Monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, je remercie le rapporteur de la mission d’information, avec qui nous avons pu conduire ces travaux dans un esprit positif, permettant ainsi de lever un certain nombre d’interrogations que je n’ai pas manqué de noter dans les propos de M. le président Schwartzenberg.
Ces interrogations étaient d’autant plus difficiles à cerner que, si l’on parle du CICE depuis longtemps, il n’est effectif que depuis peu pour les entreprises, de même que les processus qui ont été évoqués, notamment ceux concernant le contrôle et le dialogue social afférent.
Il a en effet été prévu un contrôle a posteriori, qu’il est rare de prévoir dans une loi – mais tel est le cas s’agissant du CICE, point sur lequel je n’ai jamais hésité à rendre hommage à ses concepteurs. Il a également prévu un contrôle au jour le jour, si j’ose dire, par les organisations représentatives du personnel à l’intérieur même des entreprises.
Ces dispositifs n’ont pu entrer en vigueur qu’après que les entreprises ont elles-mêmes reçu ce fameux CICE.
C’est donc quasiment in vivo que nous avons pu conduire un certain nombre d’auditions. Celles-ci nous ont d’ailleurs permis de constater que l’appréciation et la perception de ce dispositif n’étaient pas les mêmes au mois de septembre et au mois de juin, lorsque nous avons commencé nos travaux.
Permettez-moi de revenir brièvement sur ce dispositif. Comme cela a été dit, il résulte d’un processus qui a commencé avant le vote du projet de loi de finances fin 2012. En effet, c’est dès 2010 que les organisations syndicales et patronales ont alerté la communauté politique sur le problème de la compétitivité, par le biais d’un rapport assez rare en son genre, puisqu’il faisait la quasi-unanimité parmi ces organisations.
Ce rapport de trente pages a nourri les débats que nous avons eus pendant des heures, dans cette enceinte, au sein de la mission d’information sur la compétitivité de l’économie française, diligentée par l’ancienne majorité. Cette mission a abouti, au mois de février 2012, à l’adoption du mécanisme de TVA sociale, lequel a été supprimé en juillet de la même année, puis rétabli, sous une autre forme, au mois de décembre, avec des effets un peu tardifs – nous l’avons suffisamment regretté à l’époque.
Cela étant dit, c’est le futur qui m’intéresse, pas le passé, et nous avons aujourd’hui un dispositif qui monte en puissance. Les caisses des entreprises recevront, d’après ce que nous avons pu mesurer et apprécier, à peu près 10 milliards d’euros en 2015, qui feront suite aux 6,5 milliards d’euros qui leur ont été servis en 2014. Cela devrait aboutir, mais en 2019 seulement, à une créance versée de 20 milliards d’euros.
Ces créances, vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d’État, sont exigibles à tout moment, dans des conditions qui ont été fixées et qui sont relatives à l’acquittement de l’impôt sur le revenu. Je remercie d’ailleurs le Gouvernement d’avoir retenu l’une des propositions issues de nos auditions, relative aux acomptes : ceux-ci faisaient l’objet d’un problème d’interprétation et nous avons estimé qu’il importait d’éclairer les comptables, et notamment les services des impôts, sur ce sujet. Nous vous remercions de l’avoir fait. Je pense que cela va accélérer les choses et améliorer la lisibilité du système.
Même si l’on peut se féliciter qu’un certain nombre de dispositions aient été adoptées pour favoriser le rétablissement des marges des entreprises, le caractère un peu hybride du mécanisme est néanmoins problématique, puisqu’il prend comme assiette le coût du travail, la masse salariale, mais qu’il s’applique sur la marge nette de l’entreprise – il consiste en effet en une réduction de l’impôt sur les sociétés. C’est ce côté un peu hybride qui fait souvent dire aux entreprises, aujourd’hui encore, que si le mécanisme est simple en apparence, il reste tout de même un peu obscur et complexe dans son application.
Cela étant dit, il faut reconnaître que vos services ont été efficaces et que nos entreprises s’y retrouvent : les chèques sont versés, l’argent est là et, sous certaines conditions, mais qui sont larges, il est mis à la disposition des entreprises, qui peuvent ainsi investir ou embaucher. Dans le contexte actuel, on constate que ces mécanismes ne sont pas encore en oeuvre et que le CICE a surtout été utilisé pour faire de la trésorerie, mais je suis sûr que les choses changeront si la conjoncture s’améliore, ce qui sera le cas, je l’espère, au regard des critères que vous avez rappelés. Baisse de l’euro, prix de l’énergie favorable, amélioration de l’environnement économique, en tout cas aux États-Unis : tous ces éléments pourraient amener les entreprises à relancer l’investissement, première étape préalable d’un retour vers l’emploi.
Je partage tout à fait les conclusions du rapporteur, et notamment l’idée selon laquelle il est nécessaire de faire évoluer ce dispositif. En économie, comme en politique, il faut toujours se méfier des produits dits hybrides. Il faut aller vers une simplification de tous les dispositifs, vers une refonte des différentes aides qui aujourd’hui font que l’on passe d’un SMIC non chargé à un montant allant jusqu’à 2,5 fois le SMIC, en cumulant toute une série d’allégements. Ou l’on décide de mettre en place un barème, ou l’on décide de garder des allégements, mais il importe, en tout cas, de consolider l’ensemble.
Ce sera une tâche difficile, car les avantages qui avaient présidé au choix de la méthode, et qui ont permis à l’État d’économiser en trésorerie pendant les premières années de mise en place du dispositif, vont nous revenir comme un boomerang. Cela a déjà été évoqué : l’année dite de tuilage entre les différents dispositifs sera d’autant plus difficile que les masses ne sont pas neutres. Ce sont à peu près 20 milliards d’euros qui ont été sortis, mais en termes de créances exigibles, les montants n’avoisinent pas loin du double. Cette année-là, la mise en oeuvre sera donc difficile.
En tout état de cause, et ce sera ma conclusion, je milite et j’ai milité pendant l’examen du projet de loi de finances, pour que ce dispositif, certes imparfait, et sans doute éloigné de ce que l’on avait imaginé au départ au sein de la précédente majorité, reste stable, en tout cas jusqu’à cette refondation totale, parce que c’est sans doute ce à quoi sont le plus attachées les entreprises elles-mêmes.