La séance est ouverte à seize heures trente.
Monsieur le ministre, nous n'avions malheureusement pas pu vous auditionner en juillet dernier, en raison d'une incompatibilité d'agenda, mais je suis sûre que le premier échange que nous aurons aujourd'hui permettra de rattraper ce retard.
Outre la présentation du projet de loi de finances pour 2013, je souhaiterais que vous évoquiez devant nous les principaux dossiers relatifs aux anciens combattants.
En matière de droit à réparation et de solidarité – qui est une question d'actualité, notamment vis-à-vis des militaires revenant blessés d'opérations extérieures (OPEX) –, les attentes du monde combattant sont nombreuses, qu'il s'agisse de la revalorisation de la retraite du combattant, de l'attribution de la carte du combattant après le 2 juillet 1962 ou de l'augmentation de l'aide différentielle en faveur des conjoints survivants.
Concernant la politique de mémoire, vous nous parlerez notamment de la reconnaissance de la journée du 19 mars comme date officielle de commémoration de la guerre d'Algérie ou de la préparation du programme de commémoration du centenaire de la guerre de 14-18.
Je suis d'autant plus heureux d'être aujourd'hui parmi vous, que je n'avais en effet malheureusement pu répondre positivement à votre invitation au mois de juillet – ce dont je tenais à m'excuser. Sachez que, même si les rencontres sont parfois difficiles du fait de nos contraintes respectives, je suis avec mon cabinet pleinement à votre écoute. Une relation de confiance entre membres du Gouvernement et parlementaires, qu'ils soient députés ou sénateurs, est le gage d'une collaboration sereine et constructive sur le long terme. Nous en avons besoin car les défis sont nombreux.
Je sais le travail qui est le vôtre, et je suis respectueux de votre engagement au sein de cette commission, qui occupe une place tout à fait centrale, non seulement dans le cadre du débat budgétaire qui nous réunit aujourd'hui, mais, bien au-delà, dans la politique gouvernementale qui sera engagée sur les mois et années à venir. Je sais que je pourrai compter, dans la mise en oeuvre des priorités que je souhaite défendre et que je vais vous exposer, sur des députés particulièrement compétents, qui connaissent déjà parfaitement le monde combattant et les politiques qui y sont liées. Nous aurons l'occasion d'y revenir dans le cadre de l'examen en séance publique du projet de loi de finances qui aura lieu le 5 novembre prochain.
S'agissant du projet de loi de finances pour 2013, vous avez auditionné hier le ministre de la défense, M. Jean-Yves Le Drian : dans la continuité de cette première rencontre, je me réjouis de pouvoir à mon tour engager ce dialogue avec vous, d'autant que le lien qui m'unit au ministère de la défense nous a permis de travailler ensemble sur la préparation du budget, d'inclure dans le Livre blanc la question du lien armée-nation, mais aussi d'être à la hauteur des attentes du monde combattant, qui souhaitait depuis longtemps avoir un ministre dédié.
Ce budget fixe le cap du redressement de notre pays et prévoit un retour à 3 % de déficit dès la fin de l'année 2013. Les économies à réaliser, à hauteur de 10 milliards d'euros, se déclineront dans tous les ministères.
Dans ce contexte difficile, je me félicite de pouvoir vous présenter un budget de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » préservant totalement les droits des anciens combattants. Il s'agissait là de l'une de mes priorités, car je connais la situation dans laquelle vivent ceux-ci ainsi que leurs ayants droit : j'ai déjà rencontré de nombreux représentants d'associations et j'ai pu mesurer leurs attentes. Je sais également ce que la nation leur doit.
Ma demande de préservation des droits a donc été entendue et respectée : alors que le budget dont j'assure la gestion aurait mécaniquement dû baisser de 4,4 % par la diminution du nombre de pensionnés et retraités, les mesures nouvelles que je suis parvenu à inscrire limitent la baisse à 2,4 %.
Le portefeuille ministériel que je dirige se veut pérenne. Telle était la volonté du Président de la République François Hollande et du Premier ministre Jean-Marc Ayrault. Le monde combattant, et au-delà celui des harkis et rapatriés, mais aussi celui des acteurs de mémoire et des défenseurs du lien armée-nation, méritent d'avoir un ministre en permanence à son écoute, capable de répondre à ses besoins. Je m'inscris dans un travail porté sur l'avenir pour faire face aux nouveaux défis et engager une politique volontariste, que traduit ce budget.
Celui-ci a plusieurs objets : donner aux anciens combattants et à leurs ayants droit la reconnaissance qu'ils méritent ; réaffirmer la priorité donnée à la jeunesse, en cohérence avec la priorité nationale fixée par le Président de la République ; consacrer le rôle des opérateurs dédiés au monde combattant ; soutenir une véritable politique pour les harkis et les rapatriés ; et impulser une politique de mémoire dynamique et ambitieuse renforçant le lien armée-nation.
Ce budget, je le répète, préserve entièrement les droits des anciens combattants et de leurs ayants droit : il s'agit là de réaffirmer la solidarité de la nation à l'égard de ceux qui ont combattu au nom de la France, qu'il s'agisse des anciens combattants eux-mêmes, de leur famille ou des orphelins de guerre et pupilles de la nation. Nous devons être à la hauteur des attentes légitimes de ces hommes et femmes si intimement liés à l'histoire de notre pays.
Cela se traduit en premier lieu par l'augmentation de 4 points de la retraite du combattant, passée le 1er juillet dernier de 44 à 48 points. Cette avancée aura des répercussions réelles et concrètes pour les anciens combattants, dont vous vous êtes fait les porte-voix. Alors que le principe général d'une diminution de 7 % des dépenses d'intervention dans tous les ministères avait été annoncé, j'ai rappelé que les anciens combattants ne sont pas des citoyens comme les autres et ai ainsi obtenu non seulement que cette contrainte ne s'applique pas à eux, mais surtout que des fonds supplémentaires leur soient consacrés. Cette mesure représente un effort de 54 millions d'euros : l'année 2013 sera la première année pleine à assumer le coût global de l'augmentation de la retraite du combattant. Nous avons dû trouver les fonds nécessaires car cette année pleine n'avait pas été budgétée avant mon arrivée !
L'aide différentielle au conjoint survivant représente le second volet de l'action en faveur des anciens combattants et de leur famille. Ce dispositif est essentiel pour garantir un niveau de ressources minimum à celles et ceux dont le conjoint, ayant servi pour la France, les a quittés.
Créée en 2007 sur la base d'un montant de 500 euros, l'aide différentielle a successivement été portée à 800 euros en 2010, 834 euros en 2011 et 900 euros au 1er avril 2012. Cela représente une augmentation de 64 % depuis 2008, soit une hausse notable dans la période de contrainte budgétaire actuelle.
