Intervention de Denis Baupin

Séance en hémicycle du 15 janvier 2015 à 15h00
Débat sur la fiscalité des carburants

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDenis Baupin :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, si notre groupe a souhaité ce débat, c’est que nous voulons prendre le temps de la réflexion et échanger sur la fiscalité des carburants, en dehors des discussions que nous avons pu avoir depuis le début de cette législature dans le cadre des lois de finances.

Comme l’ont souligné de nombreux intervenants, la fiscalité des carburants a un impact majeur sur les comportements. Il suffit de constater les effets de la fiscalité sur le diesel, qui donne aujourd’hui un avantage très concurrentiel aux véhicules utilisant ce carburant. C’est, du moins, ce que pensent les consommateurs ! En effet, UFC-Que Choisir a démontré que 75 % des propriétaires de véhicules diesel perdaient de l’argent : comme ils ne roulent pas suffisamment, le prix, plus avantageux, du gazole ne permet pas de compenser le coût d’achat, plus élevé, de leur voiture.

Puisque le débat a été ouvert, je veux le dire ici : nous aussi, nous sommes contre la pollution punitive ! Nous sommes contre la pollution de l’air que respirent nos concitoyens, contre les pics de pollution que les habitants des grandes villes subissent quotidiennement. Ces pics, lors desquels les personnes âgées, les insuffisants respiratoires et les jeunes enfants éprouvent une gêne respiratoire font perdre entre six et neuf mois d’espérance de vie. Nous n’avons trouvé aucune solution concrète pour faire en sorte que les pics de pollution et la pollution chronique de nos villes diminuent.

Oui, il faut dédiéséliser le parc le plus diésélisé au monde ! Nous sommes heureux que, pour la première fois, un Premier ministre – Manuel Valls – ait déclaré, lors de la conférence environnementale, que la France avait fait fausse route en donnant la priorité au diesel. On le sait, ce déséquilibre entre l’essence et le diesel entraîne des pertes fiscales de près de 7 milliards d’euros, des fermetures de raffineries, des problèmes de santé publique et, probablement, une sanction européenne à l’encontre de la France pour défaut de lutte contre la pollution atmosphérique.

On le sait depuis 2007, la Cour des comptes l’a dit, il n’y a aucune raison de continuer à donner un avantage fiscal au diesel. C’est un peu comme si la Sécurité sociale subventionnait le tabac, alors même que sa nocivité est connue !

Nous sommes satisfaits des initiatives qui ont été prises pour réduire ce différentiel entre l’essence et le gazole. Soucieux des conséquences sociales, évoquées par M. Carvalho, nous souhaitons qu’une partie des recettes fiscales soit utilisée pour aider les ménages les plus en difficulté qui doivent faire face à cette évolution.

Nous souhaitons voir ces initiatives se poursuivre afin que l’écart continue de se resserrer et ne plus entendre, comme c’est trop souvent le cas, que les véhicules diesel neufs ne seraient pas polluants. L’ADEME a démontré que ces véhicules demeurent très polluants, même aux normes Euro 5 et Euro 6.

Comme M. le secrétaire d’État l’a rappelé, la contribution climat énergie commence d’être mise en place et nous nous en réjouissons. Je voulais dire à nos collègues UMP, peu nombreux hélas sur ces bancs, que nous étions pour cette mesure hier. Nous n’avons pas changé de position ; nous considérons que la « composante carbone » est importante et qu’elle doit augmenter.

Toutefois, des incohérences demeurent. C’est la raison pour laquelle nous avons souhaité ce débat et appeler votre attention sur ce point, monsieur le secrétaire d’État. Aujourd’hui, 96 % des véhicules de société roulent au diesel, parce que la TVA acquittée sur le gazole est déductible. Un avantage aussi important ne peut perdurer. Les chauffeurs de taxi, eux-mêmes, sont nombreux à nous dire qu’ils souhaiteraient passer aux véhicules électriques ou hybrides mais que le seul carburant sur lequel la TVA est récupérable est le gazole.

Vous avez pris l’initiative, monsieur le secrétaire d’État, d’augmenter la taxe sur les véhicules de société pour prendre en compte l’impact environnemental et le compenser. Pour autant, le signal n’est pas suffisamment fort pour entraîner une évolution du parc automobile. Il est donc nécessaire de supprimer la déductibilité de la TVA sur le gazole et de rendre déductible la TVA acquittée pour les carburants alternatifs.

Il convient aussi de prendre toutes les mesures afin de favoriser les véhicules roulant au gaz – le GNV et demain, le biométhane. Nous proposons d’étendre au GNV les exonérations applicables au transport de marchandises et au transport public routier. Là aussi, nous pouvons envoyer un signal de façon à ce que ces véhicules roulant au GNV, qui existent dans beaucoup de pays, soient bien plus utilisés en France.

Enfin, les chauffeurs de taxi doivent recevoir un message du Gouvernement. Circulant toute la journée dans les grandes villes et facteurs de pollution, ils sont prêts à changer de véhicule. Outre le basculement de la déductibilité de la TVA du diesel vers les carburants alternatifs, le remboursement de TICPE dont ils bénéficient doit être progressivement limité pour ne plus concerner que les véhicules hybrides.

L’évolution vers une fiscalité plus écologique, initiée par ce gouvernement, doit se poursuivre. Ces propositions, monsieur le secrétaire d’État, y contribuent.

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