La commission poursuit l'examen du projet de loi pour la croissance et l'activité (n° 2447) (M. Richard Ferrand, rapporteur général, MM. Christophe Castaner, Laurent Grandguillaume, Denys Robiliard, Gilles Savary, Alain Tourret, Stéphane Travert, et Mmes Cécile Untermaier et Clotilde Valter, rapporteurs thématiques).
Article 20 : Création d'une profession de commissaire de justice, aménagements des voies d'accès aux professions d'administrateur et de mandataires judiciaires ainsi que de greffier des tribunaux de commerce
La Commission examine les amendements identiques SPE15 de M. Patrick Hetzel et SPE 187 de M. Philippe Houillon, qui tendent à supprimer l'article.
L'amendement SPE15 tend à supprimer l'article 20, qui vise à autoriser le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance des mesures relatives aux professions d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire.
Monsieur le ministre, le Gouvernement pourrait-il communiquer au Parlement les textes des ordonnances pour chaque article concerné ?
Monsieur le ministre, vous vous étiez engagé à nous communiquer les textes des ordonnances, dont la rédaction était, pour la plupart, nous aviez-vous assurés, achevée. Je vous demande donc de nouveau de communiquer au Parlement les ordonnances qui sont déjà rédigées.
Je m'associe évidemment à Patrick Hetzel pour souligner qu'il n'est pas nécessaire de recourir aux ordonnances sur des sujets de cette nature.
Il ne nous est pas possible à l'article 20, contrairement à l'article 19, d'intégrer dans le projet de loi les dispositions que nous prévoyons de prendre par ordonnance, car la rédaction n'en est pas prête : c'est pourquoi le Gouvernement maintient à l'article 20 sa demande d'habilitation, qu'il précisera sur deux ou trois points.
Il s'agit bien d'aménager les voies d'accès aux professions d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire, de créer une profession de l'exécution en regroupant progressivement celles d'huissier de justice, de mandataire de justice et de commissaire-priseur judiciaire, de modifier le régime juridique des ventes judiciaires de meubles et d'organiser les concours de recrutement des greffiers de tribunaux de commerce.
Le Gouvernement a déposé plusieurs amendements pour préciser la nature de ces dispositions.
Je le répète : si les ordonnances étaient prêtes, leur rédaction, comme à l'article 19, aurait été intégrée au projet de loi. Tel n'est malheureusement pas le cas. Je peux toutefois vous en présenter les grandes lignes.
L'amendement du Gouvernement SPE1802 vise à soumettre au débat parlementaire les dispositions initialement prévues au premier alinéa.
L'amendement SPE1551 vise à supprimer le quatrième alinéa, qui concerne les ventes judiciaires de meubles.
Le Gouvernement ne peut en revanche intégrer dans le projet de loi les mesures envisagées au troisième alinéa, relatif à la profession de commissaire de justice, et au cinquième alinéa, relatif au concours de recrutement des greffiers de tribunaux de commerce, du fait que ces mesures soulèvent toujours des questions d'ordre technique sur lesquelles le Gouvernement poursuit ses travaux.
L'objectif est de rationaliser ces professions aux missions proches et complémentaires. La question a été évoquée ce matin : en Alsace et Moselle, les huissiers et les commissaires-priseurs judiciaires constituent d'ores et déjà une même profession. Dans la pratique, en un grand nombre de points du territoire, les huissiers assurent déjà les missions des commissaires-priseurs judiciaires. Le maillage territorial est donc à l'heure actuelle déjà défaillant, du fait que les commissaires-priseurs judiciaires se sont progressivement concentrés dans les grandes villes et les métropoles et ont souvent délégué leurs tâches aux huissiers.
L'objectif de cette demande d'habilitation est de poursuivre les travaux techniques et de prévoir un délai raisonnable pour réaliser la convergence de ces professions.
Je vous renvoie aux amendements du Gouvernement qui précisent ses intentions.
En conséquence, j'émets un avis défavorable aux amendements de suppression.
La fusion de ces professions n'est pas sans nous interroger.
En effet, alors que la première mission des mandataires judiciaires est d'arrêter l'exécution, ils seront fusionnés à des professionnels qui ont, eux, pour mission d'assurer l'exécution. Les missions de ces professions étant incompatibles, il n'est pas possible de fusionner l'ensemble de leurs responsabilités.
La Commission rejette les amendements SPE15 et SPE187.
Elle examine ensuite les amendements identiques SPE180 de M. Philippe Houillon et SPE369 de M. Patrick Hetzel.
Je voudrais profiter de la défense de l'amendement pour engager la discussion sur l'amendement SPE1915 du Gouvernement.
Je confirme le retrait de l'amendement SPE1915 au profit de l'amendement SPE1802.
Avis défavorable aux amendements identiques SPE180 et SPE369.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure thématique, la Commission rejette les amendements SPE180 et SPE369.
L'amendement SPE1915 du Gouvernement est retiré.
Puis la Commission examine l'amendement SPE1802 du Gouvernement.
Initialement, le premier alinéa de l'article 20 habilitait le Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi pour diversifier et aménager les voies d'accès aux professions d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire.
Le texte étant abouti, il y a lieu de le soumettre au débat parlementaire. C'est ce que fait l'amendement SPE1802, qui vise à remplacer le premier alinéa par les dispositions suivantes : créer une nouvelle voie d'accès universitaire à ces deux professions en prévoyant la mise en place d'un nouveau « diplôme de master en administration et liquidation d'entreprises en difficulté » et instaurer des dispenses de droit pour les personnes remplissant certaines conditions de compétences et d'expérience professionnelle.
Cet amendement me surprend pour deux raisons.
Il prévoit tout d'abord la création d'un master spécifique, ce qui risque de créer une discrimination par rapport aux titulaires d'autres masters juridiques.
De plus, ce master sera créé par voie réglementaire par le ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche, ce qui va à l'encontre de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, qui fait de la création de diplômes une prérogative des établissements eux-mêmes, diplômes que le ministère ne fait qu'habiliter dans un second temps. L'amendement témoigne donc d'une votre conception très « administrée ». C'est un ancien directeur général de l'enseignement supérieur qui vous le dit : cela fait belle lurette qu'on ne procède plus de cette manière !
Enfin, le Conseil national du droit (CND), placé sous la double autorité du garde des Sceaux et du ministre chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche, a-t-il été consulté sur cette question qui fait pleinement partie de ses prérogatives ? Le ministère chargé de l'enseignement supérieur s'était d'ailleurs engagé à ne pas procéder à des habilitations de formation avant un échange nourri avec le CND.
Lors de votre audition préalable à l'examen du texte, monsieur le ministre, vous aviez déclaré que vous communiqueriez au Parlement l'intégralité des projets d'ordonnance. Or vous venez de souligner que vous avez décidé, comme à l'article 19, d'intégrer directement dans le projet de loi les textes des ordonnances lorsque leur rédaction est achevée.
Est-ce à dire que votre promesse de nous communiquer les projets d'ordonnance ne reflétait pas réellement vos intentions ?
Le Gouvernement s'engage-t-il de manière formelle à solliciter les professions concernées avant la publication du décret en Conseil d'État mentionné au sixième alinéa de l'amendement et fixant les conditions de compétence et d'expérience professionnelle donnant droit à une dispense de l'examen d'accès au stage professionnel ?
La création de ce nouveau diplôme supprimera-t-elle la possibilité pour le parquet de nommer une personne non inscrite – un expert-comptable par exemple – pour certaines missions de mandataire judiciaire ?
Monsieur Huyghe, comme je l'ai déjà souligné, chaque fois qu'un projet d'ordonnance était prêt, il a été introduit dans le texte.
Lorsque, compte tenu de la complexité de la matière, l'ordonnance n'était pas prête, nous n'avons pas proposé son intégration au texte. En revanche, le Gouvernement propose une rédaction permettant de clarifier l'habilitation. C'est dans cet esprit de transparence que nous avons proposé d'introduire dans l'article 20 certaines dispositions déjà abouties.
Le mieux étant perçu comme l'ennemi du bien, votre remarque, monsieur Huyghe, pourrait me conduire à laisser en l'état la rédaction initiale du texte... Telle n'est pas mon intention.
Monsieur Hetzel, le Conseil national du droit a été consulté : il nous a écrit qu'il était d'accord. Je suis prêt à amender en séance le texte s'il pose des problèmes d'ordre juridique, notamment avec le ministère chargé de l'enseignement supérieur.
Il s'agit d'inscrire les administrateurs ou les mandataires judiciaires dans la même démarche que celle que nous avons déjà prévue notamment pour les notaires : créer une formation universitaire s'inscrivant non pas de manière exclusive mais en complément des formations existantes. Quant au renvoi au décret fixant les conditions de compétence à l'accès à la profession, il reflète une ouverture.
Je le répète : la création de cette formation ne supprime pas les voies déjà existantes. Il s'agit d'une disposition d'harmonisation, notamment avec le notariat, et de clarification.
Enfin, le Gouvernement s'engage à consulter les différents professionnels concernés.
À ma connaissance, seules deux formations universitaires sont à l'heure actuelle consacrées au droit des entreprises en difficulté, celle de M. François-Xavier Lucas, professeur à l'université de Paris-I Panthéon-Sorbonne, et celle de M. Pierre-Michel Le Corre, professeur à l'université de Nice-Sophia Antipolis. Le diplôme de master en administration et liquidation d'entreprises en difficulté que vous envisagez de créer correspondra-t-il à ces formations actuellement dispensées par des éminences dans le droit des entreprises en difficulté ?
L'amendement prévoit par ailleurs une possibilité de dispense, totale ou partielle, des obligations de stage et de passage de l'examen d'aptitude pour l'accès à ces fonctions, lorsque seront remplies des conditions de compétence et d'expérience professionnelle fixées par décret en Conseil d'État. Pouvez-vous nous apporter quelques précisions sur le contenu de ce décret ?
Nous considérons évidemment comme des modèles ces deux formations que vous avez évoquées. Il n'existe donc aucun risque de retour en arrière.
En ce qui concerne les conditions de compétence, elles seront celles qui président à l'heure actuelle au choix de ces professionnels par la chancellerie. Le décret ne fera que clarifier l'existant, s'agissant notamment des salariés qui auront accès à ces professions.
La Commission adopte l'amendement SPE1802.
En conséquence, les amendements identiques SPE181 de M. Philippe Houillon et SPE370 de M. Patrick Hetzel, ainsi que les amendements identiques SPE372 de M. Patrick Hetzel et SPE1467 de M. Jean-Pierre Decool, tombent.
La Commission passe à l'examen des amendements identiques SPE183 de M. Philippe Houillon et SPE374 de M. Patrick Hetzel.
Si j'avais pu défendre l'amendement SPE181, j'aurais invité le Gouvernement à nous assurer que l'article apporte des garanties en matière de compétence et d'indépendance dans l'élaboration du décret.
L'amendement SPE183 porte sur la question de l'indemnisation des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires qui subiront un préjudice à la suite de la réforme de leur statut prévu à l'article 20, s'agissant notamment de la valorisation de leur activité.
Le Parlement souhaiterait être informé, par voie de rapport, de la manière dont ces professionnels seront indemnisés. Je sais, monsieur le président, que cette voie est devenue une forme de coutume, cet « amendement bibliothèque » venant s'ajouter à une collection déjà bien fournie.
Ces amendements visent à compléter l'habilitation qui était prévue au premier alinéa de l'article 20.
Or, l'amendement SPE1802 du Gouvernement intégrant directement les mesures envisagées, l'habilitation est devenue sans objet sur ce point.
Comme il ne s'agit pas de modifier le statut des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires mais les conditions de leur formation initiale, il est exclu que ces professionnels subissent de ce fait un préjudice, a fortiori un « préjudice anormal et spécial ». Il est inutile de rappeler les jurisprudences du Conseil d'État en la matière.
C'est la raison pour laquelle je vous invite à retirer ces deux amendements.
Il est, comme l'a souligné M. le ministre, difficilement concevable que les administrateurs judiciaires et les mandataires judiciaires, qui ne sont pas des officiers publics ou ministériels et ne possèdent donc pas de charge, et qui ont, en outre, une compétence nationale leur permettant de déployer leur activité sur l'ensemble du territoire, soient indemnisés du seul fait de la création d'un nouveau diplôme d'accès à la profession qui ne remet pas en question le statut des professionnels en place.
Je tiens à ajouter que l'augmentation du nombre de ces professionnels est une nécessité au regard de la multiplication des procédures collectives constatée ces dernières années. C'est également un moyen d'ouverture aux jeunes qui souhaitent exercer cette profession : or celle-ci leur est difficilement accessible en raison de la nécessité d'effectuer un stage d'au moins trois ans au sein d'une étude d'administrateur ou de mandataire. Actuellement, 425 professionnels – 119 administrateurs judiciaires et 306 mandataires judiciaires – traitent chaque année 60 000 procédures. Ils étaient 437 en 2005, avant la crise économique et financière. La mission d'information sur le rôle de la justice en matière commerciale a permis de constater que cette profession se trouve objectivement dans un état de sous-effectif. La mise en place de ce dispositif universitaire me paraît donc une excellente solution.
Je vous remercie, madame la rapporteure thématique, de m'avoir fourni toutes les raisons de maintenir mon amendement.
Vous avez en effet confirmé que cette disposition de l'article 20 a bien pour objectif de faciliter l'accès, notamment des jeunes, à la profession et donc de créer des offices supplémentaires pour la même activité sur le territoire national, sans limitation de compétence territoriale. La mesure aura donc bien un impact sur l'activité des études existantes.
Les représentants de la profession d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire que j'ai auditionnés au mois d'octobre dernier demandent eux-mêmes que l'accès au salariat soit ouvert afin de pouvoir recruter pour faire face à leurs obligations. Le nombre des études existantes n'est pas suffisant si on le rapporte à celui des procédures collectives et à l'évolution de celui-ci. De plus, la trop longue durée des procédures est préjudiciable à l'activité économique. Il faut donc créer des voies nouvelles de formation permettant d'accéder à ces formations.
Ce dispositif permettra de combler une carence objective, reconnue par les professionnels eux-mêmes.
L'accès aux fonctions de mandataire judiciaire se fait par voie de concours. Or c'est un arrêté gouvernemental qui décide de la tenue d'un concours et les décisions d'ouverture sont très rares.
Il y a plusieurs moyens de limiter l'accès à des professions : soit en ne prévoyant pas de formation, soit en n'ouvrant pas de concours…
C'est la raison pour laquelle le texte aborde le sujet.
La Commission rejette les amendements SPE183 et SPE374.
La Commission examine ensuite les amendements identiques SPE379 de M. Patrick Hetzel, SPE562 de Mme Laure de La Raudière et SPE630 de M. Gérard Cherpion.
En l'état actuel des choses, la création de la profession de commissaire de justice semble inconciliable avec les exigences européennes des directives « services » et « reconnaissance des qualifications professionnelles ».
La démarche européenne impose de raisonner, non en termes d'opérateur mais en prenant en considération les caractéristiques de l'activité exercée, en l'espèce l'exécution qui est un concept très théorique.
Pouvez-vous nous indiquer ce qu'il est en est par rapport à cette directive européenne, car, tels qu'ils sont rédigés, les alinéas 2 à 4 posent problème ?
Les alinéas 2 à 4 présentent un vice de forme : un projet de loi d'habilitation doit justifier le recours aux ordonnances et indiquer précisément la finalité et le domaine des ordonnances à venir. Les termes utilisés sont flous. En outre, ce n'est pas le regroupement des professions qui diminuera les coûts puisque les actes sont tarifés.
L'alinéa 3 est relatif à la nouvelle profession de commissaire de justice. Au vu de la similitude et de la complémentarité des missions confiées aux commissaires-priseurs judiciaires, aux huissiers de justice et aux mandataires judiciaires, il est proposé de rationaliser l'organisation actuelle.
Je ne reviendrai pas sur la discussion de ce matin ni sur la proximité de fait entre ces professions. En effet, en certains endroits du territoire, les missions des uns sont accomplies par les autres. Pour être plus précis, les missions des commissaires-priseurs judiciaires sont accomplies par les huissiers.
À court terme, les professionnels continueront d'exercer leur métier comme aujourd'hui et ils pourront bénéficier de passerelles élargies pour accéder aux fonctions qui relèvent jusqu'à présent d'une profession distincte. À long terme, il est proposé que la profession de commissaire de justice regroupe des généralistes et des spécialistes avec des missions communes ou complémentaires aux trois professions.
La directive vise des critères d'activité, de déontologie, et non des professions spécifiques. Le rapprochement envisagé ici n'est donc pas incompatible avec cette directive, telle qu'elle est rédigée actuellement. C'est pourquoi la pratique n'y contrevient pas, ni le droit alsacien et mosellan.
Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
Monsieur le ministre, vous venez de parler de la similitude et de la complémentarité des missions confiées aux commissaires-priseurs judiciaires, aux huissiers de justice et aux mandataires judiciaires. Mais même si une partie des fonctions des commissaires-priseurs sont de droit effectuées des huissiers, j'ai l'impression qu'il s'agit plutôt d'une fusion-absorption. Ne risque-t-on pas de perdre la spécificité du métier exercé ?
Vous parlez de similitude ; c'est passer rapidement sur le fait qu'ils pratiquent en matière de nombre et de qualité professionnelle des choses différentes.