Il revient au conseil d'administration de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG) de décider du niveau de ce plafond et de verser l'allocation différentielle. Pour autant, dans la mesure où mon portefeuille ministériel subventionne l'ONAC-VG et que je suis particulièrement sensible aux situations de détresse financière et sociale qui peuvent frapper les familles d'anciens combattants, j'accorde à ce dossier un suivi particulier. Ainsi, les crédits dédiés aux dépenses sociales de l'ONAC-VG, qui couvrent l'allocation différentielle, mais pas seulement, seront augmentés de 500 000 euros chaque année, de manière cumulative, ce qui porte l'effort budgétaire à 3 millions d'euros sur trois ans.
La perspective et la logique dans laquelle nous nous plaçons sont donc bien celles d'un renforcement des droits sociaux des anciens combattants et de leurs ayants droit. Si le budget de l'ONAC-VG dispose en fin d'année d'un reliquat, je ferai étudier la possibilité de l'attribuer à l'aide différentielle pour tendre davantage vers l'objectif de 964 euros de revenus, en conformité avec le seuil de pauvreté – puisque cet objectif est défendu par les associations et relayé par plusieurs d'entre vous. Il s'agit pour moi d'une priorité.
Autre point dans ce premier chapitre relatif à la préservation des droits des anciens combattants : le rapport constant. Si certaines associations souhaiteraient revoir le mode de calcul de la valeur du point des pensions militaires d'invalidité (PMI), aligné sur l'évolution des traitements des fonctionnaires, je tiens à rappeler que le dispositif actuel a été mis en place en concertation avec elles, et qu'il n'existe pas à l'heure actuelle d'autre indice de l'INSEE permettant de suivre de manière précise l'évolution du traitement des fonctionnaires, primes comprises. Toute élaboration d'un nouvel outil statistique se heurterait à d'importantes difficultés de réalisation.
Par contre, je me préoccupe des retards observés dans la publication des décrets prenant acte de l'augmentation de la valeur du point PMI. Le système ayant été créé précisément pour suivre au plus près l'évolution des salaires dans la fonction publique, il n'est pas acceptable que cette publication tarde parfois pendant plus d'une année, surtout lorsqu'il s'agit de sommes très modiques. C'est pourquoi j'ai signé sans attendre le décret entérinant la hausse du point PMI l'année dernière. Je m'engage à garantir une réactivité égale à l'avenir.
Je tiens également à insister sur la reconnaissance que nous devons à l'égard de nos soldats actuels ou passés engagés en OPEX. La quatrième génération du feu mérite un hommage appuyé et des dispositifs spécifiques.
Cela doit se traduire notamment par deux éléments. Le premier est la facilitation de l'octroi de la carte du combattant. Les textes ont dû être adaptés à de multiples reprises pour assurer la prise en compte de la nature particulière des missions dans lesquelles sont engagés ces soldats – les critères utilisés pour qualifier les actions combattantes des conflits passés étaient à l'évidence inadaptés. C'est ainsi qu'ont pu être reconnues, dans un premier temps, des missions telles que le contrôle de zone, l'intervention sur engin explosif ou l'évacuation de personnes.
Dans un second temps – parce que cette évolution était insuffisante –, nous avons adopté dès le 28 juin 2012 un décret modifiant la liste des OPEX ouvrant droit au bénéfice de la carte du combattant. De nouveaux théâtres d'opération sont ainsi intégrés, pour couvrir notamment les missions MONUSCO au Congo, AMISOM en Somalie, MINUSTAH en Haïti, MINUL au Libéria et bientôt l'opération Harmattan en Libye. Ces nouveaux critères devraient permettre d'augmenter de 25 à 50 % le nombre de cartes du combattant attribuées au titre des OPEX.
Mais parce que la reconnaissance est aussi symbolique, je serai heureux de poser en 2013 la première pierre du monument pour les morts en OPEX, grâce au million d'euros budgété pour réaliser cet ouvrage qui sera situé à Paris, place Vauban. 600 noms y seront dans un premier temps inscrits et, à chaque nouveau décès d'un soldat, son nom sera ajouté.
Ces éléments seront intégrés dans la refonte en cours du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, conformément aux recommandations du Conseil d'État. L'objectif est d'aboutir à la rédaction d'un document clair, à jour, complet, juridiquement sûr et permettant ainsi de rendre à ses utilisateurs l'ensemble des services qu'ils sont en droit d'attendre. Les associations seront pleinement associées à ce travail.
D'autres sujets concernent la guerre d'Algérie. Le premier a trait à l'attribution de la carte du combattant au-delà de la date du 2 juillet 1962.
Le code des pensions militaires d'invalidité prévoit actuellement que les militaires et les civils de nationalité française ayant pris part aux opérations militaires en Afrique du Nord peuvent obtenir cette carte dès lors qu'ils justifient d'une durée uniforme de quatre mois de présence en Algérie entre le 31 octobre 1954 et le 2 juillet 1962.
Cependant, certains de nos soldats ayant stationné dans ce pays pendant au moins quatre mois, mais parfois au-delà de la date du 2 juillet 1962, souhaiteraient pouvoir prétendre, comme leurs compagnons d'armes, à cette carte.
Ces militaires ne sont pas oubliés par notre institution, puisque le code des pensions militaires d'invalidité prévoit que pour une présence jusqu'en 1964, ils peuvent solliciter le titre de reconnaissance de la nation, qui ouvre droit au port de la médaille de reconnaissance de la nation ainsi qu'à la souscription d'une rente mutualiste, et les rend ressortissants de l'ONAC-VG.
Cela dit, j'entends les demandes relatives à la carte du combattant ; je suis particulièrement attentif à ce dossier : même si une évolution n'est pas à l'ordre du jour pour le budget 2013, j'ai demandé à mon administration de se pencher sur le sujet pour m'en fournir tous les tenants et aboutissants. Le cas échéant, sur la base des éléments qui me seront fournis, je ne manquerai pas d'explorer pleinement toute possibilité de modification du dispositif actuel, sachant qu'il faudra faire preuve de sagesse.
Autre sujet qu'il me tient à coeur d'évoquer : notre politique à l'égard des harkis et rapatriés, puisque le 25 septembre dernier, avait lieu la journée nationale d'hommage aux harkis, au cours de laquelle j'ai lu un message du Président de la République. Le drame qu'ils ont vécu, qu'il s'agisse de leur abandon au moment du retrait des troupes françaises d'Algérie ou du traitement réservé aux rapatriés dans les camps français par la suite, mérite d'être reconnu. C'était tout le sens du message du Président de la République, qui tient à ce que ce moment de notre histoire commune sorte de l'oubli et qu'il soit notamment pleinement intégré aux chapitres consacrés à la guerre d'Algérie dans les livres scolaires.
Parallèlement, le fonctionnement de la mission interministérielle aux rapatriés (MIR) doit être revu et l'ensemble des dispositifs sociaux et professionnels permettant l'insertion des harkis et de leurs descendants dans la société doivent être renforcés.
