La commission poursuit l'examen du projet de loi pour la croissance et l'activité (n° 2447) (M. Richard Ferrand, rapporteur général, MM. Christophe Castaner, Laurent Grandguillaume, Denys Robiliard, Gilles Savary, Alain Tourret, Stéphane Travert, et Mmes Cécile Untermaier et Clotilde Valter, rapporteurs thématiques).
Après l'article 23 (suite)
La Commission est saisie de l'amendement SPE1152 de M. Alain Tourret.
Cet amendement vise à faire appliquer les règles prudentielles en vigueur pour les garanties d'emprunt accordées par les communes aux personnes de droit privé, à savoir essentiellement les organismes d'habitations à loyer modéré (HLM) et les sociétés d'économie mixte (SEM), qui réalisent des opérations de construction, d'acquisition ou d'amélioration de logements sociaux.
Les garanties d'emprunt accordées au bénéfice des opérations de logement social avaient vocation à être soumises aux mêmes ratios prudentiels que ceux appliqués à l'ensemble des personnes de droit privé, mais la jurisprudence est venue inverser cette pratique. Les garanties d'emprunt sont des outils classiques. Toutefois, elles ne cessent de prendre de l'importance dans les engagements hors bilan, sous l'effet des politiques de logement. Actuellement, lorsqu'une commune souhaite mener une véritable politique en matière de construction de logements sociaux – tel est le cas de celle dont je suis maire –, la société d'HLM ne donne son accord que si la commune signe une garantie des emprunts qu'elle a contractés. On nous a toujours dit qu'il n'y avait aucun problème à cela, dans la mesure où la situation financière des sociétés d'HLM était particulièrement saine. Or, avec la crise financière mondiale que nous connaissons depuis 2007, les maires qui ont signé ces garanties se retrouvent dans une situation très délicate : les risques peuvent se réaliser à tout moment et devenir tels qu'ils ne peuvent plus les assumer.
On me dit qu'il y a deux solutions : se retourner soit vers le conseil général – mais celui de mon département n'accorde pas de telles garanties –, soit vers la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS). La solution n'est-elle pas plutôt de rendre impossible les garanties d'emprunts ou le cautionnement pour les opérations de construction, d'acquisition ou d'amélioration des HLM ? Telle est la proposition que nous faisons, mon collègue Joël Giraud et moi-même, avec cet amendement.
Vous posez une très bonne question, monsieur Alain Tourret. Toutefois, selon moi, la solution ne peut pas être aussi hâtive et « tectonique » : si nous adoptions cet amendement aujourd'hui sans avoir envisagé d'autres solutions, nous provoquerions un tremblement de terre dans le monde du logement social ! Nous enverrions un signal dont nous aurions beaucoup de mal à nous remettre. Dans mon département, c'est le conseil général, en effet, qui accorde systématiquement les garanties d'emprunts à la place des communes, notamment des plus petites, car celles-ci ne peuvent pas s'exposer à ce point sans courir des risques inconsidérés. Notre philosophie, aujourd'hui, c'est de rectifier tout ce qui peut l'être dans le droit afin de redonner confiance à l'ensemble des investisseurs, qu'ils soient bailleurs sociaux ou non, et de relancer enfin la construction de logements. Celle-ci a beaucoup de mal à redémarrer en raison de la crise économique, qui se double d'une crise de confiance. Avis défavorable à l'amendement, mais il convient de répondre à l'interpellation légitime de son auteur. Nous devons travailler sur cette question dans la durée.
Je partage entièrement les arguments présentés par le rapporteur thématique. La maîtrise des engagements hors bilan du secteur public local est une préoccupation légitime, et nous avons encore du travail à faire en la matière. Le système que vous proposez, monsieur Alain Tourret, est sans doute excessif par rapport à l'objectif poursuivi, même s'il peut inspirer certaines solutions ad hoc. Il risque de menacer l'équilibre du modèle de financement du logement social, lequel suppose que les collectivités territoriales puissent garantir à 100 % le montant des prêts accordés non seulement par les établissements de crédit, mais aussi et surtout par le Fonds d'épargne, pour les opérations réalisées par les bailleurs sociaux et les SEM. Je vous invite donc à retirer votre amendement. Ainsi que vient de l'indiquer le rapporteur thématique, nous nous engageons à travailler dans la durée avec les ministères concernés afin de trouver une solution pérenne.
Le problème est réel. Dans mon département, les maires n'ont pas d'autre solution que de garantir les emprunts, et des communes de la taille de la mienne ont accordé des garanties pour vingt à cinquante fois leur budget ! Quant aux bailleurs sociaux, ils connaissent bien ce mécanisme et continuent à demander notre garantie. Auparavant, il n'y avait guère de risque, mais, avec la crise économique actuelle, personne ne sait ce qui peut se passer. Si vous vous engagez, monsieur le ministre, à réunir autour de vous le ministère du logement et les représentants des maires de France afin de trouver une solution, je suis prêt à retirer mon amendement. Il faut absolument mettre les choses au clair, tant pour le passé – en sollicitant la CGLLS ? – que pour l'avenir. Je me permets de vous lancer cet appel.
J'ai entendu votre appel. La ministre du logement et moi-même mettrons tous les acteurs concernés autour de la table afin de trouver une solution, notamment la Caisse des dépôts et consignations (CDC), en particulier la section du Fonds d'épargne, et la CGLLS, qui jouent, l'une et l'autre, un rôle important.
Je m'étonne des proportions que vous avez mentionnées, monsieur Alain Tourret. La loi a fixé des règles prudentielles qui figurent dans le code général des collectivités territoriales et qui empêchent les communes de s'exposer à des risques inconsidérés. En particulier, aujourd'hui, une collectivité ne peut plus garantir complètement un objet, ni accorder une garantie nouvelle au-delà d'un certain niveau de risque déjà engagé. Cela étant, vous avez raison : il convient d'éviter que les collectivités territoriales ne connaissent une crise des subprimes.
Je soutiens l'amendement d'Alain Tourret. Ce qu'il a dit est tout à fait juste. Actuellement, les départements et les régions se désengagent des opérations de rénovation urbaine, hormis des plus importantes. On demande donc aux communes de garantir les emprunts à 100 % pour ces opérations, ainsi que pour toute opération isolée. Tel est le cas dans mon département. Ainsi que vous venez de l'indiquer, monsieur le ministre, la solution passe certainement par la CDC.
L'amendement SPE1152 est retiré.
La Commission examine l'amendement SPE1166 de M. Francis Vercamer.
Dans le plan local d'urbanisme (PLU), les élus locaux peuvent imposer aux bailleurs sociaux de réaliser des places de stationnement lorsqu'ils construisent des logements sociaux. Or il est fréquent que les locataires de ces logements ne louent pas les parkings et se garent sur la voie publique ou sur les trottoirs, notamment dans les communes petites ou moyennes qui n'ont pas les moyens de mettre en place une réglementation du stationnement et de la faire respecter par une police municipale. Nous nous retrouvons donc avec des parkings vides, mais avec des rues et des trottoirs encombrés. En d'autres termes, on oblige les bailleurs sociaux à construire des parkings qui ne servent pas. Pourtant, il serait bon de les utiliser, tant pour lutter contre l'étalement urbain que pour assurer la sécurité des piétons. Avec cet amendement, que j'ai déjà déposé à plusieurs reprises, je propose que la location du parking ne puisse pas être distincte de celle du logement.
Je suis sensible à ce problème, monsieur Francis Vercamer, mais la disposition que vous proposez imposerait des contraintes supplémentaires et rendrait certains logements sociaux encore plus difficilement accessibles en renchérissant leur loyer. En outre, votre amendement ne devrait-il pas viser le code de la construction et de l'habitation plutôt que celui de l'urbanisme ? Avis défavorable.
Je comprends votre préoccupation, monsieur Francis Vercamer. Toutefois, il s'agit plutôt d'une affaire politique, qui peut se régler dans le cadre du PLU et du programme local de l'habitat (PLH). Je ne suis pas favorable à une disposition de portée générale : vu la très grande diversité des situations sur le territoire national, notamment en matière de structure des villes, on ne peut pas tout administrer depuis Paris ! En outre, je suis d'accord avec l'argument du ministre : il serait problématique d'obliger un foyer modeste qui ne possède pas de véhicule à louer une place de parking. Enfin, si l'urbanisme est bien conçu, le fait de disposer de places de parking libres qui ne sont pas directement rattachées à des logements peut constituer un avantage. Cela peut permette, par exemple, d'améliorer l'accessibilité ou de faciliter la desserte d'un petit centre commercial. Dans ce domaine, évitons de faire du « prêt-à-porter » national, car nous avons besoin d'une grande souplesse au niveau local. Avis défavorable.
Selon moi, c'est bien le code de l'urbanisme qui oblige à séparer la location du parking de celle du logement. Il n'est donc pas possible de traiter cette question au niveau local. De plus, les parkings sont construits de toute façon et, si les bailleurs sociaux ne peuvent pas répercuter les coûts sur les loyers des parkings, ils le font sur ceux des logements. Le locataire paie donc aussi pour le parking sans en avoir l'usage. C'est ainsi que les choses se passent en province, notamment dans ma commune, qui compte 3 500 logements sociaux. Je retire mon amendement, mais le déposerai à nouveau pour que nous ayons un débat sur ce point en séance publique.
L'amendement SPE1166 est retiré.
Article 23 sexies (nouveau) : Ratification de l'ordonnance du 20 février 2014 relative au logement intermédiaire
La Commission en vient à l'amendement SPE1509 des rapporteurs.
Cet amendement a pour objet de ratifier l'ordonnance du 20 février 2014, qui a créé notamment un statut pour le logement intermédiaire, avec des plafonds de ressources et de loyer fixés par décret, a autorisé les organismes HLM à créer des filiales dédiées à la construction et à la gestion de logements intermédiaires, a ouvert la possibilité de définir, dans les PLH, des objectifs de construction de logements intermédiaires et a également créé un « bail réel immobilier » afin d'alléger un certain nombre de programmes immobiliers de leur volet foncier. Cécile Duflot semble aujourd'hui moins favorable à ces mesures, qu'elle avait pourtant fait adopter en tant que ministre du logement. Pour ma part, je considère que c'est un très bon texte.
Je ne peux qu'être favorable à la ratification de cette ordonnance importante, qui permet d'avancer sur la question du logement intermédiaire, en particulier dans les zones tendues. Les ordonnances s'imposent parfois dans le travail législatif, mais elles permettent de réaliser de belles choses.
Monsieur le rapporteur thématique, cette ordonnance est bien dimensionnée, si ce n'est parfaite, de mon point de vue. C'est pourquoi il ne me paraissait pas opportun de la modifier, ce que vous avez pourtant fait avant même de la ratifier ! Voilà une démarche d'un caractère quelque peu bucolique ! Néanmoins, vous avez salué la qualité de ce travail, qui n'est d'ailleurs pas que le mien : conformément à notre engagement, nous avions présenté cette ordonnance à la commission des affaires économiques avant sa signature par le Président de la République.
Permettez-moi de relancer brièvement le débat : le logement intermédiaire est très utile dans certaines circonstances, mais il ne doit pas être la porte ouverte à tout. La priorité, aujourd'hui, c'est le logement locatif très social. Il suffit de lire le rapport sur le droit au logement opposable (DALO) pour s'en convaincre. Je me félicite d'ailleurs du rééquilibrage des aides à la pierre opéré depuis trois ans en faveur du financement du prêt locatif aidé d'intégration (PLAI), qui est très utile pour répondre aux véritables besoins.
La méthode qui consiste à présenter les ordonnances avant qu'elles ne soient signées a aussi été adoptée pour le présent texte. Certaines d'entre elles figurent déjà dans le texte. Celles qui ne sont pas encore prêtes nous seront présentées avant leur signature.
Comme ce texte prévoit de très nombreuses ordonnances et que certaines d'entre elles peuvent être prises dans un délai de dix-huit mois, nous aurons l'occasion de nous revoir souvent, et cela devrait nous occuper jusqu'aux Jeux olympiques de Rio ! Quoi qu'il en soit, le groupe UMP votera cet amendement.
La Commission adopte l'amendement SPE1509.
Article 24 : Majoration des droits à construire pour le logement intermédiaire
La Commission est saisie des amendements identiques SPE239 de M. Jean-Frédéric Poisson et SPE395 de M. Patrick Hetzel.
Depuis l'été 2012, le secteur du logement est sans doute celui qui a fait l'objet du volontarisme le plus soutenu de la part du Gouvernement, puisque pas moins de quatre lois ont été adoptées en la matière – loi d'abrogation du 6 août 2012 ; loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social ; loi d'habilitation pour accélérer les projets de construction ; loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) –, ainsi que de nombreuses ordonnances et les décrets correspondants. Mais le résultat n'est pas à la hauteur de cet engagement : si plus de 430 000 logements ont été construits en 2012, moins de 280 000 l'ont été en 2014. En outre, nous constatons une plus grande tension sur le marché du logement, une plus grande difficulté à se loger et, surtout, une décroissance de l'activité et une augmentation dramatique du chômage dans le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP). Ce projet de loi pour la croissance et l'activité s'inscrit donc dans un contexte délicat.
