Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans ce débat sur la fiscalité des carburants, proposé par le groupe écologiste, je souhaiterais d’abord vous entraîner sur des réflexions fiscales larges, alors que mon collègue Denis Baupin abordera des sujets plus précis.
En tant qu’écologiste et habitant d’un département semi-rural, je comprends la complexité et la sensibilité d’un tel débat.
En 2011, le secteur des transports était celui qui émettait le plus de gaz à effet de serre. Je suis convaincu que nous devons engager dès aujourd’hui une transition énergétique afin d’être moins dépendant des énergies fossiles.
En effet, il n’est pas bon pour notre pays que notre économie repose sur une ressource épuisable qui nous fera défaut un jour. Il n’est pas bon non plus pour notre pays de surconsommer une énergie polluante et de dépendre de l’importation d’énergie fossile, qui représente l’essentiel du déficit commercial de la France. La facture énergétique de notre pays est en effet passée de 23 milliards d’euros en 2003 à 66 milliards d’euros en 2013.
En tant qu’habitant d’un département semi-rural, je sais que la voiture est généralement nécessaire au transport quotidien, mais aussi indispensable pour avoir un travail. Le prix des carburants a augmenté de manière importante ces dernières années. En tenant compte de l’inflation, le prix d’un litre de gazole relevé en 1991, il y a près de vingt-cinq ans, devrait se situer à 1,18 euro, sensiblement inférieur au prix actuel, y compris en intégrant la baisse récente. Pour de nombreux Français, les pleins d’essence font désormais partie des dépenses contraintes, qui augmentent régulièrement et amputent leur budget.
Mais je sais également que le prix élevé des carburants conduit nos concitoyens à innover. Grâce au covoiturage, certains Français ont ainsi amélioré leur pouvoir d’achat dans des proportions bien supérieures à l’augmentation du prix des carburants.
Il est de notre responsabilité de législateur de prendre les mesures qui permettront de préserver nos concitoyens des dégâts du changement climatique et de la raréfaction des énergies fossiles, en limitant l’usage de celles-ci, afin d’assurer à chaque citoyen le droit à la mobilité.
Monsieur le secrétaire d’État, je souhaite suggérer deux pistes de travail au Gouvernement.
Tout d’abord, nous devons consolider la contribution climat énergie votée lors du projet de loi de finances 2014, dans un contexte marqué par le faible niveau de la fiscalité écologique dans notre pays : cette dernière représente en effet 4 % des recettes fiscales en France contre 6 % en Allemagne, 7,5 % au Royaume-Uni et 10 % aux Pays-Bas. La trajectoire de la contribution climat énergie tracée par le Gouvernement, avec un prix à 22 euros la tonne de carbone en 2016, doit être prolongée, afin que le message soit sans ambiguïté pour tous les agents économiques.
Il faut toutefois compenser cette taxe, d’une part par un chèque vert en faveur des ménages modestes et des classes moyennes, d’autre part par un allégement des cotisations sociales sur le travail versées par les entreprises. C’est la méthode qu’ont adoptée plusieurs États, comme la Suède qui a déplacé 6 % de sa masse fiscale de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les sociétés vers le CO2. De fait, chacun doit payer le véritable prix de l’énergie. Je pense aux multiples exonérations de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, dont bénéficient certains secteurs économiques, ce qui empêche les entreprises concernées de repenser leur mode de développement afin de le rendre moins énergivore. Je répète qu’il faut les soutenir autrement.
À prélèvements constants, nous devons revoir la structure de notre fiscalité afin de taxer les atteintes à l’environnement, mais sans pénaliser ni les ménages contraints de prendre la voiture, ni les industries, grâce à des compensations ou à des transferts de fiscalité. L’économie moderne doit faire plus contribuer l’énergie fossile et moins l’énergie humaine.
Ensuite, nous devons regarder avec attention la rente pétrolière. Nous assistons depuis quelques mois à une baisse spectaculaire du prix du pétrole, qui a atteint 48 % en un an, mais qui n’est que partiellement répercutée sur les prix à la pompe, dont la diminution s’est limitée à 32 %. Nous avons donc toute légitimité pour instaurer une redevance flottante sur la rente des compagnies pétrolières, qui serait due par ces dernières lorsque le prix du baril descendrait, par exemple, en deçà des 100 dollars – prix auquel s’était stabilisé le baril pendant plusieurs années. Cette redevance viendrait nourrir les fonds consacrés à la transition énergétique et, en priorité, au développement des alternatives aux déplacements polluants, aux aides à l’isolation thermique ou au soutien aux énergies renouvelables.
Monsieur le secrétaire d’État, il s’agit non pas simplement de quelques aménagements ici ou là, mais bien d’une refonte en profondeur, qui s’inscrit dans le cadre d’une économie moderne, durable, innovante et dynamique.