L'alinéa 4 traite de l'activité de ventes judiciaires de meubles. J'aimerais avoir la certitude que les ventes d'immeubles sont hors du champ de la réforme.
Monsieur le ministre, vous faites état d'une convergence entre ces trois métiers. Or ceux d'entre nous qui ont assisté aux auditions ont pu voir à quel point les professionnels de ces trois métiers étaient opposés à la création de la profession de commissaire de justice.
Vous indiquez qu'il y aura des passerelles. Mais les niveaux de qualification et les métiers exercés ne sont pas les mêmes. Aussi, je ne vois pas comment on arrivera à harmoniser ces métiers dans le temps pour n'en faire plus qu'un seul.
Le métier d'huissier n'a strictement rien à voir avec celui de mandataire. Il peut même y avoir des conflits d'intérêts – c'est la profession elle-même qui le dit, ainsi que ceux qui connaissent bien ces problèmes de droit. Vous allez donc un peu vite en besogne.
Pour notre part, nous sommes plutôt pour une solution raisonnable et intermédiaire. Ces professionnels pourraient travailler au sein d'une société d'exercice libéral dans laquelle chacun des métiers serait représenté, comme cela se pratique dans le domaine médical. Ils apporteraient à une même société des éléments administratifs, techniques, immatériels, ce qui les encouragerait, les soutiendrait au quotidien dans la réalisation de leur activité, et leur donnerait certainement la possibilité d'atteindre une masse critique. Ils mettraient donc en commun des compétences complémentaires, mais ce ne sont en aucun cas les mêmes métiers.
Je ne comprends pas votre volonté de faire une seule profession. Il nous faut un débat de fond sur ce point, sinon nous allons dans le mur.
Ce matin, Jean-Yves Le Bouillonnec a rappelé qu'en matière de vente aux enchères de meubles il y avait un chevauchement de compétences entre les commissaires-priseurs judiciaires et les huissiers de justice. C'est d'ailleurs un chevauchement imparfait puisque, sauf erreur de ma part, les huissiers de justice ne peuvent procéder à des ventes que hors circonscription des commissaires-priseurs.
Je pense que l'activité d'un mandataire judiciaire est très différente de celle d'un huissier de justice et d'un commissaire-priseur. Il y a un risque majeur de conflit d'intérêts entre l'huissier et le mandataire judiciaire : les huissiers représentent les intérêts des créanciers et ils exécutent, tandis que les mandataires sont là principalement, dans les procédures simplifiées, pour gérer la société et retrouver un repreneur et pour la liquider. L'huissier de justice a intérêt à ce que ses mesures d'exécution fonctionnent et d'abord celles qu'il avait faites avant l'ouverture du redressement judiciaire. Quant au mandataire, son intérêt est d'exécuter au mieux, de façon objective et de répartir ensuite, en fonction de la règle dite de l'ordre, entre les différents créanciers. Il y a donc bien conflit d'intérêts.
L'huissier de justice va avoir à déclarer les créances des personnes qu'il représente. Or le mandataire judiciaire peut contester l'appréciation de ces créances. Un problème peut se poser dès lors que ces deux professions sont associées ou que le mandataire et l'huissier ne font plus qu'un.
Autre difficulté, je pense à ce que l'on appelle la période dite suspecte. Objectivement, le mandataire judiciaire a souvent intérêt à faire remonter la date de cessation des paiements – c'est à cette date, qui intervient au maximum dix-huit mois avant l'ouverture du redressement judiciaire, que démarre la période suspecte – et à faire annuler un certain nombre d'actes qui auront été passés pendant cette période. L'huissier qui a procédé à des mesures d'exécution, et obtenu parfois des paiements de façon un peu privilégiée, n'aura pas du tout intérêt à ce que la date de cessation des paiements soit avancée. Il y a donc bien objectivement un risque majeur de conflit d'intérêts et j'ai un peu de mal à comprendre pourquoi on les regroupe sous une même casquette et que l'on envisage qu'à terme la même personne puisse exercer les deux métiers.
Sans prendre parti dans le débat, je dirai que je suis sensible à la description du conflit d'intérêts que vous venez d'évoquer.
Monsieur le ministre, je suis en désaccord avec vous en ce qui concerne notamment le métier de mandataire judiciaire. Je vous rappelle la liste des missions exercées par un mandataire judiciaire : donner un avis sur la poursuite de la période d'observation en sauvegarde ou en redressement ; licencier et préparer les plans de sauvegarde de l'emploi – cela n'a rien à voir avec une fonction d'huissier – ; vérifier les créances salariales et assurer l'indemnisation des salariés ; agir en nullité de la période suspecte et en responsabilité pour insuffisance d'actifs ; traiter les actions de revendication et en restitution et éventuellement les plaider devant le juge commissaire ; vérifier les créances et plaider nombre de dossiers devant le juge commissaire ou le tribunal comme la vente de biens. Tout cela mérite que l'on réserve une attention particulière à cette fonction de mandataire judiciaire et que l'on ne l'assimile pas aux autres métiers.
Le risque de conflit d'intérêts me paraît le plus important. Ce serait un retour en arrière par rapport à l'objectif de la loi du 25 janvier 1985 qui avait scindé l'activité des syndics pour répartir leurs missions entre les professions d'administrateur judiciaire d'une part, et de mandataire judiciaire d'autre part.
Dans le cadre d'une liquidation d'entreprise, l'intérêt d'un mandataire judiciaire est de bien gérer la liquidation, alors que celui de l'huissier est que la créance soit recouvrée, ce qui peut être contradictoire. Je ne vois pas quel garde-fou pourrait venir anéantir ces conflits d'intérêts potentiels et nombreux.
L'huissier de justice exécute une décision. Il a un client, alors que le mandataire est là pour arrêter la procédure d'exécution et il n'a pas de client. Il est nommé par le tribunal. Il y a bien une différence très importante entre les deux professions et conflit d'intérêts.
Monsieur le ministre, c'est là que l'on aurait besoin de toute l'expertise de Mme la garde des Sceaux, car ce ne sont pas les mêmes métiers ! Je ne sais pas si vous êtes un spécialiste en cuisine, mais ce n'est pas parce qu'on a décidé de faire une ratatouille que l'on doit y incorporer n'importe quel légume ! C'est comme si on voulait qu'un peintre décorateur, un peintre en bâtiment et un artiste peintre exercent le même métier. Si ces trois professions comportent le même mot « peintre », il s'agit à chaque fois d'un métier différent.
Monsieur le ministre, je vais essayer de vous proposer une solution.
Si ces trois professions faisaient la même chose, il n'y aurait qu'un seul métier.
Ces trois métiers ont des points communs, mais aussi des différences.
Les huissiers de justice et les commissaires-priseurs font beaucoup de ventes, plus ou moins importantes. Ce matin, on vous a expliqué quel était le rôle de l'huissier en la matière. Qu'il y ait une fusion entre les deux professions me paraît parfaitement normal.
Reste le problème des mandataires, qui concerne essentiellement les entreprises en difficulté. Une confusion peut exister entre les huissiers de justice et les commissaires-priseurs d'une part, et les mandataires judiciaires d'autre part.
Il se trouve que, dans le cadre de ce projet de loi, je suis chargé plus particulièrement des entreprises en difficulté et que je dois intervenir dans la suite de la discussion, sur la question des mandataires judiciaires. Nous avons prévu que le président du tribunal de commerce désignera désormais deux administrateurs judiciaires et deux mandataires judiciaires lorsqu'une entreprise dépassant certains seuils à déterminer par décret sera amenée à déposer son bilan. On me répondra que le président du tribunal de commerce peut déjà le faire – sauf qu'en réalité il ne le fait pas.
Pour illustrer mon propos, je prendrai le cas de l'affaire de la Société nationale Corse Méditerranée (SNCM), où il faut licencier des centaines de personnes, organiser un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) et qui est confrontée à des problèmes très complexes de droit européen. Pourtant, un seul mandataire judiciaire a été désigné à la demande du procureur de la République. C'est pourquoi, lorsqu'on me dit qu'il faut se reporter à ce que va faire le procureur de la République, je réponds non. Dans tous les cas que j'ai dû traiter, et Philippe Vigier qui a participé à des auditions avec moi le sait bien, il n'y a pratiquement jamais eu de demande d'un second mandataire.
C'est presque la même chose pour les administrateurs judiciaires. Dans la circonscription de Coutances, une entreprise de 600 personnes spécialisée dans la découpe de viande de porc vient de déposer le bilan. Là encore, il n'y a eu qu'un administrateur judiciaire et un mandataire judiciaire alors qu'on avait la possibilité d'en désigner un second. De même, on avait la possibilité de demander une délocalisation, mais cela n'a pas été fait.
Dès lors que nous allons créer un appel d'air énorme pour les professions d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire, que nous allons créer des diplômes complexes, que nous n'allons pas demander la désignation de personnes identiques – il y aura un administrateur judiciaire spécialisé sur le plan local, régional, ou national, un mandataire, et un autre qui aura des compétences par exemple en matière agroalimentaire – chacun comprend que l'on peut désigner une seconde personne qui aura des compétences spécifiques sur une liste prédéterminée qui sera établie par le ministère de l'économie.
Cela coûtera-t-il plus cher ? Tous les renseignements que Philippe Vigier et moi-même avons pu collecter montrent que non. C'est exactement le même prix qui sera supporté par l'entreprise en difficulté. Cela constituera un appel d'air énorme pour ces professions, ce qui justifie qu'elles aient leur unité. Je ne vois pas comment, dans de telles affaires, on désignera un huissier de justice. Sinon, cela voudrait dire, s'agissant de la SNCM, qu'une même personne serait à la fois chargée de toutes les créances de l'entreprise en tant qu'huissier.
Monsieur le ministre, je pense que vous aurez été sensible à mon argumentation. Vous avez parfaitement raison de vouloir regrouper les huissiers de justice et les commissaires-priseurs, mais traitons différemment la profession qui regroupera à la fois les administrateurs et les mandataires judiciaires.
Il y a effectivement plusieurs fonctions, dont l'exercice ne peut pas être mélangé. Le fait de regrouper plusieurs métiers dans une profession unique ne veut pas dire nécessairement que les gens exerceront les deux métiers en même temps. Pour ma part, je considère que l'on aurait pu regrouper dans une interprofession les futurs commissaires de justice, mais en gardant leur métier et leur fonction bien distincts.
J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les propositions de Denys Robiliard et Alain Tourret ainsi que les arguments développés par les différents intervenants.
Regrouper plusieurs professions dans une même famille ne signifie pas nier les différences qui peuvent exister. J'ai bien compris qu'à moyen terme la situation demeurera inchangée pour les professionnels actuellement en exercice. C'est après une vaste concertation avec tous que vous jugerez s'il est opportun de repenser leurs missions et si cela constituera un gain d'efficacité supplémentaire pour notre vie économique – dans le respect, bien sûr, de la déontologie et des exigences éthiques et en évitant les conflits d'intérêts.
Les commissaires-priseurs judiciaires nous ont dit qu'il fallait réfléchir à une grande profession de l'expertise de la vente. Il est clair qu'un huissier de justice ce n'est pas simplement une personne avec un marteau, ce n'est pas comme cela qu'il devient commissaire-priseur. Ce que vous proposez permet de conserver le cadre actuel sur le court terme et de mener une réflexion pour parvenir à moyen terme à davantage d'efficacité collective.
Monsieur Taugourdeau, une ratatouille avec un oeuf, c'est une piperade ! Et nous allons essayer de la préparer ensemble ! (Sourires.)
À aucun moment le Gouvernement n'a parlé de fusion. Il s'agit de regrouper de manière progressive des professions sous une ombrelle commune, la profession de commissaire de justice, pour clarifier les chevauchements qui existent déjà et qui sont évidents entre huissier de justice et commissaire-priseur judiciaire.
Madame Bonneton, nous reviendrions sur la loi dite « Badinter » si nous proposions de supprimer la distinction entre administrateur judiciaire et mandataire judiciaire. Tel n'est pas l'objet de la présente réforme. Il n'y a donc aucune confusion sur ce sujet.
Je le répète, notre intention n'est pas de fusionner ces professions dans une profession unique mais de répondre à un problème qui a été constaté et qu'a rappelé Alain Tourret, à savoir qu'il y a dans nombre de territoires des situations de conflit d'intérêts ou des situations insatisfaisantes du fait du faible nombre de professionnels. Il s'agit donc d'ouvrir les capacités d'accès.
Actuellement, dans les procédures de liquidation judiciaire, il est explicitement indiqué qu'à aucun moment le tribunal de commerce ne peut avoir recours ni à un huissier de justice ni à un commissaire-priseur judiciaire. Notre objectif est bien de donner la possibilité au tribunal de commerce, à travers ce regroupement, d'avoir un tel recours et de mieux faire fonctionner la justice et plutôt de réduire les conflits d'intérêts.
Je suis très sensible à la discussion qui vient d'avoir lieu puisqu'elle va dans le sens de ce que le Gouvernement essayait de résoudre. Vous permettez de clarifier son intention.
Je vous propose, non de supprimer ces trois alinéas car nous perdrions beaucoup par rapport à l'ambition de la réforme, mais de regrouper les seules professions d'huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire dans la profession de commissaire de justice, excluant donc le mandataire judiciaire. Nous intégrerons le résultat auquel nous voulons parvenir à l'article 69, qui permettra d'étendre les règles d'accès de la liste dans le cadre de laquelle les tribunaux de commerce peuvent aller chercher les agents officiant. Cette solution permet de résoudre le problème que nous cherchions initialement à traiter sans créer des risques de conflits d'intérêts ou des confusions.
Le Gouvernement est donc défavorable aux amendements visant à supprimer les alinéas 2 à 4 de l'article 20.
La Commission rejette les amendements SPE379, SPE562 et SPE360.
La Commission adopte ensuite l'amendement rédactionnel SPE1763 des rapporteurs.
La Commission en vient aux amendements identiques SPE184 de M. Philippe Houillon, SPE376 de M. Patrick Hetzel et SPE793 de Mme Michèle Bonneton.
Monsieur le ministre, de même qu'il n'y a pas d'oeuf dans la piperade, le ministère de l'économie ne devrait pas intervenir de la manière dont il le fait sur la question des professions judiciaires.
Je comprends que l'on puisse considérer comme une bonne nouvelle la solution de repli que vous venez de proposer s'agissant de l'alinéa 3. J'observe que vous faites en sorte que votre proposition soit conforme à l'avis rendu par le Conseil d'État, celui-ci ayant indiqué qu'il ne voyait pas comment on pouvait décemment et raisonnablement incorporer les mandataires judiciaires dans cette nouvelle profession.
J'ai été sensible à l'intervention de Denys Robiliard qui a pointé les risques de conflits d'intérêts et l'impossibilité qu'il y aurait à réaliser de manière opérationnelle des missions de nature aussi différente en prenant exemple du mandataire judiciaire et de l'huissier. Pour autant, il y a aussi une différence très importante entre le métier de commissaire-priseur judiciaire et celui d'huissier de justice. Il ne faudrait pas écarter d'un revers de main le fait que ces différences substantielles demeurent entre ces deux activités. C'est la raison pour laquelle, tout en n'ayant pas bien compris l'utilité de regrouper d'une manière ou d'une autre ces trois professions qui ne seront plus que deux à être regroupées après la proposition du Gouvernement, je ne vois pas non plus comment on pourra gommer les disparités.
L'alinéa 3 prévoit que le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnance les mesures visant à la créer la profession de commissaire de justice. Vous comprendrez donc, monsieur le ministre, que nous avons besoin d'un maximum de précisions puisque nous n'aurons pas de prise sur cette ordonnance.
La fusion de ces professions soulevait plusieurs problèmes, dont celui de la formation. Vous nous avez indiqué qu'un master adapté sera mis en place. On peut supposer que toutes les difficultés qui ont été pointées seront résolues. Mais je reste quelque peu dubitative puisque l'article 20 prévoit de créer une seule profession de commissaire de justice alors qu'elle aura des activités différentes. J'aimerais que vous nous donniez des précisions.
J'ai bien pris note que vous sortirez de cette liste le mandataire judiciaire. Tel qu'il est rédigé, l'alinéa 3 ne me semble donc pas adapté.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure thématique, la Commission rejette les amendements identiques SPE184, SPE376 et SPE793.
Je déduis de votre propos, monsieur le ministre, que vous donnerez tout à l'heure un avis favorable à l'amendement SPE7 de M. Hetzel.
J'ai une bonne nouvelle à annoncer : la piperade peut se faire avec ou sans oeuf. Tout dépend s'il s'agit d'un plat principal ou d'un hors-d'oeuvre. (Sourires.)
Monsieur le ministre, ce qui m'inquiète c'est que vous semblez découvrir qu'il y a conflit d'intérêts entre les mandataires judiciaires et les huissiers de justice. Ceci aurait dû être détecté en amont par les services, ce qui aurait évité qu'une telle proposition soit faite.
Les commissaires-priseurs judiciaires sont des experts sur le marché de l'art, ils exercent un métier extrêmement précis qui a nécessité plusieurs années d'études. Vous allez mélanger des gens qui ne font pas le même travail.