La loi du 20 mars 2012, votée à l'initiative du gouvernement Fillon, avait majoré les droits à construire de 30 % pour la construction de bâtiments à usage d'habitation, sauf délibération contraire des collectivités territoriales compétentes. L'objectif était d'augmenter la production de logements, de densifier les zones urbaines déjà bâties et de favoriser la mobilité, tout en respectant le droit des collectivités territoriales à ne pas prendre cette mesure. L'acte fondateur de la politique du logement de votre majorité a été d'abroger immédiatement cette loi, en août 2012, sans même essayer de comprendre si elle contenait des aspects positifs. De manière très symbolique, votre attitude a consisté à détricoter les lois antérieures. Or, pour la deuxième fois, vous proposez de revenir sur l'annulation de certaines de ses dispositions.
Pourquoi donc l'aviez-vous abrogée ? Vous craigniez d'abord que cette densification ne suscite des démarches spéculatives, mais celles-ci sont aujourd'hui très bien encadrées par le renforcement des obligations de la loi SRU : compte tenu de la rareté du foncier disponible, les communes ne peuvent guère se permettre d'encourager des démarches purement spéculatives. Ensuite, vous critiquiez le fait qu'elle était imposée aux communes. Mais n'avez-vous pas tenté de faire la même chose en encadrant les loyers dans la France entière ? Heureusement, ce dispositif a été récemment revu, et les communes sont désormais libres de l'appliquer ou non, à condition d'avoir mis en place un observatoire des loyers.
Vous avez fait machine arrière une première fois en 2014, en proposant, dans la loi ALUR, de majorer la constructibilité jusqu'à 30 %, le taux étant lié à la proportion de logements locatifs sociaux réalisés, avec un plafond. Aujourd'hui, vous rétropédalez pour la deuxième fois, en proposant d'étendre cette constructibilité renforcée à la réalisation de logements intermédiaires.
Je partage les objectifs de densification et de réalisation de logements sociaux. Mais, compte tenu du déficit dans la production de logements de manière générale, pourquoi continuer à lier les majorations de constructibilité à la réalisation de logements sociaux ou intermédiaires ? En ce qui concerne la production de logements sociaux, les mesures de la loi SRU commencent à produire leurs effets, ainsi que nous avons pu le vérifier au cours d'une mission d'information. Cette évolution se fait dans le cadre des incitations et des contraintes qui sont imposées aux communes. La production de logements a trop souffert de la défiance – le rapporteur thématique a évoqué une crise de confiance – qui est née de la loi ALUR, en particulier avec l'encadrement des loyers, ainsi que de l'instabilité fiscale dans le secteur du logement. Aujourd'hui, la situation catastrophique impose de libérer la production de logements quelle qu'en soit la nature, les contraintes de la loi SRU garantissant déjà, selon moi, que les communes ne réalisent pas uniquement des logements en accession libre. Avec cet amendement, que je présente au nom du groupe UMP, je propose d'en revenir aux dispositions de la loi du 20 mars 2012.
S'agissant des opérations mixtes, qui comprennent la réalisation de logements intermédiaires et de logements sociaux, comment combine-t-on les deux taux maximaux de majoration de la constructibilité, qui sont respectivement de 50 % pour le logement social et de 30 % pour le logement intermédiaire ? Donnerez-vous un mode d'emploi en la matière, monsieur le ministre ?
Il faut apporter une réponse adaptée à la situation catastrophique que nous connaissons et que nous avions d'ailleurs dénoncée dans l'hémicycle à l'occasion du débat sur la loi Duflot. La majoration des droits à construire doit être autorisée quel que soit le type de logement. Mon amendement vise, lui aussi, à reprendre les dispositions de la loi du 20 mars 2012. Cela nous semble une mesure de salubrité publique, après la désastreuse loi Duflot.
On peut reconnaître à ces deux amendements la vertu de la constance dans le temps ! Je souhaite cependant rappeler la logique et la cohérence de notre action, y compris de la mesure que nous venons d'adopter concernant le logement intermédiaire. Ainsi que vous l'avez rappelé, la loi du 20 mars 2012 a été abrogée dès le début de la présente législature, car le Gouvernement a privilégié d'autres dispositifs pour relancer la construction de logements. Nous avons pris de nombreuses mesures depuis 2012 : les ordonnances de la fin de l'année 2013, le volet urbanisme de la loi ALUR, les importantes dispositions contenues dans la loi relative à la simplification de la vie des entreprises. Reprendre aujourd'hui le dispositif qui avait été instauré par l'ancien gouvernement aurait pour conséquence de rendre inopérants ceux qui ont été mis en place progressivement depuis mai 2012. Ce ne serait guère cohérent. En outre, ce serait une erreur, car les dispositions actuelles servent l'objectif de relance de la construction sans porter atteinte à la qualité urbaine ni aux enjeux environnementaux, ce qui n'était pas le cas de la loi du 20 mars 2012 que vous cherchez à rétablir. Ce serait, enfin, une mesure très difficile à comprendre pour les élus locaux, car elle remettrait directement en cause leur capacité à administrer leurs territoires, qui se caractérisent par leur diversité. Pour toutes ces raisons, ainsi que pour celles qui avaient conduit à la décision d'abroger la loi du 20 mars 2012, je donne un avis défavorable à ces deux amendements. Je partage néanmoins l'objectif de construire davantage de logements, qui a été celui d'un grand nombre des dispositions que j'ai citées.
Par ailleurs, il y a une grande différence entre une majoration de constructibilité de 30 % appliquée aux logements en accession libre et une même majoration appliquée aux logements intermédiaires. Si vous accordez un tel bonus de 30 % pour la réalisation de logements en accession libre, cela tend à faire augmenter fortement les prix. En revanche, si vous le faites pour les logements intermédiaires, dont les loyers sont plafonnés, cela accroît la rentabilité des opérations portant sur ce type de logements par rapport à celles qui portent sur les logements en accession libre. C'est donc un rééquilibrage qui rend les projets de construction de logements intermédiaires plus attractifs. Or faire venir les investisseurs institutionnels sur ces projets constitue un enjeu, particulièrement dans les zones tendues. Nous assumons donc le fait que la majoration de 30 % soit réservée aux logements intermédiaires et ne s'applique pas aux logements en accession libre.
Pour ce qui est des programmes mixtes, je vous rassure, monsieur Jean-Marie Tetart : on sait parfaitement séparer les mètres carrés qui sont affectés aux logements intermédiaires et ceux qui le sont aux logements sociaux. Il n'y aura donc pas de difficulté pour gérer la double contrainte.
Selon moi, il faut laisser très largement cette question aux élus locaux. Ils ont aujourd'hui en main l'ensemble des documents d'urbanisme et veulent gérer le design de leur ville. J'ai vécu dans une ville où les seuils de constructibilité ont été dépassés sous la pression de certaines sensibilités et d'une partie de la population qui, ensuite, l'a elle-même très mal vécu. Ceux qui demandent à ce que l'on évite l'étalement urbain et qui prônent la densification sont les premiers à s'y opposer sur le terrain, ce qui rend les choses très difficiles pour les maires. Dès lors, épargnons-leur une mesure nationale de déréglementation totale ! Nous avons mis en place les plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUI) et un certain nombre de documents obligatoires. En matière de majoration des droits à construire, nous avons fixé des plafonds différents pour le logement social et pour le logement intermédiaire. Ayons l'humilité de considérer que les élus locaux feront le reste : la régulation locale sera mieux adaptée aux spécificités du terrain. Je suis défavorable à une mesure de libéralisation complète, qui laisserait les promoteurs densifier de manière totalement anarchique.
La Commission rejette les amendements SPE239 et SPE395.
L'amendement SPE1433 de Mme Michèle Bonneton est retiré.
La Commission adopte l'amendement rédactionnel SPE1512 des rapporteurs.
Puis elle examine l'amendement SPE1245 de M. Jean-Luc Laurent.
Avec cet amendement, je propose de réserver la possibilité de majorer les droits à construire pour les logements intermédiaires aux communes qui respectent, au préalable, les objectifs en matière de construction de logements sociaux fixés par la loi SRU, lesquels sont passés de 20 à 25 % dans certaines zones. Si nous n'encadrons pas la disposition introduite par l'article 24, elle risque d'être détournée de son objet.
L'objectif est louable. Cependant, il n'y a pas de volonté de cannibaliser le logement social par le logement intermédiaire, pas plus qu'il n'y en avait tout à l'heure de cannibaliser le train par l'autocar. Avec les conditions que nous avons posées, tout a été fait, au contraire, pour que l'un vienne compléter l'autre. J'assume pleinement cette mesure. En réservant la possibilité de majorer la constructibilité pour les logements intermédiaires aux seules communes qui ont atteint les objectifs en matière de construction de logements sociaux fixés par la loi SRU, nous exclurions du dispositif Paris et environ mille autres communes, qui sont précisément celles qui se trouvent en zone tendue.
C'est exact : elle respecte le rythme de construction de logements sociaux, mais elle n'atteint pas encore le taux qui figure dans l'amendement de M. Laurent.
Notre politique est cohérente : nous mettons en place un dispositif qui vise à développer le logement intermédiaire dans les zones tendues, où le passage du logement social au logement en accession libre est un saut impossible pour la plupart des ménages. Cela conduit à maintenir nombre de ces ménages dans des logements sociaux alors même qu'ils ont dépassé le plafond de ressources.
En revanche, il est légitime d'empêcher le développement du logement intermédiaire dans les communes carencées, ainsi que le prévoit l'ordonnance du 20 février 2014 que vous venez de ratifier. Il ne faut pas confondre la notion de déficit et celle de carence : l'une s'applique aux communes telles que Paris, qui n'atteignent pas le seuil de 20 ou 25 % de logements sociaux mais qui prennent toutes les mesures nécessaires pour rattraper leur retard ; l'autre caractérise les communes déficitaires qui réalisent des efforts insuffisants. Nous avons bien distingué les deux catégories. En outre, nous avons pris les dispositions nécessaires pour que le développement du logement intermédiaire garantisse, en parallèle, celui du logement social. À cet égard, je renvoie à l'argumentaire développé par Mme Audrey Linkenheld cet après-midi. Si nous adoptions votre amendement, monsieur Jean-Luc Laurent, nous exclurions du dispositif un grand nombre de territoires où le développement du logement intermédiaire est utile. Avis défavorable.
Cécile Duflot a rouvert le débat tout à l'heure. Je suis favorable aux logements intermédiaires et à ce que les entreprises sociales pour l'habitat (ESH) construisent de tels logements, notamment pour éviter que leur image ne se résume à celle du « ghetto social ». Cependant, veillons à ce qu'elles ne soient pas tentées de ne faire que cela et mettons en place, à cette fin, des dispositifs prudentiels équilibrés. Il en existe déjà : les aides à la pierre seront réservées au logement social, et nous avons prévu un cloisonnement entre les filiales et les maisons-mères.
Nous ne pouvons pas adopter l'amendement sous peine d'exclure du dispositif des communes qui s'efforcent d'atteindre l'objectif de 25 % de logements sociaux fixé par la loi SRU. D'autant que, du fait du relèvement de cet objectif de 20 à 25 %, nombre de celles qui faisaient des efforts depuis des années se retrouvent aujourd'hui à la traîne. Je vous invite à retirer votre amendement, monsieur Jean-Luc Laurent, mais nous devons répondre à votre interpellation.
Nous avons déjà mis en place un certain nombre de garde-fous : non seulement toute opération de construction de logements intermédiaires doit comprendre au minimum 25 % de logements sociaux, mais il n'est pas possible de construire des logements intermédiaires dans les communes carencées au titre de la loi SRU, c'est-à-dire chez les « mauvais élèves » qui ne respectent ni l'objectif ni le rythme de construction de logements sociaux – ce qui n'est pas le cas de Paris.
Par ailleurs, l'équilibre entre les différents types de logements produits sur un territoire est régi par le PLH. En même temps que nous avons réformé la loi SRU, nous avons introduit, là aussi, des garde-fous pour encadrer la construction de logements sociaux dans les communes carencées, afin qu'elles réalisent un minimum de logements très sociaux et pas seulement des logements en prêt locatif social (PLS). Nous venons de décider, en adoptant un amendement précédent, que les collectivités déjà délégataires des aides à la pierre pourraient attribuer aussi les aides en faveur du logement intermédiaire.
Au vu des interventions des uns et des autres, je suggère que nous prenions le temps, d'ici à la séance publique, de voir si nous ne pourrions pas introduire des dispositions supplémentaires relatives au logement intermédiaire dans le cadre des PLH. Elles ne concerneraient pas les communes carencées, pour lesquelles nous avons déjà prévu des règles. Il s'agirait d'aider le préfet à vérifier qu'une commune ne donne pas trop la priorité au logement intermédiaire alors qu'elle ne respecte pas suffisamment son rythme de construction de logements sociaux. Cela me paraît la seule piste pertinente, les autres ayant déjà été explorées. J'invite nos collègues écologistes à mener ce travail avec nous s'ils le souhaitent.
Je suis tout à fait d'accord avec ce que vous avez dit tout à l'heure, monsieur le ministre, à propos de la majoration de constructibilité pour le logement intermédiaire. En revanche, votre parallèle avec le train et l'autocar n'est pas pertinent, car les autocars ne roulent pas sur des rails et les trains ne roulent pas sur des routes, alors que les logements intermédiaires et les logements sociaux se construisent les uns et les autres sur des terrains. Et on ne peut pas réaliser simultanément des logements intermédiaires et des logements sociaux sur un même terrain. Si l'on ne privilégie pas l'usage des terrains existants pour la construction de logements sociaux, on aboutit à un blocage. D'où les dispositions de la loi ALUR, qui permettent au préfet de se substituer au maire pour délivrer les permis de construire dans les communes qui s'obstinent à ne pas réaliser de logements sociaux alors qu'elles disposent de terrains à cet effet.
