'était une excellente idée de les organiser, car les survols des installations nucléaires, par des drones comme d'ailleurs, en d'autres occasions, par des parapentes, envoient un très mauvais signal. J'observe néanmoins que les services de sécurité disposent de marges de manoeuvre réduites pour réagir en temps de paix ; en situation de guerre, ils auraient été autorisés à abattre les drones. J'aimerais bien savoir qui organise ces survols, et ce n'est pas parce qu'on ne l'a pas dit qu'on ne le sait pas. En tout état de cause, il est urgent de rétablir la situation, et le ministre en charge des activités nucléaires devrait y travailler de tout son poids. Mais, encore une fois, ces auditions étaient une excellente initiative, même si elles ont buté sur l'écueil de la langue de bois.

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Marie-Christine Blandin, sénatrice

J'observe que l'objet de ces auditions rejoint des réflexions plus générales sur les problèmes que va poser la multiplication des drones pour divers aspects de la vie en société, comme celui du respect de la vie privée.

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L'intervention liminaire de M. Patrick Lagadec a insisté sur le changement de paradigme pour la sécurité qu'induit la diffusion des drones dans de multiples aspects de la vie sociale. Quant à la langue de bois, elle cache manifestement un embarras ; elle s‘est fait sans doute moins entendre au cours de l'audition confidentielle à laquelle participait M. Louis Gautier, secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale, en charge de la bonne coordination des services de l'État.

La gendarmerie assure la protection au sol, et a pu suivre un drone sur plusieurs kilomètres près de Goldfech. C'est l'armée de l'air qui a la responsabilité des interceptions en vol, mais est mal équipée pour gérer des drones, et tout tir à partir d'hélicoptère risquerait de provoquer des dommages collatéraux.

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François Commeinhes, sénateur

Cette difficulté à mettre fin aux survols ne fait pas sérieux. D'autant qu'il est facile aujourd'hui d'acheter un drone, et que les intrusions illicites vont à l'évidence se multiplier, y compris au-dessus des palais de la République. Il serait urgent que les services de l'État entrent en contact avec les industriels concernés pour mettre au point des contremesures. À Sète, il existe une zone sous contrôle militaire à proximité de laquelle chacun peut mesurer concrètement, au détriment de ses propres appareils électroniques, l'efficacité des systèmes de brouillage.

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La prise de contrôle d'un drone à distance n'est pas possible s'il fonctionne totalement en mode automatique sur un parcours programmé, sans pilotage par onde.

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Comme je l'ai évoqué précédemment, l'audition a mis en valeur un projet de recherche appelé AVALON, porté notamment par des chercheurs du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), qui propose de combiner les ondes sonores et électromagnétiques pour détecter les drones.

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Le laser serait apparemment le moyen le plus efficace pour les abattre, mais, en ce cas, se pose la question des dégâts causés par la chute.

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Bruno Sido, sénateur, premier vice-président de l'OPECST

Cette crainte des effets collatéraux rend la lutte inégale pour les services de l'État, et encourage toutes les audaces de la part des instigateurs des survols. Dès lors que les circonstances ou les technologies permettraient de s'affranchir de cette question délicate, le phénomène serait très vite éradiqué.

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Il m'a semblé manifeste que les services de l'État, quoique tous performants dans leur domaine, manquaient un peu de coordination dans cette affaire. On peut s'étonner que des exercices simulant des survols par des drones n'aient pas été organisés dans le cadre des procédures de mise en alerte des dispositifs de sécurité.

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En conclusion, j'observe que nous sommes tous d'accord sur l'utilité des deux auditions ; elles vont certainement contribuer à renforcer la mobilisation pour la mise au point de solutions permettant une meilleure maîtrise des drones, en vue d'assurer non seulement la sécurité des installations nucléaires, mais au-delà, plus généralement, la sécurité des biens et même des personnes.

La séance est levée à 19 h 20