Je n'ai pas compris quel était l'intérêt de donner la même dénomination à deux métiers qui parfois font la même chose mais qui dans les faits n'ont pas la même fonction. Quelle croissance et quelle activité cela va-t-il créer ?
En réalité, on voit bien là qu'il y a une forme d'ambiguïté et que cette affaire a été mal préparée car ce type d'intervention ne devrait pas avoir lieu en commission. Il serait sage d'abandonner cette idée un peu biscornue qui va faire passer le nombre des commissaires de justice de 400 à 4 000. C'est tout un marché qui va devoir se réorganiser, sachant que la profession de commissaire-priseur judiciaire a déjà été restructurée à deux reprises ces dernières années sous l'influence européenne.
Cette affaire concerne pleinement le ministre de l'économie et elle est plus facile à comprendre par lui que par le garde des Sceaux. Le garde des Sceaux pourrait avoir envie d'avoir davantage de mandataires judiciaires sur le territoire, mais comme l'a dit Alain Tourret, le but du jeu serait plutôt qu'il y en ait de moins en moins parce qu'il y aura de moins en moins de dossiers à traiter. Car n'oublions pas que nous examinons un projet de loi pour la croissance et l'activité. Le pari, c'est de laisser pour l'instant les mandataires judiciaires tranquilles et de passer de 60 000 à 25 000 dossiers par an, c'est-à-dire un petit train-train dans le cadre du plein-emploi.
Monsieur le ministre, j'ai confiance en vous, je suis sûr que vous allez y arriver !
Vous parlez de pari. Je me demande si vous n'avez pas parié avec quelqu'un que vous interviendriez toutes les dix minutes avec le même argumentaire…
Monsieur Aubert, vous n'êtes jamais content ! Pour notre part, nous sommes satisfaits de la présence d'un ministre très investi sur ce texte et d'avoir un véritable débat parlementaire documenté, argumenté, fourni, avec des spécialistes. Nous sommes en train de créer une nouvelle profession – et on connaît tous les similitudes qui existent entre la profession d'huissier de justice et celle de commissaire-priseur judiciaire et l'on sait que l'un va s'enrichir de l'autre. On a pointé une difficulté, ce qui fait toute la richesse de notre discussion et on ne peut que se féliciter d'y avoir contribué ensemble.
Plutôt que de vous plaindre, de râler, félicitez-vous du débat parlementaire, applaudissez puisque vos arguments ainsi que les nôtres ont réussi à convaincre le ministre, ce qui veut dire que nous sommes pleinement dans notre rôle.
Sachez que les commissaires-priseurs judiciaires qui vendent des tableaux à Drouot sont toujours accompagnés d'un expert. Pour avoir monté une grande exposition intitulée « Peindre en Normandie », riche de 150 tableaux impressionnistes, je puis vous dire qu'on n'achète jamais un tableau en salle des ventes sans qu'intervienne un expert en plus du commissaire-priseur. N'essayons pas de dire que le commissaire-priseur, étant lui-même un expert, n'a pas besoin d'un autre expert, car ce n'est pas vrai. Les huissiers de justice et les commissaires-priseurs judiciaires ont de nombreux points communs et ils auront la possibilité de s'adjoindre l'avis d'experts, s'ils le jugent utile.
Ce qui me gêne dans cette affaire, c'est que le mandataire judiciaire est garant du passif, et qu'il valide le meilleur résultat possible que doit obtenir le commissaire-priseur par la vente éventuelle des actifs dont il a la charge.
L'ambiguïté qui peut exister entre les deux rôles prévalait il y a une trentaine d'années, et c'est pour cela que les professions avaient été disjointes. Je voudrais savoir ce qui nous garantit qu'il n'y aura aucun conflit d'intérêts possibles entre ces deux fonctions, sachant que chacun a une responsabilité bien distincte.
La Commission examine les amendements identiques SPE209 de M. Dino Cinieri, SPE375 de M. Patrick Hetzel et SPE631 de M. Gérard Cherpion.
La création d'une profession de commissaire de justice est incompatible avec les exigences européennes des directives « services » et « reconnaissance des qualifications professionnelles ».
Aucune d'étude d'impact n'a été réalisée sur les conséquences que pourrait avoir la création de cette profession sur le marché de l'art français, marché à la fois réputé et fortement générateur d'emplois et de recettes fiscales.
Le mandat de justice français est considéré, au niveau européen, comme exemplaire. Je crains que ce texte ne constitue un véritable retour en arrière.
Avis défavorable, car le Gouvernement vient de proposer de conserver l'alinéa 3 de l'article 20 en acceptant l'amendement SPE7 de M. Hetzel.
Quant à la limitation à l'activité de ventes judiciaires de meubles, j'ai répondu tout à l'heure à M. Aubert qu'elle était d'ores et déjà acquise.
Les amendements SPE209, SPE375 et SPE631 sont retirés.
La Commission examine l'amendement SPE908 de M. Michel Zumkeller.
Je suis heureux que la notion de conflit d'intérêts ait été évoquée sur plusieurs bancs, ce qui permet de bien comprendre que les mandataires judiciaires n'ont rien à faire dans cette nouvelle profession que vous voulez instituer.
Je remercie Alain Tourret d'avoir expliqué avec beaucoup de précision le fruit de nos auditions et de nos expériences respectives, dont il ressort qu'il faut créer un appel d'air considérable pour ce genre de métiers.
Nous allons aboutir à la nouvelle profession de commissaire de justice qui sera constituée de deux professions, celle d'huissier de justice et celle de commissaire-priseur judiciaire. Mais, là encore, ce n'est pas la même formation ni le même métier.
Peut-être faut-il passer par un stade intermédiaire pendant quelques années avec des formations dûment validées par les professions elles-mêmes comme on le voit dans le domaine médical – quand vous êtes orthopédiste, par exemple, vous n'êtes pas anesthésiste mais vous pouvez le devenir en faisant trois années d'études supplémentaires. Le métier de commissaire-priseur judiciaire n'a pas grand-chose à voir avec celui d'huissier de justice, même s'ils suivent un cursus commun de droit pendant deux ans maximum.
Quant à la ventilation de l'activité de ces deux métiers, l'un réalise 60 à 70 % de son activité avec le privé, tandis que l'autre réalise jusqu'à 90 % de son activité avec des affaires judiciaires, donc avec le public, en tant qu'officier ministériel. Vous allez donc mettre dans un même moule deux métiers à la qualification juridique différente.
C'est la raison pour laquelle nous proposons de créer une société d'exercice libéral, qui permettrait à ces professions de travailler dans une même structure où ils pourraient partager des charges fixes et des compétences. Il convient, au-delà, de se donner un délai pour aboutir, non à l'unification des deux métiers, mais à de vraies passerelles permettant d'exercer l'un et l'autre après une formation validée et reconnue par les deux professions.
Je partage totalement cet esprit de rapprochement progressif des formations que vient d'évoquer M. Vigier et qui figure dans l'étude d'impact. C'est d'ailleurs pour cela que l'on parle d'un regroupement et qu'il se fera progressivement.
Nous reviendrons sur les formes juridiques d'exercice dans les articles suivants. Mais le regroupement, la clarification, le rapprochement des formations nous semble plus ambitieux et correspondre davantage à ce dont nous avons besoin pour les deux professions évoquées. Nous avons pu, je crois, à travers la discussion, apporter des éclaircissements quant aux intentions du Gouvernement dans le cadre de l'habilitation demandée, pour bien préciser que ce regroupement n'était pas à confondre avec la clarification que nous voulons apporter à propos des mandataires, et qui sera traitée à l'article 69.
L'amendement SPE908 est retiré.
La Commission examine l'amendement SPE1158 de M. Alain Tourret.
Les huissiers des finances publiques ont toute leur place au sein de la future profession de commissaire de justice. Il ne serait pas cohérent, à l'heure où un tel regroupement est envisagé, qu'ils ne soient pas associés à la création de cette nouvelle grande profession des métiers de l'exécution.
C'est un sujet que nous aurions pu évoquer dès le début tant le discours présente deux faces puisque les huissiers des finances publiques font partie de la fonction publique. Cela fait longtemps que les huissiers demandent à « récupérer de la matière », comme ils le disent. Mais cela ne va pas sans poser un problème d'organisation plus large, non pour mon ministère mais pour celui des finances. Nous sommes en train d'examiner comment l'on peut clarifier les missions du côté de l'État, mais ce n'est pas l'objet de la présente réforme, qui vise à regrouper des professions qui, pour être des professions de service public et des professions réglementées, n'en sont pas moins des professions libérales – à moins que vous ne souhaitiez aller vers leur fonctionnarisation, ce que je ne crois pas.
Reste que vous soulevez un vrai problème. Continuons à travailler la question, afin de voir si nous pouvons aboutir d'ici à l'examen du texte en séance publique. En tout cas, ce ne sera pas à cet endroit du texte.
Je suggère donc que vous retiriez l'amendement.
L'amendement SPE1158 est retiré.
La Commission en vient à l'amendement SPE7 de M. Patrick Hetzel.
Cet amendement a déjà été défendu, et approuvé par la rapporteure thématique comme par le Gouvernement.
La Commission adopte l'amendement SPE7 à l'unanimité.
Puis elle examine, en discussion commune, les amendements SPE1764 des rapporteurs et SPE794 de Mme Michèle Bonneton.
L'amendement SPE1764 vise à préciser que la création de la profession unique de l'exécution judiciaire se fera de façon progressive, en prenant en considération les incompatibilités et risques de conflits d'intérêts propres à l'exercice des missions de chaque profession concernée.
Je pense que nous avons été comblés par les propos qui ont été tenus précédemment.
L'amendement SPE794 de repli vise à limiter les possibles conflits d'intérêts qui pourraient surgir si les professions de commissaire-priseur et d'huissier de justice venaient à être regroupées.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement SPE1764.
L'amendement SPE794 est retiré.
La Commission adopte à l'unanimité l'amendement SPE1764.
La Commission examine ensuite les amendements identiques SPE1551 du Gouvernement, SPE185 de M. Philippe Houillon et SPE377 de M. Patrick Hetzel.
Il s'agit de supprimer l'alinéa 4.
Suivant l'avis favorable de la rapporteure thématique, la Commission adopte les amendements SPE1551, SPE185 et SPE377.
Elle examine ensuite les amendements identiques SPE186 de M. Philippe Houillon et SPE378 de M. Patrick Hetzel.
L'exposé sommaire de notre amendement fait référence à l'interrogation suivante, soulevée par le Conseil d'État à propos de l'article 20 : « Imposer au cédant de l'office de conclure avec le lauréat du concours, sans liberté de choix de son successeur affecterait de manière significative le droit de présentation sans ses dimensions morale et patrimoniale et réduirait sensiblement la marge de négociation sur le prix de cession. »
Comment le Gouvernement compte-t-il résoudre ce problème ? Recourir à une ordonnance sur un tel sujet d'une part, et sans avoir levé a minima cette difficulté d'autre part, paraît plutôt curieux. Voilà pourquoi nous en concluons qu'il faut supprimer l'alinéa 5 de l'article 20.
Vous l'aurez compris, il s'agit d'amendements d'appel. Nous souhaiterions en savoir davantage sur les intentions du Gouvernement en ce qui concerne ces questions.
L'alinéa 5 vise à habiliter le Gouvernement à prendre des mesures par ordonnance pour organiser des concours de recrutement des greffiers de tribunaux de commerce. Vous conviendrez que c'est une idée que nous pouvons tous partager puisqu'elle accroît le caractère méritocratique qui m'a semblé faire consensus entre nous s'agissant de l'accès à nombre de ces professions.
Les conditions actuelles de nomination dans les offices de greffiers de tribunaux de commerce sont inégalement méritocratiques, et dépendent du bon vouloir des titulaires d'offices qui exercent pourtant leurs missions pour le compte de l'État. Pour accroître la transparence du recrutement des greffiers de tribunaux de commerce, le Gouvernement a retenu la solution du concours préconisée par le rapport remis par M. Ferrand au Premier ministre il y a quelques mois.
Monsieur Poisson, nous serons face à deux situations. D'une part, la création d'un concours pour sélectionner l'intéressé. Cette situation ne me semble pas nécessiter d'indemnisation – on verra comment la Chancellerie gérera cela. D'autre part, la création d'une possible succession. Les conditions financières de la reprise de l'office seront prévues dès l'avis des concours. C'est sans doute de cette façon que l'ordonnance devra s'organiser. Les candidats s'engageront à verser à l'ancien titulaire de l'office, s'ils sont lauréats, la valeur de son fonds d'exercice libéral puisque le droit de présentation qui existe aujourd'hui et dont il faut préserver la nature patrimoniale n'est pas cédé à titre gracieux actuellement. Cette valeur sera préalablement validée par le ministre de la justice, comme c'est le cas aujourd'hui en vertu de l'article 7 du décret du 20 juillet 1977.
À travers cette réforme, les droits patrimoniaux de l'ancien titulaire seront préservés. S'il fallait lever une ambiguïté, je le fais bien volontiers au travers des commentaires que je peux faire sur cet alinéa. Il me semble que l'organisation du concours s'impose et que l'ordonnance tiendra compte sans nul doute de l'argumentation du Conseil d'État.
L'argumentation du ministre n'entame en rien notre détermination mais diminue l'énergie avec laquelle nous devons la mettre en oeuvre. Nous maintenons l'amendement.
Avis défavorable à l'amendement.
La rédaction retenue par le Gouvernement est de nature à répondre aux observations faites par le Conseil d'État.
Je rappelle que le rapport de l'Inspection générale des finances sur les professions réglementées avait indiqué que l'organisation actuelle des greffiers des tribunaux de commerce, qui bénéficient du droit de présentation prévu par la loi de finances de 1816, est marquée par le poids de familles qui organisent la transmission des structures entre parents et enfants. Ce rapport a ainsi relevé qu'en Île-de-France, trois des quatre greffes des tribunaux de commerce de petite couronne, parmi les plus importants de France, sont caractérisés par l'association d'un greffier et de deux ou trois de ses enfants, à l'exclusion de tout autre associé. Par ailleurs, une famille constituée de trois frères et de leurs enfants contrôle quatre greffes tandis qu'au total sept noms de famille sont associés à vingt et un greffes sur les 134 que compte le pays.
Afin de garantir un égal accès aux offices de greffiers des tribunaux de commerce sans vouloir porter un jugement de mérite ou de démérite sur les personnes en place, les rapporteurs estiment utile pour l'avenir de réformer les conditions d'accès à cette profession qui aujourd'hui imposent notamment l'accomplissement d'un stage de formation d'une durée d'un an qui constitue dans les faits un verrou d'entrée.
Dans le rapport de la mission d'information que nous avions menée, nous avions préconisé de substituer à l'examen d'aptitude des greffiers des tribunaux de commerce un concours, les titulaires de greffes exerçant leur droit de présentation au profit des lauréats de ce concours.
Je remarque qu'une fois de plus c'est l'Île-de-France qui est visée. Nous avons, dans nos départements, des tribunaux de commerce qui fonctionnent très bien et les greffiers de tribunaux de commerce sont extrêmement respectueux de la déontologie. Je trouve que c'est profondément vexatoire pour toutes ces personnes.
La Commission rejette les amendements identiques SPE186 et SPE378.
La Commission adopte l'amendement rédactionnel SPE1765 des rapporteurs.
La Commission adopte l'article 20 modifié.
Article 20 ter (nouveau) : Diversification des formes juridiques possibles pour l'exercice des professions d'avocat, de notaire, d'huissier de justice, de commissaire-priseur judiciaire, d'administrateur et de mandataire judiciaires
La Commission examine l'amendement SPE1784 des rapporteurs.
Nous vous proposons un dispositif en lieu et place de l'habilitation sollicitée au 4° de l'article 21 pour permettre le recours à toute forme juridique pour l'exercice des professions d'huissier, de notaire, de commissaire-priseur judiciaire, d'avocat et d'administrateur et de mandataire judiciaire, à l'exclusion de celles conférant la qualité de commerçant à leurs associés, soit les sociétés en commandite par actions et les sociétés en nom collectif.
Nous rappelons à ce sujet qu'en Allemagne les avocats peuvent exercer dans le cadre de sociétés anonymes (SA) et de société à responsabilité limitée (SARL), et qu'ils peuvent s'installer en France en conservant ces formes sociales. Ces professionnels demandent en quelque sorte à être à égalité d'armes avec leurs concurrents, tout en excluant toute participation des experts-comptables au capital des sociétés des professions du droit.
Favorable. Cela correspond à un objectif que nous poursuivons.
Non. Il s'agit ici d'ouvrir la possibilité de travailler en SA ou en SARL, ce qui n'est pas possible actuellement. C'est une sorte de facilitation et d'homogénéisation sur le territoire européen.
L'amendement, si je le lis bien, prévoit que le capital social peut être détenu par toute personne légalement établie dans un État membre de l'Union européenne, dans un autre État partie à l'accord. En d'autres termes, les actionnaires peuvent être des personnes exerçant les mêmes fonctions à l'étranger.
Si, dans un autre pays, la fonction d'huissier de justice peut être cumulée avec d'autres fonctions, et que la société étrangère peut exercer aussi la fonction d'avocat, par exemple, cela veut donc dire que cette société étrangère pourrait importer en France son modèle via son actionnariat.
