Madame la présidente de la commission des affaires européennes, je vous remercie à mon tour d’avoir pris l’initiative de ce débat sur le « paquet climat énergie » européen.
Je salue d’abord, après ceux qui m’ont précédé à cette tribune, le fait que l’Union européenne soit parvenue il y a quelques mois à un accord – sur le contenu duquel je reviendrai – qui a permis de lancer une dynamique positive, puisqu’il a contribué à ce que la Chine et les États-Unis trouvent eux aussi un accord. On peut bien sûr discuter du caractère historique de cet accord, voire regretter que l’ambition soit insuffisante, mais il a le mérite d’avoir cassé la logique dans laquelle s’inscrivaient jusque-là ces deux pays, et donc entraîné une dynamique. Malheureusement, et nous l’avons constaté dès la Conférence de Lima, dès que l’on sort des ambitions proclamées pour aborder le cycle des négociations, les choses se révèlent infiniment plus complexes.
Il nous faut donc afficher de fortes ambitions pour réussir la COP 21 qui se tiendra en décembre à Paris, en étant actifs et exemplaires.
Permettez-moi donc de revenir sur les trois enjeux du « paquet climat énergie ». Beaucoup a déjà été dit sur l’aspect climatique. Je voudrais pour ma part insister sur l’avancée importante que constitue le fait d’avoir souligné que les 40 % qui correspondent à l’engagement européen sont un minimum, ce qui donne à la Commission européenne une marge de manoeuvre pour aller au-delà de ces 40 % dans la négociation. Cette marge de manoeuvre devra impérativement être utilisée pour amener les autres États à relever le niveau de leurs ambitions. Car nous le savons tous, ces 40 % ne permettront pas plus que les engagements de la Chine et des État-Unis de maintenir la hausse des températures en deçà des 2 degrés.
Il faudra en outre – vous l’avez souligné, monsieur le secrétaire d’État – que l’Union européenne réussisse à obtenir la mise en place d’un prix du carbone sur le marché européen, mais aussi à supprimer les subventions aux énergies fossiles. Dans le contexte de forte diminution des prix du pétrole que nous connaissons, il est temps que l’Europe envoie des signaux clairs en supprimant les subventions aux énergies fossiles, y compris à l’exportation. Le Président de la République a pris position pour la France ; il faut maintenant le faire à l’échelle de l’Europe.
Le deuxième engagement porte sur les énergies renouvelables. Je dois avouer que nous sommes beaucoup moins enthousiastes sur la proportion de 27 % en 2030 retenue par le « paquet climat énergie ». Cette ambition est en effet moindre que celle qui figure actuellement dans le « paquet climat énergie », à savoir 20 % en 2020. Autrement dit, nous ralentissons le rythme de l’effort, d’autant plus qu’il n’est pas prévu de répartition de celui-ci entre les États, ce qui risque d’affaiblir le premier « paquet climat énergie » en incitant les pays les moins enclins à respecter leurs engagements à l’horizon 2020 – dont la France fait malheureusement partie – à regarder ceux-ci comme moins contraignants.
L’Agence internationale de l’énergie s’est elle-même inquiétée du contenu du « paquet climat énergie » : elle estime que la faiblesse de ces ambitions ne permettra pas à l’Union européenne de prétendre au leadership qu’elle revendique en matière d’énergies renouvelables, et s’interroge sur l’absence de répartition de l’objectif.
La question posée est donc claire : la France sera-t-elle capable de respecter ses engagements ? La loi sur la transition énergétique en a l’ambition, mais saurons-nous mettre en oeuvre le choc de simplification qui s’impose pour promouvoir réellement les énergies renouvelables ? Serons-nous à même de leur apporter le soutien nécessaire pour que la France – et l’Europe – soient au rendez-vous, et que nous puissions nous fixer un objectif de 100 % d’énergies renouvelables à l’horizon 2050 ?
Le troisième objectif est la maîtrise de l’énergie et l’efficacité énergétique. Là encore, l’objectif de 27 % est trop faible. Il est inférieur à l’ambition que la France affiche dans la loi relative à la transition énergétique. En outre, il n’est contraignant qu’à terme, et ce terme n’est pas fixé. Aucune ambition n’est donc définie concrètement, que ce soit à l’échelle européenne ou à l’échelle nationale. Vous avez évoqué les conditions dans lesquelles s’est engagé le débat sur la politique énergétique européenne, monsieur le secrétaire d’État. Force est de constater que les contributions du Royaume-Uni ou de la République tchèque vont dans le sens de l’affaiblissement de la politique européenne de l’énergie.
En cette année cruciale, la France doit donc promouvoir une politique ambitieuse en matière d’efficacité énergétique. Cette ambition est nécessaire non seulement pour respecter nos engagements en matière d’émissions de gaz à effet de serre, mais aussi pour la souveraineté européenne. Notre dépendance aux énergies fossiles est dramatique. C’est avec cette dépendance que M. Poutine finance aujourd’hui sa guerre en Ukraine ; c’est avec cet argent que le Qatar rachète la France par petits morceaux ; c’est sans doute aussi avec cette dépendance que Daech finance ses activités. Bref, les conséquences géopolitiques de l’absence de politique d’efficacité énergétique européenne sont lourdes.
Je ne peux donc que vous inviter, monsieur le secrétaire d’État, à mettre en oeuvre au niveau européen une politique aussi offensive que vous l’avez dit dans votre intervention, à faire en sorte que l’on relève le niveau et que le plan Juncker soit l’occasion – la France a d’ailleurs fait des propositions en ce sens – de financer des politiques réellement opérationnelles en matière d’efficacité énergétique et de développement des énergies renouvelables. C’est un enjeu pour la planète, mais aussi pour notre économie et pour l’emploi.