Ce travail s'inscrit plus largement dans la politique de mémoire, qui est une priorité du Gouvernement.
Comme je l'ai rappelé ce matin en Conseil des ministres, je tiens à mettre en valeur le calendrier commémoratif à venir dans sa richesse et sa diversité. Il va de la commémoration, l'année prochaine, du 70e anniversaire de l'année 1943 – grande année de la résistance intérieure – à l'anniversaire du débarquement en Normandie et de la Libération l'année suivante, sans oublier le débarquement en Provence, la libération de la Corse, dès 1943, ni bien sûr le centenaire de la Première Guerre mondiale.
Nous avons pour objectif de faire de la mémoire un élément fondamental de la citoyenneté et un vecteur d'appartenance à la nation, pour retisser le lien intergénérationnel et rapprocher les Français de toutes origines.
Malgré les contraintes budgétaires actuelles, nous avons su traduire financièrement cet objectif : le budget correspondant, qui passe de 12 à 17 millions d'euros de 2012 à 2013, enregistre une augmentation de plus de 50 % des crédits affectés à la politique de mémoire. Il inclut un effort particulier sur la rénovation des nécropoles de la Première Guerre mondiale, avec une enveloppe dédiée de 5 millions d'euros.
J'ai également annoncé en Conseil des ministres la création d'une mission interministérielle pour piloter le travail en cours et impulser de nouvelles orientations. C'est grâce à ce nouvel outil, que j'aurai l'honneur de présider, que je mènerai une politique de mémoire ambitieuse, capable d'honorer la mémoire des anciens combattants et à la hauteur des attentes des Français.
Le tourisme de mémoire constitue un autre volet, moins connu mais novateur et extrêmement important à mes yeux, de la politique mémorielle que je souhaite mettre en oeuvre. Il s'agit de promouvoir les sites mémoriels en France et à l'étranger, de développer des formations sur la valorisation touristique des lieux de mémoire, notamment par la création d'un label dédié, de favoriser la mise en réseau de ces lieux et d'oeuvrer conjointement au développement d'une politique événementielle autour des commémorations. Le chiffre d'affaires lié en 2011 au tourisme de mémoire – hors hébergement et restauration, donc limité au paiement des tickets d'accès aux sites mémoriels – s'élevait à 45 millions d'euros : il révèle à lui seul le potentiel d'évolution à l'avenir, par la mise en valeur de notre patrimoine – avec des retombées économiques notables pour les régions concernées.
Dernier volet : le renforcement du lien armée-nation, en particulier de la Journée Défense et Citoyenneté (JDC). Moment privilégié, parfois unique, de rencontre entre une jeunesse et son armée, celle-ci constitue l'une des priorités du Gouvernement. Le Président François Hollande souhaite, comme il l'a rappelé dans son discours du 11 mars dernier, la recentrer sur sa fonction première qu'est la transmission de l'esprit de défense. La programmation prévoit donc de stabiliser les crédits de fonctionnement pour 2013, soit à 20 millions d'euros, et de préparer les réformes à mettre en oeuvre pour les années à venir. Je souhaite que de nouvelles perspectives soient définies pour cette JDC, tendant notamment à allonger sa durée.
Pouvez-vous faire le point sur le financement de l'Institution nationale des Invalides (INI) ? Je l'ai visitée le mois dernier : on constate des incertitudes sur la pérennité de la dotation annuelle de financement versée par le ministère de la santé. Qu'en est-il réellement ? Comment envisagez-vous l'avenir de l'INI, à la fois en tant que centre de soins et maison des invalides ? Par ailleurs, pas moins de 48 associations « squattent » les locaux de l'Hôtel national des Invalides : ne serait-il pas opportun de faire vérifier le bien-fondé de cette occupation ?
S'agissant des harkis, le Président de la République s'est engagé à faire un geste en leur faveur : comment entendez-vous concrètement traduire cet engagement ?
Troisièmement, un rapport du Gouvernement, remis au Parlement en septembre 2011, concernant l'éventuelle création d'une aide différentielle en faveur des anciens combattants résidant à l'étranger, a souligné que, pour ces personnes, l'inexistence de minima sociaux dans de nombreux pays rendait difficilement évaluable le coût de cette aide. Or nos missions économiques établissent année après année, pays par pays, de tels minima, sur la base desquels les consulats octroient des allocations à nos ressortissants en situation de précarité. Pouvons-nous dès lors espérer une avancée sur ce supposé problème de minima sociaux ?
Enfin, différentes fondations bénéficient d'une dotation de votre ministère. Pourtant, en ces temps de contrainte budgétaire, leur activité ne justifie pas toujours cette participation de l'État. Ainsi, la Fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie et des combats au Maroc et en Tunisie bénéficie d'une dotation initiale de 7,2 millions d'euros, répartie de la manière suivante : 2,5 millions d'euros versés par « Les Gueules cassées », 1,2 million d'euros par la Fédération nationale André Maginot, 500 000 euros par le Souvenir français et 3 millions d'euros par l'État. En 20l2, son budget de fonctionnement était de 206 500 euros. Selon une convention signée le 31 mars 2011, la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA) a dû lui octroyer une subvention de 130 000 euros imputée dans le programme 167, laquelle a servi à financer deux colloques – l'un sur le peuplement de l'Afrique du Nord, l'autre sur « Abd El Kader, sa vie, son oeuvre » – ainsi qu'à acheter du mobilier. Cette fondation, qui emploie deux salariés et est hébergée à l'Hôtel national des Invalides, coûte cher et fait doublon avec la DPMA : n'est-il pas temps de se pencher sur ce type d'organismes qui mobilisent d'importants fonds publics ?
J'ai moi-même découvert cette fondation et ai rencontré les deux associations qui participent à son financement : son fonctionnement est assuré par les seuls intérêts du capital de ces dernières et de celui octroyé par l'État. J'estime qu'elle n'est pas à la hauteur des espoirs qu'elle a pu susciter. Se pose la question de savoir comment redéfinir ses missions si l'État et ces deux associations restent engagés, ainsi que celle, dans ce cadre, d'une meilleure reconnaissance à l'égard des harkis.
Concernant les harkis, j'ai rencontré avant le 25 septembre dernier un grand nombre d'associations, qui expriment une volonté de reconnaissance et de responsabilité. Je ne suis pas en faveur d'une loi mémorielle – laquelle ne fait d'ailleurs pas l'objet d'une demande majoritaire parmi elles – : multiplier ce type de loi ne va pas nécessairement dans le bon sens. Pour autant, on doit répondre à cette volonté. Des mesures spécifiques existent depuis longtemps comme le plan emploi, mais celui-ci ne donne pas les résultats attendus, ni dans l'administration de l'État – qui comporte 6 % d'emplois réservés – ni des collectivités territoriales : il faut redéfinir le nombre de postes que l'on peut créer pour les enfants de harkis dans les deux fonctions publiques concernées. Les directeurs départementaux de l'ONAC-VG pourraient recevoir les intéressés : je les réunirai avec l'Association des régions de France (ARF), l'Assemblée des départements de France (ADF) et l'Association des maires de France (AMF) pour voir comment les collectivités territoriales pourraient – quelle que soit leur sensibilité politique – mieux participer à ce plan. Un même effort doit être entrepris par l'administration de l'État : nous y réfléchissons.
