Monsieur le secrétaire d’État, voilà maintenant plus d’un an que le Président de la République proposait son pacte de responsabilité, voulant, je le cite, « moins de charges sur le travail, moins de contraintes sur leur activité et, en contrepartie, plus d’embauches et plus de dialogue social. » Le crédit d’impôt compétitivité emploi était né.
Écrit à la va-vite, le CICE est une déclinaison de cette multitude de dispositifs d’allégements de charges et d’exonérations d’impôts au bénéfice des entreprises, devenus pierre philosophale des politiques publiques, et dont les résultats sont plus que contestables, comme l’INSEE l’a indiqué.
Mes chers collègues, les baisses de charges issues du CICE sont aujourd’hui effectives, les chiffres sont là : 11 milliards d’euros de crédit d’impôt pour 2014, 16 milliards d’euros attendus pour cette année et 17 milliards d’euros prévus pour 2016 et 2017.
Alors que le Gouvernement prétend faire la chasse aux déficits et aux dépenses prétendues inutiles, ces baisses massives de charges sont incontestablement à l’origine d’un trou massif dans nos finances publiques, trou amené à se creuser encore davantage cette année et jusqu’à la fin de ce quinquennat comme ces chiffres viennent le rappeler.
Mais, mes chers collègues, ma question est aujourd’hui simple et claire : où sont les embauches ? Où sont les créations d’emplois que devait générer un tel sacrifice de l’argent public ? En quoi le dialogue social dans les entreprises est-il renforcé ?
À ce jour, les résultats sont étiques : peu de créations d’emplois au regard du coût du dispositif et une situation de l’emploi qui ne fait que s’aggraver ; un crédit d’impôt dont bénéficient en grande partie des entreprises qui n’en ont pas besoin, comme nous le craignions – je pense au secteur de la grande distribution, peu exposé à l’international, qui emploie nombre de nos concitoyens à des salaires très bas et qui, pour certaines enseignes, supprime des postes ; un dispositif détourné de son objectif initial, avec des entreprises privilégiant le versement de dividendes sur l’investissement – pourtant en berne aujourd’hui – ou sur la création d’emplois ; enfin, le nombre d’accords de branches signés apparaît bien faible au regard des prévisions initiales.
Qualifié d’ « échec » par le ministre de l’économie, l’inefficacité de ce totem gouvernemental semble aujourd’hui avérée.
Ces dizaines de milliards d’euros pourraient pourtant être utilisées à d’autres fins, bien plus utiles et efficaces pour faire redémarrer notre économie, notamment à travers des dépenses d’intervention à destination des filières rencontrant de fortes difficultés économiques aujourd’hui, ou bien encore l’amélioration des services publics.
A minima, le CICE devrait être ciblé, ce qui n’est absolument pas le cas aujourd’hui, vers les entreprises qui en ont le plus besoin – je pense en particulier à nos entreprises industrielles confrontées à une forte concurrence à l’international.
Il devrait l’être également vers les entreprises qui réalisent des investissements car notre économie souffre de l’insuffisance de l’investissement privé.
Enfin, il devrait l’être vers les entreprises qui, plutôt que de verser des dividendes massifs à leurs actionnaires, créent de l’emploi de qualité – en limitant notamment l’assiette du calcul du CICE aux seules rémunérations versées au titre de contrats à durée indéterminée et à temps plein.
Alors que les inégalités se creusent dans notre pays, alors que notre système de protection sociale est progressivement détricoté, alors que les moyens alloués aux collectivités territoriales – pourtant principales contributrices à l’investissement public – seront copieusement réduits cette année, alors que les carnets de commandes des entreprises sont vides et alors que la demande et les salaires stagnent, bref, alors que tous les signaux sont aujourd’hui au rouge, il y va de l’intérêt de la France et de l’Europe de mener une autre politique que celle, ultralibérale, mortifère, uniquement tournée vers l’offre et la réduction des dépenses, qui est actuellement menée.