Par ailleurs, comme les logements intermédiaires ne sont pas pris en compte au titre des objectifs fixés par la loi SRU réformée, les communes qui construiront des logements intermédiaires verront leur ratio de logements sociaux se dégrader. Cela pose donc un problème important. À quelques exceptions près, les communes carencées et celles qui n'atteignent pas leur pourcentage de logements sociaux sont généralement les plus rétives à cet égard. Elles verront donc d'un bon oeil la possibilité d'utiliser leurs terrains disponibles pour construire des logements intermédiaires plutôt que des logements sociaux, en espérant qu'ils seront pris en compte, ultérieurement, au titre des objectifs fixés par la loi SRU. Il y a donc un énorme « loup » dans ce dispositif. S'il n'est pas encadré par un amendement tel que celui de Jean-Luc Laurent, son effet sera totalement contre-productif : en rendant la construction de logements intermédiaires plus tentante pour les communes, la possibilité de majorer les droits à construire va freiner l'atteinte des objectifs fixés par la loi SRU.
Dans ma commune, je m'efforce de contribuer à la politique d'un maire « bâtisseur ». Je réunis régulièrement tous les acteurs concernés, qu'il s'agisse des promoteurs privés ou des bailleurs sociaux. Compte tenu des difficultés auxquelles ils sont confrontés, ils viennent régulièrement « m'engueuler » – c'est le terme –, particulièrement depuis trois ans, même si le problème est antérieur à 2012 et à la loi Duflot.
Or nous multiplions les dispositifs et nous nous méfions de ceux dont nous avons pourtant déjà débattu. Je reconnais néanmoins que, si votre majorité n'a guère fait preuve de volontarisme en matière de développement du logement intermédiaire dans un premier temps, elle l'encourage désormais, tempérant ainsi ses attendus habituels en matière de politique du logement. Quoi qu'il en soit, les normes s'accumulent, et il est particulièrement difficile de les simplifier ensuite. Dans le même temps, les chiffres de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) montrent que le recul de la construction de logements explique les deux tiers ou les trois quarts de notre déficit de croissance. Et cela relève de notre responsabilité de législateur ! Inutile d'aller chercher auprès du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) ou d'autres experts les raisons des difficultés du secteur, notamment de l'augmentation des coûts et du blocage des projets !
Aujourd'hui, un plan de construction de logements s'étale sur cinq à six ans, contre quatre ans auparavant, durée que nous considérions déjà comme insupportable par rapport aux délais de deux ans à deux ans et demi qui ont cours dans la plupart des autres pays européens, notamment en Allemagne. En d'autres termes, à cause de cette inflation normative, nous diminuons d'un tiers notre capacité à construire sur une période donnée, alors que la population continue à augmenter. Il est certes possible d'améliorer telle ou telle règle, mais la sagesse devrait vous inciter à ne pas aller trop loin et, surtout, à ne pas revenir sur les débats que vous avez déjà eus !
Madame Cécile Duflot, le dogmatisme a des limites ! Vous êtes favorables à la biodiversité, mais guère à la diversité des logements ! Or, pour parvenir à un équilibre territorial ou à une certaine harmonie en zone urbaine constructible, il faut construire partout un peu de chaque type de logement, sinon vous créez des ghettos. Plus vous imposerez de contraintes, moins il y aura d'investisseurs. L'excès de normes aboutit à un déficit de logements, de la même manière que la surprotection de l'emploi aboutit à cinq millions de chômeurs !
Mais la liberté totale de construire, c'est aussi ce qui a provoqué la crise de 2008, qui a ébranlé le monde !
Nous avons rappelé de manière exhaustive les mesures successives qui ont été prises afin d'amener les communes déficitaires en matière de logements sociaux à remplir leurs obligations. J'ai l'impression que l'on se méfie en permanence de la gouvernance locale et que, à cause de quelques situations anormales en matière de logement social, nous sommes en train de complexifier la législation, en ajoutant des normes, des indicateurs et des mécanismes d'alerte. C'est une maladie très française : à cause de 5 % de personnes qui ne respectent pas les règles de stationnement et se garent sur les trottoirs, nous encombrons nos textes de règles nouvelles, et nos trottoirs de quilles, de potelets et de barrières, au lieu de réprimer ceux qui n'adoptent pas le bon comportement. Afin d'éviter les effets d'aubaine en matière de logement intermédiaire, je préférerais que nous envisagions de sextupler – et non seulement de quintupler – le prélèvement sur les communes carencées plutôt que d'alourdir la réglementation.
Madame Cécile Duflot, comparaison n'est pas raison, en effet. Mais il n'est pas vrai que les deux termes d'une alternative doivent systématiquement se compenser. Nous avons manqué l'intermodalité il y a quelques années : il aurait fallu développer à la fois l'autocar et le train, sans penser que l'un allait cannibaliser l'autre. Il en va de même aujourd'hui pour le logement intermédiaire et le logement social. J'ai bien entendu votre argument concernant les terrains disponibles, et vous avez raison sur ce point. Mais si ce n'était qu'une question de terrains disponibles, nous n'en serions pas là ! Il y a aussi un problème de rentabilité des projets et une difficulté à mobiliser les acteurs. En développant le logement intermédiaire, notre but est de faire venir des investisseurs sur des projets portant sur d'autres catégories de logements que les logements en accession libre, en zone tendue, dans des conditions strictement définies par la loi. Grâce aux dispositions que vous avez vous-même fait adopter, il existe des garde-fous : la loi SRU impose la construction de 30 % de logements sociaux dans les communes carencées, et toute opération de construction de logements intermédiaires doit comprendre au minimum 25 % de logements sociaux. Mais si nous empilons protection sur protection et contrainte sur contrainte, le résultat, c'est qu'on ne construira plus.
Cela le sera encore davantage. Je ne peux donc pas partager votre philosophie, madame Cécile Duflot. Néanmoins, je suis sensible à la question de fond soulevée par l'amendement de M. Jean-Luc Laurent et, pour répondre à Mme Audrey Linkenheld, je suis tout à fait prêt à réfléchir, avec la ministre du logement, à une amélioration des conditions fixées dans les PLH afin de prévenir certains risques. Je m'engage à travailler sur cette question dans les jours qui viennent avec tous ceux d'entre vous qui le souhaitent. Je vous invite à retirer votre amendement, monsieur Jean-Luc Laurent.
Je retire mon amendement au bénéfice de la discussion que nous devons avoir d'ici à la séance publique. Je m'intéresse aux questions de logement depuis plusieurs années et je devine bien les effets d'aubaine ou d'éviction qui risquent de se produire, tant du fait d'élus que d'autres acteurs. Sans tout organiser ni édicter de règles trop rigides, il est nécessaire de définir non seulement les droits, mais aussi les devoirs de chacun. De mon point de vue de républicain, la loi doit réguler.
Par ailleurs, je ne crois pas que le développement du logement intermédiaire soit le levier qui permette le retour des investisseurs institutionnels dans les politiques du logement. J'avais déjà émis des doutes à cet égard lorsque Cécile Duflot était ministre. Je crois bien davantage à une action volontariste de la part de l'État auprès des investisseurs institutionnels pour qu'ils construisent des logements intermédiaires, ainsi qu'ils le faisaient il y a quelques années. La puissance publique doit assigner des objectifs en matière de logement intermédiaire. Elle le faisait hier ; il n'y a pas de raison qu'elle ne puisse pas le faire aujourd'hui sous une forme modernisée.
Je tiens à vous rassurer : la puissance publique reste investie sur le dossier du logement intermédiaire. Au-delà des dispositions qui sont prises pour faire revenir les investisseurs institutionnels, l'État agit : avec la CDC et sa filiale Société nationale immobilière (SNI), la décision a été prise de recapitaliser une filiale commune ; grâce à des cessions d'actifs, 1 milliard d'euros seront réinvestis dans la construction de logements intermédiaires. C'est là l'illustration de la politique de l'État actionnaire que nous entendons mener – j'anticipe en cela le débat que nous aurons sur le titre II du projet de loi.
Qu'il y ait une intervention de l'État, ainsi qu'une action de la CDC et de son bras armé, la SNI, fort bien ! Je préférerais toutefois que l'État investisse davantage dans l'aide à la pierre au profit de la construction de logements sociaux, au lieu de se retirer comme il le fait depuis plusieurs années déjà.
Être élu local a parfois du bon. C'est ainsi que je retire de mon expérience avec la SNI, qui gère plus de 10 % du parc de logements locatifs dans ma commune, que celle-ci n'est un modèle ni pour le logement intermédiaire ni pour le logement social, tant du point de vue de la gestion patrimoniale que de celui du rapport avec les locataires, en particulier avec les agents du ministère de la défense, ce sujet devenant de plus en plus sensible. Je suis prêt à m'entretenir de ces questions avec vous, monsieur le ministre.
L'amendement SPE1245 est retiré.
La Commission en vient à l'amendement SPE733 de M. Jean-Yves Caullet.
Avec cet amendement, nous souhaitions éviter qu'il y ait une échappatoire en matière de logement social. Cependant, pour ma part, j'ai été convaincu par les arguments qui viennent d'être échangés : les règles qui ont été posées garantissent que le logement intermédiaire et le logement social seront développés de concert.
L'amendement SPE733 est retiré.
La Commission examine l'amendement de coordination SPE1513 des rapporteurs.
Cet amendement vise à ce que les orientations en matière de majoration des droits à construire pour le logement intermédiaire soient définies dans le PLH. Ainsi, les équilibres entre les différents types de logement dans chaque commune seront déterminés dans le PLH, avec l'accord des maires. Cet amendement mériterait d'être complété, le cas échéant, par la disposition, évoquée par Audrey Linkenheld, tendant à éviter que les communes ne construisent que des logements intermédiaires.
La Commission adopte l'amendement SPE1513.
Puis elle adopte l'article 24 ainsi modifié.
Après l'article 24
La Commission est saisie de l'amendement SPE1480 du président François Brottes.
La France est l'un des pays où le niveau de dépense pour les assurances en matière d'équipements publics, voire de logements, est le plus élevé : il peut aller jusqu'à 15 % du coût total d'une opération, ce qui est considérable. Après de larges consultations, je suis arrivé à la conclusion qu'aucun des acteurs concernés ne souhaitait modifier ce système dans lequel tout le monde s'assure, se sur-assure et se déresponsabilise – d'autant que les maîtres d'ouvrage paient et que les primes d'assurance représentent une cagnotte significative pour ceux qui les touchent. Ces assurances alourdissent le coût de la construction, posant ainsi un problème non seulement aux investisseurs, mais aussi aux ménages en matière d'accès aux logements locatifs, tandis que se développent des métiers consistant à contrôler ce que font les uns et les autres. Sachant, par ailleurs, que nous avons perdu des compétences dans les métiers de la construction, et que ceux qui croient être bien assurés ne le sont pas toujours, les contentieux se multiplient, et les décisions se font parfois attendre longtemps.
Monsieur le ministre, il me paraît indispensable d'ouvrir un chantier sur la question du poids des assurances dans le coût de la construction, qui n'est pas aussi élevé dans les autres pays. Pour ma part, malgré toutes mes recherches, je n'ai pas trouvé le moyen de faire baisser significativement leur prix. Néanmoins, je propose, avec mon amendement, que le maître d'ouvrage puisse demander communication du contrat d'assurance qui couvre le constructeur ou le maître d'oeuvre pour la responsabilité décennale. Actuellement, ce dernier doit être en mesure de produire un justificatif attestant qu'il a bien souscrit un tel contrat, mais le maître d'ouvrage ne peut pas savoir exactement ce que couvre celui-ci.
Actuellement, les assujettis au régime de la responsabilité civile décennale ont l'obligation de justifier qu'ils ont souscrit un contrat d'assurance à l'ouverture d'un chantier. Nous devons donc porter nos efforts sur ces justificatifs, qui prennent la forme d'attestations d'assurance. Lorsqu'il était ministre délégué à l'économie sociale et solidaire et à la consommation, M. Benoît Hamon avait lancé un travail pour rendre ces justificatifs plus lisibles et en harmoniser le contenu. En application de l'article 66 de la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, qui a complété l'article L. 243-2 du code des assurances, un arrêté doit fixer les mentions minimales devant figurer dans lesdites attestations d'assurance. Cet arrêté sera pris très prochainement. Il est actuellement en cours d'examen par le Comité consultatif de la législation et de la réglementation financières (CCLRF).
Pour votre part, vous proposez que l'assureur communique la totalité du contrat. Je crains que cela ne crée une contrainte supplémentaire, sans pour autant permettre aux maîtres d'ouvrage d'appréhender toutes les informations contenues dans ce document, généralement long. Il me semble préférable de privilégier la qualité et la lisibilité des informations transmises, dans une approche de protection du consommateur. Ainsi, le maître d'ouvrage disposera d'une sorte de résumé lisible du contrat, qui en retrace les éléments essentiels. Nous vous transmettrons dès demain le texte de l'arrêté. S'il ne répond pas à votre préoccupation, je suis prêt à aborder à nouveau le sujet avec vous et à envisager un éventuel amendement en séance publique. Pour l'heure, je vous invite à retirer votre amendement.