La MIR mérite aujourd'hui d'être entièrement revue. J'ai demandé une étude sur ce sujet pour voir comment redéfinir sa mission et la rendre plus efficace.
Il ne faut pas oublier que les descendants de harkis, quelle que soit la génération à laquelle ils appartiennent, sont français, nés de parents français, et non des enfants issus de l'immigration. Il faut donc voir comment s'appuyer sur le droit commun – comme le nouveau dispositif des emplois d'avenir ou celui des contrats de génération – pour faciliter leur émergence dans la société, sans faire pour autant de la discrimination positive. Je suis preneur de toutes les idées permettant de favoriser leur insertion professionnelle et sociale.
Sur les minima sociaux, la première demande des associations est de porter l'aide différentielle à 964 euros, correspondant au seuil de pauvreté défini à l'échelle européenne. Je suis prêt à examiner la question – sachant que je ne sais pas, à ce stade, quels seraient le reliquat et le coût budgétaire à prévoir.
Concernant l'INI, le budget est relativement stable, passant de 12,63 à 12,36 millions d'euros de 2012 à 2013. Je ne suis pas informé des engagements du ministère de la santé sur sa subvention, même si je connais les inquiétudes à ce sujet : le Premier ministre a lancé un audit interministériel sur le financement de l'institution avec le contrôle général des armées, l'inspection générale des finances et l'inspection générale des affaires sociales. Je défendrai un budget à la hauteur des ambitions de l'INI, où le Président de la République doit d'ailleurs se rendre prochainement.
Cet organisme dispose d'un véritable savoir-faire, en particulier en matière d'appareillage, qu'il convient de renforcer. Il ne faut pas oublier non plus que les travaux de rénovation aux Invalides portent sur des bâtiments classés, ce qui les rend plus compliqués et onéreux. En tout état de cause, je m'engage à préserver l'avenir de l'INI.
Quant aux associations logées à l'Hôtel national des Invalides comme la Société des membres de la Légion d'honneur, l'Association nationale des membres de l'Ordre national du mérite ou le Bleuet de France, le terme de squat ne me paraît pas approprié et je pense qu'il est normal de les y accueillir.
Le traitement réservé aux combattants arrivés en Algérie moins de 120 jours avant la date du 2 juillet 1962 alors que certains sont restés encore deux ans sur place et que 500 d'entre eux y ont même perdu la vie, est inéquitable, d'autant que la même date est retenue pour les combattants de Tunisie et du Maroc, soit six ans après les conflits auxquels ils ont pris part. Quelles mesures comptez-vous prendre pour y remédier ?
Êtes-vous favorable à la reconnaissance de la journée du 19 mars comme date officielle de commémoration de la guerre d'Algérie ? Une forte majorité des anciens combattants y est favorable et, en 2004, François Hollande, alors premier secrétaire du Parti socialiste, s'était exprimé en ce sens.
En ce qui concerne le budget pour 2013, il améliore trop timidement les droits du monde combattant, qui représente aujourd'hui plus de trois millions d'ayants droit. Les crédits prévus sont d'ailleurs en baisse de 75 millions d'euros, après une réduction de plus de 100 millions l'an dernier, alors que ce budget devrait être considéré comme prioritaire. La moyenne d'âge des anciens combattants dépasse les 75 ans : va-t-on attendre encore 20 ans pour répondre à leurs légitimes revendications ?
À budget constant, vu les 60 000 disparitions enregistrées chaque année, on pourrait leur donner satisfaction sur de nombreux points, comme le rattrapage de la valeur du point, le relèvement de 130 points d'indice du plafond majorable des rentes mutualistes, la fixation de l'allocation différentielle en faveur des veuves des anciens combattants, l'égalité de traitement en termes de bonification de campagne ou l'indemnisation des victimes des essais nucléaires.
Merci d'avoir souligné l'effort consenti en faveur de ce budget. Nous devons aussi agir en faveur de la justice sociale, en nous concentrant sur l'aide différentielle aux conjoints survivants et les aides sociales de l'ONAC-VG, lequel consacre à celles-ci 15 millions d'euros par an, en plus de l'ADCS. Je ne suis pas d'accord, en revanche, sur la rente mutualiste, qui est une retraite par capitalisation : s'il est bien qu'elle existe, l'augmentation du plafond qui est réclamée ne concerne que 14 % des anciens combattants, certains pouvant verser plus que d'autres.
S'agissant de l'indemnisation des victimes des essais nucléaires, 10 millions d'euros sont provisionnés, plus de 700 dossiers ont été reçus et seulement 4 d'entre eux ont fait l'objet d'une réponse positive, pour en moyenne un montant de 65 000 euros par dossier. Compte tenu des 150 000 personnes qui pourraient être concernées, la provision prévue devrait suffire. Il s'agit pour moi d'une priorité : le Gouvernement cherchera à accélérer le processus d'indemnisation et répondra à toutes les demandes.
Monsieur Hillmeyer, je ne suis pas fermé à la demande concernant l'attribution de la carte du combattant pour les combattants arrivés en Algérie entre le 1er juillet 1962 et 1964 ou 1967. L'extension à 1964 impliquerait de traiter quelque 8 000 dossiers : il faut y réfléchir avec soin, car la question est complexe, et ne pas méconnaître le coût d'une telle mesure.
Quant à la question de la reconnaissance de la journée du 19 mars comme date officielle de commémoration de la guerre d'Algérie, je n'y répondrai pas aujourd'hui, car je préfère que le Parlement en débatte au préalable. En tout état de cause, aucun projet de loi n'est prévu sur ce point.
Un décret a donné à certains combattants de la campagne de Russie, incorporés de force et internés dans les camps soviétiques, accès à des droits à réparation, mais la ligne de Curzon datant de la guerre de 14-18 en excluait certains alors qu'ils avaient subi les mêmes conditions de détention. Le précédent gouvernement avait dit qu'il fallait y réfléchir : entendez-vous poursuivre cette réflexion ? Quelle est votre position sur ce point ?
Je viens de signer un courrier demandant aux services de résoudre cette question : les demandes qui ont été formulées ont été prises en compte.
Le devoir de mémoire est difficile à accomplir en raison des nombreuses manifestations auxquelles il donne lieu, celles-ci regroupant en général peu de monde : ne pourrait-on regrouper les commémorations autour de deux ou trois dates, qui rassembleraient davantage de public ? Comment est mise en oeuvre la loi du 28 février 2012 fixant au 11 novembre la commémoration de tous les morts pour la France ?
