Intervention de Kader Arif

Réunion du 3 octobre 2012 à 16h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Kader Arif, ministre délégué auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants :

Je suis d'autant plus heureux d'être aujourd'hui parmi vous, que je n'avais en effet malheureusement pu répondre positivement à votre invitation au mois de juillet – ce dont je tenais à m'excuser. Sachez que, même si les rencontres sont parfois difficiles du fait de nos contraintes respectives, je suis avec mon cabinet pleinement à votre écoute. Une relation de confiance entre membres du Gouvernement et parlementaires, qu'ils soient députés ou sénateurs, est le gage d'une collaboration sereine et constructive sur le long terme. Nous en avons besoin car les défis sont nombreux.

Je sais le travail qui est le vôtre, et je suis respectueux de votre engagement au sein de cette commission, qui occupe une place tout à fait centrale, non seulement dans le cadre du débat budgétaire qui nous réunit aujourd'hui, mais, bien au-delà, dans la politique gouvernementale qui sera engagée sur les mois et années à venir. Je sais que je pourrai compter, dans la mise en oeuvre des priorités que je souhaite défendre et que je vais vous exposer, sur des députés particulièrement compétents, qui connaissent déjà parfaitement le monde combattant et les politiques qui y sont liées. Nous aurons l'occasion d'y revenir dans le cadre de l'examen en séance publique du projet de loi de finances qui aura lieu le 5 novembre prochain.

S'agissant du projet de loi de finances pour 2013, vous avez auditionné hier le ministre de la défense, M. Jean-Yves Le Drian : dans la continuité de cette première rencontre, je me réjouis de pouvoir à mon tour engager ce dialogue avec vous, d'autant que le lien qui m'unit au ministère de la défense nous a permis de travailler ensemble sur la préparation du budget, d'inclure dans le Livre blanc la question du lien armée-nation, mais aussi d'être à la hauteur des attentes du monde combattant, qui souhaitait depuis longtemps avoir un ministre dédié.

Ce budget fixe le cap du redressement de notre pays et prévoit un retour à 3 % de déficit dès la fin de l'année 2013. Les économies à réaliser, à hauteur de 10 milliards d'euros, se déclineront dans tous les ministères.

Dans ce contexte difficile, je me félicite de pouvoir vous présenter un budget de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » préservant totalement les droits des anciens combattants. Il s'agissait là de l'une de mes priorités, car je connais la situation dans laquelle vivent ceux-ci ainsi que leurs ayants droit : j'ai déjà rencontré de nombreux représentants d'associations et j'ai pu mesurer leurs attentes. Je sais également ce que la nation leur doit.

Ma demande de préservation des droits a donc été entendue et respectée : alors que le budget dont j'assure la gestion aurait mécaniquement dû baisser de 4,4 % par la diminution du nombre de pensionnés et retraités, les mesures nouvelles que je suis parvenu à inscrire limitent la baisse à 2,4 %.

Le portefeuille ministériel que je dirige se veut pérenne. Telle était la volonté du Président de la République François Hollande et du Premier ministre Jean-Marc Ayrault. Le monde combattant, et au-delà celui des harkis et rapatriés, mais aussi celui des acteurs de mémoire et des défenseurs du lien armée-nation, méritent d'avoir un ministre en permanence à son écoute, capable de répondre à ses besoins. Je m'inscris dans un travail porté sur l'avenir pour faire face aux nouveaux défis et engager une politique volontariste, que traduit ce budget.

Celui-ci a plusieurs objets : donner aux anciens combattants et à leurs ayants droit la reconnaissance qu'ils méritent ; réaffirmer la priorité donnée à la jeunesse, en cohérence avec la priorité nationale fixée par le Président de la République ; consacrer le rôle des opérateurs dédiés au monde combattant ; soutenir une véritable politique pour les harkis et les rapatriés ; et impulser une politique de mémoire dynamique et ambitieuse renforçant le lien armée-nation.