Madame la rapporteure thématique, je voudrais savoir si cet amendement concerne également les avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation.
J'ai une question de néophyte à poser qui pourrait répondre à la préoccupation de Julien Aubert. S'agit-il de personnes physiques ? Si c'est le cas, il n'y aurait pas ce cheval de Troie qu'il souhaite éviter.
Cet amendement est bien volumineux. J'aimerais savoir ce que les différentes professions concernées en pensent...
Par ailleurs, quel est le lien entre cette mesure et l'article 22 ? Je ne vois pas, en effet, pourquoi le régime de l'article 22 ne suffit pas à lui seul à traiter ce genre de question. Mon interrogation porte plus sur une question de cohérence que de contenu en tant que tel.
Le présent dispositif donne la possibilité aux professionnels du droit d'exercer au sein de SA et de SARL, ce qu'ils ne peuvent pas faire jusqu'à présent.
Monsieur Aubert, la question que vous posez est difficile et je ne peux pas vous donner de réponse dans l'immédiat. Je vous propose de nous pencher sur ce point d'ici à l'examen du texte en séance publique.
L'article 22 ne vise que les sociétés d'exercice libéral et les sociétés de participations financières de professions libérales, tandis que le présent amendement traite des autres formes possibles de société que sont les SA et SARL.
C'est à leur demande, en particulier à celle des avocats, que la mesure vous est proposée.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement. Il est dans la droite ligne de ce qui est prévu au 4° de l'article 21. Il permet d'importer le modèle français et de se protéger de la situation où un cabinet étranger relevant des espaces identifiés aurait à son capital un tiers, ou même un expert-comptable, qui voudrait engager cette procédure de rapprochement. Je vois cette mesure comme un modèle qui sécurise l'exercice et la forme juridique de ces professions tout en les rendant plus compétitives par rapport à l'étranger. Cela ne relève en rien des rapprochements capitalistiques sur lesquels nous reviendrons à l'article 22.
Je me réjouis de la présence du ministre. J'ai connu d'autres commissions spéciales où le débat était moins nourri et moins riche…
Monsieur le ministre, qu'est-ce qui garantit qu'est bien exclue une prise de participation des professions « du chiffre » dans les professions du droit ?
L'amendement indique : « Toute personne exerçant une profession juridique ou judiciaire » et quelques lignes plus loin : « l'une de ces professions ». Ce sont donc ces deux types de professions qui sont visés, et non celles du chiffre. C'est plus restrictif que l'approche retenue par ailleurs dans le texte. Je dis cela sous le contrôle de la rapporteure thématique.
Cet amendement est important en effet. J'ai l'impression que l'ensemble des questions ont été posées et qu'on y voit un peu plus clair, même si d'autres réponses seront peut-être données en séance publique.
Il conviendra d'ajouter dans le texte les avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation.
Nous étudierons la question d'ici à l'examen du texte en séance publique.
La Commission adopte l'amendement SPE1784.
Après l'article 20
Elle examine ensuite l'amendement SPE1852 du Gouvernement.
Cet amendement vise à autoriser les professionnels de l'expertise comptable à effectuer à titre accessoire des prestations en matière administrative, statistique, économique, fiscale et sociale, à l'égard de personnes pour lesquelles ils n'effectueraient pas de travaux comptables. Toutefois, la possibilité d'effectuer des consultations juridiques, fiscales ou sociales ainsi que de rédiger des actes sous seing privé resterait, elle, subordonnée à la réalisation préalable, pour leurs clients ou adhérents, de travaux comptables ou de missions d'assistance en matière fiscale, sociale ou administrative tels qu'ils sont d'ores et déjà définis à l'article 2 de l'ordonnance du 19 septembre 1945.
Cet amendement revient à mettre en adéquation le droit avec la pratique car dans les faits, la plupart des cabinets d'expertise comptable procèdent déjà ainsi. Il se situe donc dans une optique de sécurisation juridique.
Je suis favorable à cet amendement car il répond à des problèmes que rencontrent les experts-comptables dans l'exercice de leur métier, que je connais bien. Outre leurs travaux comptables, ils doivent très souvent effectuer des démarches déclaratives à finalité fiscale, sociale, juridique, administrative. Des personnes physiques ou des associations pour lesquelles ils n'effectuent pas de missions comptables les sollicitent pour des travaux d'ordre social, comme les bulletins de salaires ou certaines déclarations, et il arrive aussi que des chefs d'entreprise en retraite leur demandent de les aider à établir leurs déclarations fiscales.
Il est très important d'apporter des garanties à cette profession, comme le fait l'amendement, tout en rappelant que ces prestations relèvent d'une activité accessoire et que les consultations juridiques, fiscales ou sociales ne peuvent être réalisées que pour des clients pour lesquels les experts-comptables effectuent des travaux comptables.
N'étant pas une spécialiste de la chose juridique, j'aimerais que l'on me fasse comprendre, si possible avec des exemples concrets, la différence entre une « étude » ou un « travail » d'ordre juridique et une « consultation » juridique. Je vous avoue que l'idée que l'on puisse donner à des professionnels du chiffre la possibilité de donner des avis juridiques et, plus encore, des avis sur les restructurations ou les rachats d'entreprise me paraît problématique.
En l'état actuel du droit positif, l'expert-comptable peut être autorisé à effectuer une prestation juridique seulement si elle est l'accessoire indirect de la prestation comptable. Mais comment des « études », terme très général, pourraient-elles constituer une activité accessoire par rapport à des travaux comptables ? Cet amendement me paraît ouvrir la possibilité pour les experts-comptables d'effectuer des travaux de nature juridique, tels que la création ou la fusion de sociétés, qui relèvent habituellement de professionnels du droit. Or ceux-ci ne sont pas, à mon sens, de caractère accessoire par rapport à l'activité principale de nature comptable comme peut l'être l'établissement de procès-verbaux d'assemblée générale. Je suis donc très inquiète, comme Mme Berger.
À la lumière des auditions menées par Cécile Untermaier, nous avons pu comprendre que les métiers du chiffre souhaitaient de longue date la « fusion-absorption » avec les métiers du droit, lesquels s'y opposent. Cet amendement permet de leur octroyer quelque chose dans le cadre de la loi.
D'un autre côté, l'article 21 crée la profession d'avocat salarié en entreprise, et je me demande si ces professionnels ne pourraient pas être employés par les métiers du chiffre pour effectuer des consultations à titre accessoire.
Vous nous avez expliqué avec beaucoup de brio, monsieur le ministre, comment s'organiserait la protection du modèle français par rapport au modèle anglo-saxon. Mais je m'interroge : la conjonction de cet amendement et de l'article 21 ne va-t-elle pas aboutir à l'émergence de grosses sociétés à l'américaine, où activités du chiffre et activités du droit seraient mêlées sans que l'on puisse déterminer les parts respectives de l'accessoire et du principal ?
Avant de voter, examinons d'abord le droit actuel. L'article 22 de l'ordonnance de 1945 indique que les experts-comptables « peuvent également donner des consultations, effectuer toutes études et tous travaux d'ordre statistique, économique, administratif, juridique, social ou fiscal et apporter leur avis devant toute autre autorité ou organisme public ou privé qui les y autorise mais sans pouvoir en faire l'objet principal de leur activité et seulement s'il s'agit d'entreprises dans lesquelles ils assurent des missions d'ordre comptable de caractère permanent ou habituel ou dans la mesure où lesdites consultations, études, travaux ou avis sont directement liés aux travaux comptables dont ils sont chargés ».
Regardons maintenant l'amendement qui nous est soumis et qui, je le reconnais, n'est pas d'une grande limpidité. Il propose d'élargir la possibilité pour les professionnels de l'expertise comptable d'effectuer à titre accessoire certaines prestations à l'égard des personnes pour lesquelles ils n'effectueraient pas de travaux comptables, en plus des entreprises dans lesquelles ils assurent des missions d'ordre comptable. Autrement dit, la délimitation du champ des prestations autorisées à titre accessoire ne change pas, mais le périmètre des clients auprès desquels ces professionnels peuvent intervenir, lui, est modifié.
C'est exactement cela.
Tout cela appelle une clarification, monsieur le ministre. Vous nous avez expliqué que les dispositions de l'article précédent étaient protectrices et permettaient d'éviter que les sociétés américaines où activités du chiffre et du droit sont mêlées ne prennent pied sur notre territoire et ne viennent changer le modèle français. Avec cet amendement, nous découvrons que cette évolution est rendue possible puisque des entreprises du chiffre pourront effectuer des activités juridiques. De surcroît, l'alinéa 3 de l'article 21 prévoit des mesures pour « simplifier et clarifier les domaines d'intervention des professionnels de l'expertise comptable en matière administrative, économique, fiscale et sociale ». Il existe donc bien une complémentarité entre cet amendement portant article additionnel et l'article 21.
De deux choses l'une : soit nous faisons en sorte de conserver le modèle français en séparant professions du chiffre et professions du droit, soit nous créons un nouveau modèle, à l'anglo-saxonne, où elles sont mêlées. Monsieur le ministre, dites-nous donc quel objectif poursuit le Gouvernement : veut-il maintenir une séparation entre ces deux types de profession ou veut-il les fusionner sans le dire ?
Je vais être très simple et très direct, en me référant à un exemple très concret, car c'est comme cela qu'on peut le mieux répondre, Mme Berger a raison.
Vous pouvez tout relier quand les différents éléments font système, mais vous ne pouvez pas confondre les arguments que j'ai employés tout à l'heure avec ceux que j'ai avancés pour défendre cet amendement. Il s'agit non pas d'« anglo-saxonniser » le modèle français, mais de clarifier les conditions d'exercice de la profession d'expert-comptable par rapport à celle d'avocat, dans la continuité de l'ordonnance de 1945, et d'apporter une sécurisation juridique.
Aujourd'hui, un expert-comptable ne peut établir les fiches de paie pour une entreprise s'il n'en assure pas la comptabilité. Or il y a des demandes en ce sens, et c'est une tâche qui relève de ses compétences. Avec l'ouverture à laquelle nous procédons, nous permettons qu'il puisse désormais le faire tout en préservant le caractère accessoire de ce type d'activités, dans la continuité de l'ordonnance de 1945. Autrement dit, cet aménagement sécurise l'exercice de la profession d'expert-comptable sans changer la frontière entre les professionnels du chiffre et du droit.
Merci pour cet exemple concret. Pour avoir travaillé quelques années dans une entreprise, je sais qu'un expert-comptable n'effectuant pas des travaux de comptabilité pour une entreprise peut établir les fiches de paie. Toutefois mon interrogation portait non pas sur les travaux d'ordre administratif mais sur les études à caractère juridique. Si votre objectif ne concerne que l'administratif, monsieur le ministre, ne pourrait-on pas sous-amender votre amendement en supprimant les termes « toutes études et tous travaux d'ordre juridique » ?
Aux termes de l'ordonnance de 1945, les cabinets d'expertise ne peuvent réaliser certaines prestations d'ordre social, juridique, administratif auprès d'une entreprise qu'à titre accessoire et seulement s'ils y effectuent une mission comptable. Or ils sont souvent sollicités par des entreprises, des associations ou même des particuliers pour ce genre de prestations alors même qu'ils n'effectuent pas pour eux de travaux comptables. Comme je le disais, certains chefs d'entreprise n'étant plus en activité, et n'ayant donc plus de comptabilité, leur demandent d'établir des déclarations fiscales ou de s'occuper de sociétés civiles immobilières. Ajoutons à cela le fait que, dans des territoires comme le mien, certaines entreprises ou particuliers sont situés à plus de soixante kilomètres d'un cabinet d'avocats.
Cet amendement permettra d'apporter une sécurité aux experts-comptables amenés à effectuer ces prestations tout en préservant leur caractère accessoire, nécessaire pour établir une stricte séparation entre professions du droit et du chiffre. Du reste, ladite séparation ne me paraît menacée car lorsqu'une entreprise ou un particulier va frapper à la porte d'un cabinet d'expertise comptable, ce n'est pas pour obtenir une consultation juridique très pointue mais d'abord pour avoir un soutien dans le domaine de la comptabilité.
Je précise à Mme Berger que les termes « toutes études et tous travaux d'ordre juridique » reprennent la formulation de l'ordonnance de 1945.
Monsieur le ministre, l'affirmation du caractère accessoire n'est pas formulée de la même manière dans l'article 22 de l'ordonnance de 1945 et dans votre amendement qui comporte deux parties nettement séparées, en sorte que seules les consultations juridiques, sociales et fiscales sont considérées comme pouvant être effectuées à titre accessoire. C'est un vrai cadeau que vous faites aux experts-comptables en leur permettant d'effectuer « toutes études et tous travaux d'ordre juridique, statistique, économique, administratif, social ou fiscal » dans une proportion qui pourra aller jusqu'à 40 %. Nous voyons bien d'où peut venir cette ouverture.
Autrement dit, les termes « sans pouvoir en faire l'objet principal de leur activité » vous paraissent insuffisamment précis.
Je soutiens pour ma part cet amendement car il me paraît assez ouvert pour permettre aux entreprises de solliciter un type d'assistance juridique auprès des experts-comptables qui ne nécessite pas d'en passer par un cabinet d'avocat et qui ne requière pas que lesdits professionnels tiennent leur comptabilité. Je pense en particulier à tous les travaux liés à la tenue d'assemblées générales ou de conseils d'administration.
Nous voyons ce que recouvre le terme « travaux » – c'est ce que vient d'évoquer Jean-Christophe Fromantin – mais il me semble qu'il existe une ambiguïté autour du terme « études » : on ne peut imaginer qu'elles puissent ne pas recouvrir des avis susceptibles d'apporter des confusions avec les consultations, qui relèvent, elles, d'un tout autre registre. Je rejoins les réticences exprimées par mes collègues.
Je suggère donc de supprimer le mot « études » dans la première phrase et de conserver la deuxième partie qui indique bien que les experts-comptables ne peuvent donner des consultations que s'ils tiennent la comptabilité de l'entreprise demandeuse.
Je me demande si l'ouverture de certaines prestations aux experts-comptables ne doit pas se comprendre comme formant un équilibre avec la création de la profession d'avocat en entreprise. Or cette disposition de l'article 21 risque d'être supprimée. Qu'adviendra-t-il alors de cette architecture générale ?
Que recherche-t-on ? La sécurité juridique. L'expert-comptable l'apporte incontestablement pour tout ce qui concerne les comptes, c'est le coeur de son métier. Il l'apporte également par son assistance pour la tenue des assemblées, qui relève de l'accessoire de son activité. Mais les experts-comptables ont voulu aller plus loin, en demandant l'extension de leurs prestations jusqu'au droit social. Je me suis occupé de ce domaine pendant quarante ans et je peux vous dire qu'ils n'ont pas les compétences nécessaires pour tout ce qui relève de la rupture du contrat de travail, qu'il s'agisse des licenciements collectifs ou individuels. Systématiquement, ils font condamner leurs clients, ce qui aboutit à des actions en responsabilité engagées contre eux.
La sécurité juridique n'est plus assurée à partir du moment où l'expert-comptable sort de son domaine d'activité auprès du chef d'entreprise tel qu'il est défini stricto sensu.
La formulation « toutes études et tous travaux » provient de l'ordonnance de 1945, nous en restons là. En revanche, je suis sensible à l'argument avancé par Mmes Capdevielle et Berger lorsqu'elles soulignent que les termes « sans pouvoir en faire l'objet principal de leur activité » sont trop flous. Je propose donc de modifier le texte en précisant « à titre accessoire, et sans pouvoir en faire l'objet principal de leur activité telle que définie à l'article 2 ». Cela me paraît lever toute ambiguïté.
Cela ne me paraît pas changer grand-chose car la formulation « sans pouvoir en faire l'objet principal de leur activité » veut bien dire que c'est à titre accessoire.
Pas forcément, car cette formulation peut impliquer que ces prestations peuvent faire l'objet de leur activité à titre secondaire et non pas accessoire.
(Suspension des travaux)
Le ministre a mis à profit la suspension de séance pour établir une rédaction susceptible, semble-t-il, de lever les désaccords qui se sont exprimés. Avant que nous ne disposions de cette nouvelle version sous forme imprimée, je vais lui laisser le soin de présenter ces modifications.
Nous avons souhaité préciser le champ couvert par notre amendement, sans pour autant revenir sur le partage des rôles déjà établi. La possibilité pour les experts-comptables d'effectuer des études et travaux d'ordre juridique, toujours à titre accessoire, est désormais limitée aux clients pour lesquels ils effectuent des travaux comptables. Nous avons donc supprimé le mot « juridique » de la première phrase et inséré les mots « études et travaux juridiques » dans la deuxième phrase. Cela me semble correspondre à l'encadrement que certains d'entre vous ont appelé de leurs voeux.
En attendant de disposer de la version imprimée de cet amendement, qui portera le numéro SPE1934, pour le mettre aux voix, nous allons poursuivre l'examen des amendements.
La Commission est saisie de l'amendement SPE1033 de Mme Catherine Coutelle.
Cet amendement fait suite à l'intervention de Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes, sur la sous-représentation des femmes dans les professions réglementées.
Il a pour objet de demander, dans un délai de trois ans suivant la promulgation de la loi, un rapport sur la démographie des professions réglementées du droit et sur son évolution, s'agissant en particulier des jeunes et des femmes.
