Madame la secrétaire d’État, madame la présidente, chers collègues, nous examinons aujourd’hui le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord du 2 avril 2013 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la Principauté d’Andorre en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu.
En effet, ce n’est qu’en 2013 que la Principauté d’Andorre a décidé de mettre en place un système fiscal moderne, avec un impôt sur le revenu. La mise en place d’une convention fiscale est donc parfaitement justifiée aujourd’hui. L’objet d’une telle convention est en effet de définir la résidence fiscale, de fixer les règles permettant de déterminer le lieu d’imposition des revenus perçus dans un État par une personne ou par une entreprise résidant dans un autre État, mais également d’établir des règles permettant d’éliminer toute double imposition.
Aussi ce texte a-t-il pour vocation de simplifier nos relations fiscales avec la Principauté d’Andorre. Force est de constater que sur l’essentiel, la présente convention est plutôt traditionnelle, et qu’elle est conforme au modèle de l’OCDE. La clause d’élimination des doubles impositions contient les mêmes dispositions que celles qui figurent dans la plupart des autres conventions fiscales signées par la France.
Cependant, le diable se cache souvent dans les détails, et comme l’a observé Claudine Schmid, une lecture plus précise de cette convention permet de constater qu’une clause inopportune s’est glissée en catimini au d du 1. de l’article 25. Celle-ci a bien sûr retenu toute l’attention des parlementaires de l’UMP.
Quel est le problème posé par cette clause ? Cette dernière spécifie que la France peut imposer les personnes physiques de nationalité française résidentes d’Andorre comme si la convention n’existait pas. Ayant siégé vingt ans à la commission des lois, j’avoue trouver cette disposition quelque peu originale : en clair, nous sommes en train de voter un texte dont on pourra faire comme s’il n’existait pas ! C’est une première…
Bref, cette disposition permettant à la France de taxer ses nationaux résidents d’Andorre sans tenir compte des dispositions de la convention, on comprend que notre gouvernement se réserve le droit de lier l’impôt à la nationalité. En outre, elle ouvre la voie à une éventuelle évolution de la fiscalité française, puisque cette clause pourrait être proposée à l’ensemble des partenaires avec lesquels la France négocie des conventions fiscales.
Cet embryon d’impôt sur la nationalité se moque donc des principes sur lesquels notre système fiscal est fondé. Évidemment, je suis pour ma part formellement opposé, tant sur le fond que sur la forme, à la création d’un impôt sur la nationalité. Au-delà du fait que ce principe ne fait pas partie de nos traditions, l’impôt ne peut et ne doit pas être la contrepartie de la nationalité. Je suis formellement convaincu que l’impôt doit reposer sur la règle historique du « consommateur payeur » : on contribue pour les services dont on bénéficie. Il m’apparaît logique que les étrangers qui résident en France s’acquittent de l’impôt sur notre territoire, et que les Français établis hors de France soient imposés dans le pays où ils profitent des services publics là où il y en a.
Permettez-moi donc de m’inquiéter fortement qu’au détour d’une obscure stipulation conventionnelle, l’on introduise pareille brèche dans les principes fondateurs de notre système fiscal.
Certes, cette forme de taxation ne sera applicable que lorsqu’une disposition de droit interne permettra d’imposer les personnes sur le fondement de la nationalité. Certes, l’article 4 de notre code général des impôts fixe les critères de l’imposition en France des personnes physiques sans faire référence à la nationalité française. Certes, le principe de nationalité est dérogatoire par rapport à toutes les conventions fiscales signées par la France, et il l’est également par rapport au modèle de l’OCDE, qui est fondé sur le principe de résidence. Certes enfin, le Gouvernement se montre rassurant, et vous avez voulu l’être à cette tribune, madame la secrétaire d’État, en indiquant que l’introduction en droit interne d’un critère de nationalité n’était en aucun cas à l’ordre du jour et qu’aucun projet de ce type n’existait.
Au regard de ces éléments, il est cependant légitime de s’interroger sur les raisons de l’existence et du maintien d’une telle clause.