La JDC est très appréciée et beaucoup de Français regrettent encore le service militaire : quelles perspectives envisagez-vous pour cette journée ? Pourrait-elle donner lieu à la pérennisation de la formation au secourisme ? Pourrait-on y englober un volet santé ? Quel rôle pourrait-elle jouer en matière d'emploi, sachant que 20 % des jeunes posent à cette occasion des questions sur les emplois pouvant être créés dans l'armée ?
On réglera les questions de mémoire, qui sont complexes – on peut parfois se demander, à écouter certains, si la guerre d'Algérie ne vient pas de se terminer… –, le jour où l'on saura les regarder sans repentance et avec transparence et responsabilité. Si, par exemple, la mémoire des États-Unis est parfois conflictuelle, ils osent créer les conditions du débat public et, sur cette base, définir une politique déterminée.
Je suis un peu inquiet du délitement de l'idée républicaine d'appartenance à la nation : on n'appartient à celle-ci que si l'on appartient à la mémoire collective, qui doit être renforcée, notamment vis-à-vis des jeunes.
On ne pourra supprimer les dates commémoratives existantes : le précédent Président de la République souhaitait un Memorial Day à l'américaine, et on a maintenu et le 11 novembre et les autres dates ! Celle du 27 mai relative au Conseil national de la Résistance (CNR) me paraît par exemple importante. Nous verrons le 11 novembre prochain comment s'appliquera la loi du 28 février 2012.
Pour ce devoir de mémoire, nous devons étroitement travailler avec le monde de l'éducation et les associations, qui prennent beaucoup d'initiatives. Nous devons aussi avoir des débats libres et donner toute leur place à des commémorations comme le centenaire de la guerre de 14-18, qui va nous mobiliser pendant cinq ans. Le travail ne fait que commencer.
Madame Poumirol, si le service militaire était en effet un véritable creuset républicain, permettant à chacun de découvrir son propre pays, nous souhaitons renforcer la JDC, que certains voulaient voir disparaître, et la prolonger. 750 000 jeunes filles et garçons y sont présents : il pourrait être utile d'y faire un bilan de santé publique et d'y conforter le lien avec l'armée ; elle peut aussi servir à d'autres fins, comme passer le permis de conduire ou s'inscrire à l'université. Si la situation budgétaire de notre pays s'améliore, il faudra réfléchir à un service civique obligatoire et mixte, car il serait important pour nos jeunes de servir leur pays avant d'entrer dans une vie professionnelle.
J'espère que nous continuerons, au sein de la Commission, de défendre le monde combattant, comme nous l'avons fait en juillet dernier face au ministère de l'économie et des finances.
Je souhaite aussi que le ministère apporte un appui aux projets concernant la mémoire vivante dans tous ces musées, souvent méconnus, qui émaillent notre territoire.
Par ailleurs, je me souviens que Michèle Alliot-Marie avait demandé que la France commémore le 2 décembre 1805, date de la victoire d'Austerlitz, au lieu de quoi on envoya la flotte pour la commémoration de Trafalgar ! J'espère que vous n'oublierez pas non plus, avant août 1914, nos aînés qui se sont battus lors de la première campagne de France de 1814, laquelle est enseignée dans toutes les grandes universités militaires. La France est multiséculaire et n'est pas née il y a seulement deux siècles !
Je suis un peu déçu par votre budget. Vous avez présenté les chiffres avec habileté en mettant en rapport la baisse de 2,4 % de celui-ci avec celle de 4,4 % des pensionnés, mais si vous rajoutez l'inflation, vous arrivez aux 4,4 % de baisse !
Je rappelle que l'augmentation de quatre points de la retraite du combattant du 1er juillet dernier a été décidée par le gouvernement précédent, qui n'avait pas à budgéter une année pleine, celle-ci ne commençant qu'en 2013.
Cependant, je me réjouis de votre annonce en faveur des veuves, même si l'on pouvait espérer plus : les 3 millions d'euros cumulés sur trois ans vont dans le bon sens. Sur la carte du combattant, nous attendons de voir vos propositions.
Enfin, le groupement d'intérêt public (GIP) pour les commémorations du centenaire de la guerre de 14-18 pourra-t-il soutenir les commémorations locales prévues dans nos départements ? Selon quelles modalités ?
Monsieur Meslot, je ne fais pas oeuvre d'habileté : la baisse demandée dans les autres ministères était de 7 % ; obtenir une réduction de seulement 2,4 % constitue donc un réel effort !
S'agissant de l'augmentation de 4 points de la retraite du combattant, il est toujours plus habile pour un gouvernement de la présenter en milieu d'année, le coût étant moindre : il n'empêche que j'ai dû trouver pour 2013 les fonds correspondant à une année pleine.
Par ailleurs, si nous avions appliqué une réduction de 4,4 %, nous aurions enregistré une baisse de 133 millions d'euros du budget, contre 73 millions actuellement.
S'agissant du GIP pour les commémorations du centenaire de la guerre de 14-18, il a été mis en place et est présidé par le général Iraztorza. Nous avons créé une mission interministérielle auprès du ministre de la défense regroupant six ou sept ministères, que j'aurai l'honneur de présider : elle prendra les décisions et le GIP constituera l'outil opérationnel. Celui-ci travaillera avec les collectivités concernées, dont certaines ont déjà lancé des projets. Si toutes les demandes de celles-ci sont légitimes, nous devrons être cohérents dans les choix que nous ferons.
Il faut que le centenaire soit une réussite nationale : j'ai d'ailleurs rencontré mes homologues britannique, canadien, australien, néo-zélandais et américain pour voir comment les associer à la fois à cet événement et aux commémorations relatives à la Seconde Guerre mondiale.
La mission devrait être localisée rue de Bellechasse, et le GIP boulevard Malesherbes
Si nous disposons du dispositif législatif d'indemnisation des victimes des essais nucléaires et des moyens budgétaires correspondants, les dispositions réglementaires d'application conduisent à limiter fortement l'accès à cette indemnisation. Un décret d'avril dernier a certes « déverrouillé » quelque peu le système en étendant la zone géographique concernée et en élargissant la liste des maladies éligibles, mais il ne règle pas la question de la charge de la preuve – c'est-à-dire le moyen d'établir le lien de causalité entre la pathologie des personnes et leur exposition à la radioactivité. Que comptez-vous faire pour permettre une juste indemnisation des personnes touchées ?
Les veuves et ayants droit des soldats tombés en Kapisa ou dans la lutte contre les orpailleurs clandestins en Guyane ne sont pas traités de la même façon, de même que les soldats de l'armée de terre, les gendarmes ou les pompiers militaires participant ensemble à ce dernier type d'opérations. L'Assemblée des Français de l'étranger a d'ailleurs montré qu'il y avait une incohérence du code des pensions civiles et militaires de retraite à cet égard : envisagez-vous une modification rapide de la législation pour y remédier ?
