Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, depuis quelques semaines, nous assistons à un effondrement des cours du baril de pétrole brut. Cette chute des cours, qui a commencé à la mi-juin 2014, est l’effet couplé d’une forte hausse de l’offre de brut, notamment venant des États-Unis, et du ralentissement de la demande mondiale. En effet, la demande n’est plus assez forte pour absorber ces surplus. En Asie, il y a des signes de ralentissement. La croissance de la Chine est un peu moins flamboyante que par le passé. La zone euro, de son côté, reste très convalescente.
Cependant, la chute du prix des hydrocarbures sera freinée par la nouvelle charge fiscale mise en place par votre gouvernement. Ainsi, après un mois et demi de baisse ininterrompue, les prix à la pompe sont repartis à la hausse début janvier, selon les données transmises par le ministère de l’écologie.
Cette hausse de la fiscalité est directement imputable à deux dispositions fiscales. La première trouve son origine dans la contribution climat énergie, dite « taxe carbone ». Instaurée fin 2013, celle-ci avait d’abord concerné le charbon, le fioul lourd et le gaz. Cette hausse avait été appliquée à compter du 1eravril 2014 et, parce qu’elle avait été contrebalancée par une baisse des tarifs réglementés, les ménages, plus particulièrement concernés par la taxation du gaz naturel, ne l’ont pas ressentie trop lourdement.
Cependant, depuis le 1erjanvier 2015, toutes les énergies fossiles émettrices de gaz carbonique sans exception sont frappées par ce nouvel impôt écologique. Cette hausse de 2,4 centimes d’euros concerne donc l’essence, le gazole, mais aussi le fioul domestique. Elle ponctionnera les ménages, en particulier les foyers qui se chauffent au fioul. Pis encore, au 1erjanvier 2016, la taxe carbone augmentera de nouveau dans les mêmes proportions, ce qui se traduira par un nouvel impact sur les prix des carburants et des différents modes de chauffage.
La seconde disposition fiscale résulte de l’abandon de l’écotaxe poids lourds qui devait rapporter d’importantes recettes à l’État. Pour financer cette décision, votre gouvernement a choisi d’inscrire dans la loi de finances pour 2015 une augmentation de 2 centimes d’euros de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques à compter du 1erjanvier 2015, ce qui représente un produit attendu de 800 millions d’euros. C’est une double peine pour les détenteurs de véhicules diesel, puisque cette hausse s’accompagnera automatiquement du prélèvement supplémentaire de 2,4 centimes sur chaque litre de gazole consommé issu de la taxe carbone.
Je veux d’ailleurs ici rappeler que la réglementation applicable aux moteurs diesel s’est particulièrement renforcée ces dernières années. Tout d’abord, en 2011, la norme Euro 5 a rendu obligatoire le filtre à particule, déjà adopté une dizaine d’années auparavant par certains constructeurs. L’objectif était de filtrer les particules fines, qui s’infiltrent en profondeur dans les bronches. Ensuite, une nouvelle étape a été franchie avec la norme Euro 6, qui est entrée en vigueur en septembre 2014 pour les nouveaux lancements et en septembre 2015 pour tous les véhicules. Les constructeurs devront désormais ramener les émissions des moteurs diesel quasiment au même niveau que celles de l’essence, ce qui nécessite la mise en place de nouveaux instruments.
Si toutes ces contraintes sont légitimes du point de vue environnemental, elles ont imposé aux constructeurs automobiles la réalisation d’investissements importants. Les industriels évoquent un surcoût qui oscille entre 600 et 1 000 euros par voiture, alors que les précédentes réglementations avaient déjà alourdi leur facture. Pour PSA, par exemple, l’investissement dévolu aux normes Euro 5 et Euro 6 s’élève à 1,7 milliard d’euros.
En outre, les constructeurs ne pourront pas répercuter la totalité du surcoût d’Euro 6 à leurs clients, les consommateurs n’étant souvent pas prêts à payer plus cher pour une voiture plus respectueuse de l’environnement. Renault et BMW proposent depuis plusieurs mois des moteurs Euro 6 en option, mais peu de clients ont fait ce choix.
Tous ces facteurs font qu’un rééquilibrage progressif devrait s’opérer entre l’essence et le diesel sans qu’il soit besoin d’augmenter la fiscalité sur ce dernier. En France, le Comité des constructeurs français d’automobiles s’attend à ce que le diesel ne pèse plus que 50 % des ventes de voitures neuves en 2020, contre 67 % en 2013 et 65 % sur le premier trimestre 2014. En Europe, cette part pourrait passer à 43 % en 2020 contre 55 % en 2013, estime-t-on chez PSA.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez parlé d’une politique novatrice, réaliste et volontaire. Je ne suis pas convaincue par vos propos. En effet, contrairement à ce qui aurait dû être fait, le produit de la nouvelle fiscalité mise en place pour combler le manque à gagner de l’Agence de financement des infrastructures de transports de France à la suite de l’abandon de l’écotaxe ne sera pas destiné à aider nos concitoyens les plus démunis à remplacer leur voiture par une voiture moins polluante.
Au regard de cette situation, je m’inquiète de l’augmentation de la fiscalité sur le diesel, qui semble correspondre davantage à une politique au coup par coup qu’à une orientation stratégique cohérente des pouvoirs publics. Au total, les prix du diesel, de l’essence, du fioul et du gaz auront augmenté de plus de 2 centimes au 1erjanvier. Il en coûtera jusqu’à 100 euros par ménage.
Vous avez évoqué les impacts sociaux et économiques, monsieur le secrétaire d’État ; l’impact concernera non seulement les ménages, mais aussi les entreprises, puisque les transporteurs routiers, qui devaient être exonérés de la taxe carbone et de la taxe diesel en raison de l’écotaxe, ne le seront plus du fait de l’abandon de celle-ci.
Une nouvelle fois, les grands oubliés, sacrifiés par les choix fiscaux de votre gouvernement, sont les classes moyennes et les familles, sur lesquelles repose depuis 2012 l’essentiel de l’effort fiscal, ainsi que les entreprises.