Aux termes de mon amendement, la communication du contrat d'assurance ne serait pas systématique : elle se ferait à la demande du maître d'ouvrage – si celui-ci formule une telle demande, c'est bien qu'il s'intéresse au sujet. Par ailleurs, je me méfie des « mentions minimales », car elles ne reprennent pas nécessairement les points susceptibles de poser problème. Si nous sommes associés à la rédaction de l'arrêté, nous veillerons à ce que ces mentions ne soient pas trop « minimales ». En tout cas, il ne faudrait pas que l'arrêté empêche les maîtres d'ouvrage de demander des informations supplémentaires. Parfois, ceux-ci se rendent compte qu'ils se sont fait berner par une attestation, qui se révèle inutile en cas de problème.
Enfin, je le répète, nous devrions ouvrir ensemble un chantier sur la question du poids des assurances dans le coût de la construction.
Qui peut le plus peut le moins. Cependant, bien souvent, lorsque l'on rend obligatoire la communication de règlements ou de contrats, les intéressés ne les lisent pas, car ces documents sont longs et rébarbatifs. Néanmoins, il existe sans doute des cas particuliers dans lesquels il est nécessaire d'éplucher de tels contrats d'assurance.
Avis plutôt favorable sur cette mesure, même si je ne suis pas convaincu de son utilité et crains son éventuel caractère vexatoire.
Monsieur le président, je vous félicite pour votre initiative. La multitude de normes qui pèse sur la construction a conduit chaque corps de métier intervenant dans la création d'un ouvrage à se doter de son propre système assurantiel, ce qui est source de complexité au moment du dénouement. Aux termes des dispositions relatives à la garantie décennale, l'assureur du maître d'oeuvre ou de la personne incriminée se reporte sur l'assureur de ceux qui ont réalisé l'ouvrage, corps de métier par corps de métier. La procédure s'achève classiquement par un renvoi. La résolution de ce type de contentieux nécessite environ deux ans, chacun se renvoyant la balle, ce qui conduit à un surenchérissement à hauteur, à chaque fois, de 1 ou 2 %. Il s'agit certes de sommes infinitésimales pour chaque corps de métier mais, à la fin de l'ouvrage, leur cumul représente un coût global important. Or c'est souvent de l'argent public qui est en jeu, donc gaspillé : on paie la complexité qui empêche d'avoir une bonne garantie.
Il me paraît plus simple, quand bien même un tel document est complexe et rébarbatif, de réaliser une photocopie de la totalité du contrat d'assurance sur demande, que de produire un résumé qui restera toujours sujet à interprétations. Si elle ne résout pas tout, la proposition du président François Brottes a au moins le mérite de mettre quelque chose entre les mains des maîtres d'ouvrage face aux maîtres d'oeuvre dans des contentieux très difficiles et très longs à dénouer. Il faut savoir que le surcoût est de l'ordre de 7 à 8 %, ce qui est loin d'être négligeable. Cela représente une croissance à deux chiffres par rapport à la situation d'il y a une douzaine d'années. Je suis favorable, pour ma part, à cet amendement.
Le nombre de malfaçons et de contentieux non résolus a doublé ou triplé en dix ans, et l'incurie des assurances, qui se déchargent de leurs responsabilités les unes sur les autres, représente des millions d'euros. Je retire mon amendement, mais si je trouve l'arrêté plus dangereux que ce que je propose, je le présenterai de nouveau en séance publique, fort, au moins, du soutien d'Olivier Carré.
En plus du soutien de M. Olivier Carré, vous bénéficierez de l'avis favorable du Gouvernement, je m'y engage. L'arrêté en question vous sera communiqué demain matin. Je n'en ai pas moins noté votre souci plus large concernant le coût des assurances, et nous allons y travailler.
L'amendement SPE1480 est retiré.
La Commission examine l'amendement SPE1507 du président François Brottes.
Les collectivités désireuses de signer un contrat de performance énergétique n'ont pas toujours les moyens d'engager les investissements nécessaires. Lesdits contrats devraient prévoir des modalités permettant, à ces collectivités, de passer commande et, à l'opérateur, de prendre sa rémunération sur les économies d'énergie constatées par rapport au contrat initial.
Je souhaite que l'on amorce plus que ce n'est déjà le cas les engagements d'investissements en matière de transition énergétique, pour le parc immobilier public, sans forcément effectuer le paiement immédiatement. Cela demande de modifier le code des marchés publics, ce que ne nous permet pas l'article 40 de la Constitution. Au fond, je me moque bien du rapport prévu par l'amendement, que je vais retirer : je souhaite seulement que vos services nous indiquent dans quelle mesure c'est possible ou pas.
Je vous propose mieux : dans le cadre de la réforme des marchés publics, une ordonnance est en préparation, qui permettrait de prendre en compte votre proposition. Je vous invite donc à étudier la question avec mes services.
Je prends acte de votre proposition. Il s'agit bien de prévoir une clause de paiement différé aux entreprises qui l'acceptent. Il ne s'agit pas d'imposer un dispositif, mais de faire en sorte qu'il s'applique à la suite d'un accord entre les deux parties sur la rémunération des économies d'énergie.
Pas la clause de paiement différé : il faut tout de même payer pour que les travaux soient engagés. L'idée, ici, est que la collectivité n'ait pas besoin d'engager des dépenses lorsqu'elle lance un investissement dans le cadre de la transition énergétique.
L'amendement SPE1507 est retiré.
Article 25 : Clarification des règles relatives aux rapports entre bailleurs et locataires.
La Commission est saisie des amendements identiques SPE240 de M. Jean-Frédéric Poisson et SPE1432 de Mme Michèle Bonneton.
L'article 25 prévoit d'habiliter le Gouvernement à modifier par ordonnance la rédaction des dispositions de la loi ALUR concernant les rapports entre bailleurs et locataires. Nous rejetons une telle procédure, lui préférant un débat parlementaire classique. L'amendement SPE1624 du Gouvernement, que nous sommes sur le point d'examiner, semble nous apporter en grande partie satisfaction sur ce point. Par contre, il n'aborde pas les incohérences des dispositions relatives au logement intermédiaire, en particulier de sa définition, dont on ne sait si elle doit être entendue du point de vue géographique ou de l'éligibilité au financement. La proposition de rédaction nouvelle de l'article 25 est-elle donc complète ?
Je retire mon amendement puisqu'il vise à supprimer l'article 25 dont le Gouvernement va nous proposer une nouvelle rédaction.
Nous avons déjà répondu concernant l'alinéa 2 de l'article, et l'amendement du Gouvernement que nous allons examiner règle la question de l'alinéa 3. Je propose donc à M. Jean-Marie Tetart de retirer son amendement, faute de quoi le Gouvernement émettra un avis défavorable.
Les amendements SPE240 et SPE1432 sont retirés.
La Commission examine l'amendement SPE1624 du Gouvernement, faisant l'objet du sous-amendement SPE1928 de M. Denis Baupin ainsi que des sous-amendements, soumis à discussion commune, SPE1929 de M. Denis Baupin, SPE1917 de Mme Sandrine Mazetier, SPE1930 de M. Denis Baupin et SPE1931 de Mme Michèle Bonneton.
Cet amendement vise à modifier certaines dispositions de la loi ALUR afin de renforcer la sécurité juridique des parties au contrat. Il s'agit, en outre, d'améliorer la rédaction d'autres dispositions qui ont donné lieu à des difficultés d'interprétation. C'est notamment le cas des dispositions relatives à la colocation, en excluant les locations consenties exclusivement à des conjoints et à des partenaires liés par un pacte civil de solidarité (PACS) au moment de la conclusion du bail.
Le présent amendement prévoit également une évolution des règles applicables en matière de congé pour vente et de ventes à la découpe afin d'assurer un équilibre entre la protection des locataires et l'incitation à l'investissement dans le logement. On ne revient ici en rien à la situation antérieure à l'adoption de la loi ALUR, et la plupart des avancées en matière de protection du locataire sont conservées. Et si certains malentendus devaient subsister, le sous-amendement SPE1917 permet d'y répondre.
Le cumul des trois années d'allongement des délais des baux en cas de vente à la découpe avec les congés pour vente au moment du renouvellement du contrat – six ans pour les institutionnels et trois ans pour les particuliers –, a conduit, dans certaines situations, à augmenter considérablement les délais, de douze ans en moyenne, jusqu'à quinze ans. Aussi, certains propriétaires bailleurs, dont je rappelle qu'ils n'achètent pas, par principe, un bien pour se séparer de leur locataire, pouvaient se retrouver bloqués. Certes, il faut protéger le locataire – et c'est l'objectif initial et un grand mérite de la loi ALUR qu'il faut conserver –, mais quand le délai de protection atteint douze années, on ne « baille » plus, si j'ose dire. Les risques de désinvestissement sont, par conséquent, importants.
Toute notre philosophie est, j'y insiste, de protéger le locataire sans bloquer les investisseurs dans un secteur où il est important de continuer à mobiliser les acteurs. L'un des sous-amendements borne le dispositif mieux encore que ne le propose le Gouvernement, en ce qu'il permet au locataire d'occuper un logement pendant une période d'au moins trois ans plafonnée à six ans, soit un espace protecteur qui n'est pas abusif.
Par ailleurs, l'amendement du Gouvernement vise à rendre applicable aux contrats de location meublée l'article 3 de la loi du 6 juillet 1989 qui prévoit certaines mentions obligatoires essentielles pour les locataires – notice d'information, description des locaux, surface habitable, règlement intérieur – et pour l'application de l'encadrement des loyers ou de l'encadrement durable des loyers. Il apporte, enfin, des modifications aux dispositions relatives aux congés concernant le logement meublé, afin d'harmoniser le formalisme de délivrance du congé en matière de location meublée et nue, et de tirer les conséquences d'une décision du Conseil constitutionnel.
L'avantage de proposer ainsi une réécriture plus détaillée de l'article est que nous pouvons en discuter, ce qui n'était pas le cas avec le texte initial, trop court et renvoyant à des ordonnances. J'ai déposé plusieurs sous-amendements dont deux portent, comme celui de Sandrine Mazetier, sur la vente à la découpe. Cela ne doit rien au hasard puisque la vente à la découpe est un phénomène essentiellement parisien contre lequel nous avions voulu protéger les locataires lors de la discussion de la loi ALUR. Or il menace toujours, d'où notre persistance à vouloir protéger les locataires. Votre volonté de compromis devrait nous permettre d'aboutir.
Le sous-amendement SPE1928 vise à corriger une disposition de l'amendement selon laquelle les conjoints qui se sépareraient resteraient solidaires du paiement du loyer, y compris après des années. Or la rupture d'un PACS ou d'un mariage entraîne la fin de la solidarité. Cette rupture est opposable à tous et donc au bailleur.
Quant au sous-amendement SPE1929, il vise à maintenir les dispositions de la loi ALUR permettant de réellement protéger les locataires face aux marchands de biens qui, par pure spéculation, procèdent à des ventes à la découpe.
Les ventes à la découpe – purement spéculatives – restent un phénomène massif en zone tendue. Ainsi, la foncière Gecina s'est-elle séparée d'un seul coup de 1 500 logements à Paris. Aucune collectivité locale n'est en mesure d'en acquérir autant, et tous les logements mis en vente n'ont pas pu être préemptés. Les 150 unités qui se trouvaient dans ma circonscription ont été vendues par Gecina à une filiale immobilière de la BNP, qui les a acquises à 4 900 euros le mètre carré et les a proposées à la vente aux locataires à 8 000 euros le mètre carré, cela à peine quelques mois plus tard et sans avoir effectué les moindres travaux. Il s'agit bien non seulement d'une vente à la découpe, mais encore d'une opération totalement spéculative. La plupart des occupants n'avaient, bien sûr, pas la capacité de se porter acquéreurs.
C'est à ce type de phénomène que nous avons souhaité apporter une réponse avec la loi ALUR. En aucun cas, il n'a été question de dissuader en quoi que ce soit les investisseurs – car nous en avons besoin en zone tendue. Le sous-amendement SPE1917 permet de corriger les effets induits de l'accumulation de prorogations des baux. De fait, nous n'avions pas perçu qu'un bailleur pouvait être dans l'impossibilité de vendre pendant une durée pouvant aller jusqu'à quinze ans, ce qui est, en effet, susceptible de dissuader un investisseur. Avec le dispositif proposé, une foncière ne serait pas dissuadée d'investir, mais dissuadée de spéculer, et les occupants seraient protégés.
Permettez-moi d'évoquer un sous-amendement que je n'ai pas encore déposé et qui revient sur la partie de votre amendement dont vous avez poliment déclaré qu'elle tirait les conclusions d'une décision du Conseil constitutionnel. Ce dernier a, en effet, rejeté l'élargissement aux personnes âgées à la charge d'un locataire de la disposition de protection des locataires âgés et à faibles revenus que j'avais fait adopter dans la loi ALUR. Plutôt que d'étendre la censure du Conseil aux logements meublés, comme le fait le Gouvernement, je proposerai, au contraire, de rétablir cette disposition, qui serait constitutionnelle pour peu qu'on encadre les revenus du locataire, de manière à répondre à l'inégalité devant les charges publiques reprochée par le Conseil. En zone tendue, et à Paris en particulier, parfois trois générations vivent dans le même logement ; les conséquences peuvent être désastreuses pour une famille aux faibles revenus qui se voit signifier un congé pour vente. Je trouverais dommage de ne pas retrouver dans le texte de telles mesures protectrices des personnes âgées ou handicapées.