Ce budget, je le répète, préserve entièrement les droits des anciens combattants et de leurs ayants droit : il s'agit là de réaffirmer la solidarité de la nation à l'égard de ceux qui ont combattu au nom de la France, qu'il s'agisse des anciens combattants eux-mêmes, de leur famille ou des orphelins de guerre et pupilles de la nation. Nous devons être à la hauteur des attentes légitimes de ces hommes et femmes si intimement liés à l'histoire de notre pays.

Cela se traduit en premier lieu par l'augmentation de 4 points de la retraite du combattant, passée le 1er juillet dernier de 44 à 48 points. Cette avancée aura des répercussions réelles et concrètes pour les anciens combattants, dont vous vous êtes fait les porte-voix. Alors que le principe général d'une diminution de 7 % des dépenses d'intervention dans tous les ministères avait été annoncé, j'ai rappelé que les anciens combattants ne sont pas des citoyens comme les autres et ai ainsi obtenu non seulement que cette contrainte ne s'applique pas à eux, mais surtout que des fonds supplémentaires leur soient consacrés. Cette mesure représente un effort de 54 millions d'euros : l'année 2013 sera la première année pleine à assumer le coût global de l'augmentation de la retraite du combattant. Nous avons dû trouver les fonds nécessaires car cette année pleine n'avait pas été budgétée avant mon arrivée !

L'aide différentielle au conjoint survivant représente le second volet de l'action en faveur des anciens combattants et de leur famille. Ce dispositif est essentiel pour garantir un niveau de ressources minimum à celles et ceux dont le conjoint, ayant servi pour la France, les a quittés.

Créée en 2007 sur la base d'un montant de 500 euros, l'aide différentielle a successivement été portée à 800 euros en 2010, 834 euros en 2011 et 900 euros au 1er avril 2012. Cela représente une augmentation de 64 % depuis 2008, soit une hausse notable dans la période de contrainte budgétaire actuelle.

Il revient au conseil d'administration de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG) de décider du niveau de ce plafond et de verser l'allocation différentielle. Pour autant, dans la mesure où mon portefeuille ministériel subventionne l'ONAC-VG et que je suis particulièrement sensible aux situations de détresse financière et sociale qui peuvent frapper les familles d'anciens combattants, j'accorde à ce dossier un suivi particulier. Ainsi, les crédits dédiés aux dépenses sociales de l'ONAC-VG, qui couvrent l'allocation différentielle, mais pas seulement, seront augmentés de 500 000 euros chaque année, de manière cumulative, ce qui porte l'effort budgétaire à 3 millions d'euros sur trois ans.

La perspective et la logique dans laquelle nous nous plaçons sont donc bien celles d'un renforcement des droits sociaux des anciens combattants et de leurs ayants droit. Si le budget de l'ONAC-VG dispose en fin d'année d'un reliquat, je ferai étudier la possibilité de l'attribuer à l'aide différentielle pour tendre davantage vers l'objectif de 964 euros de revenus, en conformité avec le seuil de pauvreté – puisque cet objectif est défendu par les associations et relayé par plusieurs d'entre vous. Il s'agit pour moi d'une priorité.

Autre point dans ce premier chapitre relatif à la préservation des droits des anciens combattants : le rapport constant. Si certaines associations souhaiteraient revoir le mode de calcul de la valeur du point des pensions militaires d'invalidité (PMI), aligné sur l'évolution des traitements des fonctionnaires, je tiens à rappeler que le dispositif actuel a été mis en place en concertation avec elles, et qu'il n'existe pas à l'heure actuelle d'autre indice de l'INSEE permettant de suivre de manière précise l'évolution du traitement des fonctionnaires, primes comprises. Toute élaboration d'un nouvel outil statistique se heurterait à d'importantes difficultés de réalisation.

Par contre, je me préoccupe des retards observés dans la publication des décrets prenant acte de l'augmentation de la valeur du point PMI. Le système ayant été créé précisément pour suivre au plus près l'évolution des salaires dans la fonction publique, il n'est pas acceptable que cette publication tarde parfois pendant plus d'une année, surtout lorsqu'il s'agit de sommes très modiques. C'est pourquoi j'ai signé sans attendre le décret entérinant la hausse du point PMI l'année dernière. Je m'engage à garantir une réactivité égale à l'avenir.