Je prends note de cette demande de rapport, mais je serais plus enclin à vous proposer d'intégrer cette dimension démographique dans le travail de cartographie effectué tous les deux ans par l'Autorité de la concurrence.
La cartographie permettrait seulement de refléter la situation des jeunes et des femmes. Le rapport irait plus loin : il vise à trouver des solutions pour accroître leur représentation dans ces professions. Je sais que cela n'a rien d'évident, mais il existe des pistes de travail qui passent par les formations et la mobilisation des professions elles-mêmes. Il faudrait afficher davantage de volontarisme au lieu de se contenter d'un simple état des lieux.
La cartographie permettrait de faire régulièrement le point de cette question. Je suis favorable à la proposition du ministre.
Nous avons examiné un amendement sur les nouveaux entrants, mais les équilibres globaux, notamment en matière de parité, évolueront aussi en fonction des flux de sortants et, à cet égard, c'est l'âge limite de la retraite qui est déterminant.
L'amendement SPE1033 est retiré.
Avec votre autorisation, chers collègues, je vais passer à l'examen de l'article 21 car le nouvel amendement du Gouvernement n'est toujours pas disponible sous forme écrite.
Article 21 : Habilitation à moderniser les conditions d'exercice des professions du droit et du chiffre
La Commission examine les amendements identiques SPE16 de M. Patrick Hetzel et SPE195 de M. Philippe Houillon, tendant à supprimer l'article.
Avant de défendre l'amendement SPE195, je voudrais vous faire part, monsieur le président, de mon souhait de rectifier mon amendement SPE1377 afin de corriger une erreur rédactionnelle ayant échappé à ma vigilance : au lieu de « Rédiger ainsi l'article 21 », il faut lire « Rédiger ainsi l'alinéa 2 de l'article 21 ». Je le précise dès maintenant, car il sera alors examiné après les amendements de suppression de l'alinéa 2, si toutefois ils ne sont pas adoptés.
Nous contestons de manière constante le recours aux ordonnances qui est fait dans ce projet de loi. À cela s'ajoutent, dans cet article, des problèmes de forme, en particulier pour les dispositions relatives à la création de la profession d'avocat en entreprise, qui sont loin de recueillir notre suffrage.
Avis défavorable également.
Les amendements déposés par les rapporteurs sont de nature à vous satisfaire pleinement, chers collègues : l'amendement SPE1767 vise à supprimer l'habilitation à créer la profession d'avocat en entreprise ; l'amendement SPE1784 portant article additionnel après l'article 20 vise à permettre aux avocats, notaires, huissiers de justice, commissaires-priseurs judiciaires, administrateurs et mandataires judiciaires de recourir à toute forme juridique, à l'exception de celle conférant la qualité de commerçant à leurs associés. Ce dispositif exclut toute possibilité pour les experts-comptables – ce qui nous évitera un débat supplémentaire – de prendre des participations au capital des sociétés ainsi créées.
Il n'y a pas lieu d'adopter ces amendements de suppression de l'article : le meilleur est à venir. (Sourires.)
La Commission rejette les amendements de suppression de l'article SPE16 et SPE195.
Puis la Commission adopte l'amendement rédactionnel SPE1766 des rapporteurs.
Elle examine ensuite les amendements identiques SPE1767 des rapporteurs, SPE8 de M. Patrick Hetzel, SP188 de M. Philippe Houillon, SPE541 de M. Arnaud Leroy, SPE685 de Mme Colette Capdevielle, SP795 de Mme Michèle Bonneton, SPE909 de M. Michel Zumkeller et SPE1061 de M. Alain Tourret.
L'amendement SPE1767 vise à supprimer l'alinéa 2, soit l'habilitation sollicitée par le Gouvernement pour créer par voie d'ordonnance la profession d'avocat en entreprise.
Le rapporteur général comme moi-même percevons tout l'intérêt que pourrait présenter l'extension d'une garantie de confidentialité aux écrits produits par les juristes d'entreprise dans le cadre de leur contrat de travail mais nous n'estimons pas souhaitable de créer une énième profession juridique réglementée qui emporterait le démembrement du statut d'avocat – ce que craint notamment le Conseil national des barreaux (CNB).
Nous avons tous les deux eu l'occasion d'exprimer –Cécile Untermaier dans son rapport d'information, moi-même dans un rapport remis au Premier ministre – combien il nous paraissait inutile d'envisager de créer cette profession d'avocat en entreprise.
Ce statut pourrait en effet interdire aux professionnels concernés de développer une clientèle personnelle et de plaider pour le compte de leur employeur, de sorte que la profession d'avocat s'exercerait à deux vitesses : d'un côté, l'avocat classique pourrait plaider pour le client qui le rémunère ; de l'autre, l'avocat en entreprise serait en quelque sorte un avocat hybride qui ne pourrait défendre les intérêts de l'entreprise qui le salarie devant les juridictions où la représentation par avocat est obligatoire.
Par ailleurs, et surtout, le lien de subordination inhérent au contrat de travail apparaît à vos rapporteurs comme incompatible avec l'indépendance qui constitue en quelque sorte l'« ADN » de la profession d'avocat. Preuve en est le serment que prête l'avocat avant de pouvoir exercer, qui énonce : « Je jure, comme avocat, d'exercer mes fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité. »
Comme je l'avais noté de mon rapport sur les professions réglementées, « cette indépendance est en effet consubstantielle à la profession d'avocat qui nécessite fondamentalement, pour garantir les droits de la défense, une absence de lien de subordination. Or le statut de salariat en entreprise induit cette subordination vis-à-vis de l'employeur qui n'est pas membre de la profession, à la différence de l'avocat salarié. Les avocats eux-mêmes admettent le lien de subordination de leurs confrères salariés, en arguant que la communauté de déontologie amoindrirait, d'une certaine manière, le lien de subordination ».
Nous rappelons en outre que l'existence d'un lien de subordination avec un employeur qui ne serait pas lui-même avocat a conduit la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) à refuser de reconnaître, pour les seules procédures européennes, un caractère confidentiel aux correspondances entre l'avocat en entreprise et son employeur. La jurisprudence est constante à cet égard.
Si la position adoptée par la CJUE ne lie pas les juridictions nationales, nous estimons toutefois que les arguments développés par le juge européen, qui tendent à établir une incompatibilité entre la subordination à un employeur non-avocat et l'indépendance exigée par l'exercice des droits de la défense, méritent d'être pris en considération.
Je voudrais tout d'abord préciser l'architecture de l'article 21.
L'alinéa 2 dépendra du sort réservé aux présents amendements de suppression. Les alinéas 3, 4 et 5 seront supprimés si jamais le nouvel amendement du Gouvernement portant article additionnel après l'article 20 est adopté. Nous vous demanderons de maintenir les alinéas 6,7, 8 et 9. Quant aux mesures proposées à l'alinéa 10, elles ont déjà été adoptées.
Qu'est-ce qui a conduit le Gouvernement à vouloir créer le statut d'avocat en entreprise ? C'est le constat de la situation actuelle et les échanges que nous avons eus avec le monde économique. Dans beaucoup d'entreprises internationales amenées à intervenir à l'étranger, beaucoup d'informations confidentielles ne peuvent être traitées par les directeurs juridiques quand ils n'ont pas le statut d'avocat. Ce que l'on appelle en droit anglo-saxon le legal privilege et, en droit français, le privilège de confidentialité, ne peut aujourd'hui être détenu en France par un directeur juridique classique. Aussi plus d'une dizaine de sociétés du CAC40 ont-elles fait le choix de prendre pour directeur juridique des avocats étrangers afin de pouvoir opérer dans les meilleures conditions et préserver le privilège de confidentialité.
Grâce à ce nouveau statut, les entreprises françaises de dimension internationale pourraient recruter des avocats ayant les mêmes privilèges, les mêmes protections que les avocats étrangers et la transmission des informations serait fluidifiée. Il me paraît paradoxal qu'aujourd'hui, plusieurs grandes sociétés – je ne veux pas ici citer de nom – doivent avoir recours à un avocat britannique ou allemand pour manier des informations confidentielles.
Nous avions prévu d'établir des barrières dans cette nouvelle profession : l'avocat en entreprise aurait été inscrit à l'ordre, et donc soumis aux mêmes règles déontologiques que ses confrères ; il n'aurait en revanche pas eu le droit de plaider et pas eu le droit non plus d'avoir une clientèle – il ne se serait pas trouvé placé dans les situations de conflits évoquées.
Je reste, pour ma part, intimement persuadé que la proposition du Gouvernement est une bonne idée parce qu'elle permet de résoudre un problème. Je comprends en même temps qu'elle suscite une crainte au sein de la profession, qu'elle crée un inconfort chez les commissaires, et qu'elle donne le sentiment d'attenter à « l'ADN » de la profession, pour reprendre la formule du rapporteur général.
Ma conviction profonde est que la profession gagnerait, si cette création devait ne pas intervenir à travers ce texte, à se saisir d'elle-même de la question. Sinon, l'évolution entamée se poursuivra et demain, l'intégralité des directeurs juridiques de nos grandes sociétés sera étrangère, point préoccupant compte tenu du mouvement rampant de démantèlement des comités exécutifs des grands groupes.
Ce statut était à la fois protecteur et valorisant pour la profession d'avocat. Peut-être aurait-il fallu sophistiquer ce régime en laissant au Conseil national des barreaux (CNB) le soin de déterminer les conditions d'accès, afin d'éviter que ce statut ne se multiplie dans trop d'entreprises. J'ai bien présente à l'esprit la crainte de certains que telle banque ou tel assureur, en faisant appel à un avocat d'entreprise, aurait eu tendance à avoir moins recours aux professionnels libéraux.
Je pense fondamentalement que c'était une belle idée. Elle trouvera à se concrétiser, soit parce que nous aboutirons à une solution dans le cours de la discussion, soit, comme je l'espère, parce que la profession s'organisera d'elle-même pour que l'avocat en entreprise se structure à travers des règles progressivement édifiées par la conférence des bâtonniers.
Je crois profondément à l'intérêt de cette réforme, qui va dans le sens de l'histoire. Toutefois, après avoir longuement discuté avec les rapporteurs, je m'en remettrai à la sagesse de la Commission.
La création de la profession d'avocat en entreprise est un aspect très important de cette loi.
Il faut d'abord rappeler que la profession d'avocat n'est pas une profession comme une autre. Nous ne sommes pas des commerçants, nous ne sommes pas des vendeurs : nous sommes des conseillers au service de nos clients. C'est parce que la foi dans nos clients nous anime que nous nous situons en dehors du champ commercial.
Par ailleurs, l'avocat est par essence indépendant : il n'agit pas sur ordre d'une autre personne. Envisager que certains avocats soient liés par un contrat de travail à une entreprise est inconcevable car le contrat de travail, selon la définition même de la Cour de cassation, implique un lien de dépendance, de subordination.
Vous dites, monsieur le ministre, que ce statut était protecteur car les avocats en entreprise n'auraient pas eu la possibilité de plaider et d'avoir une clientèle. Or lorsque l'on devient avocat, on s'engage à ne pas avoir qu'un seul client pour éviter d'avoir à ne dépendre que d'une source de revenus. L'absence de clientèle apporte donc une fausse protection, qui renforce notre prévention à l'égard de cette disposition.
Je comprends l'importance de l'enjeu. Seize mille juristes d'entreprise sont concernés. Toutefois, ceux que nous avons entendus avec Mme Untermaier ont abordé le problème avant tout par le biais de la confidentialité : ils déplorent de perdre des marchés importants faute de pouvoir l'assurer. Leur donner le statut d'avocat est une mauvaise réponse ; leur accorder la confidentialité par une loi spécifique portant sur le secret professionnel serait la bonne solution.
Vous dites, monsieur le ministre, que les sociétés du CAC40 ont recours à des avocats étrangers mais elles ont aussi recours à des avocats français. Les grands responsables affirment que de grands marchés leur échappent, mais je n'en suis pas du tout certain, car nous savons bien qu'ils travaillent avec de grands cabinets d'avocats de la place de Paris qui leur permettent d'assurer la confidentialité.
Monsieur le ministre, vous faites preuve de grande sagesse en vous remettant à la sagesse de notre Commission. Et la sagesse est d'éviter la création de cette profession d'avocat en entreprise en votant ces amendements de suppression de l'alinéa 2.
Il y a une convergence parmi les rapporteurs pour supprimer la création de cette profession.
Le problème de la confidentialité que rencontrent les entreprises est indéniable. La question qui se pose est de savoir s'il est possible de le régler autrement qu'en créant cette profession. Pourrait-on substituer à cet alinéa d'autres dispositions pour trouver une solution d'ici à l'examen du projet de loi en séance publique ?
Mon amendement est motivé par les mêmes raisons que les précédents. La profession d'avocat est une profession libérale, fondée sur l'indépendance. Un avocat salarié serait dans un lien de subordination qui ne pourrait garantir son indépendance. Il y a une contradiction de fond entre la profession d'avocat et le statut de salarié.
Remarque de méthode, monsieur le président : si nous pouvions disposer d'un récapitulatif des conséquences de certains amendements sur les articles dont nous discutons, cela nous permettrait d'y voir plus clair.
Tout a été dit ou à peu près sur l'incompatibilité entre le statut d'avocat et le statut de salarié. J'ajoute qu'il y a une ambiguïté du point de vue disciplinaire. Si l'avocat salarié ne donnait pas satisfaction dans la manière dont il exerce au sein de l'entreprise faudrait-il saisir le bâtonnier de son ordre ou faudrait-il s'en remettre à son employeur ?
J'entends, monsieur le ministre, les arguments que vous avez invoqués s'agissant des pratiques juridiques des groupes internationaux. Je ferai deux remarques.
Premièrement, rien n'empêche ces groupes de s'adresser à des avocats français.
Deuxièmement, au lieu de modifier le statut des avocats pour que la pratique anglo-saxonne du droit puisse s'imposer sur le territoire national, ne faudrait-il pas plutôt envisager la manière dont on pourrait soumettre les juristes d'entreprise au secret ? C'est l'esprit de l'amendement que j'ai déposé, et qui viendra en discussion plus tard, compte tenu de la rectification que j'ai signalée tout à l'heure. Nous pourrions définir les modalités selon lesquelles les juristes d'entreprise seraient soumis au régime du secret professionnel des avocats, ce qui me paraît à la fois simple et de bon sens.
Nous pourrons débattre de cette question si mon amendement SPE1377 survit à la proposition de suppression de l'alinéa 2, ce qui n'est pas certain...
La création du statut d'avocat salarié en entreprise va à l'encontre de l'indépendance de l'avocat, consubstantielle à cette profession.
Lors de l'audition du ministre, j'ai dit qu'il fallait également prendre garde à la multiplicité des situations des barreaux sur notre territoire. Les grands groupes du CAC40 rencontrent peut-être certaines difficultés, mais rien ne les empêche de contracter avec de grands cabinets d'affaires, notamment anglo-saxons, qui ont des sièges partout – à Londres, à Paris, à Sydney, à Shanghai, au Pirée, etc.
Il y a deux options. Soit on fait évoluer le statut des quelque 16 000 juristes d'entreprises, soit on fait évoluer celui des avocats. Pour ma part, je crois qu'il faut d'abord se pencher sur le premier, en traitant la question de la confidentialité, avant de s'attaquer au second.
Je veux d'abord vous remercier, monsieur le ministre, pour votre franchise : vous avez en effet reconnu que la demande était essentiellement parisienne et émanait notamment des entreprises du CAC40.
Je veux également féliciter Richard Ferrand et Cécile Untermaier pour leur travail, complémentaire l'un de l'autre, et je voterai leur amendement.
Si, en l'état, nous faisions droit, monsieur le ministre, à la création d'un statut d'avocat en entreprise qui permettrait à des juristes d'entreprise, au bout de cinq ans seulement d'activité professionnelle, d'accéder au statut d'avocat sans passer le diplôme, il y aurait une véritable rupture d'égalité dans l'accès à cette profession. En outre, il s'agirait d'un avocat « au rabais », puisqu'il ne plaiderait pas et n'aurait pas de clients propres. Il aurait certes le titre d'avocat, on l'appellerait « maître », mais ce qu'il ferait n'aurait rien à voir avec le coeur de métier d'un avocat.
Le métier d'avocat repose sur trois piliers : une indépendance totale par rapport à ses confrères, aux magistrats et à ses clients ; le secret professionnel, qui est d'ordre public ; l'absence de conflit d'intérêts. Or, le lien de subordination lié au contrat de travail porte atteinte à l'indépendance, quels que soient le niveau de rémunération et la qualification. Quant au secret professionnel, comment s'en délivrer sans être en rupture avec la loi ? Enfin, s'agissant du conflit d'intérêts, que fera un directeur juridique s'il doit répondre à des questions de ses collègues qui le mettent en délicatesse avec son employeur ? Cela créera une véritable situation de conflit d'intérêts au sein même de l'entreprise.
Enfin, notre collègue Tourret l'a rappelé, il faudrait modifier le serment que prête l'avocat puisqu'il n'est pas compatible avec la profession d'avocat en entreprise.