Le sous-amendement SPE1930 vise à préserver les dispositions de la loi ALUR protégeant contre les ventes à la découpe. L'exposé sommaire de l'amendement gouvernemental précise qu'il s'agit d'aboutir à un équilibre entre protection du locataire et fluidité du marché. Il semblerait qu'on l'atteigne au bout de neuf ans d'occupation du logement et non plus au bout de douze ans. Pourquoi ce changement soudain ?
Le sous-amendement SPE1931 vise à supprimer les alinéas 21 à 30, en raison de leur insuffisante solidité juridique. Nous souhaitons, par conséquent, une expertise complémentaire.
Le II présente des dispositions très techniques qui ont pour but de sécuriser le droit. De fait, c'est une réécriture de l'article 14 de la loi ALUR qui ne dit pas son nom. Il s'agirait ainsi de déterminer à quels baux – nouveaux ou en cours – s'appliquent les mesures nouvelles de la loi ALUR, comme le dépôt de garantie, la prévention des expulsions, les délais de prescription, la division de l'immeuble en copropriétés, la délivrance des congés. Nous avons été alertés sur le fait que la rédaction proposée mélange des mesures de différentes natures et risque de complexifier le droit, donc d'avoir un effet contre-productif. Une nouvelle rédaction est-elle possible ?
Je suis, bien sûr, très favorable à l'amendement du Gouvernement, d'autant qu'un débat législatif vaut mieux qu'une ordonnance.
En ce qui concerne le sous-amendement SPE1928, je souscris aux interrogations de Denis Baupin, mais on ne peut pas proposer ici d'aligner les droits des couples mariés ou pacsés sur les droits des colocataires. Un tel dispositif ne me paraît pas acceptable en l'état.
Pour ce qui est des deux sous-amendements relatifs à la vente à la découpe, je suis plutôt favorable au second, défendu par Sandrine Mazetier. Reste que si ce débat est important, il demeure très parisiano-parisien, si bien que je ne parviens pas à identifier, en tant que modeste rapporteur de province, de quoi il est question.
Á Bordeaux, il y a une situation similaire, en effet, mais qui concerne le parc de logements de maisons de ville, cela à une échelle considérable et qui n'est absolument pas traitée par la législation. Des ventes à la découpe massives ont été réalisées dans des maisons de ville de moins de cinq logements, dans des zones relevant de la loi Malraux. Je plaiderais donc plutôt pour une plus grande sévérité que l'inverse. Mon propos ne signifiait pas du tout qu'il ne fallait pas se montrer ferme ; seulement, il ne faut pas être dissuasif. La situation qui prévaut actuellement, qu'il s'agisse des logements intermédiaires ou des rachats de logements, conduit les investisseurs institutionnels à se détourner de l'investissement. Nous gagnerions, par conséquent, à adopter une approche mesurée.
J'émets donc un avis favorable sur le sous-amendement SPE1917, qui me semble équilibré, et défavorable sur les autres sous-amendements.
L'argumentation de M. Denis Baupin concernant le sous-amendement SPE1928 souffre d'une confusion entre solidarité contractuelle et solidarité légale. L'amendement du Gouvernement prévoit d'exclure du régime de la colocation les pacsés et les mariés au moment de la signature du contrat de colocation. Ainsi, les concubins qui signent un contrat de location entrent dans le champ du régime qui n'est pas remis en cause par un PACS ou un mariage ultérieur à la signature du contrat de colocation. La colocation prévoit un régime spécifique de solidarité contractuelle – solidarité qui prend fin au bout d'un congé de six mois d'un colocataire – auquel s'ajoutera la solidarité légale prévue par le code civil pour les mariés ou les pacsés. La fin de la solidarité contractuelle n'a pas d'influence sur la solidarité légale et inversement. Aussi la préoccupation que vous manifestez, et que je comprends parfaitement, serait-elle légitime si l'on supprimait la solidarité légale, ce que le texte ne permet de toute façon pas. La coexistence des deux types de solidarité existe déjà dans la loi ALUR pour les concubins qui signent un bail sous le régime de la colocation et qui se marient en cours de bail. Le cas que vous citez, celui des mariés qui entrent dans un logement sous le régime de la colocation, est certainement très peu courant. La clarification ainsi faite entre les deux formes de solidarité me semble répondre à votre interrogation. Espérant vous avoir rassuré, je vous invite à retirer votre sous-amendement.
De même, je vous suggère de retirer le sous-amendement SPE1929. Je préfère en effet, je l'ai dit, le sous-amendement SPE1917 de Mme Sandrine Mazetier, car il permet de lever toute ambiguïté.
Je vous invite également à retirer le sous-amendement SPE1930. J'insiste sur le fait que la loi ALUR pouvait empêcher de vendre pendant parfois quinze ans contre les six ans de délai maximum que nous proposons. D'un côté, le locataire sera protégé puisque tranquille pendant trois ans, d'un autre côté, on évitera les comportements spéculatifs. Il y a donc un vrai changement car, pour ceux qui investissent de bonne foi, pour développer l'économie sans vouloir « sortir les locataires », le délai de six ans ne recouvre pas la même réalité économique qu'un délai de quinze ans, chacun en conviendra.
Le sous-amendement SPE1931, présenté par Mme Michèle Bonneton, précise l'application dans le temps des dispositions de la loi ALUR. Or l'objectif du texte est bien de sécuriser juridiquement les contrats en précisant quelles mesures de la loi ALUR s'appliquent aux baux en cours et quelles mesures s'appliquent aux baux reconduits ou renouvelés. Il est de notre responsabilité de lever les incertitudes qui font suite à la décision du Conseil constitutionnel. Il s'agit d'être explicite sur l'applicabilité dans le temps de ces mesures. C'est pourquoi je vous invite à retirer votre sous-amendement. Dans l'hypothèse où vous le maintiendriez et où j'émettrais, par conséquent, un avis défavorable, je reste prêt à vous expliquer dans le détail que nous ne dénaturons en rien les dates d'entrée en vigueur de la loi ALUR mais que nous sécurisons les acteurs pour les contrats en cours.
J'en reviens à l'article 14 de la loi ALUR qui, au-delà de la question des délais, a fait l'objet d'interprétations divergentes. Je me souviens d'avoir été saisie par un certain nombre de juristes qui ont découvert, sur le site de Légifrance, une explication de la loi ALUR qui ne décrivait absolument pas l'article 14 et ses conséquences telles que les avait entendues le législateur. Nous devons donc nous remettre tous ensemble autour de la table pour rappeler notre intention initiale, relire le texte et nous interroger sur le fait de savoir si la réponse proposée par le Gouvernement est la bonne.
Je suis embarrassée par la tonalité de la discussion. Il se trouve que j'ai un souvenir très aigu des débats qui ont abouti au vote de la disposition de la loi ALUR que l'article 25 du présent texte remet en cause.
Pour tout vous dire, je pensais vivre cette situation un jour – tout en espérant qu'elle n'arrive pas – mais pas avant le mois de juin 2017. Nous ne parlons pas ici de freiner les investisseurs, mais de limiter la vente à la découpe dont le seul but est le maximum de rentabilité à très court terme – et le maintien de certains locataires en place fait baisser la rentabilité. Il ne s'agit pas d'investir dans le logement, mais de mener des opérations – avec, parfois, l'inhumanité qu'on sait – consistant à acheter des logements, à les diviser en lots de copropriété puis à les revendre. Les seules activités ici créées sont la rédaction par un avocat du règlement de copropriété ainsi que le travail du géomètre.
L'autre versant de cette réalité est la fragilisation extrême des locataires, qui doivent quitter l'endroit où ils vivent parfois depuis des années, l'ayant souvent choisi parce que le sachant détenu par un propriétaire institutionnel, ils pensaient pouvoir y rester longtemps.
Je suis donc vraiment heurtée par ce que j'entends. J'ai le souvenir d'avoir dû, en tant que ministre, freiner certaines initiatives parlementaires. Aujourd'hui, les députés essayent de limiter les dégâts du dispositif que vous proposez, et je ne saurais nourrir de griefs à leur encontre. Mais tout de même, quelle formidable hypocrisie ! Autant on peut discuter du logement intermédiaire, autant on ne le peut pas de la vente à la découpe. La vente à la découpe, c'est de la rentabilité de barbouze, très bien décrite par Sandrine Mazetier : on achète un immeuble, on n'y réalise aucuns travaux et on le revend avec une marge énorme. Il s'agit de l'investissement le plus minime qu'on puisse imaginer puisqu'il se réduit à la division en lots de copropriété. De plus, comme elle ne porte que sur des immeubles existants, une telle pratique n'a aucun impact sur la construction de logements. Je peux comprendre qu'on trouve légitime d'acheter un immeuble et de le revendre avec une marge de 20 à 30 % en se fichant des locataires qui y habitent, mais je ne vois pas en quoi la croissance et l'activité s'en trouveront favorisées.
Je regrette donc, j'y insiste, cette hypocrisie qui me choque. J'étais, je le répète, préparée à ce que cela arrive, tout comme je le suis à l'éventualité, dans l'hypothèse – que je n'espère pas – où la présente majorité perdrait les élections de 2017, qu'on remette en cause un certain nombre d'avancées que nous aurons votées en matière de logement ou autre. Mais le faire nous-mêmes ! Et quelques mois après le vote de la loi ALUR, après des combats homériques, après la mobilisation de tous les élus locaux – oui, à Paris, et oui, essentiellement des élus socialistes ! C'était, du reste, l'un des engagements principaux de la campagne électorale de Mme Anne Hidalgo.
Tout cela est surprenant et regrettable, et destiné à satisfaire quelques intérêts bien compris, c'est certain. Reste qu'on ne peut pas soutenir une seconde que cet amendement favorisera la construction d'un seul logement. Tel qu'il est rédigé, il va améliorer la marge de certains découpeurs, point à la ligne ! Il ne poursuit aucun autre objectif, et je préférais que cela soit dit. Je trouve vraiment dommage que la mobilisation des associations, des collectifs de locataires, des élus soit remise en cause de manière hypocrite et qu'elle le soit aujourd'hui. Au fond, je ne m'y attendais pas.
Ce n'est pas la loi ALUR qui a protégé les locataires de la vente à la découpe. Antérieure et votée à l'unanimité, c'est la loi Aurillac qui les en préservait significativement. La loi ALUR, pour sa part, a durci le dispositif, au-delà même, le ministre l'a rappelé, des intentions de ses auteurs. Nous ne faisons, par conséquent, que rétablir un équilibre qui me semble, honnêtement, tout à fait satisfaisant. Je n'ai pas du tout la même appréciation que Cécile Duflot, et je pense que les dispositions en vigueur, corrigées de celles que nous allons voter – qui concernent notamment les locataires âgés, qui du reste étaient déjà très protégés –, donnent un cadre tout à fait satisfaisant qui permet à la fois la protection des locataires et la fluidité du marché.
J'ajoute que les grandes opérations de vente à la découpe ont eu lieu dans les années 2000. Les investisseurs institutionnels sont pour l'essentiel partis dans l'immobilier de bureaux, même s'il peut en rester quelques-uns. La question aujourd'hui est bien de les faire revenir dans le secteur de l'immobilier résidentiel. Notre action me paraît donc parfaitement cohérente.
Il y a eu, certes, la loi Aurillac, mais je trouve la vision de notre collègue Christophe Caresche très optimiste sur la protection des locataires en cas de congé pour vente – en particulier pour les locataires âgés. Grâce à la loi ALUR, ces derniers peuvent demander à être relogés à partir non plus de 70 ans, mais de 65 ans, et leurs revenus ne doivent plus être inférieurs à 1,5 SMIC, mais au plafond de ressources du logement social PLUS (prêt locatif à usage social). Par ailleurs, le sous-amendement SPE1917 ne vise pas les congés pour vente, mais les mises en copropriété, donc les ventes à la découpe. Enfin, la loi ALUR permet précisément le retour des investisseurs et, en même temps, une bonne articulation entre investisseurs et collectivités locales, en créant un droit de postemption.
Les ventes à la découpe massives ont continué à Paris bien après les années 2000. Je suis la première à reconnaître que nous n'avions pas forcément perçu les effets de certaines dispositions de la loi ALUR. Les correctifs que nous proposons doivent permettre à la fois de protéger les locataires et d'inciter les investisseurs, tout en les dissuadant de mener des opérations strictement et honteusement spéculatives.
Je perçois deux éléments dans votre intervention, madame Cécile Duflot. D'abord, une vraie sincérité toute à votre honneur, qui a sous-tendu votre action, avec laquelle vous avez montré du courage face à certains lobbies et qui, je le reconnais, a conduit à la réalisation de vrais progrès – ceux de la loi ALUR.
Toutefois, vous semblez adopter une posture facile, non seulement contre le Gouvernement – ce qui ne serait pas grave –, mais aussi contre vos collègues qui ont défendu, aussi sincèrement que vous, le projet de loi ALUR et qui défendent aujourd'hui, avec la même sincérité, l'équilibre du texte que nous proposons.
