Je voudrais tout d'abord préciser l'architecture de l'article 21.
L'alinéa 2 dépendra du sort réservé aux présents amendements de suppression. Les alinéas 3, 4 et 5 seront supprimés si jamais le nouvel amendement du Gouvernement portant article additionnel après l'article 20 est adopté. Nous vous demanderons de maintenir les alinéas 6,7, 8 et 9. Quant aux mesures proposées à l'alinéa 10, elles ont déjà été adoptées.
Qu'est-ce qui a conduit le Gouvernement à vouloir créer le statut d'avocat en entreprise ? C'est le constat de la situation actuelle et les échanges que nous avons eus avec le monde économique. Dans beaucoup d'entreprises internationales amenées à intervenir à l'étranger, beaucoup d'informations confidentielles ne peuvent être traitées par les directeurs juridiques quand ils n'ont pas le statut d'avocat. Ce que l'on appelle en droit anglo-saxon le legal privilege et, en droit français, le privilège de confidentialité, ne peut aujourd'hui être détenu en France par un directeur juridique classique. Aussi plus d'une dizaine de sociétés du CAC40 ont-elles fait le choix de prendre pour directeur juridique des avocats étrangers afin de pouvoir opérer dans les meilleures conditions et préserver le privilège de confidentialité.
Grâce à ce nouveau statut, les entreprises françaises de dimension internationale pourraient recruter des avocats ayant les mêmes privilèges, les mêmes protections que les avocats étrangers et la transmission des informations serait fluidifiée. Il me paraît paradoxal qu'aujourd'hui, plusieurs grandes sociétés – je ne veux pas ici citer de nom – doivent avoir recours à un avocat britannique ou allemand pour manier des informations confidentielles.
Nous avions prévu d'établir des barrières dans cette nouvelle profession : l'avocat en entreprise aurait été inscrit à l'ordre, et donc soumis aux mêmes règles déontologiques que ses confrères ; il n'aurait en revanche pas eu le droit de plaider et pas eu le droit non plus d'avoir une clientèle – il ne se serait pas trouvé placé dans les situations de conflits évoquées.
Je reste, pour ma part, intimement persuadé que la proposition du Gouvernement est une bonne idée parce qu'elle permet de résoudre un problème. Je comprends en même temps qu'elle suscite une crainte au sein de la profession, qu'elle crée un inconfort chez les commissaires, et qu'elle donne le sentiment d'attenter à « l'ADN » de la profession, pour reprendre la formule du rapporteur général.
Ma conviction profonde est que la profession gagnerait, si cette création devait ne pas intervenir à travers ce texte, à se saisir d'elle-même de la question. Sinon, l'évolution entamée se poursuivra et demain, l'intégralité des directeurs juridiques de nos grandes sociétés sera étrangère, point préoccupant compte tenu du mouvement rampant de démantèlement des comités exécutifs des grands groupes.
Ce statut était à la fois protecteur et valorisant pour la profession d'avocat. Peut-être aurait-il fallu sophistiquer ce régime en laissant au Conseil national des barreaux (CNB) le soin de déterminer les conditions d'accès, afin d'éviter que ce statut ne se multiplie dans trop d'entreprises. J'ai bien présente à l'esprit la crainte de certains que telle banque ou tel assureur, en faisant appel à un avocat d'entreprise, aurait eu tendance à avoir moins recours aux professionnels libéraux.
Je pense fondamentalement que c'était une belle idée. Elle trouvera à se concrétiser, soit parce que nous aboutirons à une solution dans le cours de la discussion, soit, comme je l'espère, parce que la profession s'organisera d'elle-même pour que l'avocat en entreprise se structure à travers des règles progressivement édifiées par la conférence des bâtonniers.
Je crois profondément à l'intérêt de cette réforme, qui va dans le sens de l'histoire. Toutefois, après avoir longuement discuté avec les rapporteurs, je m'en remettrai à la sagesse de la Commission.