Intervention de Patrice Carvalho

Séance en hémicycle du 15 janvier 2015 à 15h00
Débat sur la fiscalité des carburants

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrice Carvalho :

Monsieur le secrétaire d’État, la fiscalité sur les carburants fait l’objet de débats récurrents dans notre pays, sans qu’aucune issue n’ait jamais été trouvée et mise en place. Il s’agit du produit de consommation le plus taxé : ces taxes représentent en effet environ 60 % du prix à la pompe, ce qui constitue une manne pour l’État. La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques – l’ex-TIPP – représente une rentrée fiscale de 25 milliards d’euros par an, soit le quatrième poste de recettes de l’État derrière la TVA, l’impôt sur le revenu et l’impôt sur les sociétés. La TVA, quant à elle, rapporte 8,5 milliards d’euros par an.

L’année 2015 va encore voir grimper ces taxations. Au 1er janvier, une première hausse de la fiscalité sur le diesel est entrée en vigueur, afin de compenser le manque à gagner consécutif à l’abandon de l’écotaxe poids lourds. Ainsi, ce que ces derniers ne paient pas, ce sont les automobilistes qui le paieront. Et ils paieront deux fois : une première fois avec leurs impôts locaux, qui servent à entretenir les routes que les poids lourds dégradent, et une autre fois à la pompe. Cette hausse de deux centimes d’euros rapportera 800 millions d’euros à l’État, soit de quoi compenser le manque à gagner de l’écotaxe mort-née, abonder l’AFITF ou éponger les pénalités consécutives au fiasco de l’opération Ecomouv’. À cela s’ajoute une seconde hausse, qui s’appliquera à l’ensemble des carburants et correspondra à la montée en charge de la taxe carbone. Ce seront à nouveau deux centimes de plus sur le gazole et 1,80 centime sur l’essence. Des augmentations du même ordre sont programmées pour 2016.

Je connais l’argument selon lequel des carburants chers permettent de responsabiliser l’automobiliste, de l’inciter à consommer moins et de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Une telle équation conduit, en réalité, à accroître les inégalités, à commencer par les inégalités sociales car, si le parc automobile compte aujourd’hui des moteurs diesel d’ancienne génération en nombre important, c’est que, durant des années, les familles ont été incitées à s’en doter par des prix attractifs. Aujourd’hui, on veut les pénaliser, alors qu’elles n’ont souvent pas les moyens de se payer des véhicules neufs et propres. On va par ailleurs accroître les inégalités territoriales, car la voiture individuelle est indispensable en milieu rural et semi-urbain pour faire ses courses, emmener les enfants à l’école, faire du sport, se cultiver ou aller au travail : il n’y a pas, aujourd’hui, d’alternative.

Mme la ministre de l’écologie dit qu’elle ne veut pas d’une fiscalité punitive. Ce sont les familles qui en sont actuellement les victimes. Le prix du baril de brut a baissé dans des proportions très importantes depuis la mi-juin et de 5,80 % entre le 26 décembre et le 2 janvier. Cela a des effets sur les prix à la pompe, mais dans des proportions moindres, car les taxes font écran et empêchent de libérer du pouvoir d’achat pour les familles, qui en ont pourtant bien besoin. Si le baril de brut repart à la hausse, les prix augmenteront d’autant plus douloureusement que les nouvelles taxes contribueront à ce renchérissement.

Il serait donc urgent de remettre à plat cette fiscalité inflationniste et d’examiner les modalités de mise en oeuvre d’une fiscalité plus progressive et plus juste. Il y a là un travail dont notre assemblée pourrait se saisir.

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