Je suis embarrassée par la tonalité de la discussion. Il se trouve que j'ai un souvenir très aigu des débats qui ont abouti au vote de la disposition de la loi ALUR que l'article 25 du présent texte remet en cause.
Pour tout vous dire, je pensais vivre cette situation un jour – tout en espérant qu'elle n'arrive pas – mais pas avant le mois de juin 2017. Nous ne parlons pas ici de freiner les investisseurs, mais de limiter la vente à la découpe dont le seul but est le maximum de rentabilité à très court terme – et le maintien de certains locataires en place fait baisser la rentabilité. Il ne s'agit pas d'investir dans le logement, mais de mener des opérations – avec, parfois, l'inhumanité qu'on sait – consistant à acheter des logements, à les diviser en lots de copropriété puis à les revendre. Les seules activités ici créées sont la rédaction par un avocat du règlement de copropriété ainsi que le travail du géomètre.
L'autre versant de cette réalité est la fragilisation extrême des locataires, qui doivent quitter l'endroit où ils vivent parfois depuis des années, l'ayant souvent choisi parce que le sachant détenu par un propriétaire institutionnel, ils pensaient pouvoir y rester longtemps.
Je suis donc vraiment heurtée par ce que j'entends. J'ai le souvenir d'avoir dû, en tant que ministre, freiner certaines initiatives parlementaires. Aujourd'hui, les députés essayent de limiter les dégâts du dispositif que vous proposez, et je ne saurais nourrir de griefs à leur encontre. Mais tout de même, quelle formidable hypocrisie ! Autant on peut discuter du logement intermédiaire, autant on ne le peut pas de la vente à la découpe. La vente à la découpe, c'est de la rentabilité de barbouze, très bien décrite par Sandrine Mazetier : on achète un immeuble, on n'y réalise aucuns travaux et on le revend avec une marge énorme. Il s'agit de l'investissement le plus minime qu'on puisse imaginer puisqu'il se réduit à la division en lots de copropriété. De plus, comme elle ne porte que sur des immeubles existants, une telle pratique n'a aucun impact sur la construction de logements. Je peux comprendre qu'on trouve légitime d'acheter un immeuble et de le revendre avec une marge de 20 à 30 % en se fichant des locataires qui y habitent, mais je ne vois pas en quoi la croissance et l'activité s'en trouveront favorisées.
Je regrette donc, j'y insiste, cette hypocrisie qui me choque. J'étais, je le répète, préparée à ce que cela arrive, tout comme je le suis à l'éventualité, dans l'hypothèse – que je n'espère pas – où la présente majorité perdrait les élections de 2017, qu'on remette en cause un certain nombre d'avancées que nous aurons votées en matière de logement ou autre. Mais le faire nous-mêmes ! Et quelques mois après le vote de la loi ALUR, après des combats homériques, après la mobilisation de tous les élus locaux – oui, à Paris, et oui, essentiellement des élus socialistes ! C'était, du reste, l'un des engagements principaux de la campagne électorale de Mme Anne Hidalgo.
Tout cela est surprenant et regrettable, et destiné à satisfaire quelques intérêts bien compris, c'est certain. Reste qu'on ne peut pas soutenir une seconde que cet amendement favorisera la construction d'un seul logement. Tel qu'il est rédigé, il va améliorer la marge de certains découpeurs, point à la ligne ! Il ne poursuit aucun autre objectif, et je préférais que cela soit dit. Je trouve vraiment dommage que la mobilisation des associations, des collectifs de locataires, des élus soit remise en cause de manière hypocrite et qu'elle le soit aujourd'hui. Au fond, je ne m'y attendais pas.