Cela a été dit, si le Gouvernement avait décelé le défaut en question, il l'aurait alors corrigé. L'empilement des délais, j'y insiste, nous conduit à des situations de fait intenables. Ne faites pas croire qu'à travers les modifications apportées par un sous-amendement, d'ailleurs signé par plusieurs de vos collègues qui connaissent bien le texte, nous ferions un cadeau aux « suceurs de sang » du peuple. Vous vous feriez plaisir à peu de frais et ce ne serait pas une attitude à la hauteur de notre débat. Tel qu'il sera sous-amendé, le texte trouvera un équilibre : les locataires seront protégés pendant une durée d'au moins trois ans, et les cas signalés par Mme Sandrine Mazetier, qui sont de vraies opérations spéculatives, seront bloqués. L'intention première de la loi ALUR est donc respectée, maintenue. Nous procédons à un aménagement technique du texte pour précisément éviter, à cause de l'empilement des délais, à cause d'une surprotection qui peut parfois nuire à la protection elle-même, une fuite des investissements.
Nous sommes tenus, les uns et les autres, à un devoir de vérité et de respect mutuel qui ne peut s'accommoder de postures. Ce texte ne correspond pas à la description que vous en faites. Il s'efforce de corriger un effet potentiellement pervers de la loi ALUR mais ne remet en rien en cause les limitations et les protections qu'elle a apportées.
Tenant compte des propos du ministre, je retire mon sous-amendement SPE1928. En revanche, je maintiens les deux autres. Comme Sandrine Mazetier, j'ai le sentiment que les dispositions de la loi ALUR ont permis d'endiguer les ventes à la découpe. Je n'ai pas constaté de mouvement massif de la population pour demander qu'on réduise les protections mises en place. Or le maintien de ces dispositions nous paraît le meilleur moyen de protéger les locataires.
Comme nous, Audrey Linkenheld semble craindre une insécurité juridique d'une partie de l'amendement du Gouvernement. Je souhaite donc savoir si monsieur le ministre entend le récrire avant son examen en séance publique.
Il ne sera pas procédé à une réécriture de l'amendement qui apporte les clarifications nécessaires pour les contrats et baux en cours. Je vous suggère de retirer votre sous-amendement. Toutefois, ayant entendu les interrogations rappelées par Mme Audrey Linkenheld quant à l'interprétation de l'article 14 de la loi ALUR, et afin de lever toute ambiguïté, je propose que nous organisions, avant l'examen du texte en séance publique, une réunion avec les députés que le sujet intéresse et avec les représentants des cabinets concernés. Notre objectif est bien de retranscrire les intentions premières du législateur à la lumière de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, pas davantage. S'il se trouve, à l'issue de nos discussions, qu'on constate un décalage, je m'engage à donner un avis favorable en séance à un amendement de correction.
Je maintiens mon sous-amendement, mais j'accepte le principe de le retravailler avant l'examen du texte en séance publique.
Le sous-amendement SPE1928 est retiré.
Successivement, la Commission rejette le sous-amendement SPE1929, adopte le sous-amendement SPE1917 et rejette les sous-amendements SPE1930 et SPE1931, puis adopte l'amendement SPE1624, sous-amendé.
En conséquence, l'article 25 est ainsi rédigé, et les amendements SPE1431 et SPE1475 de Mme Michèle Bonneton, les amendements identiques SPE1256 de M. Joël Giraud et SPE1412 de M. Denis Baupin, et les amendements SPE484 et SPE485 de M. Jean-Marie Tetart n'ont plus d'objet.
Après l'article 25
La Commission est saisie de l'amendement SPE1255 de M. Joël Giraud.
Alors qu'un fichier central recense l'ensemble des assurances construction, il n'existe pas d'équivalent pour les contrats d'assurance décennale. Je propose donc la création d'un tel fichier, car, en cas de sinistre, les maîtres d'ouvrage rencontrent souvent de grandes difficultés pour identifier l'assureur de l'entrepreneur.
Je comprends l'intention, mais elle reviendrait à créer un nouvel organisme, ce qui soit engendrerait des coûts pour les finances publiques dans un contexte contraint, soit rendrait la construction plus onéreuse. Aussi, je vous suggère de retirer votre amendement, faute de quoi j'émettrai un avis défavorable.
L'amendement SPE1255 est retiré.
Article 25 bis (nouveau) : Obligation d'incinération des déchets infestés par la mérule.
La Commission examine ensuite l'amendement SPE1618 du Gouvernement.
La loi ALUR avait imposé l'incinération sur place des déchets infestés par la mérule, sur le modèle de la réglementation existante en matière de prévention de la dissémination des termites. Cette mesure n'apparaît pas justifiée, car, le risque de dissémination n'étant pas comparable, elle impose même des contraintes dont nous ont fait part les professionnels. Je vous propose donc de supprimer cette obligation.
On essaie de contenir les feux de bois pour des raisons écologiques, j'émets donc un avis favorable.
Je connais bien les problèmes liés à la mérule puisque nous en avons beaucoup à Saint-Malo. Je ne vois vraiment pas comment nous aurions pu appliquer les dispositions de la loi ALUR en la matière.
Pour ce qui est des termites, quand vous devez les incinérer sur place et qu'il est interdit d'allumer des feux parce qu'on est en période de canicule, c'est assez embêtant.
La Commission adopte l'amendement SPE1618.
Article 25 ter (nouveau) : Habitat participatif
La Commission en vient à l'amendement SPE1617 du Gouvernement.
Cet amendement tend à corriger une incohérence de la réglementation des coopératives d'habitants. Ce texte pouvait conduire à ce que soient mieux remboursés les coopérants fautifs exclus de la coopérative que les coopérants choisissant de se retirer.
Sans hypocrisie aucune, j'atteste qu'il y avait bien une erreur dans la loi ALUR sur ce point. Il est donc bon de la corriger.
Suivant l'avis favorable du rapporteur thématique, la Commission adopte l'amendement SPE1617.
Article 25 quater (nouveau) : Garantie financière des opérations de vente en l'état futur d'achèvement.
La Commission examine ensuite l'amendement SPE1619 du Gouvernement.
Cet amendement vise à donner une base légale à un décret d'application de l'article L. 261-10-1 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 3 octobre 2013, qui a rendu obligatoire le recours à une garantie financière d'achèvement. Il apparaît, en effet, qu'un décret est nécessaire pour clarifier ces nouvelles dispositions.
Suivant l'avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l'amendement SPE1619.
Après l'article 25
Puis elle examine, en présentation commune, les amendements SPE496, SPE494 et SPE495, tous de M. Jean-Marie Tetart.
Ces amendements, lorsque je les ai déposés dans le cadre de l'examen du projet de loi ALUR, avaient suscité la sympathie, car ils répondent aux demandes d'un certain nombre d'ONG agissant dans le secteur du logement social ; les dispositions proposées sont, du reste, déjà appliquées par certains bailleurs sociaux.
Le mécanisme actuel d'attribution des logements consiste à vérifier qu'une fois prélevés le loyer et les charges, le reste à vivre du ménage est acceptable. S'il ne l'est pas, le logement est refusé, ce qui est aberrant au regard des objectifs du logement social et conduit d'ailleurs de nombreux dossiers DALO dans l'impasse. Par l'amendement SPE496, nous proposons de renverser cette approche, en calculant d'abord un minimum vital et en adaptant le loyer au disponible par des remises sur quittance plutôt que par une réduction du loyer, qui aurait pour conséquence de diminuer les aides au logement dont bénéficie la personne. Ces remises sur quittance pourraient être financées par le supplément de loyer de solidarité (SLS) acquitté par les locataires dépassant les plafonds de ressources. À cette fin, nous proposons, par les amendements SPE494 et SPE495, d'appliquer le SLS dès le premier euro de dépassement.
Je suis sensible à vos arguments, monsieur Jean-Marie Tetart, mais, dans les zones tendues, cette mesure d'équité ne favoriserait pas la mobilité et pèserait sur des classes moyennes qui dépassent, en effet, largement les plafonds. Soit on favorise véritablement la mobilité en définissant un seuil de ressources au-delà duquel les ménages les plus favorisés doivent quitter le parc social, et l'on risque de créer des injustices tant que le logement intermédiaire n'est pas suffisamment développé ; soit on opte pour une mesure d'équité et l'on ponctionne le pouvoir d'achat des classes moyennes dans des zones tendues où elles sont déjà en difficulté. Certes, la situation actuelle n'est pas satisfaisante, car de nombreux ménages dépassent les plafonds, mais je ne sais pas quel serait le « meilleur moindre mal ». Je vous propose donc que nous poursuivions la réflexion sur ce sujet, sachant que notre principal objectif doit être, me semble-t-il, de favoriser la mobilité. Aussi, je vous suggère de retirer vos amendements ; à défaut, j'y serai défavorable.
C'est une belle interpellation, monsieur Jean-Marie Tetart, mais votre proposition revient à spéculer sur le fait que le surloyer des uns financera le sous-loyer des autres. L'un de vos amendements vise, du reste, à appliquer le SLS dès le premier euro de dépassement du plafond de ressources, ce qui aurait pour conséquence d'augmenter brutalement le loyer de milliers de personnes auxquelles on n'offre pas d'alternative par ailleurs. Le problème n'est pas simple, j'en conviens, mais je ne suis pas favorable à une telle fuite en avant, suscitée par un constat de faillite de notre politique de mobilité. On ne peut pas bloquer pendant plusieurs années dans le parc social des ménages qui devraient en sortir et leur imposer des surloyers de plus en plus importants pour régler des problèmes sociaux individuels. Il est vrai que la part du logement augmente structurellement dans le budget des ménages très modestes, mais il me semble que ce problème devrait être réglé par les aides à la personne, qu'elles soient versées par la caisse d'allocations familiales ou par le conseil général, même si je reconnais que cette solution n'est pas non plus entièrement satisfaisante. Quoi qu'il en soit, je suis défavorable à ces amendements.
Je veux rappeler à M. Jean-Marie Tetart que la loi MOLLE comporte un dispositif, que j'ai mis en application en tant que président d'un office HLM, qui permet de plafonner les loyers d'une certaine catégorie de locataires, en l'espèce les personnes âgées de plus de 62 ans, à 20 % de leurs ressources. Ce plafonnement a certes un coût pour l'organisme, mais le conseil d'administration a décidé d'affecter une partie de son autofinancement à cette mesure dans le cadre de sa politique sociale. J'encourage vivement mes collègues présidents d'office HLM à mettre en oeuvre une politique de ce type, car il faut être pragmatique en la matière. Au demeurant, il me paraît difficile de régler par la loi un problème qui doit être résolu au sein de chaque organisme, lequel peut d'ailleurs bénéficier pour cela d'une subvention de la collectivité.
L'idée de Jean-Marie Tetart est séduisante, mais il me semble que la réflexion n'est pas suffisamment mûre pour que nous allions jusqu'à retenir sa proposition. Disant cela, je ne cherche pas à évacuer le problème. Je rappelle que le rapport sur le logement prévu à l'article 23 doit inclure des données relatives à la mobilité dans le parc social ; ce rapport comportera sans doute des recommandations. Par ailleurs, le titre III de la loi ALUR, dont les décrets d'application continuent de paraître, traite notamment de la procédure d'attribution des logements sociaux à l'échelle des EPCI. Si nous poursuivons dans cette voie avec l'ensemble des organismes HLM, alors nous pourrons, un jour, aboutir à un dispositif qui serait révolutionnaire pour notre modèle de logement social, dans lequel, par exemple, les loyers seraient adaptés aux revenus des locataires.
Il faut, en effet, poursuivre la réflexion sur ce sujet. Par ailleurs, nous manquons encore de recul sur ce point, mais l'ordonnance du 20 février 2014 a autorisé les entreprises sociales pour l'habitat (ESH) à créer des filiales dédiées au logement intermédiaire, en prévoyant un strict cloisonnement des comptes et des activités. Peut-être faudrait-il envisager un système de vases communicants dans l'hypothèse où l'activité liée au logement intermédiaire générerait des profits.
Je remercie notre collègue Jean-Marie Tetart d'avoir provoqué cette discussion, que nous avons déjà eue à plusieurs reprises dans le cadre de la commission des affaires économiques. Le logement social a une vocation large, et même quasi universelle – environ 65 % de nos concitoyens y sont en droit éligibles. Or, depuis la grande réforme de 1977, on a additionné les dispositifs, qu'ils soient d'aide à la pierre ou d'aide à la personne, multipliant ainsi les systèmes de financement, qui conditionnent les prix de la location. Aussi devrions-nous, me semble-t-il, simplifier le système et y introduire davantage de justice, en déconnectant les prix du logement social de ses modalités de financement, de façon à sortir du SLS et à établir des loyers proportionnels au niveau des ressources, avec évidemment un plafond. Ce faisant, on supprimerait les injustices de ce système, dans lequel le niveau d'effort de certains est supérieur à ce qu'il serait dans un parc social. Il me semble qu'une telle réforme mérite réflexion.
