Je veux d'abord vous remercier, monsieur le ministre, pour votre franchise : vous avez en effet reconnu que la demande était essentiellement parisienne et émanait notamment des entreprises du CAC40.
Je veux également féliciter Richard Ferrand et Cécile Untermaier pour leur travail, complémentaire l'un de l'autre, et je voterai leur amendement.
Si, en l'état, nous faisions droit, monsieur le ministre, à la création d'un statut d'avocat en entreprise qui permettrait à des juristes d'entreprise, au bout de cinq ans seulement d'activité professionnelle, d'accéder au statut d'avocat sans passer le diplôme, il y aurait une véritable rupture d'égalité dans l'accès à cette profession. En outre, il s'agirait d'un avocat « au rabais », puisqu'il ne plaiderait pas et n'aurait pas de clients propres. Il aurait certes le titre d'avocat, on l'appellerait « maître », mais ce qu'il ferait n'aurait rien à voir avec le coeur de métier d'un avocat.
Le métier d'avocat repose sur trois piliers : une indépendance totale par rapport à ses confrères, aux magistrats et à ses clients ; le secret professionnel, qui est d'ordre public ; l'absence de conflit d'intérêts. Or, le lien de subordination lié au contrat de travail porte atteinte à l'indépendance, quels que soient le niveau de rémunération et la qualification. Quant au secret professionnel, comment s'en délivrer sans être en rupture avec la loi ? Enfin, s'agissant du conflit d'intérêts, que fera un directeur juridique s'il doit répondre à des questions de ses collègues qui le mettent en délicatesse avec son employeur ? Cela créera une véritable situation de conflit d'intérêts au sein même de l'entreprise.
Enfin, notre collègue Tourret l'a rappelé, il faudrait modifier le serment que prête l'avocat puisqu'il n'est pas compatible avec la profession d'avocat en entreprise.
L'alinéa 2 vise censément à permettre des négociations couvertes par le secret professionnel. Soyons sérieux ! D'abord, cela n'arrive pas tous les jours. Ensuite, c'est déjà possible aujourd'hui. Nous sommes en 2014 et toutes les grandes entreprises, a fortiori celles du CAC40, ont des conseils spécialisés qui échangent des correspondances. Ce n'est pas au Conseil national des barreaux (CNB) qu'il appartient de réfléchir au moyen de rendre ces échanges confidentiels : c'est à la profession de juriste d'entreprise elle-même. Car c'est uniquement de cela qu'il s'agit : « aspirer » de la profession d'avocat cet avantage considérable qu'est le secret des échanges, des négociations et des correspondances, pour pouvoir mener des transactions. De là à provoquer un grand chambardement dans une profession…