Monsieur André, la loi Morin du 5 janvier 2010 permet une interprétation plus ou moins large. Compte tenu de l'augmentation du nombre de demandes, il serait sage d'attendre quelques mois pour voir l'effet des mesures prises en avril dernier : si le nombre de dossiers traités restait faible, on pourrait alors revoir le dispositif par décret.
Monsieur Le Bris, l'inégalité de traitement que vous évoquez ne relève pas de mon ministère, mais de celui de la défense, qui est en train d'étudier la question. J'ai cependant reçu, avec le ministre de la défense, les familles des soldats touchés dans les confrontations avec les orpailleurs.
D'après les premiers travaux réalisés, il n'y a pas de différence de traitement en matière de pension de retraite et d'invalidité entre le militaire tué sur le territoire national et celui tué en mission à l'étranger. La différence principale tient au fait que, lorsqu'il s'agit d'un décès en OPEX, l'imputabilité au service est automatique, alors que s'il s'agit d'un décès sur le territoire national, elle doit être spécifiquement identifiée, comme cela a été le cas en Guyane. En l'espèce, les circonstances du drame ont d'ailleurs justifié l'imputabilité au service. Au-delà de ce cas, le ministère de la défense est en train de s'assurer que l'ensemble du dispositif ne comporte pas de lacunes.
Pour d'autres situations, nous regardons comment améliorer le régime actuel, notamment l'article L.50 du code des pensions civiles et militaires de retraite, sachant que l'approche du ministère de l'intérieur peut différer de la nôtre.
Je précise à cet égard que j'ai reçu la mère du premier militaire abattu par M. Merah à Toulouse, qui a souhaité qu'il soit considéré comme mort pour la France : je lui ai expliqué que, compte tenu des circonstances, ce n'était pas possible.
Je suis heureux, monsieur le ministre, de voir votre engagement auprès du monde combattant. Au cours des dernières années, de nombreuses avancées ont été constatées dans ce domaine et les revendications tendent d'ailleurs à décroître.
J'ai participé récemment à une assemblée générale de la Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, Maroc et Tunisie (FNACA), dont les revendications portent sur l'allocation différentielle pour les veuves, la carte du combattant, la rente mutualiste et la reconnaissance de la date du 19 mars 1962 : vous auriez signifié à ses représentants votre accord sur tous ces points. Est-ce exact ? Pouvez-vous nous donner votre sentiment sur la date du 19 mars sans que nous n'ayons à la découvrir dans la presse ?
Monsieur le ministre, je vous ai posé une question écrite sur la revalorisation du plafond des rentes mutualistes, à laquelle je souhaite que vous répondiez.
En ce qui concerne les pensions, que nous avons portées de 37 à 48 points, quelle est votre ambition pour les cinq ans à venir ?
Enfin, malgré tous les efforts de la MIR en matière de désendettement, nous arrivons à un noyau dur de personnes, souvent de plus de 80 ans, qui font l'objet d'expulsions, ce qui pose un problème moral et social majeur. Nous avons demandé un moratoire dans ce domaine, mais la décision rendue par le Conseil constitutionnel sur ce point n'a pas permis d'apporter une solution. Quelle est votre position à cet égard ? Quels services peut-on continuer à rendre à ces personnes, qui sont pour la plupart vertueuses ?
Vous engagez des travaux importants à l'Hôtel national des Invalides : pouvons-nous aller les voir ? Je souhaite à cet égard que disparaisse rapidement le « champignon » qui a poussé à cette occasion.
Par ailleurs, quelles aides envisagez-vous à l'égard des veuves des grands invalides les plus déshéritées ?
S'agissant de la promotion des lieux de mémoire, je me suis rendu cette année à Rivesaltes en même temps qu'une famille d'un harki décédé : j'ai eu honte, en tant que représentant de la République, de l'état d'abandon dans lequel était l'endroit. À Oradour, je réclame qu'on prête plus d'attention aux murailles, qui sont en train de s'écrouler et, de ce fait, dangereuses : ce site est propriété de l'État mais sa sécurité est de la responsabilité du maire. Il convient de voir avec le ministère de la culture les mesures d'urgence à prendre.
Monsieur Barbier, je n'ai fait aucune déclaration dans la presse sur la date du 19 mars et ne me suis jamais exprimé sur ce point depuis ma prise de fonctions, où que ce soit ! Encore une fois, je ne souhaite pas le faire tant que le Parlement n'en a pas débattu.
Quant à la rente mutualiste, je rappelle qu'elle coûte 255 millions d'euros cette année, que peu de personnes arrivent au plafond – qui est actuellement de 1 733,75 euros par an – et que la participation de l'État est très forte : je n'irai donc pas plus loin sur ce point.
Monsieur Vitel, l'augmentation de la retraite du combattant a été permise grâce à une large volonté politique et parlementaire. Mais il est difficile de fixer aujourd'hui un objectif pour les cinq ans à venir. Nous devons y réfléchir.
S'agissant de la MIR, 14 millions d'euros ont été inscrits en 2012 et 3 145 demandes déposées dans le cadre du décret de juin 1999. 727 d'entre elles ont été reconnues éligibles par la Commission nationale de désendettement et les intéressés ont été invités par les préfets à déposer un plan d'apurement de leurs dettes. Au terme de ce processus, 400 dossiers ont reçu un avis favorable. Depuis ce réexamen, 59 % des dossiers déclarés éligibles ont reçu une issue positive pour un montant global de près de 27 millions d'euros. Je suis en faveur d'un moratoire d'au moins un an pour les personnes très endettées, afin de leur permettre de trouver une solution, et d'un examen au cas par cas des dossiers qui en ont vraiment besoin – mais je serai intransigeant sur ceux qui n'ont rien à voir avec la solidarité nationale.
Sur les veuves des grands invalides, les pensions les plus importantes sont versées aux plus grands de nos invalides – certaines peuvent avoisiner 15 000 euros par mois. Si certains souhaitent que ces veuves bénéficient du pourcentage de réversion le plus important possible en raison du niveau élevé de certaines pensions, l'effort doit néanmoins porter plutôt vers ceux qui bénéficient des plus petites pensions – certaines pensions de réversion se limitant à à peine une centaine d'euros. Cela serait socialement plus juste.
Quant à Oradour, je suis prêt à accompagner une démarche auprès du ministère de la culture. Plus largement, il serait utile, dans le cadre de la préparation du centenaire de la guerre de 14-18 et des 70 ans des années 1940 d'intégrer ce site dans les lieux de mémoire.
Je regrette que nous n'ayons pas les documents budgétaires, comme c'était le cas les années précédentes, ce qui nous prive de certains éléments chiffrés. Quel est notamment le montant prévu pour l'indemnisation des orphelins des déportés et des victimes des actes antisémites et de barbarie nazie ?
Où en est le dossier des sépultures de nos soldats morts notamment dans les camps à Cao Bang ou le long de la RC4 ?
