Je voudrais féliciter le ministre pour la souplesse dont il fait preuve. Il aurait manifestement souhaité que son projet de créer un avocat d'entreprise soit approuvé. Bien qu'il ne partage pas les objections avancées par les rapporteurs, il accepte de s'en remettre à notre sagesse, sachant que nous avons tendance, dans ce cas, à les suivre… Je veux également le féliciter pour sa loyauté, car il a exposé de façon très franche ses motivations.
La profession d'avocat, sur ce sujet, parle à plusieurs voix. Chacun sait qu'au barreau de Paris on est plutôt favorable à la création d'un avocat en entreprise. En revanche, le Conseil national des barreaux et la Conférence des bâtonniers y sont très défavorables et qu'elles y voient un engrenage dangereux, pour des raisons qui ne sont pas seulement économiques.
Il y va surtout de l'indépendance de l'avocat, qui est exclusive du lien de subordination. Un avocat peut certes être le salarié d'un autre et avoir un lien de subordination à son égard, mais c'est un lien de subordination atténué, du fait de l'existence d'une clause de conscience et de l'interdiction de toute clause de non-concurrence.
Il y va surtout, de mon point de vue, du secret professionnel de l'avocat, qui est très particulier en ce que, comme celui des médecins ou des ministres du culte, il est opposable, non seulement à l'administration, mais encore à la justice. Il n'a d'ailleurs pas été conçu dans l'intérêt de l'avocat lui-même, mais dans celui de son client, dont il permet la défense.
Le danger est celui d'une extension du secret professionnel à des causes pour lesquelles il n'a pas été conçu. Au nom de quoi, en effet, pourrait-il être opposé à des juges par un avocat salarié d'une entreprise, alors même qu'il ne servirait pas les intérêts de la défense, mais ceux de l'entreprise ? Que l'entreprise ait droit au secret des affaires, oui. Que ce secret soit opposable aux juges, non. C'est là qu'est la difficulté. La discussion reste ouverte sur la nature du secret des affaires, mais je ne suis pas sûr que nous puissions la trancher aujourd'hui.