Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous l’avons tous dit : le « paquet énergie climat » est, après Lima, un des atouts de l’Europe dans le cadre de la préparation de la conférence climatique prévue à Paris à la fin de l’année.
Ce paquet, dont les grandes lignes ont été adoptées par le Conseil européen des 23 et 24 octobre 2014, est au centre des initiatives de la nouvelle Commission Juncker pour l’année qui débute. Ainsi, dans le programme de travail de la Commission européenne pour 2015, le président Juncker a placé la mise en oeuvre du « paquet énergie climat » parmi ses priorités, avec l’objectif d’aller vers une véritable Union de l’énergie – vous l’avez dit tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État.
II s’agit de répondre au triple défi environnemental, économique et stratégique que les questions énergétiques posent de façon de plus en plus aiguë.
Pour répondre à ce défi, l’Union s’est donné des objectifs à moyen terme : à l’horizon 2030, il est prévu d’atteindre une diminution d’au moins 40 % des émissions des gaz à effet de serre par rapport à leur niveau de 1990, une part de 27 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale au niveau européen et une amélioration de 27 % de l’efficacité énergétique. On a même élargi l’application de ces mesures au secteur agricole.
Lors de l’adoption de ces objectifs par le Conseil, notre commission des affaires européennes avait exprimé un sentiment très mitigé eu égard au niveau d’ambition affiché.
D’une part, on peut se réjouir de voir l’Union parvenir à l’adoption d’objectifs communs à moyen terme et présenter ainsi un front uni sur le terrain de la lutte contre le réchauffement climatique, alors même que Paris se prépare à accueillir la conférence sur le climat.
Mais, d’autre part, on ne peut que regretter que ces objectifs restent en deçà des attentes exprimées notamment par le Parlement européen et la société civile, ainsi que des efforts jugés nécessaires par les scientifiques pour enrayer véritablement le phénomène du réchauffement climatique. Le caractère non contraignant du critère de l’efficacité énergétique, dont le taux d’amélioration a été abaissé à 27 % alors que le président Juncker lui-même évoquait encore en juillet, devant le Parlement européen, un taux de 30 % sans exclure qu’il soit contraignant, nous apparaît proprement insuffisant – plusieurs orateurs l’ont déjà souligné avant moi.
Monsieur le secrétaire d’État, nous serons très attentifs à ce que vous pourrez nous indiquer s’agissant de la mise en oeuvre législative de ce paquet, notamment de la répartition de l’effort entre États membres, ainsi qu’à propos de la réforme du marché des quotas d’émission – il a déjà été fait référence au cas polonais.
Il est certain que l’Europe ne peut assumer seule l’effort engagé dans ce domaine. Aussi, deux observations s’imposent.
La première est que la lutte contre le réchauffement climatique est l’un des rares enjeux mondiaux sur lesquels l’Europe a su conquérir une place de premier plan au niveau international, et nous sommes convaincus qu’elle doit conserver ce rôle de bon élève en matière de climat. La Conférence de Lima nous a encore montré la complexité d’une négociation aux multiples acteurs et la nécessité absolue de faire jouer la capacité d’entraînement de l’Union.
La seconde observation est que nous devons collectivement apprendre à considérer, au-delà de l’investissement nécessaire que représente la transition énergétique, les formidables opportunités qu’elle constitue pour relancer l’économie et l’emploi par la voie du développement durable. Pour cela, nous devons exiger que le plan Juncker de 315 milliards d’euros contribue à financer des investissements indispensables à cette mutation économique.
Nous devons également étudier à nouveau tous les outils à notre disposition pour infléchir la tendance économique dans cette voie plus soutenable. Pour ce faire, il est temps de réfléchir aux dispositifs fiscaux appropriés et de parvenir enfin à des solutions européennes concertées aidant à la décarbonisation harmonisée de nos économies. La baisse du prix du pétrole nous offre une fenêtre d’opportunité, même s’il faudra veiller à ne pas amputer excessivement le gain de compétitivité que représente cette baisse du prix du carburant. À ce titre, la taxe carbone au niveau européen me paraît un instrument essentiel : il faut donc s’atteler à mettre en place cette taxe au niveau de l’Union.
Le programme d’action de la Commission pour 2015 laisse une large place à l’action en matière d’énergie, avec l’annonce de deux initiatives majeures dans ce champ. La Commission devrait d’abord adopter un cadre stratégique pour réaliser l’Union de l’énergie que de nombreux pays européens appellent de leurs voeux depuis plusieurs années. À cet égard, il faut saluer une prise de conscience salutaire au sein de l’Union : l’absolue nécessité de disposer d’une énergie sûre, à des tarifs raisonnables, pour assurer la compétitivité des entreprises ne trouvera de réponse satisfaisante qu’à travers une plus grande solidarité, par la mise en place de l’Union de l’énergie.
Pour bâtir cette dernière, un certain nombre d’actions devront être menées afin d’assurer la sécurité de l’approvisionnement et de réduire la dépendance énergétique européenne aux fournisseurs extérieurs – l’exemple de la Russie le montre assez bien. En 2015, les premières pierres du travail législatif pour bâtir cette Union devront être posées : c’est ce qu’ont annoncé les deux vice-présidents Timmermans et Šefovi en charge de l’énergie. Nous serons attentifs aux propositions qui doivent être présentées par la Commission dans les prochaines semaines.
Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous indiquer les priorités du Gouvernement dans ce domaine ? Nous serions aussi heureux que vous rappeliez la position du Gouvernement sur tous les autres volets de l’action en matière d’énergie et de climat actuellement discutés au niveau européen.
Pouvez-vous enfin, monsieur le secrétaire d’État, nous indiquer les principaux enseignements que le Gouvernement retient des négociations de la COP 20 de Lima ? Comment se présentent, à ce stade, les discussions en vue de la Conférence de Paris ?
Repenser nos modèles énergétiques est une chance historique de concilier, dans un mode de développement nouveau, le souci d’une égalité dans la satisfaction des besoins par la lutte contre la précarité énergétique et l’émergence de nouvelles opportunités économiques.
Les citoyens, les entreprises et les collectivités ont pris conscience de l’urgence climatique. Il est temps que les États s’en fassent des relais efficaces, afin d’aboutir en décembre à un accord qui puisse répondre aux exigences d’un maintien des évolutions climatiques dans des limites vivables, pour nous-mêmes et, surtout, pour les générations futures.