L'alinéa 2 vise censément à permettre des négociations couvertes par le secret professionnel. Soyons sérieux ! D'abord, cela n'arrive pas tous les jours. Ensuite, c'est déjà possible aujourd'hui. Nous sommes en 2014 et toutes les grandes entreprises, a fortiori celles du CAC40, ont des conseils spécialisés qui échangent des correspondances. Ce n'est pas au Conseil national des barreaux (CNB) qu'il appartient de réfléchir au moyen de rendre ces échanges confidentiels : c'est à la profession de juriste d'entreprise elle-même. Car c'est uniquement de cela qu'il s'agit : « aspirer » de la profession d'avocat cet avantage considérable qu'est le secret des échanges, des négociations et des correspondances, pour pouvoir mener des transactions. De là à provoquer un grand chambardement dans une profession…
Nous proposons également la suppression de l'alinéa 2 et, partant, du statut d'avocat en entreprise qui s'attaquerait aux fondements mêmes de la profession d'avocat, tels que les a rappelés la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne.
C'est aussi la méthode qui est en cause, puisque ce statut serait défini par une ordonnance dont on ne connaît pas précisément le contenu, ce qui n'est pas pour nous rassurer.
Il n'y a pas lieu de se précipiter. Il convient, au contraire, d'affiner les conséquences des décisions que nous prenons. Je suis persuadée qu'il faut abandonner l'idée d'un tel statut.
Le groupe UDI partage les arguments qui ont été avancés.
Le premier d'entre eux est celui de l'incompatibilité du lien de subordination consubstantiel au contrat de travail avec l'indépendance de l'avocat. On peut établir un parallèle avec le médecin du travail au sein de l'entreprise. Le principe d'indépendance du médecin du travail existe, mais il ne porte pas sur le même domaine. Quant au lien de subordination, il n'intervient pas dans l'exercice de son métier, alors que l'avocat d'entreprise recevra vraisemblablement des directives de son employeur.
Par ailleurs, on peut se demander si la création d'un tel statut ne pénaliserait pas avocats eux-mêmes en créant une sorte de sous-catégorie. Je pense notamment à l'accès à la profession par une voie autre que celle de l'examen.
Notre préférence va au renforcement du secret professionnel pour les professions juridiques au sein de l'entreprise. C'est sans doute la meilleure solution, puisqu'elle permet de garantir la confidentialité des informations et des correspondances.
Je voudrais féliciter le ministre pour la souplesse dont il fait preuve. Il aurait manifestement souhaité que son projet de créer un avocat d'entreprise soit approuvé. Bien qu'il ne partage pas les objections avancées par les rapporteurs, il accepte de s'en remettre à notre sagesse, sachant que nous avons tendance, dans ce cas, à les suivre… Je veux également le féliciter pour sa loyauté, car il a exposé de façon très franche ses motivations.
La profession d'avocat, sur ce sujet, parle à plusieurs voix. Chacun sait qu'au barreau de Paris on est plutôt favorable à la création d'un avocat en entreprise. En revanche, le Conseil national des barreaux et la Conférence des bâtonniers y sont très défavorables et qu'elles y voient un engrenage dangereux, pour des raisons qui ne sont pas seulement économiques.
Il y va surtout de l'indépendance de l'avocat, qui est exclusive du lien de subordination. Un avocat peut certes être le salarié d'un autre et avoir un lien de subordination à son égard, mais c'est un lien de subordination atténué, du fait de l'existence d'une clause de conscience et de l'interdiction de toute clause de non-concurrence.
Il y va surtout, de mon point de vue, du secret professionnel de l'avocat, qui est très particulier en ce que, comme celui des médecins ou des ministres du culte, il est opposable, non seulement à l'administration, mais encore à la justice. Il n'a d'ailleurs pas été conçu dans l'intérêt de l'avocat lui-même, mais dans celui de son client, dont il permet la défense.
Le danger est celui d'une extension du secret professionnel à des causes pour lesquelles il n'a pas été conçu. Au nom de quoi, en effet, pourrait-il être opposé à des juges par un avocat salarié d'une entreprise, alors même qu'il ne servirait pas les intérêts de la défense, mais ceux de l'entreprise ? Que l'entreprise ait droit au secret des affaires, oui. Que ce secret soit opposable aux juges, non. C'est là qu'est la difficulté. La discussion reste ouverte sur la nature du secret des affaires, mais je ne suis pas sûr que nous puissions la trancher aujourd'hui.
Chers collègues, nous avons eu un débat complet sur le sujet. Avant de passer au vote sur ces amendements, nous allons revenir à ceux, après l'article 20, dont le sort était resté en suspens.
Article 20 bis (nouveau) : Clarification du domaine des activités pouvant être réalisées à titre accessoire par les experts-comptables
La Commission reprend l'examen des amendements SPE1852 et SPE1934 du Gouvernement.
L'amendement SPE1934 du Gouvernement nous ayant été distribué, je suppose qu'il vaut retrait de l'amendement SPE1852.
L'amendement SPE1852 est retiré.
Je me demande si le mot « ou » qui figure à l'avant-dernière ligne de cet amendement ne devrait pas être remplacé par le mot « et ».
Je salue la sagesse du Gouvernement. Ce nouvel amendement, qui tient compte de la réalité des pratiques, est de nature à rassurer tant les professions juridiques que les professions du chiffre.
Si le Gouvernement n'avait pas revu sa position, j'aurais exprimé la grande perplexité de notre groupe. Compte tenu de la nouvelle rédaction proposée, nous ne nous opposerons pas à l'amendement.
La référence aux consultations et travaux d'ordre juridique est en effet supprimée, ce qui était la principale préoccupation de nombre d'entre vous.
Pour répondre à M. Robiliard, il faut conserver le mot « ou », car c'est ce qui figure dans le texte de l'ordonnance de 1945. Le remplacer par « et » serait plus restrictif. La discussion que nous avons eue a été utile, mais il y aurait une forme de malice de l'Histoire à vouloir restreindre les prérogatives des experts-comptables par rapport à l'ordonnance de 1945.
Le mot « ou » figure bien dans l'ordonnance de 1945, mais il me semble que c'est une erreur de rédaction. Je veux bien renoncer à ma demande de modification, mais il demeure que l'expression « lesdites consultations » se réfère nécessairement à celles qui sont l'accessoire de la prestation comptable et que, dans ce contexte, « ou » veut en fait dire « et ».
Cette rédaction répond aux inquiétudes exprimées de part et d'autre. Est exclu tout ce qui concerne le juridique, ce qui apporte une garantie aux professionnels du droit. Cependant, les situations évoquées il y a quelques instants relevaient essentiellement du social, et il est important que, dans ce domaine, puissent être couvertes certaines prestations telles que l'établissement de bulletins de salaire, de déclarations sociales, de contrats de travail ou encore les conseils relatifs aux documents d'évaluation des risques professionnels, aux comptes personnels de formation ou aux procédures de licenciement.
Pour répondre à mon collègue Tourret, de nombreux cabinets d'expertise comptable qui s'occupent de contrats de travail et de bulletins de salaire travaillent en partenariat avec des cabinets d'avocats pour réaliser certaines prestations, et ces collaborations se passent très bien. Il faut donc maintenir ce qui existe sur le terrain.
En hommage à mes maîtres en algèbre booléenne (Sourires), je tiens à dire qu'il y a bien une catégorie d'actes qui peuvent être faits auprès de clients habituels, même si ces actes ne sont pas liés à la nature de la prestation habituelle. C'est le caractère habituel qui fait que l'on est autorisé à les faire. Si l'on n'a pas affaire à un client habituel, on est autorisé à faire ces prestations uniquement si elles sont liées à la prestation principale.
Il y a bien deux cas de figure, l'emploi du mot « ou » est donc justifié.
La Commission adopte l'amendement SPE1934.
Suite de l'article 21
Nous en revenons à l'article 21.
Je mets aux voix les amendements identiques de suppression de l'alinéa 2, qui ont été discutés et ont reçu un avis défavorable du ministre et des rapporteurs.
La Commission adopte les amendements identiques SPE1767 des rapporteurs, SPE8 de M. Patrick Hetzel, SPE188 de M. Philippe Houillon, SPE541 de M. Arnaud Leroy, SPE685 de Mme Colette Capdevielle, SPE795 de Mme Michèle Bonneton, SPE909 de M. Michel Zumkeller et SPE1061 de M. Alain Tourret, tendant à supprimer l'alinéa 2.
En conséquence, les amendements SPE1377 rectifié de M. Jean-Frédéric Poisson et SPE857 de M. Jean-Christophe Fromantin tombent.
Les amendements identiques SPE189 de M. Philippe Houillon et SPE687 de Mme Colette Capdevielle sont retirés.
La Commission examine l'amendement SPE1553 du Gouvernement.
Cet amendement consiste en une demande d'habilitation à réformer les conditions d'exercice des experts-comptables sur deux points.
Il s'agit en premier lieu d'autoriser, dans un cadre strict, les « honoraires de succès ». Il s'agit de permettre aux experts-comptables de facturer différemment certaines de leurs prestations selon l'issue plus ou moins favorable de l'opération qu'ils accompagnent.
Pour prendre un exemple, cela permettra à un expert-comptable qui assiste un client pour la transmission de son entreprise de facturer dans un premier temps des honoraires de base modérés, puis d'appeler dans un second temps un complément d'honoraires si et seulement si la transmission est couronnée de succès.
Cette méthode de facturation présente un intérêt évident pour le client, s'agissant d'opérations à l'issue aléatoire pour lesquelles il est inconfortable d'avoir à débourser d'emblée l'ensemble des honoraires, indépendamment du succès ou de l'insuccès de l'opération. Il n'est pas question ici de permettre les honoraires de succès pour la rémunération de missions de tenue de comptabilité ou de révision comptable, ni d'aucune mission participant à la détermination de l'assiette fiscale ou sociale du client. Il s'agit de transposer la directive du Parlement européen et du Conseil du 20 novembre 2013 relative aux qualifications professionnelles. Cette directive prévoit notamment la mise en place d'une carte professionnelle européenne dont pourront se prévaloir tous les professionnels européens de l'expertise comptable et elle instaure sous condition l'accès à certaines activités de la profession.
Le présent amendement a par ailleurs pour effet de supprimer l'habilitation à « simplifier et clarifier les domaines d'intervention des professionnels de l'expertise comptable en matière administrative, économique, fiscale et sociale », jusque-là inscrite au 2° de l'article.
Suivant l'avis favorable de la rapporteure thématique, la Commission adopte l'amendement SPE1553.
La Commission est saisie des amendements identiques de suppression SPE910 de M. Michel Zumkeller, SPE1099 de M. Sébastien Huyghe et SPE1140 de Mme Audrey Linkenheld, tendant à supprimer les alinéas 6 à 10.
L'amendement SPE910 est retiré.
Les missions que l'État confie à tous ces professionnels au service des citoyens doivent les distinguer des commerçants. Or, nous avons le sentiment que ces alinéas pratiquent un amalgame non vertueux, de nature à dévaloriser ces missions.
La question de l'alinéa 10 a été, je crois, réglée tout à l'heure par un amendement des rapporteurs qui empêchait un trop grand rapprochement entre professions du droit et professions du chiffre. Je suis donc satisfaite sur ce point et retire l'amendement, car les alinéas 6 à 9 ont trait non aux questions de structure du capital, mais aux questions d'exercice, qui soulèvent moins de difficultés.
L'amendement SPE1140 est retiré.
Pour les mêmes raisons que celles invoquées par Mme Linkenheld, j'invite M. Vitel à retirer son amendement, faute de quoi j'émettrais un avis défavorable. Ce que vise l'alinéa 10 est devenu sans objet puisque nous avons adopté un amendement qui semble répondre à sa préoccupation.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure thématique, la Commission rejette l'amendement SPE1099.
La Commission en vient à des amendements identiques SPE190 de M. Philippe Houillon, SPE382 de M. Patrick Hetzel et SPE798 de Mme Michèle Bonneton, tendant à supprimer les alinéas 6 à 9.
Les alinéas 6 à 9 proposent de faciliter la création de sociétés rassemblant notamment des avocats et des experts-comptables, et ce par voie d'ordonnance.
Ces alinéas font naître un grave risque de conflit d'intérêts du type « Enron ». L'expert-comptable et l'avocat, s'ils font partie d'un même cabinet, pourraient en effet présenter à leur client commun une position commune.
Suivant l'avis défavorable de la rapporteure thématique, la Commission rejette les amendements SPE190, SPE382 et SPE798.
Puis, suivant l'avis également défavorable de la rapporteure thématique, elle rejette successivement les amendements identiques SPE292 de M. Philippe Houillon et SPE383 de M. Patrick Hetzel, les amendements identiques SPE294 de M. Philippe Houillon et SPE384 de M. Patrick Hetzel, l'amendement SPE1126 de M. Sébastien Huyghe et l'amendement SPE911 de M. Michel Zumkeller.
Elle examine ensuite l'amendement SPE1768 des rapporteurs.
Nous rejoignons, avec cet amendement, la préoccupation évoquée par Michèle Bonneton et Jean-Louis Roumegas. Il vise à ce que l'intégralité du capital et des droits de vote des structures d'exercice communes entre les professions juridiques ou judiciaires et la profession d'expert-comptable soit détenue par des membres de ces professions.
Dans son rapport sur les professions réglementées, le rapporteur général s'est prononcé en faveur de la création de ce type de structures, qui répond à une demande forte de full services de la part des entreprises. Elle ne ferait que donner un cadre à ce qui se pratique dans les faits, car les experts-comptables ont développé des habitudes de travail en commun, avec les notaires et les avocats par exemple.
Cependant, nous émettons de grandes réserves sur l'association au capital de ces structures de tiers n'exerçant pas ces professions.
Lors de leur audition par la mission d'information de la commission des Lois sur les professions réglementées, tant les représentants du syndicat des avocats conseils d'entreprises que ceux de la Confédération nationale des avocats ou du Syndicat des avocats de France (SAF) ont fait part de leur opposition à l'introduction en France d'alternative business structures qui associeraient, sur le modèle anglo-saxon, des banques, des compagnies d'assurances et d'importantes sociétés d'expertise comptable au sein de sociétés – d'avocats notamment – dont le capital ne serait pas forcément détenu en majorité par des professionnels du droit.
Nous vous proposons donc de réécrire l'alinéa 7 de l'article 21 de façon à interdire que des tiers n'exerçant ni une profession juridique ou judiciaire ni la profession d'expert-comptable prennent des participations au capital des structures interprofessionnelles dont la création est envisagée.
Le a) de l'alinéa 7 serait ainsi rédigé : « Dans lesquelles la totalité du capital et des droits de vote est détenue par des personnes qui exercent ces professions » – et non plus « Dans lesquelles plus de la moitié du capital et des droits de vote est détenue par des personnes qui exercent ces professions ».
Je suis tout à fait favorable à cet amendement, auquel nous avons travaillé ensemble. En créant cette interprofessionnalité d'exercice, nous allons permettre aux professionnels qui le veulent de s'organiser ensemble. Par cet amendement, nous répondons à l'inquiétude exprimée ce matin par plusieurs d'entre vous, notamment par M. Zumkeller.
La condition expresse qui est posée est que les professionnels qui s'associent de la sorte détiennent 100 % du capital de la structure. Cette mesure apporte toutes les garanties par rapport à ce que nous voulions faire, mais aussi par rapport à certaines situations du droit actuel.
Je me félicite de cette proposition qui justifie le retrait d'un certain nombre d'amendements qui visaient à supprimer les alinéas 6 à 10. Toutefois, pour la clarté de nos débats, les rapporteurs gagneraient à présenter les solutions alternatives qu'ils proposent dès le moment où ils émettent leur avis sur des amendements de suppression, car nous n'en avons pas toujours connaissance en temps utile.
Je m'interroge sur la rédaction et sur l'esprit de l'amendement. Les « personnes » dont il est question sans autre précision peuvent-elles être, le cas échéant, des personnes morales ? Et, si tel est le cas, ne faudrait-il pas ajouter les mots « de manière directe ou indirecte », en ce qui concerne la détention du capital et des droits de vote ?
Si j'ai bien compris la dernière phrase de l'exposé sommaire, l'amendement s'inscrit dans le cadre de la création de structures interprofessionnelles mélangeant les professions du chiffre et les professions du droit, ce qui me pose problème à titre personnel.
L'objet de la disposition, tel qu'il a été rappelé par le ministre, est de créer des structures d'exercice associant ces professions. Il me semble que ne sont pas seulement visées les personnes physiques, mais également, les personnes morales dès lors que leur capital n'a pas de détenteur extérieur. Peut-être faudrait-il préciser davantage le texte ?
Vous comprendrez que, pour ma part, cet amendement ne me pose pas de problème, puisque je l'ai déposé… (Sourires.) Il ne fait que proposer des solutions, notamment à la question de la propriété du capital. C'est pourquoi je vous engage à l'adopter.
Nous avons eu de longs débats sur le maillage territorial. C'est une façon de mutualiser des professions tout en apportant des garanties quant à la possession du capital. Je ne suis pas spécialiste de la question, mais il est évident que cela fonctionne parfaitement pour les personnes physiques ; reste à s'assurer que, pour les personnes morales, le risque qu'il y ait un « cheval de Troie » soit écarté. En tout cas, l'objectif est clair : il n'y a pas de mélange capitalistique possible.
