Je suis désolé de troubler cette belle unanimité : les députés du Front de Gauche voteront contre le projet de loi organique. Nous estimons que ce texte repose, d'une part, sur une erreur d'appréciation du contexte économique et soulève, d'autre part, de graves interrogations quant au respect de la souveraineté budgétaire du Parlement et de la libre administration des collectivités territoriales.
À travers la ratification du TSCG et l'adoption de ce projet de loi organique, la France ne ferait que souscrire à l'objectif de redressement de ses finances publiques : c'est ce que nous ont expliqué MM. les ministres la semaine dernière et nous pourrions l'entendre. Ils conçoivent et présentent ce redressement comme un enjeu de souveraineté et la condition sine qua non pour que l'État dégage des marges de manoeuvre et puisse conduire par la suite les politiques publiques utiles.
Rien ne nous permet pourtant d'anticiper une telle issue. Nombreux sont les économistes et les collègues ici même qui jugent l'objectif d'un déficit public à 3 % du PIB dès 2013 non seulement hors de portée, mais contre-productif.
En réalité, deux options se présentent à nous pour sortir de l'endettement. La première consiste à préserver coûte que coûte les droits des créanciers en proclamant l'austérité jusqu'au remboursement du dernier euro. C'est la voie qui est choisie aujourd'hui. Elle nous paraît injuste et dangereuse.
La seconde, à la fois la plus sérieuse et la plus réaliste, consiste à alléger au moins partiellement le fardeau de la dette par la création monétaire. Naturellement, cela supposerait de revoir en profondeur la gouvernance économique et monétaire de l'Europe et de reconsidérer le rôle de la Banque centrale européenne. Tel aurait pu être le sens d'une renégociation du traité. Or, il n'y en a pas eu.
Que proposent aujourd'hui le TSCG et le projet de loi organique que vous nous présentez ? De durcir encore les règles du pacte de stabilité que l'on nous avait présenté il y a vingt ans comme indispensable à la cohésion de la zone euro. Or ce sont ces règles qui nous ont conduits là où nous sommes : elles ont bridé les investissements, elles n'ont nullement réduit le chômage et, en définitive, elles ont freiné la croissance.
Car l'enjeu du présent texte n'est pas seulement économique, il est aussi démocratique. Vous vous efforcez de minimiser la portée du pacte budgétaire et de la loi organique et les conséquences qu'ils auront sur la souveraineté budgétaire. Jusque dans leur moindre détail, les procédures décrites par le texte ne poursuivent qu'un but : fournir à la Commission européenne les informations utiles à la formulation de recommandations précises. Il s'agit donc, sous couvert de production de documents de programmation, d'assurer le pilotage des finances publiques par une institution dépourvue de légitimité démocratique et dont le bras armé sera le Haut Conseil des finances publiques. Ironie de l'histoire, il revient à un gouvernement de gauche de poursuivre le travail entamé par ses prédécesseurs pour donner quitus aux velléités autoritaires des tenants de l'orthodoxie libérale. Bien qu'ayant échoué et précipité l'Europe dans la crise, ces derniers entendent néanmoins triompher aujourd'hui, par la voie de la contrainte.
Vous comprendrez donc que les élus du Front de gauche, dont je suis le porte-parole, ne proposeront aucun amendement.