Monsieur le ministre, il s'agit pour moi, non pas de favoriser la mobilité des ménages assujettis au SLS, mais d'éviter que l'on refuse, comme c'est le cas dans toutes les commissions d'attribution aujourd'hui, un logement à un ménage au motif que son reste à vivre serait insuffisant. On est aux antipodes de la solidarité ! Encore une fois, il faut partir au contraire du net à vivre nécessaire et trouver des compensations si le disponible pour logement n'est pas suffisant. Le SLS, globalisé à l'échelle du bailleur, permettrait d'assurer une telle compensation en finançant des remises sur quittance. Peut-être s'agit-il d'une solution bâtarde qui n'est pas satisfaisante, mais, de grâce, réglons rapidement ce problème ! J'en ai assez de refuser un logement à une personne parce que son reste à vivre sera insuffisant. Il y a de quoi provoquer des révoltes ! Je déposerai ces amendements à chaque fois que l'occasion s'en présentera, tant que l'on ne me répondra pas autre chose que : « On étudie la question ».
Il est vrai que le logement privé est parfois plus social que le logement social. Monsieur Jean-Marie Tetart, je vous propose de retirer vos amendements, car vous nous avez tous convaincus et nous serions ennuyés de devoir voter contre.
Les amendements SPE496, SPE494 et SPE495 sont retirés.
La Commission est saisie de l'amendement SPE1168 de M. Francis Vercamer.
Cet amendement est le début d'une interpellation, monsieur le ministre. Certaines communes ne peuvent plus assumer les dépenses liées à l'adaptation de leurs équipements imposée par les incessants changements de normes édictés par les fédérations sportives. Je propose donc de freiner les ardeurs de ces dernières en les obligeant à apporter leur concours financier aux travaux rendus nécessaires par la modification des règles techniques.
J'ai noté, monsieur Francis Vercamer, que vous admettiez presque que la question soulevée ne pouvait trouver une réponse immédiate. Tout d'abord, les règles techniques sont édictées à la fois par les fédérations internationales, le plus souvent, et par les fédérations nationales. Ensuite, la participation aux compétitions sportives, événements qui provoquent les frais de mise aux normes techniques les plus importants, repose sur un principe d'inscription volontaire. En tout état de cause, l'amendement conduirait à imposer aux fédérations sportives une obligation de cofinancement dont on sait qu'elles ne peuvent pas l'assumer, en tout cas pas toutes. Dès lors, je crains que nous ne créions un mécanisme dans lequel les communes se retourneraient vers l'État pour qu'il supplée ces fédérations. Je crois que ces problèmes se régleraient mieux au cas par cas, mais j'ai discuté de ce point avec mon collègue ministre des sports, et je vous propose que nous continuions à y réfléchir afin d'aboutir à une solution satisfaisante. C'est pourquoi, tout en comprenant votre préoccupation, je vous suggère de retirer votre amendement : à défaut, j'y serai défavorable.
J'ai fait partie d'un exécutif qui a refusé de mettre le moindre centime dans la construction du futur stade de Bordeaux. On nous avait alors expliqué que celui-ci ne pourrait pas voir le jour ; il est maintenant construit. Mais il est vrai que l'économie du football est particulière et que de nombreux sports, notamment l'athlétisme, n'ont pas de public, donc pas de recettes, et ont besoin d'être aidés. Si je comprends vos motivations, monsieur Francis Vercamer, je ne suis pas certain que votre amendement soit réaliste. En la matière, je ne vois pas de meilleure solution que la libre négociation entre les élus et les fédérations, qui, pour la plupart, n'ont pas d'argent. Quant à moi, j'estime que le sport devrait être une compétence intercommunale. On réaliserait ainsi de nombreuses économies en évitant la multiplication des infrastructures, car chaque commune veut son équipe de football ou de basket-ball. La question est pertinente, mais la réponse proposée est d'une brutalité que je désapprouve. Avis défavorable, donc.
Je sais que mon amendement n'est pas satisfaisant, mais mon objectif était de susciter le débat. J'ai interpellé le secrétaire d'État chargé des sports à ce sujet il y a quelques mois, et il ne m'a toujours pas apporté de réponse. Je vais retirer mon amendement, mais je le déposerai de nouveau en séance publique. Car je trouve un peu fort de café que la fédération de basket-ball, par exemple, décide brusquement de modifier les normes techniques applicables aux panneaux de basket et nous contraigne à réaliser les travaux nécessaires sans participer à leur financement ni nous avoir consultés !
Je vous suggère, dans la perspective du débat en séance publique, une solution de repli qui consisterait à obliger la fédération édictant la nouvelle norme à préciser le montant de la subvention qu'elle accordera aux collectivités pour l'adaptation de leurs équipements.
L'amendement SPE1168 est retiré.
Article 25 quinquies (nouveau) : Obligation d'assermentation des agents chargés de l'inspection des logements insalubres.
La Commission examine l'amendement SPE1620 du Gouvernement.
Il s'agit d'une correction technique de la loi ALUR. Il est actuellement demandé à l'administration qu'à la suite de toute demande d'un citoyen en matière de salubrité de logement, un agent assermenté se déplace pour établir un constat de logement indigne. Or tous les agents exerçant actuellement ce type de compétence ne sont pas assermentés. De fait, l'assermentation est une procédure lourde, consistant en une prestation de serment solennelle devant le juge, qui ne nous paraît pas indispensable à l'exécution de cette mission et induit une complexification de la procédure. Au reste, jusqu'alors, l'assermentation d'un agent n'était nécessaire que pour la réalisation d'un constat d'infraction prévu par le code pénal et la rédaction d'un procès-verbal d'infraction.
Le défaut d'assermentation de l'agent permettra peut-être d'accélérer les procédures, mais ne les affaiblira-t-il pas si l'obligation de relogement n'est pas respectée ?
Je veux rassurer Jean-Louis Roumégas, il s'agit bien de corriger une erreur qui a été commise lors de la rédaction de la partie de la loi ALUR consacrée à l'habitat indigne. Les inspecteurs des services communaux d'hygiène et de santé ne sont pas nécessairement assermentés, ce qui ne signifie pas qu'ils ne sont pas qualifiés et compétents. Leur compétence est, du reste, reconnue par les tribunaux, qui utilisent, le cas échéant, leurs rapports dans des procès opposant des locataires à leur propriétaire. Cet amendement ne marque donc aucun recul des droits des locataires ; il s'agit uniquement d'une clarification.
On parle, là encore, des grandes villes, car ma commune de 6 000 habitants ne comprend pas de service communal d'hygiène. Du reste, ne peut-on pas faire appel aux maires, qui sont officiers de police judiciaire ? Pour une famille qui habite dans un taudis, trois mois, c'est très long !
L'amendement ne porte que sur l'adjectif « assermenté ». Nous n'avons pas revisité, dans le cadre de la loi ALUR, l'ensemble des pouvoirs de police spéciale du maire, du préfet ou de l'intercommunalité en matière d'habitat indigne. Par ailleurs, ce n'est pas parce qu'une collectivité a choisi de ne pas exercer la compétence en matière d'hygiène et de santé que les locataires sont privés de voie de recours : dans un tel cas, les agences régionales de santé assument cette mission. Au demeurant, la loi ALUR a plutôt renforcé la protection des locataires en matière d'habitat indigne.
Suivant l'avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l'amendement SPE1620.
Après l'article 25
Elle est ensuite saisie de l'amendement SPE241 de M. Jean-Frédéric Poisson.
Depuis deux ans et demi, nous constatons un effondrement de la construction de logements dans notre pays : le nombre des logements produits était de 320 000 en 2013 et il atteindrait à peine 280 000 en 2014, alors que l'objectif fixé par le Gouvernement était de 500 000. Cette situation, qui met en péril un grand nombre d'entreprises, qui licencient quotidiennement, est en partie due, selon nous, à l'adoption du dispositif d'encadrement des loyers promis par le Président de la République pendant la campagne présidentielle de 2012. Du reste, en dépit d'un vote unanime de la majorité, le Premier ministre avait annoncé, en août dernier, que le Gouvernement n'appliquerait pas cette mesure. C'est pourquoi nous vous proposons, par cet amendement, de supprimer les dispositions relatives à l'encadrement des loyers et à la création d'un observatoire des loyers, qui se révèlent inapplicables.
Le dispositif d'encadrement des loyers doit faire l'objet d'une expérimentation à Paris ainsi que dans certaines villes volontaires, notamment à Lille. Il est donc absolument inopportun de proposer sa suppression. Avis défavorable.
Ce sujet fait l'objet d'une approche très politique : certains sont pour, d'autres sont contre. Quoi qu'il en soit, l'encadrement des loyers ne peut être la cause des difficultés du secteur du logement et de la construction puisqu'il n'a pas encore été mis en oeuvre. Vouloir le supprimer avant d'avoir pu commencer à l'évaluer procède d'une démarche quelque peu dogmatique. Avis défavorable.
La Commission rejette l'amendement SPE241.
Elle en vient à l'amendement SPE283 de M. Christophe Caresche.
Le Gouvernement avait prévu, dans le cadre de la loi ALUR, que le PLU serait transféré à l'échelon intercommunal pour les communautés de communes et pour les communautés d'agglomération, mais le Sénat s'y était opposé. Je propose, par cet amendement, d'offrir la possibilité de créer un PLU intercommunal aux seules communautés d'agglomération, dans l'espoir que le Sénat fasse preuve de davantage de compréhension.
Il ne me paraît pas nécessaire de remettre en cause l'équilibre qui a été trouvé. En effet, la loi ALUR a prévu un transfert de la compétence en matière d'urbanisme à toutes les communautés d'agglomération et à toutes les communautés de communes en 2017, sauf opposition d'au moins 25 % des communes représentant au moins 20 % de la population. Quant aux communautés urbaines et aux métropoles, elles sont déjà compétentes en matière d'urbanisme. Le débat a donc été tranché. Cette continuité dans l'interpellation est une manière de témoigner de sa constance, mais je ne crois pas qu'il soit opportun de revenir sur ce dispositif, même si l'on peut être favorable à la généralisation du PLU intercommunal.
J'ajoute que lors de l'examen du projet de loi ALUR, il avait été convenu que la différence réelle entre les communautés d'agglomération et les communautés de communes n'était pas suffisante pour justifier une distinction entre ces deux types d'EPCI. C'est pourquoi je suggère le retrait de cet amendement, qui est certes pertinent mais pas forcément opportun.
Je comprends l'ambition de M. Christophe Caresche, qui est partagée par beaucoup de celles et ceux qui ont participé au débat qui a eu lieu lors de l'examen du projet de loi ALUR. Mais un équilibre a été trouvé dans le cadre d'un compromis politique, et je doute, compte tenu du contexte, que l'on parvienne à l'améliorer. Par ailleurs, la loi de simplification de la vie des entreprises comporte une incitation supplémentaire pour les EPCI à se lancer sans attendre dans l'élaboration de PLUI, puisque, dans ce cas, les délais de caducité des POS sont repoussés jusqu'en 2020. J'ajoute que le transfert se fait progressivement. Je suggère donc que M. Christophe Caresche retire son amendement et que nous étudiions la possibilité de faire mieux une fois que certaines échéances seront passées.
Je vais retirer l'amendement, mais j'ai toujours pensé que l'Assemblée nationale avait commis une petite erreur en liant le sort des communautés de communes à celui des communautés d'agglomération. Je suis persuadé que si nous avions opté pour la solution que je propose aujourd'hui, le Sénat ne s'y serait pas forcément opposé.
L'amendement SPE283 est retiré.
Article 25 sexies (nouveau) : Habilitation à légiférer par ordonnance pour créer un bail réel solidaire.
La Commission examine l'amendement SPE1806 du Gouvernement.
La loi ALUR a créé les organismes de foncier solidaire, qui sont des organismes sans but lucratif ayant pour objet d'acquérir des terrains, notamment pour y réaliser des logements. Cet amendement tend à prévoir la création, par habilitation, d'un bail de longue durée adapté pour permettre à ces nouveaux organismes de mener des opérations d'accession sociale à la propriété selon un principe de dissociation de la propriété du sol et des logements. Ce bail réel solidaire avait fait l'objet, à l'époque, d'un amendement de Mme Audrey Linkenheld, mais il n'avait pu être déclaré recevable dans le cadre d'une habilitation à légiférer par ordonnance. Le Gouvernement reprend donc cette initiative à son compte.
Je remercie le Gouvernement d'avoir déposé cet amendement très attendu, qui apporte un complément très utile aux dispositions que nous avons votées dans le cadre de la loi ALUR en permettant la dissociation du foncier et du bâti.
Suivant l'avis favorable du rapporteur, la Commission adopte l'amendement SPE1806.
TITRE II
INVESTIR
Chapitre Ier
Investissement
Section 1 : faciliter les projets
Article 26 : Extension de l'autorisation unique en matière d'ICPE et habilitation à légiférer par voie d'ordonnance
La Commission est saisie de l'amendement SPE1414 de M. Denis Baupin.
S'agissant des éoliennes, les procédures d'instruction sont si complexes et si longues que le délai de construction d'une éolienne est aujourd'hui de huit ans en France, contre quatre en moyenne en Europe. La Cour des comptes a, du reste, souligné qu'au rythme actuel de développement des installations d'énergie renouvelable, notamment des éoliennes, nous ne serons pas capables de tenir les engagements du Grenelle de l'environnement et les objectifs inscrits dans le paquet climat-énergie. Afin de remédier à ce problème, l'ordonnance du 20 mars 2014 a créé une autorisation unique. Toutefois, le dispositif expérimental d'autorisation unique comporte encore une autorisation d'exploiter au titre des installations classées, un permis de construire au titre du code de l'urbanisme, une autorisation de défrichement au titre du code forestier, une dérogation à la réglementation des espèces protégées au titre de l'article L. 411-2 du code de l'environnement, des autorisations d'exploiter au titre de l'article L. 311-1 du code de l'énergie et une approbation des câbles au titre de l'article L. 323-11 du code de l'énergie. La simplification est donc très limitée. Nous proposons de l'amplifier, en retenant, pour cette autorisation, la procédure des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), qui regroupe l'ensemble de ces prescriptions. L'amendement permettrait ainsi d'alléger les procédures non seulement pour les porteurs de projets, mais aussi pour les services instructeurs de l'État, sans pour autant affaiblir la protection de l'environnement.