Je pensais que nous aurions plutôt ce débat à l'article 22 mais, puisque les rapporteurs semblent favorables à ce mécanisme d'interprofessionnalisation, peuvent-ils justifier cette volonté ? Quels moyens sont prévus, en particulier, pour que le secret professionnel qui entoure les actes réalisés par un membre de la structure interprofessionnelle soit opposé aux autres membres ?
Il y a eu, dans le passé, un scandale énorme lié directement à l'association des professions du chiffre et des professions juridiques au sein de structures ayant une direction unique. Le problème n'est pas seulement celui du capital, mais aussi celui de la gouvernance.
Nous sommes bien obligés d'aborder la question de l'interprofessionnalité dès maintenant. Je ne suis pas opposée au principe même, mais il faut chaque profession puisse exercer son activité de manière exclusive au sein de la structure, que personne ne puisse réaliser un acte relevant de la compétence exclusive d'un membre d'une autre profession ni un acte qui ne relève pas directement de son activité principale. Si interprofessionnalité il doit y avoir, il est nécessaire de prévoir une étanchéité entre les professions du droit et celles du chiffre.
C'est un peu le même problème dans un cabinet médical qui regroupe plusieurs médecins. Qu'en est-il, en effet, du secret médical entre médecins ?
Ce n'est pas du tout pareil ! Quand un médecin soigne un patient, ce dernier a rarement des intérêts communs avec le patient d'un autre médecin du cabinet !
Je prends l'exemple d'une grande entreprise de distribution qui a pour expert-comptable l'un des membres du cabinet. Une autre marque de grande distribution, sur le même territoire, a pour avocat de référence un membre du même cabinet. L'une des entreprises propose un rachat de l'autre surface commerciale. Le cabinet est à la fois le conseil et l'avocat de la cible et de celui qui rachète. Dans ce cas, l'avocat est obligé de se rétracter, contrairement à l'expert-comptable qui, lui, n'aura pas cette obligation, sauf si nous l'inscrivons dans le texte.
Cet amendement est de nature à conforter l'ensemble des professionnels.
Était prévue dans le texte initial la possibilité de créer des sociétés regroupant l'ensemble des professionnels du chiffre et du droit pouvant détenir la moitié du capital social et des droits de vote. Avec cet amendement, nous donnons du confort et de la sécurité à l'ensemble des professionnels pour éviter que des entités ou des groupes autres, qui n'ont aucun lien avec les professions du chiffre et du droit, puissent intervenir.
J'en viens au cas évoqué par Karine Berger. Dans un cabinet d'expertise comptable, on peut très bien avoir le cas d'un client qui prévoit de racheter un autre client. Ces situations se produisent aujourd'hui sans pour autant qu'il y ait interprofessionnalité, et elles se règlent au cas par cas, avec pragmatisme et discernement. Je ne pense pas que cela crée des difficultés.
L'amendement est une vraie réponse aux situations concrètes. Il faut favoriser les partenariats, car ces professionnels ont intérêt à travailler ensemble. C'est d'ailleurs une demande forte de leur part. Nous serons encore plus forts au niveau national par rapport à ce qui peut se faire aujourd'hui chez nos voisins européens.
Je salue le travail des rapporteurs, car la version initiale du texte nous faisait craindre, dans ce type de structure, l'arrivée de fonds de pension. Avec cette nouvelle rédaction, le risque est totalement écarté. C'est une amélioration par rapport au projet initial du Gouvernement.
L'amendement cadre parfaitement l'objet de l'habilitation. Les alinéas suivants, qui font explicitement référence à la préservation des principes déontologiques de toutes les professions et aux incompatibilités et risques de conflits d'intérêts propres à l'exercice des missions des commissaires aux comptes, me paraissent de nature à répondre à des préoccupations que je partage. Mais, s'agissant d'une habilitation, le Gouvernement a un mandat très clair pour éviter ces problèmes dans la rédaction de l'ordonnance.
Le médecin que je suis est sensible au parallélisme des formes que vous évoquez. Cela étant, le type de société dont nous parlons n'est pas comparable à l'association de plusieurs médecins exerçant différentes spécialités dans un même cabinet. Elle ressemble plutôt aux centres médicaux dans lesquels on rencontre des dentistes, des médecins, des infirmiers ou des podologues. Ce type d'association, dans le monde médical, était encore interdit il y a peu de temps. Son développement a été une évolution très positive.
Il est très intéressant de fédérer les professions dont nous débattons aujourd'hui. Cet amendement, qui verrouille totalement l'apport financier et la gestion de ces sociétés aux intervenants de la nouvelle entreprise, va dans le bon sens. La détention de la moitié du capital aurait laissé la porte ouverte à des financements obscurs, totalement incompatibles avec les valeurs que défendent ces professions.
Cette discussion est intéressante, car nous avions perdu de vue qu'il s'agissait d'une habilitation. Il nous fallait donc rappeler le cadre dans lequel nous souhaitions que cette société d'exercice s'installe, avec un capital fermé, en préservant les principes déontologiques et en prenant en considération les incompatibilités et les risques de conflits d'intérêts propres à l'exercice des missions de l'ensemble de ces professions. Les règles de déport seront précisées strictement dans le cadre de l'ordonnance ; l'absence de lien hiérarchique entre les professions, toutes les règles d'incompatibilité et les principes déontologiques figureront également dans le dispositif.
Monsieur le ministre, cet amendement vise à recadrer le mandat donné au Gouvernement pour l'habiliter à légiférer par ordonnance. Les conclusions des rapporteurs vous conviennent-elles ?
Il y a, dans le texte, une incohérence qui n'a pas été évoquée dans le débat.
Le doute portait essentiellement sur l'association au capital, mais nous avons traité ce problème en excluant complètement les professions du chiffre. Nous en débattrons à l'article 22.
La référence à l'affaire « Enron », c'est-à-dire à ce que l'on veut absolument éviter, serait un argument si l'on intégrait les commissaires aux comptes dans le dispositif. Le même argument vaut pour le cas évoqué par Mme Berger. Voilà, selon moi, où se trouve l'erreur de plume. Il ne faut pas faire figurer à l'alinéa 9 les commissaires aux comptes, qui ne sont pas visés par cette réforme, mais seulement les experts-comptables. Je proposerai un amendement en ce sens pour lever toute ambiguïté.
La gestion des problèmes déontologiques ou des conflits d'intérêts potentiels est couverte par les alinéas 8 et 9. Tous les professionnels concernés, sans même entrer dans les interprofessions, ont à gérer ces problèmes, y compris les experts-comptables entre eux.
Il est nécessaire de corriger l'erreur de plume concernant les commissaires aux comptes. Avec, d'une part, la clarification apportée par les rapporteurs sur la nature capitalistique des professionnels, notamment du chiffre, qui peuvent être liés à cette interprofession, d'autre part, les alinéas 8 et 9, compte tenu de la rectification que je viens d'évoquer, le dispositif est sécurisé.
Nous n'avons jamais parlé des commissaires aux comptes, mais de la mission des experts-comptables, les deux ayant été séparés suite à l'affaire « Enron ». Nous reviendrons sur l'aspect capitalistique à l'article 22. En accord avec les rapporteurs, nous vous proposerons une clarification en excluant les professions du chiffre.
Nous pourrions profiter de cette erreur de plume, qui appelle une modification, pour introduire la notion de gouvernance de la structure.
Sauf erreur de ma part, un expert-comptable peut avoir une mission de commissaire aux comptes. Dès lors qu'on parle de tous les experts-comptables, exclure ceux qui sont missionnés en tant que commissaires aux comptes va dans le bon sens, mais je n'ai pas vu que ce soit inscrit dans l'article.
La profession de commissaire aux comptes et celle d'expert-comptable sont deux professions indépendantes.
Beaucoup d'experts-comptables sont commissaires aux comptes, mais ils sont de moins en moins nombreux à exercer cette profession. Dans les cabinets, les deux activités sont traitées par des cellules différentes, disposant chacune de leur propre comptabilité. Les obligations qui pèsent sur elles sont également différentes. Il y aurait sans doute un parallèle à tracer avec un médecin qui exercerait dans deux spécialités.
Le mandat de commissaire aux comptes sera donc exclu du cadre de ces sociétés ? Un expert-comptable qui est commissaire aux comptes ne pourra gérer ce mandat au sein d'un cabinet ?
Tout à fait. À La Défense, vous verrez ainsi quantité d'entités exerçant au même endroit des activités différentes.
Mais ne serait-il pas possible de rendre cette exclusion explicite en précisant que les structures juridiques de commissariat aux comptes ne peuvent faire partie de la raison sociale et des missions des sociétés ainsi créées ? Avec la rédaction actuelle, certains experts-comptables qui sont commissaires aux comptes peuvent être tentés de monter un cabinet avec des avocats.
L'alinéa 6 du présent article évoque des « sociétés ayant pour objet l'exercice en commun de plusieurs des professions judiciaires, juridiques et de la profession d'expert-comptable », ce qui limite leur champ en excluant la profession de commissaire aux comptes. Le libellé de l'article est explicite, mais je m'engage à ce que l'ordonnance le soit aussi.
L'expert-comptable d'une entreprise ne peut exercer comme commissaire aux comptes dans cette même entreprise. Cela prévient dès l'origine les conflits d'intérêts.
Il n'en reste pas moins que les experts-comptables exerçant la profession de commissaire aux comptes sont inscrits à deux ordres différents. Il y a donc un réel dédoublement, s'ils n'amènent qu'une partie de leurs activités dans la structure des sociétés.
Je vous proposerai de remplacer, à l'alinéa 9, qui précise « en prenant en considération les incompatibilités et risques de conflits d'intérêts propres à l'exercice des missions des commissaires aux comptes », ce dernier groupe de mots par « à l'exercice de leurs missions », supprimant ainsi la mention de commissaires aux comptes.
La Commission adopte l'amendement SPE1768.
Elle en vient à l'examen de l'amendement SPE385 de M. Patrick Hetzel.
Le Conseil constitutionnel a jugé que les procédures collectives doivent se dérouler dans des conditions de particulière impartialité et indépendance, aussi bien du point de vue de la juridiction compétente que de ses mandataires, lesquels reçoivent une véritable délégation de service public. Dans ces conditions, l'indépendance et la neutralité de l'administrateur et du mandataire judiciaires doivent être préservées en entourant de garanties l'exercice de ces professions au sein de structures d'exercice en commun.
Je propose donc que soient insérés, à l'alinéa 8 de l'article 21, les mots suivants : « en prenant en considération les incompatibilités et risques de conflits d'intérêts propres à l'exercice des missions d'administrateur judiciaire et mandataire judiciaire et en garantissant l'indépendance de ces professionnels ». Cela permettrait de lever toute ambiguïté dans la loi, au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Je comprends votre préoccupation, mais le projet de loi est rédigé de telle sorte que l'ensemble des potentiels conflits d'intérêts soient couverts. Si cet amendement était adopté, cela signifierait que nous n'avons pas le même degré d'ambition pour les autres professions.
L'amendement SPE385 est retiré.
La Commission examine l'amendement SPE800 de Mme Michèle Bonneton.
La profession de commissaires aux comptes n'est pas la seule profession à être exposée au risque de conflit d'intérêts et à être soumise à des incompatibilités. Dès lors, l'ordonnance prévue doit prendre en compte les risques de conflits d'intérêts et les incompatibilités de toutes les professions juridiques et judiciaires concernées. L'adoption du présent amendement substituerait ainsi, à l'alinéa 9, aux mots : « l'exercice des missions des commissaires aux comptes », les mots : « chaque profession ».
Avis favorable. Cet amendement épargne en outre au Gouvernement la peine de déposer lui-même l'amendement que j'annonçais tout à l'heure à l'occasion de la discussion de l'amendement SPE1768.
L'amendement SPE800 est adopté.
La Commission en vient à l'examen de l'amendement SPE193 de M. Philippe Houillon.
Le présent amendement vise à supprimer l'alinéa 10. Le Gouvernement prévoit une ordonnance afin de permettre aux professionnels du droit de choisir la forme juridique sous laquelle ils souhaitent exercer. Mais ses intentions méritent d'être précisées. Une telle réforme risque en outre d'être source de confusion pour les clients et les usagers de la justice.
L'amendement SPE193 est retiré.
Les amendements identiques SPE194 de M. Philippe Houillon et SPE697 de Mme Colette Capdevielle sont retirés.
La Commission en vient à l'examen de l'amendement SPE801 de Mme Michèle Bonneton.
À l'alinéa 10, nous proposons d'ajouter après le mot : « déontologiques », les mots : « et prenant en compte les risques de conflits d'intérêts ».
J'y suis favorable.
Suivant l'avis favorable de la rapporteure thématique, l'amendement SPE801 est adopté.
La Commission adopte l'article 21 modifié.
Chapitre IV
Dispositions relatives au capital des sociétés
Avant l'article 22
La Commission adopte l'amendement rédactionnel SPE1782 des rapporteurs.
Article 22 : Habilitation à simplifier les conditions de création et de constitution des sociétés d'exercice libéral et des sociétés de participations financières de professions libérales
La Commission examine, en discussion commune, les amendements identiques SPE238 de M. Jean-Frédéric Poisson, SPE912 de M. Michel Zumkeller, SPE1097 de M. Sébastien Huyghe et SPE1139 de Mme Audrey Linkenheld, tendant à supprimer l'article, et l'amendement SPE1783 des rapporteurs.
Nous demandons la suppression de cet article, qui habilite le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance des mesures relevant du domaine de la loi pour simplifier les règles relatives à la société d'exercice libéral et à la société de participations financières de professions libérales, en excluant toutefois les professions de santé. Pareille habilitation conduit à dessaisir le parlement de la question, en fermant la possibilité d'un débat de fond.
Lors de votre audition par la commission spéciale au mois de décembre, vous vous étiez engagé, monsieur le ministre, à présenter à ses membres le contenu des ordonnances envisagées. Dans un souci de plus grande lisibilité, ne vaudrait-il pas mieux en insérer directement le texte dans la loi ? Par ailleurs, l'article 22 contient, à l'alinéa 5, une référence aux commissaires aux comptes. Cette mention des incompatibilités propres à l'exercice de la profession de commissaire aux comptes ne me paraît pas plus opportune que celle qui figurait à l'article 21 que nous avons modifié pour cette raison.
J'ai déposé moi aussi un amendement de suppression, car les dispositions prévues concernant le capital des sociétés d'exercice libéral me faisaient redouter une « anglo-saxonnisation » de notre droit, quoique les rapporteurs ne considèrent pas que cette crainte soit fondée. Voici qu'ils ont proposé un amendement de réécriture globale de l'article. Par avance, je leur apporte ma confiance.
L'amendement SPE1139 est retiré.
Nous présentons un amendement qui vise, en lieu et place de l'habilitation, à fixer dans la loi elle-même les mesures de simplification des règles relatives à la création et à la constitution de sociétés d'exercice libéral (SEL) et de sociétés de participations financières de professions libérales (SPFPL), tout en garantissant le respect des règles de déontologie propres à chaque profession, notamment pour prévenir les risques de conflit d'intérêts.
L'objet social des sociétés de participation financières de professions libérales est en outre élargi afin qu'elles puissent plus largement développer leurs activités à destination des sociétés ou groupements dont elles détiennent des participations, telles que la mise à disposition de biens mobiliers ou immobiliers. Il faut noter que les sociétés d'exercice libéral et les sociétés de participations financières de professions libérales seront soumises à l'obligation de fournir annuellement un état de la composition du capital à l'ordre ou aux ordres professionnels dont elles relèvent.
Par ailleurs, dans un souci d'une meilleure accessibilité du droit, cette simplification s'accompagne d'une réorganisation des dispositions de la loi du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales (SPFPL), afin d'améliorer la lisibilité des règles applicables aux professionnels. Les dispositions ayant le même objet seront réunies au sein de mêmes articles faisant apparaître distinctement les différents principes et exceptions.
Le Gouvernement s'est fixé pour objectif de réformer les sociétés d'exercice libéral (SEL) et les SPFPL en vue non seulement de créer une interprofession d'exercice, mais aussi de faciliter une intégration capitalistique. Il a eu pour souci constant tant d'éviter une habilitation à prendre des ordonnances qu'à lever les ambiguïtés que pouvait porter le texte d'avoir une organisation capitalistique et la totalité des droits de vote dans cette organisation, sans qu'il y ait de tiers ni d'autres professions, comme les experts-comptables.
La possibilité serait ainsi offerte à ces sociétés de s'organiser de manière plus sécurisée sur le territoire, comme leurs concurrents étrangers, tout en préservant les règles françaises en matière de SEL. Une société allemande peut aujourd'hui exercer le métier d'avocat en France malgré une structure capitalistique qui n'est pas conforme au modèle français des SEL, sans qu'on puisse s'y opposer. Désormais, 100 % du capital de ces sociétés étrangères devrait être détenu par des titulaires de professions juridiques ou judiciaires. Avis favorable à l'amendement des rapporteurs.
La situation est plus ouverte en Allemagne, où le capital de ces sociétés peut être détenu par d'autres que par des professions juridiques ou judiciaires. Dans un contentieux engagé sur la base du droit européen, il n'avait pourtant pas été possible de s'opposer à l'implantation de leurs filiales, bien que leur structure de tête soit plus ouverte que nos SEL. À l'avenir, notre modèle pourra au contraire être exporté.