Par ailleurs, où en sommes-nous du transfert des cendres du général Bigeard ?
Monsieur le ministre, si les questions sont nombreuses, elles sont en proportion avec le temps que vous avez mis pour venir vous exprimer devant notre commission !
L'augmentation de 30 % enregistrée de la retraite du combattant au cours des dernières années va-t-elle se poursuivre au cours de cette législature ?
La reconnaissance de la date du 19 mars, à laquelle je suis personnellement favorable, est demandée par la plus importante des associations concernées mais suscite la réticence d'une autre : il n'en demeure pas moins qu'à l'époque où Lionel Jospin était Premier ministre, un texte de loi a été voté en ce sens par l'Assemblée nationale, lequel n'a pas été transmis au Sénat. Quelle position allez-vous exprimer devant la FNACA le 14 octobre prochain à ce sujet ?
Enfin, certaines veuves, avec l'aide différentielle et la pension de réversion perçoivent davantage que certains anciens combattants : le directeur de l'ONAC-VG avait dit qu'il remédierait à cette incongruité, mais il ne l'a pas fait…
Les cendres du général Bigeard seront le 20 novembre prochain à Fréjus à la demande de la famille : sa fille a d'ailleurs écrit au ministre de la défense une lettre de remerciement à cet égard. Je serai présent sur place aux côtés de celui-ci pour la cérémonie prévue à cet effet.
Monsieur Voisin, les corps de la majorité des combattants tombés en Indochine ont été rapatriés à Fréjus. Je prends l'engagement de me rapprocher des autorités vietnamiennes pour étudier cette question : le 60e anniversaire de Dien Bien Phu en 2014 sera le moment pour la régler.
L'indemnisation des orphelins recouvre deux situations : celle des orphelins dont le père ou la mère a été déporté depuis la France dans le cadre des persécutions antisémites et raciales, régie par le décret du 13 juillet 2000 – volet doté de 60 millions d'euros – ; celle des orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la Seconde Guerre mondiale et sont décédés en déportation alors qu'ils étaient mineurs, régie par le décret du 27 juillet 2004 – donnant lieu à une dotation de 56 millions d'euros.
Depuis plusieurs années, les associations demandent une modification de ces textes afin d'étendre le bénéfice du dispositif à tous les orphelins de guerre et pupilles de la nation : il me paraît impossible de prendre un tel engagement aujourd'hui, qui couvrirait des millions de personnes et coûterait 2 milliards d'euros – sans tenir compte de la guerre d'Algérie et des OPEX qui ont suivi.
Le problème tient aussi au nombre de dossiers enregistrés par rapport aux estimations. Il y a eu d'importantes erreurs d'appréciation.
J'examinerai cette question.
Monsieur Guilloteau, s'agissant de la date du 19 mars, je ne veux pas que mon expression vienne polluer le débat entre les pouvoirs exécutif et législatif.
De même, je ne peux m'engager de façon responsable sur l'évolution de la retraite du combattant dans les cinq ans qui viennent : je m'inscris dans la continuité de ce qui a été fait en examinant tant la valeur du point de pension que l'évolution du nombre de points.
Monsieur le ministre, dans le contexte budgétaire actuel, vous avez globalement su préserver votre budget.
Mais je ne suis pas sûr que le nombre important de commémorations actuelles, qui attirent peu de personnes, généralement âgées, nous permettra de transmettre la mémoire. Un effort doit être fait à l'égard des jeunes en faveur du 11 novembre comme journée du souvenir.
2012 est aussi le 70e anniversaire de la bataille de Bir Hakeim, qui est passée quasiment inaperçu. À côté des grands monuments ou commémorations, on a tendance à oublier les plus petits, pour lesquels oeuvrent de nombreuses associations partout en France comme à l'étranger : avez-vous des crédits pour les y aider ?
Au moment où nous allons procéder à la commémoration du centenaire de la guerre de 14-18, ne faut-il pas procéder à la réhabilitation des fusillés pour l'exemple ?
Un travail doit être fait, dans le domaine de la mémoire, vis-à-vis du monde éducatif, des associations et des actions locales. Il faut aussi favoriser la mémoire de chair, au travers du témoignage de nos anciens, et non, seulement, la mémoire de pierre. Il convient à cet égard de se nourrir du travail de certains pays anglo-saxons, comme l'Australie, la Nouvelle Zélande ou les Etats-Unis, qui ont su créer un lien fort entre leur histoire et leur jeunesse. J'ai regretté à ce propos qu'on ait supprimé l'histoire en filière scientifique et me réjouis que Vincent Peillon se soit engagé à revenir sur cette décision.
Il revient aussi aux élus de se mobiliser en faisant en sorte, par exemple, que les correspondants défense dans les collectivités territoriales soient de véritables liens de mémoire. Je suis ouvert à toutes les propositions dans ce domaine.
Monsieur Folliot, je serai présent en octobre à El-Alamein et je représenterai le gouvernement français auprès des ministres de la défense ou de mes homologues étrangers d'ici quelques jours.
Quant au soutien aux initiatives locales rencontrant des difficultés financières pour conserver les lieux mémoriels en bon état, il constitue pour moi une priorité.
En ce qui concerne les fusillés pour l'exemple, des avancées ont eu lieu en 1998 et en 2008 : je m'inscris dans la continuité de cette action et essayerai de régler cette question aussi vite que possible.
S'agissant de la date du 19 mars 1962, je trouve, monsieur le ministre, votre position à la fois claire et sage.
S'agissant de l'extension de l'aide différentielle au conjoint survivant aux anciens combattants nécessiteux, une étude de l'ONAC-VG de 2011 commandée par le Gouvernement concluait que cette mesure concernait très peu de bénéficiaires résidant en France. Mais l'ancien secrétaire d'État aux anciens combattants, Marc Laffineur, avait dit craindre l'an dernier qu'elle ne déclenche un phénomène de décristallisation pour les anciens combattants résidant à l'étranger et qu'elle ne soit pas soutenable financièrement.
La commission juridique et sociale de la FNACA a notamment voulu saisir le Conseil d'État pour savoir si cette extension relevait de l'aide sociale de l'ONAC-VG – auquel cas la condition de résidence en France prévaudrait – ou d'un droit à réparation, avec un risque de décristallisation. La haute juridiction s'est déclarée incompétente pour lui répondre mais a indiqué que le Gouvernement pouvait la saisir pour avis : êtes-vous disposé à le faire ?
Le lien armée-nation me paraît menacé aujourd'hui de façon mécanique : le fait d'avoir suspendu – et non supprimé – le service militaire en 1995 a pour conséquence qu'aujourd'hui, il n'y a presque plus de Français de moins de quarante ans ayant une culture militaire. La place de la défense est donc peu présente chez nos jeunes. Si je souscris à l'idée d'augmenter le nombre de jours au titre de la JDC, il ne faut pas tomber dans le piège d'en faire un fourre-tout, mais plutôt rester centré sur la défense, qui est une valeur importante de la République.