Je tiens également à insister sur la reconnaissance que nous devons à l'égard de nos soldats actuels ou passés engagés en OPEX. La quatrième génération du feu mérite un hommage appuyé et des dispositifs spécifiques.

Cela doit se traduire notamment par deux éléments. Le premier est la facilitation de l'octroi de la carte du combattant. Les textes ont dû être adaptés à de multiples reprises pour assurer la prise en compte de la nature particulière des missions dans lesquelles sont engagés ces soldats – les critères utilisés pour qualifier les actions combattantes des conflits passés étaient à l'évidence inadaptés. C'est ainsi qu'ont pu être reconnues, dans un premier temps, des missions telles que le contrôle de zone, l'intervention sur engin explosif ou l'évacuation de personnes.

Dans un second temps – parce que cette évolution était insuffisante –, nous avons adopté dès le 28 juin 2012 un décret modifiant la liste des OPEX ouvrant droit au bénéfice de la carte du combattant. De nouveaux théâtres d'opération sont ainsi intégrés, pour couvrir notamment les missions MONUSCO au Congo, AMISOM en Somalie, MINUSTAH en Haïti, MINUL au Libéria et bientôt l'opération Harmattan en Libye. Ces nouveaux critères devraient permettre d'augmenter de 25 à 50 % le nombre de cartes du combattant attribuées au titre des OPEX.

Mais parce que la reconnaissance est aussi symbolique, je serai heureux de poser en 2013 la première pierre du monument pour les morts en OPEX, grâce au million d'euros budgété pour réaliser cet ouvrage qui sera situé à Paris, place Vauban. 600 noms y seront dans un premier temps inscrits et, à chaque nouveau décès d'un soldat, son nom sera ajouté.

Ces éléments seront intégrés dans la refonte en cours du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, conformément aux recommandations du Conseil d'État. L'objectif est d'aboutir à la rédaction d'un document clair, à jour, complet, juridiquement sûr et permettant ainsi de rendre à ses utilisateurs l'ensemble des services qu'ils sont en droit d'attendre. Les associations seront pleinement associées à ce travail.

D'autres sujets concernent la guerre d'Algérie. Le premier a trait à l'attribution de la carte du combattant au-delà de la date du 2 juillet 1962.

Le code des pensions militaires d'invalidité prévoit actuellement que les militaires et les civils de nationalité française ayant pris part aux opérations militaires en Afrique du Nord peuvent obtenir cette carte dès lors qu'ils justifient d'une durée uniforme de quatre mois de présence en Algérie entre le 31 octobre 1954 et le 2 juillet 1962.

Cependant, certains de nos soldats ayant stationné dans ce pays pendant au moins quatre mois, mais parfois au-delà de la date du 2 juillet 1962, souhaiteraient pouvoir prétendre, comme leurs compagnons d'armes, à cette carte.

Ces militaires ne sont pas oubliés par notre institution, puisque le code des pensions militaires d'invalidité prévoit que pour une présence jusqu'en 1964, ils peuvent solliciter le titre de reconnaissance de la nation, qui ouvre droit au port de la médaille de reconnaissance de la nation ainsi qu'à la souscription d'une rente mutualiste, et les rend ressortissants de l'ONAC-VG.

Cela dit, j'entends les demandes relatives à la carte du combattant ; je suis particulièrement attentif à ce dossier : même si une évolution n'est pas à l'ordre du jour pour le budget 2013, j'ai demandé à mon administration de se pencher sur le sujet pour m'en fournir tous les tenants et aboutissants. Le cas échéant, sur la base des éléments qui me seront fournis, je ne manquerai pas d'explorer pleinement toute possibilité de modification du dispositif actuel, sachant qu'il faudra faire preuve de sagesse.