À titre personnel, je conviens que nous pourrions faire utilement quelques efforts supplémentaires en matière de simplification.
Monsieur Baupin, je ne peux que partager votre volonté de simplifier et d'accélérer, conformément à l'esprit de cet article, la réalisation de projets utiles à la collectivité. Toutefois, l'amendement proposé me semble contraire au droit communautaire. L'autorisation ICPE ne peut, en effet, dispenser de la dérogation à la réglementation des espèces protégées, la directive correspondante ayant été transposée dans le droit national aux articles L. 411-1 et suivants du code de l'environnement – et non aux articles réglementant les ICPE. Adopter un tel amendement reviendrait donc à introduire une insécurité juridique majeure pour les porteurs de projets. Néanmoins, l'expérimentation d'une autorisation unique ICPE permet d'ores et déjà de délivrer un acte unique, sur la base d'un dossier unique, à l'issue d'une procédure unique couvrant l'ensemble des législations environnementales auxquelles le projet est soumis. Il serait donc préférable d'étendre le mécanisme de l'autorisation unique, comme le prévoit d'ailleurs le projet de loi relatif à la transition énergétique pour les éoliennes. Le contenu du dossier et la procédure sont nécessairement adaptés pour tenir compte des enjeux des régimes ainsi intégrés qui ne peuvent être purement et simplement écartés.
Par ailleurs, je rappelle que l'expérimentation en cours peut permettre d'identifier d'autres pistes de simplification possibles sans régression du droit de l'environnement. Je vous propose donc que l'on intègre votre préoccupation dans le cadre de l'ordonnance prévue au II de l'article 26, et je vous invite à retirer votre amendement, non sans avoir rappelé que les ordonnances feront l'objet d'une discussion devant les commissions compétentes avant leur signature par le Président de la République.
Les observateurs pourront s'étonner de ce débat à front renversé. Je crois que nous sommes tous d'accord pour accroître la simplification des procédures sans abaisser le niveau d'exigence environnementale. Or, paradoxalement, en adoptant cet amendement, nous en prendrions le risque. Il me semble donc que Denis Baupin devrait, comme le suggère le ministre, le retirer afin que nous puissions l'intégrer dans la démarche globale de l'ordonnance.
Je suis loin d'être convaincu par les arguments qu'on m'oppose. Cela fait des années que l'on réfléchit à la simplification des procédures applicables aux éoliennes. Le problème juridique posé par la directive a peut-être échappé aux personnes qui ont travaillé sur ce sujet, mais que l'on ne nous dise pas que cette proposition nuirait à la protection de l'environnement. Quoi qu'il en soit, je vais retirer l'amendement, mais je le déposerai de nouveau en séance publique. Certes, l'extension de l'expérimentation de l'autorisation unique pour les éoliennes à l'ensemble du territoire prévue par le projet de loi relatif à la transition énergétique est une bonne chose, mais nous souhaiterions simplifier encore les choses. Tout le monde y gagnerait.
L'amendement SPE1414 est retiré.
La Commission adopte l'amendement rédactionnel SPE469 des rapporteurs.
Puis elle examine l'amendement SPE1413 de M. Denis Baupin.
Avis défavorable. Le projet de loi relatif à la transition énergétique a été amendé en ce sens dans son article 38 ter ; il étend déjà à l'ensemble du territoire l'autorisation unique ICPE pour les installations énergétiques que sont les parcs éoliens et les installations de méthanisation, qui contribuent à la transition énergétique. Il convient de distinguer, d'une part, les projets d'intérêt économique majeur qui sont des ICPE et qui pourront, grâce à la présente loi, être soumis à une autorisation unique et, d'autre part, les installations énergétiques qui sont également des ICPE et qui se verront, au travers de la future loi relative à la transition énergétique, délivrer une autorisation unique. Ces deux dispositions sont complémentaires, les sujets énergétiques étant traités dans le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte. L'amendement est donc quasiment satisfait.
Cet amendement aboutirait à imposer une double condition, puisque le projet devrait présenter un intérêt majeur non seulement, comme le prévoit le texte, pour l'activité économique – en termes de valeur ajoutée, de création d'emplois et de développement du territoire – mais aussi pour la transition énergétique. Or, ces deux conditions ne sont pas forcément liées, même si, aujourd'hui, les grands projets sont conçus, par nature et par obligation légale, dans un esprit de développement durable. Imposer cette double condition pourrait freiner la réalisation de certains grands projets. Je suis donc défavorable à l'amendement.
Je ne suis pas du tout convaincu par vos arguments, monsieur le ministre. Tout d'abord, la transition énergétique ne se limite pas aux éoliennes et à la méthanisation visées par le projet de loi relatif à la transition énergétique. Par ailleurs, on ne peut pas considérer, monsieur le rapporteur thématique, que tous les projets qui pourraient entrer dans le champ de cet article contribueront au développement durable. Ce serait formidable, mais je crains que ce ne soit pas le cas, comme en témoignent certains dossiers en cours d'arbitrage auprès de la ministre de l'environnement. Il est donc préférable de le préciser dans le texte. Il serait, en effet, dommage d'encourager des projets qui vont à l'encontre du développement durable, en particulier l'année où la France organise la conférence sur le climat.
Préciser que les projets d'intérêt économique majeur visés à l'article 26 doivent favoriser la transition énergétique ne fait que renforcer la cohérence de ce texte avec le projet de loi relatif à la transition énergétique que nous avons voté à une large majorité ainsi qu'avec les objectifs de la COP21.
Aussi vrai que la transition énergétique ne se réduit pas à la méthanisation et au parc éolien, l'économie ne se réduit pas à la transition énergétique. C'est – hélas ! – la réalité, et il faut bien la prendre en compte. Si votre amendement traduit une démarche positive, il fallait le déposer à l'article 38 ter du projet de loi relatif à la transition énergétique pour compléter la liste concernée. Si, en revanche, il traduit une approche restrictive, je dois vous dire qu'il n'est pas conforme à l'esprit du texte, car il surconditionnerait le recours à l'autorisation unique. Même si, de manière générale, nous privilégions la transition énergétique, il est possible qu'une usine ne corresponde pas à ses critères : certaines ont d'ailleurs été rouvertes et ses salariés sont heureux d'y travailler. Je suis tout à fait disposé à ce que l'on facilite la construction de certains projets cohérents avec la transition énergétique, mais je suis défavorable à votre amendement, qui réduirait le champ de l'article 26.
Je récuse l'affirmation selon laquelle notre démarche n'est pas positive. Ce n'est pas parce que nous n'avons pas proposé, lors de l'examen du projet de loi relatif à la transition énergétique, d'étendre le régime d'autorisation unique ICPE à tous les dispositifs de transition énergétique que nous n'étions pas dans un état d'esprit positif. Ce qualificatif me paraît déplacé.
La Commission rejette l'amendement SPE1413.
Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels SPE470, SPE524, SPE527, SPE529 et SPE528 des rapporteurs.
L'amendement SPE648 de M. Christophe Caresche est retiré.
La Commission en vient à l'amendement SPE1573 des rapporteurs.
Cet amendement important vise à rappeler la nécessité d'associer le Conseil national de la transition écologique (CNTE) à l'élaboration des ordonnances.
Il s'agit, en effet, d'un amendement important. Comme la ministre de l'écologie et moi-même nous y étions engagés, le CNTE sera associé à l'élaboration des ordonnances. Avis favorable.
J'approuve entièrement la réponse que M. le ministre a faite à Denis Baupin. Il convient de ne pas trop charger la barque en matière de protection de l'environnement, car, aujourd'hui, ce n'est pas l'environnement qui se dégrade mais notre économie de production. Vous ne voudriez pas, monsieur Baupin, que le prochain texte de M. Macron s'intitule Décroissance et inactivité !
Par cet amendement, le rapporteur essaie de limiter les dégâts du projet de loi, voire d'en assurer le service après-vente. Bien entendu, nous ne pouvons qu'approuver l'association du CNTE à l'élaboration des ordonnances, mais il faut bien savoir que celui-ci n'aura qu'un rôle consultatif. Bref, on nous demande de signer un chèque en blanc au Gouvernement. Vous comprendrez que les défenseurs de l'environnement, compte tenu des projets actuels, qui font parfois l'objet de conflits violents, ne puissent pas se contenter de telles mesures.
La Commission adopte l'amendement SPE1573.
Puis elle adopte l'article 26 modifié.
Article 27 : Extension du mécanisme du certificat de projet à la région d'Île-de-France
La Commission est saisie de l'amendement SPE1415 de M. Denis Baupin.
L'article 27 vise à étendre l'expérimentation du certificat de projet à la région d'Île-de-France pour les projets présentant un intérêt majeur pour l'activité économique. Par cet amendement, nous proposons, là encore, d'ajouter qu'ils doivent également présenter un intérêt majeur pour la transition énergétique.
Ainsi que je l'ai indiqué tout à l'heure, un tel amendement apporterait une restriction qui n'est pas conforme à l'esprit du texte. Encore une fois, nous partageons l'ambition que représente la transition énergétique, mais limiter l'extension de l'expérimentation du certificat de projet aux projets qui y contribuent pourrait conduire à exclure des projets d'intérêt économique majeur.
Il est important de réaffirmer l'esprit du développement durable, dont la première composante est l'efficacité économique ; l'équité sociale et les qualités environnementales trouvent notamment des supports dans les règles d'urbanisme. Il n'est pas nécessaire de limiter l'objet de cet article.
Je suis stupéfait par la relecture qui est faite de la notion de développement durable, qui viserait en priorité le développement économique. Certes, celui-ci en fait partie, mais comment peut-on affirmer qu'il passe avant la protection de l'environnement et les valeurs sociales ?
Le sujet mérite une discussion sérieuse. Je suis un peu gêné que l'on fasse systématiquement référence à la transition énergétique. Néanmoins, l'article 1er de la loi relative à la création de la Banque publique d'investissement (BPI) a été amendé pour qu'il soit précisé que celle-ci est la banque de la transition écologique et énergétique. Il est, en effet, extrêmement important que l'on relève le défi de la mutation de notre appareil productif, et je souhaiterais que cette ambition soit traduite dans ce texte qui fera date. Cela passe-t-il par des références continues et absconses à la transition énergétique ? Je ne sais pas. Quoi qu'il en soit, passer d'une économie grise à une économie verte, cela signifie assumer un modèle de développement qui crée de nouveaux emplois.
Je veux rassurer M. Baupin. Il ne s'agit pas pour moi d'affirmer le primat de l'économie sur la transition énergétique ; les deux notions doivent être en cohérence l'une avec l'autre. Si, dans le projet de loi relatif à la transition énergétique, on avait précisé que chaque projet devait présenter un intérêt économique, on aurait réduit la portée du texte – car il y a de bons projets de transition énergétique dont la rentabilité économique n'est pas assurée. C'est la complémentarité de ces approches que nous défendons : il s'agit de deux priorités de même rang, dont je suis convaincu non seulement qu'elles sont compatibles, mais qu'elles se renforcent l'une l'autre. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le Gouvernement vous a présenté le projet de loi relatif à la transition énergétique et le présent texte de manière presque simultanée. Cependant, les ambitions de l'un ne doivent pas interférer dans la rédaction de l'autre, sous peine d'en restreindre la portée et de nous faire manquer l'objectif. On marche toujours mieux sur deux jambes, avec des chaussures dont les lacets ne sont pas ficelés entre eux. Il faut donc garder à chacun de ces deux textes sa cohérence.
La Commission rejette l'amendement SPE1415.
Puis elle adopte l'article 27 sans modification.
Membres présents ou excusés
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi pour la croissance et l'activité
Réunion du jeudi 15 janvier 2015 à 22 heures
Présents. - M. Luc Belot, Mme Michèle Bonneton, Mme Brigitte Bourguignon, M. Jean-Louis Bricout, M. Jean-Jacques Bridey, M. François Brottes, M. Christophe Caresche, M. Olivier Carré, M. Christophe Castaner, M. Jean-Yves Caullet, Mme Corinne Erhel, Mme Sophie Errante, M. Richard Ferrand, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Joël Giraud, M. Jean Grellier, M. Patrick Hetzel, Mme Bernadette Laclais, M. Jean-Luc Laurent, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Arnaud Leroy, Mme Audrey Linkenheld, M. Gilles Lurton, Mme Sandrine Mazetier, Mme Elisabeth Pochon, M. Denys Robiliard, M. Jean-Louis Roumegas, M. Gilles Savary, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Jean-Marie Tetart, M. Alain Tourret, M. Stéphane Travert, Mme Cécile Untermaier, Mme Clotilde Valter, M. Francis Vercamer, M. Philippe Vigier, M. Philippe Vitel
Assistaient également à la réunion. - M. Denis Baupin, Mme Cécile Duflot