Mes questions concernent la communauté harkie. L'emploi et l'insertion professionnelle sont déterminants pour elle : il convient d'élargir l'action menée dans ce domaine au champ associatif mais aussi au secteur marchand. Les problèmes de qualification des jeunes justifient la création de dispositifs souples et réactifs.
Par ailleurs, cette communauté souhaite la réforme le Haut conseil des rapatriés et de la MIR : dans quel délai pensez-vous obtenir les conclusions de l'étude lancée sur ce point ? Quel pourrait être le contenu de cette réforme ?
En outre, il est important de réhabiliter l'histoire de cette communauté dans notre enseignement : quelles initiatives comptez-vous prendre en la matière ?
Sur ma commune, se trouve le camp de Saint-Maurice-l'Ardoise, situé sur des parcelles appartenant aux armées. Or il existe une forte demande de la part des collectivités territoriales voisines pour créer sur place un lieu mémoriel : pourriez-vous nous aider à cet effet ?
Enfin, je pense, moi aussi, monsieur le ministre, que, dans le contexte de tension budgétaire que nous connaissons, vous avez bien préservé votre budget, et j'espère que vous continuerez à faire de même pour 2014.
Monsieur Juanico, je n'exclus pas de saisir le Conseil d'État sur l'extension de l'aide différentielle aux anciens combattants les plus démunis, mais je souhaiterais connaître plus précisément vos intentions à ce sujet.
Monsieur Lamblin, la JDC doit en effet être tournée vers la défense, dans le cadre du lien armée-nation, même si la préservation de la santé publique, qui existait aussi dans le cadre du service militaire, peut aussi utilement être prise en compte. On peut se demander à cet égard si l'on ne pourrait pas former certains de nos jeunes dans les réserves.
Monsieur Prat, je n'ai pas de recette miracle pour l'emploi et l'insertion des jeunes de la communauté harkie. Je souhaite que le plan emploi fonctionne mieux : 300 emplois ont été trouvés dans ce cadre l'an passé, ce qui est insuffisant ; si on peut l'élargir au monde associatif, c'est plus compliqué pour le secteur marchand. Je ne suis pas en faveur de la discrimination positive mais pour des mesures permettant aux personnes en difficulté d'avoir plus de facilité d'accès à tel ou tel secteur dans lequel elles ont des compétences : on peut donc réfléchir au développement des contrats d'avenir dans le monde associatif ou éducatif et des contrats de génération dans le secteur marchand. Le plan lancé par François Lamy pour inciter les entreprises à recourir aux jeunes des quartiers difficiles moyennant un allègement de charges va également dans le bon sens.
Je n'ai pas encore d'idée précise sur la réforme de la MIR : nous verrons à partir du premier trimestre 2013 le contenu qu'elle pourra avoir pour mieux aider harkis et rapatriés.
Sur le projet relatif au camp de Saint-Maurice-l'Ardoise, je vous suggère de me transmettre le dossier pour que je l'examine.
Quant à la réhabilitation de la communauté harkie dans notre enseignement, le discours du Président de la République du 25 septembre allait tout à fait dans ce sens. Il s'agit pour moi d'une priorité.
Dans la synthèse que nous avons reçue sur le projet de loi de finances pour 2013, il est indiqué que la Commission sur le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale devra se saisir de la question du lien armée-nation et formuler des propositions. La JDC fait partie de cette problématique. Ne serait-il pas pertinent d'éveiller très tôt les jeunes générations à cette question sous la forme d'un parcours de plusieurs étapes au long de leur cursus éducatif, plutôt que de se limiter à une journée, même rénovée, qui vient souvent trop tard ?
Si les crédits budgétaires sont essentiels à cet égard, je ne doute pas qu'on puisse trouver des solutions de manière interministérielle ou en partenariat avec les collectivités territoriales.
Un récent numéro de la revue Armée et nation rend compte d'une enquête auprès des jeunes faisant état d'une image de l'armée beaucoup plus positive que du temps de la conscription ou du service militaire.
Je rappelle que la mission d'information sur les questions mémorielles présidée par Bernard Accoyer, à laquelle j'ai participé, avait largement réfléchi à la question des commémorations. À cet égard, j'ai constaté, lors d'un séjour en Angleterre un 11 novembre, une réelle sensibilisation de nos jeunes, mais ce jour n'était pas férié et les enseignants en ont profité pour informer les élèves sur le sens de cette date et en discuter avec eux.
Je souhaite que l'enseignement de l'histoire de France n'occulte aucune des pages de celle-ci.
Lors de la journée de commémoration des camps d'internement, j'avais regretté, dans le discours que vous avez tenu, un passage un peu rapide sur les Tziganes.
Or, le camp de Montreuil-Bellay, où des Tziganes ont été internés jusqu'en 1947, est réduit pour l'instant à un champ d'herbe folle : nous n'arrivons pas à faire avancer le projet tendant à consacrer ce lieu de mémoire. Je rappelle, pour l'anecdote, qu'à la demande d'une veuve demandant au préfet de pouvoir quitter le camp, celui-ci lui avait répondu qu'il le lui permettrait quand elle aurait communiqué l'adresse fixe où elle demeurait et le métier qu'elle exerçait ! Cette communauté a elle aussi droit à des lieux de mémoire dignes.
Madame Coutelle, j'ai essayé de n'oublier personne dans le discours auquel vous faites allusion. Concernant le lieu que vous évoquez, nous allons examiner le dossier avec l'ONAC-VG.
Je suis d'accord avec vous pour ne rien occulter dans nos livres d'histoire. Je ne suis pas pour une mémoire officielle : certains s'y sont risqués, mais elle n'est généralement pas le fait de grandes démocraties ! Il faut rechercher plutôt une mémoire apaisée, éloignée des conflits pouvant opposer les uns aux autres, si l'on veut la transmettre aux jeunes dans les meilleures conditions.
Monsieur Léonard, je ne peux que redire l'importance que j'accorde au lien armée-nation et combien je suis ouvert aux idées qui pourraient m'être proposées.
En conclusion, je tiens à attirer votre attention sur le retour de la quatrième génération du feu et des derniers combattants en poste en Afghanistan. Il s'agira aussi pour moi d'une priorité car nous allons être confrontées dans les mois qui viennent à des personnes ayant subi des chocs ou en difficulté, notamment en termes d'emploi et d'insertion professionnelle. Il faudra dégager des moyens, trouver des idées et faire preuve de solidarité et de reconnaissance. Peut-être s'ouvrira-t-il alors une « fenêtre » médiatique, qui nous donnera la possibilité de nous exprimer.
Mon souhait est de faire en sorte que mon ministère ne soit pas seulement un ministère du passé, mais aussi du présent et de l'avenir, et je vous demande de bien vouloir m'aider pour cela.
La séance est levée à dix-neuf heures.