Intervention de Richard Ferrand

Réunion du 15 janvier 2015 à 15h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi pour la croissance et l'activité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRichard Ferrand, rapporteur général :

Nous avons tous les deux eu l'occasion d'exprimer –Cécile Untermaier dans son rapport d'information, moi-même dans un rapport remis au Premier ministre – combien il nous paraissait inutile d'envisager de créer cette profession d'avocat en entreprise.

Ce statut pourrait en effet interdire aux professionnels concernés de développer une clientèle personnelle et de plaider pour le compte de leur employeur, de sorte que la profession d'avocat s'exercerait à deux vitesses : d'un côté, l'avocat classique pourrait plaider pour le client qui le rémunère ; de l'autre, l'avocat en entreprise serait en quelque sorte un avocat hybride qui ne pourrait défendre les intérêts de l'entreprise qui le salarie devant les juridictions où la représentation par avocat est obligatoire.

Par ailleurs, et surtout, le lien de subordination inhérent au contrat de travail apparaît à vos rapporteurs comme incompatible avec l'indépendance qui constitue en quelque sorte l'« ADN » de la profession d'avocat. Preuve en est le serment que prête l'avocat avant de pouvoir exercer, qui énonce : « Je jure, comme avocat, d'exercer mes fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité. »

Comme je l'avais noté de mon rapport sur les professions réglementées, « cette indépendance est en effet consubstantielle à la profession d'avocat qui nécessite fondamentalement, pour garantir les droits de la défense, une absence de lien de subordination. Or le statut de salariat en entreprise induit cette subordination vis-à-vis de l'employeur qui n'est pas membre de la profession, à la différence de l'avocat salarié. Les avocats eux-mêmes admettent le lien de subordination de leurs confrères salariés, en arguant que la communauté de déontologie amoindrirait, d'une certaine manière, le lien de subordination ».

Nous rappelons en outre que l'existence d'un lien de subordination avec un employeur qui ne serait pas lui-même avocat a conduit la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) à refuser de reconnaître, pour les seules procédures européennes, un caractère confidentiel aux correspondances entre l'avocat en entreprise et son employeur. La jurisprudence est constante à cet égard.

Si la position adoptée par la CJUE ne lie pas les juridictions nationales, nous estimons toutefois que les arguments développés par le juge européen, qui tendent à établir une incompatibilité entre la subordination à un employeur non-avocat et l'indépendance exigée par l'exercice des droits de la défense, méritent d'être pris en considération.

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