Autre sujet qu'il me tient à coeur d'évoquer : notre politique à l'égard des harkis et rapatriés, puisque le 25 septembre dernier, avait lieu la journée nationale d'hommage aux harkis, au cours de laquelle j'ai lu un message du Président de la République. Le drame qu'ils ont vécu, qu'il s'agisse de leur abandon au moment du retrait des troupes françaises d'Algérie ou du traitement réservé aux rapatriés dans les camps français par la suite, mérite d'être reconnu. C'était tout le sens du message du Président de la République, qui tient à ce que ce moment de notre histoire commune sorte de l'oubli et qu'il soit notamment pleinement intégré aux chapitres consacrés à la guerre d'Algérie dans les livres scolaires.

Parallèlement, le fonctionnement de la mission interministérielle aux rapatriés (MIR) doit être revu et l'ensemble des dispositifs sociaux et professionnels permettant l'insertion des harkis et de leurs descendants dans la société doivent être renforcés.

Ce travail s'inscrit plus largement dans la politique de mémoire, qui est une priorité du Gouvernement.

Comme je l'ai rappelé ce matin en Conseil des ministres, je tiens à mettre en valeur le calendrier commémoratif à venir dans sa richesse et sa diversité. Il va de la commémoration, l'année prochaine, du 70e anniversaire de l'année 1943 – grande année de la résistance intérieure – à l'anniversaire du débarquement en Normandie et de la Libération l'année suivante, sans oublier le débarquement en Provence, la libération de la Corse, dès 1943, ni bien sûr le centenaire de la Première Guerre mondiale.

Nous avons pour objectif de faire de la mémoire un élément fondamental de la citoyenneté et un vecteur d'appartenance à la nation, pour retisser le lien intergénérationnel et rapprocher les Français de toutes origines.

Malgré les contraintes budgétaires actuelles, nous avons su traduire financièrement cet objectif : le budget correspondant, qui passe de 12 à 17 millions d'euros de 2012 à 2013, enregistre une augmentation de plus de 50 % des crédits affectés à la politique de mémoire. Il inclut un effort particulier sur la rénovation des nécropoles de la Première Guerre mondiale, avec une enveloppe dédiée de 5 millions d'euros.

J'ai également annoncé en Conseil des ministres la création d'une mission interministérielle pour piloter le travail en cours et impulser de nouvelles orientations. C'est grâce à ce nouvel outil, que j'aurai l'honneur de présider, que je mènerai une politique de mémoire ambitieuse, capable d'honorer la mémoire des anciens combattants et à la hauteur des attentes des Français.

Le tourisme de mémoire constitue un autre volet, moins connu mais novateur et extrêmement important à mes yeux, de la politique mémorielle que je souhaite mettre en oeuvre. Il s'agit de promouvoir les sites mémoriels en France et à l'étranger, de développer des formations sur la valorisation touristique des lieux de mémoire, notamment par la création d'un label dédié, de favoriser la mise en réseau de ces lieux et d'oeuvrer conjointement au développement d'une politique événementielle autour des commémorations. Le chiffre d'affaires lié en 2011 au tourisme de mémoire – hors hébergement et restauration, donc limité au paiement des tickets d'accès aux sites mémoriels – s'élevait à 45 millions d'euros : il révèle à lui seul le potentiel d'évolution à l'avenir, par la mise en valeur de notre patrimoine – avec des retombées économiques notables pour les régions concernées.

Dernier volet : le renforcement du lien armée-nation, en particulier de la Journée Défense et Citoyenneté (JDC). Moment privilégié, parfois unique, de rencontre entre une jeunesse et son armée, celle-ci constitue l'une des priorités du Gouvernement. Le Président François Hollande souhaite, comme il l'a rappelé dans son discours du 11 mars dernier, la recentrer sur sa fonction première qu'est la transmission de l'esprit de défense. La programmation prévoit donc de stabiliser les crédits de fonctionnement pour 2013, soit à 20 millions d'euros, et de préparer les réformes à mettre en oeuvre pour les années à venir. Je souhaite que de nouvelles perspectives soient définies pour cette JDC, tendant notamment à allonger sa durée.

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