La Commission rejette les amendements identiques SPE238, SPE 912 et SPE1097.
Puis elle adopte l'amendement SPE1783 et l'article 22 est ainsi rédigé.
En conséquence, les amendements SPE719 de Mme Colette Capdevielle et les amendements SPE233, SPE234, SPE235, SPE236 et SPE237 de M. Jean-Frédéric Poisson tombent.
Article 22 bis (nouveau) : Simplification des conditions de création et de constitution des sociétés d'architecte
La Commission examine l'amendement SPE1661 du Gouvernement.
Cet amendement vise à faciliter la création de sociétés d'architecture, en permettant notamment à toute personne morale dont plus de la moitié du capital et des droits de vote est détenu par des personnes qualifiées exerçant la profession d'architecte, de créer des sociétés d'architecture. Cette mesure a recueilli l'accord de l'Ordre des architectes.
C'est un élargissement que ne permet pas aujourd'hui la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture. Il permettra l'apport de capitaux extérieurs, favorisant la croissance tant interne qu'externe des entreprises d'architecture. Il autorisera la constitution de filiales et de succursales sur le territoire national, tout en maintenant l'indépendance des professionnels qui conserveront la majorité du capital et droits de vote des entreprises.
Qui seraient les détenteurs de capitaux extérieurs ? Est-on sûr que les architectes resteraient actionnaires majoritaires ?
Le capital de ces sociétés serait ouvert à des architectes ressortissants d'autres États membres de l'Union européenne, s'ils ont les qualifications requises, ce que ne permet pas la loi du 3 janvier 1977. Les capitaux apportés par des non-architectes ne pourraient en tout état de cause dépasser la moitié du capital de ces sociétés, où les architectes conserveront donc la majorité.
La Commission adopte l'amendement SPE1661.
Chapitre V
Urbanisme
Article 23 (article L. 101-1 du code de la construction et de l'habitation) : Données sur la mobilité dans le parc social
La Commission examine les amendements rédactionnels SPE1542 et SPE1544 des rapporteurs.
Le Gouvernement est favorable à ces amendements.
Il me paraît juste en effet de considérer les freins à la mobilité résidentielle du point de vue des personnes, à savoir des locataires, plutôt que du point de vue des logements. Il ne s'agit pas d'amendements seulement rédactionnels.
La Commission adopte successivement les amendements SPE1542 et SPE1544.
Puis elle adopte l'article 23 ainsi modifié.
Article 23 bis (nouveau) : Délégation des aides en faveur du logement intermédiaire et de la location-accession
La Commission examine l'amendement SPE1557 du Gouvernement.
Le présent amendement vise à permettre de déléguer les aides en faveur du logement intermédiaire, tel l'agrément pour le logement locatif institutionnel, et le conventionnement « Borloo ancien » avec ou sans travaux aux collectivités locales qui sont déjà délégataires des aides à la pierre.
Avis favorable. Il s'agit de transposer ce qui se fait en matière d'aides à la pierre dans le domaine du logement social. Les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) pourraient ainsi délivrer des agréments et définir, dans leur programme local de l'habitat, une stratégie qui couvre aussi le logement intermédiaire.
La Commission adopte l'amendement SPE1557.
Article 23 ter (nouveau) : Harmonisation du zonage relatif au logement intermédiaire
La Commission en vient à l'examen de l'amendement SPE1511 des rapporteurs.
Cet amendement est dû au fait que l'article 73 de la loi de finances pour 2014 a introduit, au profit des investisseurs institutionnels, un régime fiscal applicable dans des zones plus larges que celles qui sont définies par l'ordonnance du 20 février 2014 ayant pour objet de favoriser le développement du logement intermédiaire.
L'ordonnance a défini ce qu'est le logement intermédiaire et ouvert aux communes et EPCI la faculté d'en prévoir le développement dans leur programme local d'habitat, dans les zones à forte tension sur l'habitat. La loi de finances pour 2014 prévoit quant à elle, pour ces mêmes logements, une TVA bonifiée au taux de 10 % et une exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties durant vingt ans. La différence de zonage empêche cependant les EPCI et les filiales des organismes HLM de profiter de l'exonération fiscale introduite en loi de finances. Il s'agit de mettre fin à cette contradiction.
Les entreprises sociales pour l'habitat, dont nous avons rencontré les représentants, sont favorables au contenu du présent amendement.
La Commission adopte l'amendement SPE1511.
Article 23 quater (nouveau) : Objet social des filiales des organismes HLM dédiées au logement intermédiaire
Elle est ensuite saisie de l'amendement SPE1510 des rapporteurs, faisant l'objet des sous-amendements SPE1921 et SPE1919 de Mme Michèle Bonneton.
L'ordonnance du 20 février 2014 permet aux filiales d'organismes HLM de construire et de gérer des logements intermédiaires, mais non d'en acquérir. Pour que cela soit désormais possible, le présent amendement modifie l'objet social des filiales des trois formes d'organismes HLM : offices publics de l'habitat, sociétés anonymes d'HLM (ESH) et coopératives d'HLM.
Je crains que, par cet encouragement donné au logement intermédiaire, le législateur ne défavorise le logement social en dissuadant de remplir leurs obligations en la matière. Je rappelle que pas moins de 70 % des ménages français sont éligibles au logement social. C'est pourquoi mes sous-amendements visent à subordonner cette possibilité d'acquisition au strict respect des ratios de logement social sur le territoire concerné.
Quoique je partage vos préoccupations, j'estime qu'il ne faut pas passer d'un extrême à l'autre, que ce soit en privilégiant exclusivement le logement social ou exclusivement le logement intermédiaire. Ce dernier bénéficie désormais d'une TVA bonifiée au taux de 10 % et d'une exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties pendant vingt ans. Mais les programmes de logement intermédiaire sont, par définition, des programmes mixtes, car ils incluent obligatoirement 25 % de logements sociaux. Aussi vos sous-amendements ne me semblent-ils pas s'imposer.
Je suis favorable à l'amendement, mais défavorable aux sous-amendements.
Au cours du débat sur la ratification des ordonnances, nous avons abordé le problème de la création de logements intermédiaires, en veillant à ce qu'ils se réalisent en supplément, et non en substitution, du logement social. Il est très important de préserver l'étanchéité entre ces deux filières. Les logements qu'il est question d'acquérir ne sont pas des logements sociaux, mais des logements « lambda » qui deviendraient ainsi des logements intermédiaires. Il ne s'agit donc pas de transformer des logements sociaux en logements intermédiaires.
Il ne faut pas décourager le logement intermédiaire, qui contribue à l'accomplissement de parcours résidentiels. Des occupants de logements construits grâce à des prêts locatifs sociaux (PLS) peuvent déménager dans des logements intermédiaires, permettant de libérer du logement social. Je ne suis pas favorable à ce qui pourrait entacher le logement intermédiaire d'un signe négatif.
Ce sous-amendement doit en fait être lu comme un sous-amendement d'alerte. Sa rédaction pèche par une certaine sécheresse, car beaucoup de communes n'atteignent pas le ratio légal de logements sociaux ; l'acquisition de nouveaux logements pour en faire des logements intermédiaires y serait tout simplement bloquée. Dans ces communes, des plans de rattrapage sont prévus pour combler le retard accumulé. L'engagement des organismes HLM dans une politique d'acquisition de logements intermédiaires pourrait être conditionné au respect de ces plans de rattrapage.
Ce qu'il faut avant tout, c'est faire plus de logement social, et non se contenter des 25 % qui lui sont réservés dans les programmes mixtes. En vue de la séance publique, les sous-amendements pourraient être reformulés pour définir une conditionnalité nouvelle, à savoir non plus le respect des ratios de logements sociaux, mais le respect des calendriers de rattrapage.
Je partage ces préoccupations. La loi du 18 janvier 2013 a relevé le seuil minimal de logements sociaux défini par la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU). Les ordonnances « Duflot » ont également prévu des dispositifs de garantie. Le préfet déclarerait en état de carence une commune qui ne s'engagerait que dans le logement intermédiaire.
Je ne suis pas d'accord avec cette analyse. Dans de nombreuses communes, le rattrapage du ratio de logements sociaux s'avère impossible. Qu'en est-il de l'éventuelle volonté du Gouvernement de faire respecter les calendriers de rattrapage ?
La réforme relative à la production de logements sociaux n'était pas contenue dans la loi ALUR, mais dans la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, dite « loi Duflot 1 ». Comme co-rapporteure de l'application de cette loi avec notre collègue Jean-Marie Tetart, j'ai pu en faire le bilan.
Vos préoccupations ont bien été prises en compte. Le logement intermédiaire ne se substitue pas au logement social, mais aux logements du secteur privé. Les communes qui ne respectent pas les ratios de logement social sont frappées d'un prélèvement sur leurs ressources désormais multiplié par cinq. Les programmes locaux de l'habitat (PLH) pourvoient au rattrapage en matière de logement social, voire très social.
J'appelle les membres du groupe écologiste à nous rejoindre. L'application des dispositifs existants répond déjà à leurs préoccupations.
L'arsenal législatif, tant incitatif que coercitif, produit en effet des résultats. Dans la première période triennale, nous assisterons sans aucun doute à un fort rattrapage. Peu de communes subiront les pénalités de coefficient cinq, car la mécanique positive est désormais enclenchée.
Dire que la faculté d'acquisition ne retrancherait rien à l'application des pénalités, c'est ignorer que certaines communes préfèrent payer ces pénalités plutôt que de réaliser des logements sociaux. J'en connais des exemples, non à Montpellier, qui respecte ses obligations, mais dans des communes situées à la périphérie de cette ville. Nous devons dire à ces communes que l'acquisition de logements intermédiaires ne leur sera pas facilitée. Ce serait une pénalité de plus, un signal complémentaire.
Je suis au devoir, quant à moi, de donner un avis négatif sur les sous-amendements. Sur le fond, monsieur Jean-Louis Roumegas, vous avez tous les éléments. Le travail même de cette majorité parlementaire a amélioré le dispositif existant. Le mieux devient parfois l'ennemi du bien. Sur ce sujet, je crains de ne pouvoir faire preuve de plus d'esprit d'ouverture.
Nous voulons pourtant conserver l'étanchéité totale entre logement intermédiaire et logement social, pour éviter que le logement intermédiaire ne desserve le logement social.
Dans votre sous-amendement, vous évoquez le « maintien des ratios de logement social sur le territoire concerné ». Est-ce à dire qu'un ratio établi à 10 % serait suffisant ? Tel qu'il est rédigé, le sous-amendement peut encourager à faire moins bien.
Il s'agit du ratio défini par la loi, non de celui observé dans la commune. Votre interprétation est tirée par les cheveux, même si je conviens que cet amendement d'alerte est peut-être trop radical.
Je me suis moi-même interrogée en lisant cet article du projet de loi, dans la crainte que des aides à la pierre soient accordées au logement intermédiaire, alors que celles qui sont destinées au logement social sont déjà insuffisantes. À ce stade, il m'est cependant apparu qu'il n'y a pas de raison de lancer d'alerte. Le dispositif issu de la loi « Duflot 1 » a permis de sécuriser la production de logement social. Aucun plan soumis au préfet ne peut proposer de construire du logement intermédiaire au détriment du logement social. Ne suscitons pas des inquiétudes inutiles.
Si cette clarification peut vous rassurer, je vous indique que le Gouvernement n'entend pas étendre les aides à la pierre au logement intermédiaire.
C'est principalement la vente en état futur d'achèvement (VEFA) qui sera concernée. La VEFA est un outil de développement qui favorise la construction et la croissance. Nous soutenons toute mesure qui favorise la croissance.
La Commission rejette les sous-amendements SP1921 et SPE1919.
Puis elle adopte l'amendement SPE1510.
Article 23 quinquies (nouveau) : Conseil d'administration des filiales des organismes HLM dédiées au logement intermédiaire
La Commission en vient à l'amendement SPE1545 des rapporteurs.
Cet amendement vise à harmoniser deux régimes de filialisation envisageables pour créer du logement intermédiaire. Alors que les offices HLM peuvent instituer des filiales où siègent des membres de leur conseil d'administration, cette possibilité n'est pas ouverte aux entreprises sociales pour l'habitat (ESH), qui rechignent par conséquent à développer des entités sur lesquelles elles n'ont pas pleinement la main, ce qui pâtit au logement intermédiaire. Sans doute l'interdiction avait-elle été édictée au motif de quelque possible conflit d'intérêts, mais cette justification me semble baroque. Il convient que les mêmes règles prévalent pour les deux types de filialisation, et que les membres des conseils d'administration des ESH puissent également siéger au conseil d'administration de leur filiale.
Il y a dans ces diverses propositions des sous-entendus à expliciter. Le problème actuel du logement en France ne tient pas au manque de logements intermédiaires, mais au manque de logements à un prix accessible à tous, y compris dans le parc social. La paupérisation s'y observe, du fait de loyers trop élevés qui font préférer aux bailleurs des locataires considérés comme plus faciles parce qu'ils ont des revenus plus importants et plus sûrs, tandis que les familles les plus en difficulté peinent à se loger, comme il était déjà apparu au cours de nos débats sur la loi du 5 mars 2007 instaurant le droit au logement opposable (DALO).
À ces problèmes, vous apportez une réponse formelle, madame Audrey Linkenheld. Certes, il est seulement prévu que les bailleurs puissent devenir des gestionnaires de logements intermédiaires, en association avec d'autres détenteurs de capitaux. Mais il suffira de modifier subrepticement la qualification de ces logements en vue de les reclasser en logement social pour que les seuils définis par la loi « SRU » soient soudainement atteints. Des amendements avaient été déposés en ce sens sur d'autres textes.
L'abbé Pierre avait dû se déplacer en personne dans l'hémicycle pour l'empêcher ! Je déplore que les gestionnaires sociaux ne veuillent pas construire davantage en recourant aux prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI), au profit de logements intermédiaires ou de logements PLS. Tout ce qui déverrouille le logement social au profit du logement intermédiaire fragilise de fait le premier.
Il est pourtant essentiel de construire sur des territoires en état de carence, et à des prix raisonnables. Le logement intermédiaire ne présente d'intérêt, à la rigueur, qu'en Île-de-France et dans les agglomérations où le marché du logement est très tendu ; ailleurs, il ne répond pas aux besoins. Les dispositions prévues incitent cependant les ESH à devenir des opérateurs de logement généralistes.
Ne nous engageons pas dans un débat trop long sur le logement. Comme président d'un office HLM, je me réjouis d'accueillir des locataires à faible revenu, mais bénéficiaires de l'aide personnalisée au logement (APL). Ils sont plus sûrs en effet que des locataires jouissant de revenus plus élevés, mais ne percevant pas cette allocation. Je me refuse au demeurant à trier entre les locataires.
Nous avons en outre besoin d'une chaîne de logements où puisse s'accomplir un parcours résidentiel. Loin de tout procès d'intentions à l'encontre des bailleurs, il faut construire, au contraire, un outil qui couvre l'ensemble de cette chaîne.
Je comprends le discours de Cécile Duflot. Je n'ai jamais été une partisane trop fervente du logement intermédiaire, tant pour des raisons de principe que parce que je suis élue à Lille, où l'encadrement des loyers s'avérera bientôt un outil bien plus efficace que le développement de logements intermédiaires. Les ordonnances issues de la loi Duflot ont rendu possible le développement de filiales compétentes en matière de logement intermédiaire. La question peut se poser de savoir si une partie de leurs capacités de production ne sont pas ainsi dirigées vers le logement intermédiaire au détriment du logement social. Mais en ratifiant ces ordonnances, nous avons nous-mêmes clos le débat sur la question.
La Commission adopte l'amendement SPE1545.
Membres présents ou excusés
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi pour la croissance et l'activité
Présents. - M. Julien Aubert, M. Luc Belot, Mme Karine Berger, M. Yves Blein, Mme Michèle Bonneton, Mme Brigitte Bourguignon, M. Jean-Louis Bricout, M. François Brottes, Mme Colette Capdevielle, M. Christophe Caresche, M. Olivier Carré, M. Christophe Castaner, M. Jean-Yves Caullet, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Gérard Cherpion, Mme Corinne Erhel, Mme Sophie Errante, M. Richard Ferrand, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Jean-Patrick Gille, M. Joël Giraud, M. Jean Grellier, M. Sébastien Huyghe, Mme Bernadette Laclais, M. Jean-Luc Laurent, M. Jean-Yves Le Bouillonnec, M. Dominique Lefebvre, M. Arnaud Leroy, Mme Audrey Linkenheld, Mme Véronique Louwagie, M. Gilles Lurton, Mme Sandrine Mazetier, Mme Martine Pinville, Mme Elisabeth Pochon, M. Jean-Frédéric Poisson, M. Denys Robiliard, M. Jean-Louis Roumegas, M. Gilles Savary, M. Christophe Sirugue, M. Jean-Charles Taugourdeau, M. Jean-Marie Tetart, M. Alain Tourret, M. Stéphane Travert, Mme Cécile Untermaier, Mme Clotilde Valter, M. Francis Vercamer, M. Philippe Vigier, M. Philippe Vitel
Excusé. - M. Marc Dolez
Assistait également à la réunion. - Mme Cécile Duflot